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Adjust the sails to the roaring wind • Dax
2 participants
Ying Yue Amundsen
Ying Yue Amundsen
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Adjust the sails to the roaring wind

@Dax Tcherkassov • 6 mai 2024 - Soirée


Derrière la porte vitrée la femme vérifie mes papiers, par formalité excessive dont ni elle, ni moi, accepteraient de se passer. Vêtu de ma tenue officiel de Løjtnant, veste d'un bleu sombre, liserés rouges et or, décorations et épaulettes marquant mon grade, je fixe sans la moindre perturbation ses gestes communs. Papier qui se déplie, vérification des tampons, registre signé, tampon magique appliqué sur l'autorisation du jour, papier replié et rendu par la trappe prévue à cet effet. « Tout est en ordre Løjtnant, vous pouvez entrer. » Sa voix résonne clair, avant que les verrous ne soient levés dans un battement de cils. La partie du couloir dans laquelle les derniers blessés du Sjøbjørn ont été transférés a été isolée du reste deu grand hôpital de Göteborg. Un isolement nécessaire tant pour des raisons de santé publique - quand bien même le réel danger de transmission soit nul - que pour des raisons de secret militaire. Une liberté et une arrogance que l'armée s'est permise de prendre à grand renfort de papiers officiels de réquisition d'une chambre stérile en soins intensifs dans le département des blessures instables. Les meilleurs médicomages et magicologues sont passés à leurs chevets depuis sans qu'aucun ne parvienne pour l'instant à sortir Thullen et Jens de leur coma léthargique. Un mois, et trois de mes meilleurs éléments perdus. Un définitivement, deux pour une durée indéterminée. Les verrous sont remis après mon passage dans un cliquetis cristallin. « Løjtnant. » Le salut officiel du sous-officier claque sur le sol du couloir auquel répond le tissu qui se froisse de mon bras qui répond par automatisme. Sans un mot de plus je suis l'homme, là aussi les gestes sont devenus habituels et les discours superflus. Je déteste toujours autant venir ici, je déteste observer leurs visages étendus derrière la vitre à entendre les derniers rapports de leur état de santé. Je déteste ne rien pouvoir faire de plus que d'attendre. Mais je n'arrive plus à faire comme si ça ne me touchait pas. Mes humeurs sont exécrables depuis deux semaines, elles ne font qu'empirer avec le temps qui passe et cette stabilité étouffante.

Arrivés devant un premier sas, je me laisse me faire décontaminer des microbes extérieurs sans échanger le moindre mot avec l'infirmier présent. Militaire lui aussi. Toujours en silence, Bølga prend sa forme brumeuse comme recommandé, et je pénètre dans la première pièce avec la même démarche droite et sérieuse. Vide d'émotion. « Løjtnant Amundsen - Médicomage Gulsen. » Je m'approche de la vitre, la même vision que tous les jours précédents. Le deux lits, les branchements, les respirateurs, les chiffres lumineux de contrôles de leurs constantes, les fylgjur posées sur des petits lits à côté de leurs sorciers, sous surveillance médicale également. Et les visages tirés des proches dont les yeux se tournent rapidement vers moi dans un mince sourire. « J'ai une bonne nouvelle pour vous aujourd'hui, nous sommes sur une piste médicale qui donne de premier résultats positifs. Un confrère allemand nous a fait parvenir ses recherches nous permettant de mettre en place un protocole spécifique dont je vous passe les détails techniques. Les signes sont encourageants, on a constaté pour la première fois un recul des cellules étrangères. » Je ne réagis pas, les mains croisées dans le dos je ne me laisse pas avoir par ces fausses promesses. Les même phrases reviennent en boucle depuis un mois. Nous testons un nouveau traitement, ils répondent bