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Longues baguettes, oreillers et drôle de soirée (Ilhami)
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Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Tw :  Vulgarité, violence, blessures.

« Vous avez raison, elle est là. » La pointe du crayon qui grattait la feuille ne s’arrête pas. Je fronce à peine les sourcils, même si je suis blasée. Le elle, c’est probablement moi. Je suis la seule à squatter cette section de la cour extérieure de l’auberge, presque chaque vendredi soir. J’aime ce coin. Il est protégé de la neige par des sorts, qui le conserve à une température agréable.  Et puis, le point le plus important : on entend tout ce qui se passe à l’intérieur. La musique, les voix, les rires et les éclats de colère me parviennent aisément à travers la brique, contre laquelle est posée la table. C’est pour cette raison que je viens y travailler, quand je suis libre de le faire. J’ai besoin d’entendre cette animation pour réfléchir, j’ai besoin de ces sons, de cette vie, de ces claquements de verres les uns contre les autres, de ce brouhaha constant qui loin de m’assourdir, m’aide à me concentrer. C’est l’ambiance dans laquelle j’ai été habituée à travailler et à étudier des plans, la seule ambiance qui me convienne.

J’achève de tracer le dernier schéma d’une technique que je veux enseigner aux recrues, lundi. Sans surprise, lorsque je relève la tête, je ne suis plus seule. J’identifie aisément le premier type, celui qui m’aborde d’une façon charmante, avec un salope bien senti. À ce stade de la conversation, j’ai déjà une forte envie de lui écraser le crâne contre le mur du bâtiment, juste pour lui apprendre la politesse de base, qui a vraisemblablement manqué à son éducation. Je me retiens. Le geste serait satisfaisant, mais stupide. Ils sont quatre et si le nombre n’est pas énorme, il est assez considérable, dans un tel contexte, pour que je prenne le temps de réfléchir à la meilleure approche. « T’aurais pu répondre à ma lettre. » « Je ne te devais aucune réponse. » « Tu nous dois tous des foutues réponses. Mais on sait bien pourquoi tu les donnes pas… » Je plisse les yeux, en dévisageant l’homme qui a pris la parole à son tour. Je ne le reconnais qu’après quelques secondes : c’est le deuxième frère du premier. Si j’y vais par déduction, les deux autres sont donc soit des potes, soit aussi des frangins de Tomsen, un ancien spøkelse décédé. L’aîné est un type vachement insistant, qui considère qu’en tant que survivante, j’ai à prouver que j’ai pas survécu sur le dos des autres de mon escadron. Il est pas le seul à avoir cette pensée.

L’homme me contourne, se penchant dans mon dos pour chuchoter à mon oreille. Dans n’importe quelle autre circonstance, si je n’avais pas commencé à préparer un plan, ce geste aurait été totalement débile. Croit-il être un brillant stratège ? L’un reste face à moi, tandis que les autres se séparent, comme je l’avais prévu : un à droit, un à gauche. Ce sera donc une attaque coordonnée. Est-ce que je rétorque par un deux de quatre, ou par le plan du dolken ? Ce plan est salissant, mais il est beaucoup plus cool à exécuter que le premier.   « Tes supérieurs le savent, tout ce que t’as fait pour monter si haut ? Les gens que t’as sacrifié dans ta propre équipe ? » Ça m’étonne toujours qu’ils soient si nombreux à s’être mis cette idée dans le crâne, au fil des années. Chez certaines personnes, l’ignorance creuse des gouffres, qu’ils s’empressent de remplir avec n’importe quelle connerie. Je soupçonne depuis un moment le père de Svendsen. Il savait ma proximité avec son fils ; il m’a accusée très tôt d’être responsable de son attachement à l’armée et, par une corrélation hypocrite et douteuse, de sa mort. J’sais qu’il a déjà parlé de moi, lors de la réunion annuelle des familles des défunts de l’escadron. Pas en bien, forcément. Pour lui, comme pour plusieurs autres, mon refus de parler aux familles des circonstances de décès de leur proche est l’équivalent d’une trahison. Dans leur logique, si je parle pas, c’est que j’ai forcément quelque chose à cacher. Pourtant, je cache rien ; mes rapports ont été bien remplis, mes supérieurs – de l’époque – savent tout. Je dois simplement rien à ces civils. Je leur dois aucune parole, aucune histoire. Je suis pas un foutu livre de contes.

Y’en a certains qui comprennent, pas trop bêtes, et qui font bien la part des choses. Mais pour d’autres, même mon grade est un signe de culpabilité : on m’a déjà écrit dans une lettre anonyme que je l’avais gagné dans le sang des spøkelse. Je cherche plus, depuis très longtemps, à les démentir. Ça sert à rien avec ce genre d’esprits bornés. « Je respectais ton frère, pas toi. Ferme ta gueule et fais ce que t’es venu faire, les longs discours me font perdre du temps. Et ça me fait quand même chier, de devoir arrêter de bosser sur ce schéma. J’en ai pour quoi, avec cette situation et ses suites ? Au moins trente minutes de perdues ? L’homme grogne – d’une façon un peu absurde et débile, pas du tout virile, si on veut mon avis – avant d’empoigner l’arrière de mon crâne. À ce stade, ma décision est déjà prise : ce sera le dolken. Au moins, je m’amuserai un peu. Les deux autres s’empressent de tenir mes bras, avec une naïveté presque attendrissante. Le dernier observe, et je me fais la réflexion que c’est con de sa part. Je feins la surprise et l’appréhension, sans glisser ma main à ma baguette. S’ils y vont façon moldue, je leur rendrai la pareille façon moldue.

Le coup ne se fait pas attendre. L’homme pousse brutalement ma tête vers l’avant, qui vient claquer violemment contre la table. Mon nez émet un craquement et la douleur, cette amie à laquelle je me suis habituée au fil des années, s’infiltre dans mes nerfs. Je ne réagis pas immédiatement. J’attends le troisième coup, celui où les deux types me croiront sonnée et par un réflexe débile de satisfaction, relâcheront légèrement leur prise. De fait, le deuxième choc ne se fait pas attendre, encore plus brutal que le premier. Un goût de fer glisse sur ma langue, alors qu’une goutte vermeille vient s’allonger paresseusement sur mon schéma. Ce détail, plus que l’irradiation brûlante qui transperce ma peau, me met en colère. Je la contrôle. J’attends qu’il redresse ma tête, que je fais plus lourde. Comme prévu, je sens la pression contre mon bras s’amoindrir. J’agis : plan Dolken, comme on l’appelait entre nous dans les entraînement.

Trois minutes se sont écoulées entre le moment où je me suis dégagé des deux cons et l’instant où je passe la porte de l’auberge. Je n’ai laissé qu’un homme inconscient sur le sol de la cour extérieure : les trois autres, dans un état plutôt pitoyable, se sont chargés de l’amener. Je n’ai pas pitié et je ne crains pas leurs représailles. Il s’attendait à quoi, en attaquant une Kaptajn ? À rien, probablement. Parce que je suis une femme. Ils ont dû se dire que ce serait facile et que de toute façon, j’avais gagné mes gallons sans les mériter. Des connards.

Ødegård, le responsable de l’auberge, n’est pas surpris de me voir. Il ne sourcille pas en voyant le sang sur mon visage, il ne fronce pas les sourcils devant l’état de mes jointures. Il me tend simplement un tissu, qui sert normalement à essuyer les verres, et je le remercie d’un signe de tête. « Chambre douze, comme d’habitude, j’ai demandé à quelqu’un de t’y laisser une serviette, elle est déverrouillée. » Je le remercie d’un sourire, qui goûte amer. « Tu savais ? » Il hoche la tête, tout en donnant nonchalament sa bière à un client. « Ils s’en vantaient dans le bar depuis une dizaine de minutes, en essayant de boire leur courage en même temps. Ça va aller ? » J’hausse les épaules : « Pourquoi ça n’irait pas ? » Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel, ce n’est pas déstabilisant. Les combats, c’est ma vie, ça l’a toujours été et ce le sera toujours. Je ne demande pas à Ødegård pourquoi il ne m’a pas prévenue. Je n’aime pas qu’on se mêle de mes histoires et je préfère régler mes problèmes seule. Je ne suis pas un Flyverkonstabel.

J’ai fait au moins une dizaine de fois le trajet qui sépare le bar des chambres de l’auberge, à l’étage. J’aime y venir dormir, les nuits où je redoute la solitude. Le bruit que j’y entends en permanence dans la pièce mal insonorisée me rassure. Je ne regarde que distraitement les numéros et je ne remarque pas que je me trompe, en poussant la porte : j’entre dans la chambre treize, plutôt que la douze. Je retire ma veste, que je jette sur le lit avec mon sac qui contient mes schémas, sans observer mon environnement. Je me dirige aussitôt vers la salle de bain, où une serviette m’attend à proximité du lavabo. Je me penche pour asperger mon visage d’eau froide, frottant la peau pour effacer les traces de sang. Je ne m’arrête que lorsque j’entends un son, atténué : une porte qui claque. Je me redresse brutalement, sans noter les gouttes écarlates sur mon débardeur blanc. Mon nez a un drôle de forme, mon œil commence à être tuméfié. Je m’en fous. Je sors de la salle de bain, la serviette autour du cou. Mes yeux se fixent sur le nouvel arrivant : un homme que je ne connais pas. Dans ma chambre.

Bordel, ils sont vraiment chiants. Et insistants. Mon agacement est perceptible, ma colère aussi. D’un geste brusque, j’extirpe ma baguette de son fourreau, que je pointe vers ce nouvel ennemi :  « Ça te va si je te règle ton compte rapidement ? J’ai perdu assez de temps avec des cons, aujourd’hui. » Je n’ai plus de patience. Je veux juste terminer cette journée, peut-être bosser encore un peu mon schéma et me coucher. Je lance le premier sort qui me passe par la tête, en visant les genoux dans le but de le faire chuter sur le sol. Je n’imagine pas qu’il pourrait le contrer – pas dans l’éventualité où je crois être en face d’un des mêmes débiles que tout à l’heure. Une soirée de foutue.
Ilhami Aguadelo
Ilhami Aguadelo
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Je me suis fais virer comme un malpropre de ma propre chambre. Ok, c'est par le propriétaire de ladite chambre, mais tout de même. Soit-disant que je dois me détendre et arrêter de sursauter au moindre bruit. Que je ne peux pas me permettre de pointer ma baguette entre les yeux de la personne qui vient nettoyer celle-ci juste parce qu'elle n'a pas frappé assez fort et qu'elle m'a donc surpris, et que bordel je dois arrêter de roder autour du lit d'Izan parce que sérieux ça fait flipper.
Je cite plus ou moins.
Du coup il m'a foutu dehors avec pour consigne d'aller me détendre et de dormir ailleurs parce que tel que j'étais je me contente de nourrir mes propres angoisses et de nourrir le cercle vicieux dans lequel je me suis enfermé. Ou quelque chose comme ça. J'ai bu quelques verres déjà, alors il est possible que je ne pense plus très clair. Mais Angelo se prendra quand même mon poing dans la figure demain. Pour le principe. Ou il me paiera un café. Quelque chose. On verra.
Soupirant lourdement, je me recule sur ma chaise et m'étire largement, laissant mon regard fatigué errer dans la salle de l'auberge. Je n'ai pas cherché longtemps avant de m'arrêter ici. Je ne connais pas la ville, pas super bien la langue et encore moins les lieux bien pour... S'amuser, comme il dit l'autre idiot. Alors clairement, le premier établissement qui m'a paru correct ; lire ici : Sans cafards visible dans la salle ; a été directement élu pour la soirée et pour la nuit. Mes mains redescendent et viennent se poser derrière mon crâne alors que je continue d'observer les alentours. C'est devenu une vieille habitude. Et j'ai pas eu le droit de prendre une de mes souris, en plus. Pfff.

En vrai de vrai, j'aurais pu refuser. Mais je sais qu'il a raison. Je sais que je suis trop nerveux, trop angoissé. Je dors mal la nuit, le moindre bruit me réveille et, oui, je me retrouve à rôder autour du lit d'Izan. Juste pour être sûr que personne d'autre ne se trouve dans le coin. J'ai peur qu'on m'ait suivi. J'ai peur qu'ils trouvent mon fils. J'ai peur parce que je sais comme ils sont. Que la trahison signifie la mort. Et qu'ils ont toujours été clair. Si je faisais un pas de travers, c'est ma famille qui prenait. Mon père a disparu, à l'époque. Ma mère est hors d'atteinte. Ma femme... Bref. Il ne reste qu'Izan. Il ne reste que lui, et l'idée qu'il puisse lui arriver quoique ce soit... Ça me congèle l'estomac dans une peur que je n'avais jamais ressentie auparavant. Que j'aurais voulu pouvoir ne jamais ressentir jusqu'à ma mort.
Je n'arrive pas à le quitter des yeux. J'arrive à peine à sortir de la pièce. Je suis globalement resté enfermé dans ma chambre depuis mon arrivée dans son auberge. Déjà avant tout ça, quand elle est partie, je me suis retrouvé à devoir faire face à des responsabilités que j'avais soigneusement ignoré jusque la et à ne pas savoir quoi en faire, alors maintenant...
Sentant mon ventre se tordre douloureusement, je repose brusquement mes mains sur la table dans un claquement qui attire quelques regards que j'ignore soigneusement. Sans y penser, je redresse le sous-verre que j'ai décalé par mon mouvement puis attrape la choppe que je vide en quelques larges gorgées. Je la repose sans faire attention, puis y revient tout de suite après pour la redresser également. Relevant les yeux sur un soupire frustré, je croise le regard accusateur de Büyü, sur la table, qui me fixe avec colère. Il n'a pas digéré le fait que j'ai laissé Angelo nous éloigner du mini-humain dont il s'est déclaré être le protecteur, je le sais. La queue plate de l'ornithorynque claque sèchement sur la table et, avec un air de défi que je trouve ridicule, il décale verre et sous verre. Grognant, je relève les yeux sans faire mine de lui adresser une seule parole. S'il croit m'avoir comme ça... Mon regard suit la silhouette d'une femme arrêtée au comptoir et qui semble essuyer ce qui ressemble fort à du... Sang ? Je hausse un sourcil sans faire mine de bouger, pourtant. Pas mes affaires. Et puis, elle a pas l'air d'aller si mal. Une pointe de douleur au bras me fait baisser les yeux avec surprise et je constate avec frustration que j'avais commencé à me gratter frénétiquement l'avant-bras, des petites gouttes de sang perlant des rainures provoquées par mes ongles pourtant coupé court – justement à cause de ça. Je jure à voix basse et me relève brusquement, faisant sursauter ma Fylgja. Tout cette histoire est ridicule, je vais aller payer, rendre la chambre et rentrer à l'auberge. C'est n'importe quoi, je suis parfaitement capable de me gérer et...
Et je viens de faire demi-tour pour redresser le sous verre et le verre dans leur position correcte. Évidemment. Ma frustration me fait faire un doigt d'honneur à la brume qui volette autour de moi, et j'ignore l'exclamation outrée qui retentit quelque part dans mon dos alors que je retourne vers le bar. « Une autre choppe, s'vous plait. » Il est loin, cet Ilhami qui reste classe quoiqu'il arrive, hein ? Je ne me reconnais plus, en ce moment. « Tout de suite. » Répond le barman et le patron, affable et peu perturbé, lui, par mon attitude. Sûr. Il doit en voir des pires que moi. Peut-être avec un accent moins prononcé, mais tout de même. Ça ne me fait pas me sentir mieux, mais bon. La choppe est déposée devant moi et je m'appuie contre le comptoir, relevant le regard vers le sorcier qui continue de me fixer. « Au fait, j'sais pas ce que ça veut dire dans ton pays, mais ici lever le doigt du milieu, ça met rarement les gens de bonnes humeur. » Face à mon air interrogatif, il me fait un signe du menton pour que je me retourne et je fais alors face à un autre sorcier, visiblement en colère. Bordel. Demain, je bute Angelo.

C'est seulement après une longue et laborieuse explication – aidé par mon accent qui a certainement fait penser que je ne savais pas ce que je faisais – et après avoir fini ma bière que je réussi à retourner vers ma chambre. Büyü boude toujours, sous forme de chauve souris cette fois-ci, et j'ai abandonné l'idée de le convaincre que je faisais aussi ça pour le bien-être d'Izan. Il est buté, comme moi, et ça ne servira à rien si ce n'est à débuter une engueulade pour laquelle je n'ai clairement pas l'énergie.
Le numéro treize brille sur la porte de bois et je l'ouvre, laissant la chauve souris me précéder et rentrant par la suite dans la pièce, un souffle fatigué m'échappant. L'alcool de ce soir pèse lourd sur mes épaules mais je ne suis pas sûr qu'il réussira vraiment à m'endormir. La porte claque doucement derrière-moi quand mon regard se pose sur le lit. Une veste. Un sac. Aucun des deux ne sont à moi. Immédiatement je me tends et porte la main à ma baguette sans y réfléchir à deux fois. Elle vibre entre mes doigts, heureuse d'avoir un peu d'agitation après un trop long moment de calme. Büyü couine au dessus de moi, et la porte de la salle de bain s'ouvre alors. Sortant de la pièce, la femme du bar. Une serviette autour du cou – une de mes serviettes – du sang sur le débardeur. Le coup d'œil est rapide et habitué, et je note tous les détails. Le visage abimé, les cicatrices apparentes, le sang. Sa présence dans ma chambre. En un flash je revois l'intrus qui a essayé d'agresser Izan, en Colombie. Chez nous. Elle a tout à fait l'allure d'un membre de gang et je laisse échapper un sifflement furieux, la colère et l'adrénaline courant de concert avec l'alcool dans mes veines. Tout s'est passé en un quart de seconde. Le quart suivant, elle a dégainé elle aussi, « Ça te va si je te règle ton compte rapidement ? J’ai perdu assez de temps avec des cons, aujourd’hui. » Déjà prêt, déjà sur mes gardes, la parade est évidente et le sort vient s'écraser sur le bouclier informulé que j'ai invoqué. Je n'ai pas compris tout ce qu'elle a dit, mais j'ai bien saisi l'insulte et le fait qu'elle doit ; veut ? ; me tuer. « Joder !* Vous me foutrez jamais la paix ? Vete a la mierda, si crées que sera suficiente...** T'es mal renseignée ! » Je crache, mélangeant les langues avec colère. Un rugissement furieux résonne et je n'ai pas besoin de regarder pour savoir que ma Fylgja a pris la forme du léopard d'Anatolie et que, aussi traumatisé que moi par l'attaque, il a pété les plombs. Büyü se jette sur celle que je prends pour une assassin envoyée par des ex des Espadas et se fait intercepter par un lion qui semble tomber du ciel. Mais je suis incapable de lui venir en aide, ne la voyant qu'elle et la menace qu'elle représente, pour moi. Pour Izan. Le sort suivant s'échappe de ma baguette droit vers elle, informulé, alors que je recule et invoque un nouveau bouclier plus résistant que le premier. Elle verra si je suis si facile que ça à buter. Le dernier qui a essayé a presque saigné à mort sur le tapis de jeu d'Izan.

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Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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« Joder ! Vous me foutrez jamais la paix ? Vete a la mierda, si crées que sera suficiente... T'es mal renseignée ! » Je suis polyglotte. J’ai commencé mon apprentissage des langues pendant l’adolescence, par les plus simples et les plus proches de moi. J’ai continué dans l’armée ; les voyages, agréables ou non, m’ont donné des excuses pour approfondir certaines bases et apprendre de nouvelles langues. Je les retiens habituellement vite, même si je ne les maîtrise pas toutes à égalité. Les spøkelse aux origines étrangères m’ont aidée, dans mon apprentissage. Les soirs, ceux où on était étendus sous un ciel voilé, ils m’entraînaient à apprendre de nouveaux mots – les insultes d’abord, on avait le sens des priorités. Alvaro était celui qui s’amusait le plus à me faire répéter différentes phrases de sa langue natale, m’expliquant les conjugaisons, la grammaire et les nuances. Je me souviens d’un enfoiré qu’on avait éclaté en plein vol et qui avait essayé de le faire tomber ; Alv s’était tourné vers moi avec un sourire mutin, et m’avait fait répéter : « Hijueputa ». En entendant le discours de ce type, c’est à lui que je pense en premier. Je ne comprends pas pourquoi il parle de lui foutre la paix, quand c’est lui qui vient m’emmerder, mais l’esprit n’a pas le temps d’analyser. Il est en alerte, concentré sur la défense et la nécessité de me débarrasser de cet intrus dans ma chambre.

Intrus qui est un véritable connard. Le rugissement de son léopard, qui se jette sur moi, me déconcentre. Et être déconcentrée, en plein combat, c'est inacceptable. Røyk intercepte la fylgia au bon moment, passant de sa forme d'oiseau à celle du lion. Je n'ai pas le temps de voir ce qu'ils foutent, ni ce qu'il lui fait. J'imagine que dans une bataille, les deux sont pas mal à égalité. Quand mes yeux reviennent se poser sur l'Espagnol - j'imagine qu'il est Espagnol ? - c'est une seconde trop tard. Je contre le sort au dernier moment : il dévie partiellement. Je sens la peau de mon bras s'entailler, comme sous les éclats d'une bombe magique, tandis que le coussin sur le lit se fait réduire en lanières colorées.   « Hijueputa» . L’insulte jaillit seule entre mes lèvres abimées, alors que le sang s’écoule d’une nouvelle blessure. J’en ai rien foutre, d’être touchée. J’ai même pas besoin de vérifier à quel point. J’ai vu pire, j’ai vécu pire, j’ai souffert pire. Mais les enfoirés qui croient pouvoir me mettre à genoux si facilement… Je les ai en horreur.  J’ai dit quoi à Ødegård déjà ? « Pourquoi ça n’irait pas ? » Peut-être parce que c’est épuisant, de me taper autant de problème, de la part de la famille des gens que j’aimais. Est-ce que celui-là appartient à la famille d’Alvaro ? Est-ce que c’était leur plan, de se synchroniser avec les frères de Tomsen ? Apparemment, oui. Je ne réfléchis pas davantage. Le plancher de mon aubergiste préféré est taché. Mon haut est définitivement foutu, ma nuit de sommeil aussi, et tous ces emmerdeurs me font profondément chier. Je ne sais pas si le grognement provient de moi ou de Røyk ; il raisonne dans la pièce avec violence, alors que je m’élance sur l’homme qui me fait face, en comptant sur l’effet de surprise, rangeant temporairement ma baguette pour avoir les mains libres. Mon bras blessé s’enfonce violemment dans son cou, alors que je le plaque au sol sans douceur. Mes genoux heurtent le plancher brutalement, sans m’arracher de grimace. « Tu veux vraiment crever dans une auberge ? T'es son frère ? Son cousin ? Ou ils t'ont juste payé parce qu'ils sont trop pitoyable pour faire le boulot correctement...?  » Ma peau brûle. Sans que je n’en aie vraiment conscience, j’allège ma prise, tout en reprenant ma baguette de ma main libre.
Ilhami Aguadelo
Ilhami Aguadelo
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Je sais que j'devrais faire quelque chose pour Büyü, lui venir en aide, le calmer, quelque chose quoi. Mais je suis pris dans mon propre flashback, et les différentes piques de douleurs qui m'agressent, un peu partout sur le corps, ne font que renforcer celui-ci. Comme dans cette putain de chambre, quand il s'est jeté sur l'intrus en se foutant comme de sa première boule de poils de l'interdit tacite pour ce qui est de toucher un autre sorcier. Cet interdit ne l'a pas empêché de planter ses griffes et ses crocs dans le corps de ce connard, cette nuit la. Comme ça ne l'aurait pas empêché de le faire ici aussi si l'autre bestiole ne l'avait pas intercepté.
Tout est rythmé par les grondements et la douleur qui pulse en moi. Et par le sort que je lui jette sans un bruit et qu'elle se prend presque en pleine face. Presque, malheureusement. Un cri de colère m'échappe quand elle réussi à en esquiver le plus gros, et mes pupilles se rétrécissent à la vue du sang, de son sang. Pas de malaise non, mais de satisfaction de l'avoir malgré tout touchée, « Hijueputa» L'insulte espagnole ne fait que m'enfoncer d'avantage dans cette situation qui semble se dérouler dans deux temps différents. Comme un rappel douloureux, ma propre blessure de cette nuit là pulse douloureusement sous une attaque de la lionne envers Büyü et je grogne un juron à voix basse, ma baguette déviant, mon autre main montant par réflexe comme pour vérifier qu'elle ne saigne pas à nouveau.

Un grognement résonne, je la fixe à nouveau en m'insultant mentalement d'avoir fait la connerie de détourner les yeux même une seconde, mais c'est trop tard. Je recule, j'essaie je crois, mais j'ai pas le temps de vraiment comprendre ce qu'il se passe qu'une douleur violente explose dans ma gorge.   Tout devient blanc, puis noir, puis des lumières semblent briller bizarrement devant mes yeux. J'ai pas conscience de nos corps qui heurtent le sol de concert, de ma tête qui tape durement le tapis, rajoutant quelques étoiles à celles qui naviguent déjà devant moi. L'oxygène ne passe plus pendant ce qui semble être de longue minute alors que ça n'est juste qu'une poignée de demi secondes durant lesquelles je suffoque. Vaguement j'entends un rugissement de douleur mêlée de rage et je reconnais la voix de Büyü qui n'a pas du aimer ce qui vient de se passer. J'entends des mots, je les reconnais pas tous. J'entends crever, j'entends frère, j'entends payer, j'entends pitoyable et le prochain cri de rage qui résonne vient de moi. Je la vois floue, ma gorge siffle quand j'essaie de respirer, mais j'en ai rien à foutre. J'agrippe son bras blessé, celui sur ma gorge, et je serre de toute mes forces, me foutant du sang qui me coule dessus. Je serre la blessure, j'appuie dessus autant que je peux. J'ai lâché ma baguette à un moment et j'en profite, je plie le bras et remonte violemment mon coude vers son visage, visant le nez. Calypso nous le répétait tout le temps, à l’entraînement. Votre adversaire est blessé ? Pauvre petit chat. Appuie sur la blessure. Fort. Fait lui mal, déstabilise le, utilise tout ce qu'il faut pour rester en vie. Ouais, même si ça doit le buter ! Surtout si ça doit le buter ! Alors bouge toi le cul Aguadelo, et fume moi ton adversaire avant que ça soit moi qui m'occupe de ton cul! J'm'en contre carre que ça soit juste un entraînement, il avait qu'à pas se laisser toucher ! Alors je vise les blessures, le bras, le nez. J'profite de l'élan pour nous faire basculer sur le côté, ma main glisse à cause du sang, je relâche son bras et frappe aussi fort que je peux vu la position au niveau du diaphragme. Tiens, amuse toi à respirer comme Dark Vador, connasse. « Eres lamentable. »* J'articule entre deux sifflements douloureux, la voix rauque, les cordes vocales à l'agonie. Je tâtonne à la recherche de ma baguette, sans succès, « V'z'attaquer a un niño... » A moitié là, à moitié le 18 Janvier dernier, je m'entends encore crier à Izan de garder les yeux fermés pendant que le sang gicle à travers la pièce. Il – elle ? - crèvera avant de mettre un doigt sur lui.

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Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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Ma peau brûle à des endroits où elle ne devrait pas brûler. J’en déduis que c’est à cause du combat de la lionne et du léopard. Je ne me retourne pas pour les observer. Chacun sa bataille, même si l’un impacte l’autre. Røyk est peut-être parfois une sacrée emmerdeuse, de nature trop joueuse, mais elle sait se battre convenablement. Ça aurait été le comble, sinon, de me retrouver avec une incompétente dans les pattes.

Je ne songe pas au fait que je suis en train d'asphyxier ce type. J'en ai rien à foutre. Il n'avait qu'à ne pas être ici, il n'avait qu'à ne pas rentrer dans ma chambre. Et je sais par habitude que j'ai encore de la marge, avant que mon bras sur sa gorge ne puisse vraiment l'étouffer. J'aurais le temps d'intervenir avant, de desserrer ma prise. Je ne me rends pas, de toute façon, jusqu’à cette étape. Sans surprise, l'homme ne se laisse pas tranquillement immobiliser. Il agrippe mon bras abimé, le serrant avec une force qui n'a rien à envier à personne. La douleur me fait serrer les dents, alors que la faiblesse dudit bras se fait sentir. Ma prise se fait moins ferme, même si je lutte contre les éclats nerveux qui traversent mon épiderme. Le sang continue de s’écouler et la fatigue se fait davantage ressentir. Je m’appuie sur l’adrénaline plutôt que sur la langueur qui veut glisser naturellement dans mon corps ; j’appuie mon bras plus fort, beaucoup plus fort, malgré tout mon système nerveux qui gueule contre mon geste. J’ai connu pire. On a tous connu pire. Et c’est pas un minable dans une chambre d’auberge qui me fera fermer les yeux ou qui me tirera une plainte. Il peut même m’abimer l’autre bras s’il le veut, j’en ai rien à foutre, je continuerais de me battre et de rendre les coups tant que je peux le faire, tant que mes bras continuent de se lever et que ma conscience peut me porter.

Mes réflexes, néanmoins, sont plus ralentis, affaiblis par la bataille actuelle et l'autre combat. Je ne perçois pas à temps son mouvement et je pousse un juron bien sonore lorsque son coude heurte mon nez. Mon haut, bordel de merde. La douleur s'accentue, irradiant dans mon visage, sur lequel les gouttes écarlates ont recommencé à couler. Je n'ai rien contre le sang ; tous les soldats y sont normalement habitués. Par contre, repeindre le sol d’une chambre que j’apprécie, un petit havre de paix, ouais, ça me fait chier. C’est mon lieu neutre, l’endroit où j’aime aller me reposer, loin des cauchemars. Pas un champ de bataille. Nos corps roulent et mon bras tremble contre sa gorge, lorsqu’un coup heurte mon diaphragme. Impact bien dirigé, bien calculé. « Eres lamentable. » Cette fois, la douleur me fait relâcher ma prise. Mon bras s’éloigne, alors que toute ma machoîre se crispe. Je cherche ma respiration sans la trouver, les yeux trop noirs, les dents trop longues, l’envie trop forte de le faire saigner. Ou pire. L’instinct prend le relais à travers ma respiration sifflante, les réflexes veulent s’occuper du reste. Dans la violence du combat, qui surpasse celui avec ces petits cons à l’étage inférieur, J’en oublie presque où je suis. J’en oublie que certains moyens ne doivent pas être utilisés, que je suis en compagnie d’un civil et que je dois me contrôler.   « V'z'attaquer a un niño... » Sa phrase ne fait aucun sens et elle résonne à mes oreilles sans trouver le moindre écho. « Dommage qu’on puisse éclater personne en dehors des territoires de combat. » Ma voix est rauque ; elle se superpose au coup de genou que je donne aussitôt avec vigueur dans l’entrejambe de celui dont je suis trop proche. Ce n’est pas dans les règles, mais j’en ai rien à faire, des règles. Elles sont pour les luttes loyales, pas pour ce type de baston.Et autant j’aime habituellement les combats, autant celui-là m’emmerde royalement. Il survient dans un moment supposé être paisible, dans mon intimité. Quand j’étais rentrée au camp pour me soigner, en croyant pouvoir être tranquille.

Je profite de l’impact pour m’éloigner de l’Espagnol, roulant sur le côté loin de son corps, avant de me redresser à moitié. Accroupie, le bras en charpie, le corps douloureux, je sors ma baguette de son étui et je la pointe vers lui: « Qui t’a engagé ? » Mon ton est hargneux. Mes crocs se sont allongés, mes yeux se sont faits plus sombres. Je n’attends même pas sa réponse, trop habituée à ce genre de séance d’interrogations, où on donne toujours un petit aperçu à l’ennemi de ce qui l’attend, s’il ne répond pas. Le sort cuisant fuse de ma baguette, informulé, visant le bras de l’inconnu : autant égaliser les choses. Enfoiré. Je ne remarque même pas que dans mon dos, les deux fylgia ont arrêté de se battre.
Ilhami Aguadelo
Ilhami Aguadelo
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TW : Sanglant, violence, juron, iels repeignent le tapis du patron

Plus elle appuie, plus je serres, et plus je serres, plus elle appuie sur ma gorge. Mon cerveau panique face au manque d'oxygène, voudrait que je lâche tout, que je capitule, mais j'écoute pas les signaux d'alerte qu'il m'envoie, je prête pas attention au flou de ma vision, au contour noir qu'elle prend. On nous a appris aussi, à ne pas écouter les alertes du cerveau. Il essaiera de vous faire reculer, de vous faire fuir, de vous faire baisser votre garde. Mettez vous bien de le crâne que si vous obéissez à ce qu'il vous dit, vous prendrez cher en rentrant au QG. Tellement cher que même votre cerveau il comprendra pas ce qui lui arrive. ¿Entendido? Si, Calypso. Alors mes doigts ensanglantés se plantent dans son bras, dans sa blessure, et je lutte contre moi-même pour lui envoyer mon coude à la gueule. Le plus fort que je peux. Le sang bat à mes tempes, je réalise pas qu'elle a relâché la pression, juste un peu, et que l'air passe à nouveau plus ou moins bien, je ne sens que la douleur et la rage de vaincre, de vivre. J'ai à peine conscience des mots que je balbutie tant bien que mal entre deux respirations laborieuses. Le sang a giclé à l'impact, il goutte, je peux le voir alors que je frappe à nouveau, bien décidé à monter un club de voix cassée. Je sens son bras trembler contre moi, elle relâche complètement la pression, elle s'écarte, l'air passe à nouveau et j'peux pas lutter contre l'impulsion de prendre une grande inspiration.
Grossière erreur. La douleur ne fait qu'exploser deux fois plus et je tousse à m'en arracher, littéralement vu le goût cuivré que prends mon palais, la gorge. Je tousse, et ça siffle d'autant plus. J'ai au moins la satisfaction de constater à travers les larmes réflexes qui perlent à mes yeux qu'elle n'est pas dans un meilleur état que moi. « Dommage qu’on puisse éclater personne en dehors des territoires de combat. » Sa voix résonne, rauque, mais j'ai pas le temps d'analyser ses paroles. Son genou remonte violemment et je suffoque à nouveau, mais pour une autre raison cette fois-ci. Aucun cri ne m'échappe, mais c'est juste parce que mes cordes vocales refusent de bosser correctement à cet instant et que ma gorge brûle comme l'enfer. Des jurons inaudibles passent mes lèvres tremblantes, s'enchainant à en faire rougir ma mère. La douleur est, pendant quelques instants, insoutenable, et j'ai vaguement le temps de penser que c'est quand même dégueulasse comme pratique. Ça se fait trop pas. Elle a été élevée où, chez les sauvages ? P't'être que ça va rééquilibrer ma voix ?

Et puis je retombe sur terre, d'autres larmes de douleur ayant perlé sur mes paupières, mon regard mauvais posé sur celle qui s'est éloignée et qui se tient là, accroupie, le sang dégoulinant le long de son bras maltraité. Un rictus mi-douloureux, mi-satisfait m'échappe à cette vue. Bien fait. Moi, par réflexe, je me suis en partie tourné pour protéger les parties précédemment maltraitées, trois-quart face contre terre, un quart tourné vers elle. Ça pulse, ça fait mal, ça me donne envie de rester bien 10 minutes recroquevillé au sol mais j'peux pas me le permettre. J'ai le temps de voir les crocs plus long que la normale, les pupilles sauvages. Quasi sûr que je regarde ses mains, elle a des griffes à la place des ongles. Cette pétasse est animagus en plus du reste, ils vont les chercher loin leurs assassins maintenant. Sont pas donnés, les ani. Grognant, je m'appuie sur mon bras gauche pour relever mon torse en partie alors qu'elle prend la parole, « Qui t’a engagé ? »  Je plisse les yeux en réponse, incertain une fraction de seconde sur la traduction que j'ai fais, et ne réagit pas assez vite, me prenant le sort sans pouvoir bouger. Le cuisant informulé frappe mon bras droit et je siffle de douleur en rythme avec le sifflement de la chaire qui brûle sur la zone touchée. Mon bras enfle mais j'en ai rien à foutre, un rire rauque égratignant ma gorge m'échappe à la place d'une quelconque réponse. « Que es eso ? Une broma ?* » Je crache, mauvais, et dans la foulée mon pied part et le coup latéral frappe violemment son genou. Je roule, m'éloigne, trouve pas ma baguette et jure, lâchant un « Accio mi varita ! **» et l'artefact sort de sous le meuble où elle a roulé. Je la tourne aussitôt vers elle, me ramassant sur moi-même, un genou à terre, l'autre surélevé, le pied au sol, « Acidum Rodicarum*** » Je crache, la visée incertaine, le bras droit qui tient la baguette tremblant légèrement sous la brûlure, sous le manque d'air qui me fait toujours tourner la tête, sous la douleur qu'elle vient de m'infliger, « Ça c'est un sortilège de torture enfoirée. Et c'est ma... » J'articule difficilement, « Ma question putain. Il vous prenne sans cerveau maintenant, les espadas ?! » Et je ne sens plus les brûlures caractéristiques des combats de Fylgja, et une sorte de terreur froide me serre le ventre. Qu'est ce que sa bestiole lui a fait ?!

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Arsinoe Adelsköld
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Tw: Blessure, torture, asphyxie

Sa souffrance me laisse indifférente. Il l'a cherché ; je n'ai aucune pitié. Les questions fusent en pagaille sous mon crâne, et j’ai plus de mal qu’à l’accoutumée à les ordonner. Garder l’esprit froid, même en situation de combat, est une qualité cruciale chez les militaires. J’y suis toujours parvenue sans trop de difficultés, même dans les pires situations. Je ne vois donc qu’une explication au fait que mes pensées soient un peu plus chaotiques, mes réflexes potentiellement moins bons : les cons de tout à l’heure ont dû frapper plus fort que ce que je pensais, et je me traîne peut-être encore une saleté de commotion. Mais je n’ai pas le temps d’analyser cette hypothèse, ni de m’y attarder. Elle ne change rien à la situation actuelle, à ce que je dois faire. Mon sort heurte le bras de l'homme, qui siffle de douleur. C'est une réponse, que j'aurais préféré obtenir. « Que es eso ? Une broma ? » Les réactions de cet homme m’étonnent ; elles sont dignes d’une personne entraînée, pas d’un petit caïd des rues ou d’un simple membre de famille. S’agit-il vraiment du frère d’Alvaro ? Il m’a jamais dit que son frangin savait aussi se battre. Un pied heurte brutalement mon genou, qui craque ; l'habitude et l'entraînement me font conserver ma position. J'ai reculé d'à peine un pas, mais la douleur a maintenant migré ailleurs. Elle s'instille dans les nerfs de ma jambe, qui tolère mal cette position accroupie. Mes canines pointues s'insèrent dans la chair de ma joue, alors que je lutte contre l'envie de lui écraser le crâne sous ma botte d’armée. Je n'ai néanmoins pas le temps de réagir davantage; entre le coup au genou, le choc absorbé et le temps d'y faire face, le connard a eu le temps de récupérer sa baguette : « Acidum Rodicarum. » Foutu ralentissement. Foutu intrus. Foutus civils. Foutue famille J’aurais dû réagir ; j’ai repoussé des sorts dans des états bien plus pitoyables. Mais mon crâne ne veut plus suivre la même vitesse que mes gestes ; mon contresort arrive une seconde trop tard. On se le disait, avec les copains, quand on allait sur le terrain : la tête, c’est sacrée. Et la mienne a décidé de me faire chier.

La brûlure exécrable qui s’instille sur le haut de mes cuisses, sur les deux jambes, m’arrache un grognement guttural, plus proche de la bête que de l’humaine. Røyk gémit, tandis que mes griffes s’allongent. « Ça c'est un sortilège de torture enfoirée. Et c'est ma... Ma question putain. Il vous prenne sans cerveau maintenant, les espadas ?! » Mes yeux se font plus foncés, plus perçants, alors que ma machoîre se serre jusqu’à devenir deux étaux d’acier. Je vais le tuer. Ma tête, cette traîtresse, tourne. Mon nez m’emmerde, mon bras se fait de plus en plus faible et mes jambes, à leur tour, se joignent à la danse. Sur ma langue, je sens le goût du fer, celui que j’ai connu si souvent, à la guerre. À la guerre. Il est là, le problème. Je suis habituée à gérer la souffrance, dans toutes sortes de situation. J’ai rampé sur des terrains piégés, j’ai volé dans des états pitoyables. Nous les spøkelse[/i], on reculait devant rien. On était réputés pour continuer la bataille même si nos membres étaient défoncés, même si on pouvait perdre connaissance à tout moment, même si on ne savait même plus où exactement on avait mal. On était peut-être un peu cons, mais c’était notre façon d’être. On avait bien capté cette règle essentielle : continuer ou mourir. Et c’est cette règle qui s’éveille dans mon esprit, à la vue des gouttes écarlates qui trempent mes habits, à la vue du tissu désormais troué et de la peau brûlée. Acide. Un civil ne devrait pas connaître ni maîtriser un tel sort. Ça me fait penser à cette foutue guerre de 2018, celle à laquelle je ne veux jamais songer. À ce que j’ai fait. Ça me fait songer à mes mains craquelées, couvertes d’un sang qui n’était pas le mien, essuyée sur une serviette immaculée devant un supérieur qui me regardait avec un léger rictus : « Bon boulot, Løjtnant. Ce sera mentionné à vos supérieurs. » Ça me fait songer aux supplications qui résonnaient encore derrière moi, quand j’ai quitté le bâtiment. Aux cris de détresse, de douleur, aux implorations. Ça me fait songer à mon dédain à cet instant de la vie humaine, à mon insensibilité quant à la souffrance d’autrui : eux ou moi. C’était un raisonnement simple, facile à appliquer. Pas besoin d’aller plus loin, pour survivre.

Je ne devrais pas me sentir dans un tel état, actuellement. Pas face à un type lambda. Il n’y a donc qu’une possibilité : ce n’est pas un type lambda. Ce n’est pas un type engagé au hasard, ce n’est pas simplement le membre de la famille de quelqu’un. Je me suis retenue jusqu’ici, à ma façon.Avec la conscience que j’étais dans une foutue auberge, pas sur un champ de bataille. Avec les mêmes barrières, les mêmes limites que je me donne en permanence dans les bastons de rue ou de bar, ces barrières que je ne franchis jamais, parce que je suis une Kaptajn, parce qu’on ne doit pas pouvoir m’accuser d’abus de pouvoir.

Sauf que ces putains de barrières, il vient de les faire sauter. « Tu veux jouer dans les sortilèges de torture ? Enf... » Je ne complète pas ma phrase. Mes paupières tressaillent, mon genou heurte finalement le sol, incapable de tenir plus longtemps la position. Le second le rejoint, alors que ma baguette se lève d’un geste encore vif. Le sort fuse, sans être prononcé. Un sortilège dégueulasse, utilisé dans un bâtiment trop noir, des années plus tôt : noyade sèche. Le même principe qu’une noyade, les mêmes sensations, la même douleur et asphyxie, sans l’eau. Si je perds connaissance, si je perds mes capacités à proximité de ce type, je veux être certaine de l’avoir mis lui aussi k.o. Même si ça lui coûte la vie ; à ce stade, je pourrai toujours invoquer la défense. Est-ce que Røyk a compris mon raisonnement ? Est-ce qu’elle a senti cette émotion violente, mortel, sauvage, qui précède des sorts qui ne devraient jamais être utilisés sur des civils ? Probablement. Sans que je ne sache pourquoi, elle fait quelque chose d’étonnant : je la vois passer sous sa forme vaporeuse à travers la porte. Pourquoi ? Je ne m’interroge pas. Je conserve mes doigts agrippés contre ma baguette, tout en luttant contre l’envie de me reposer sur le sol.
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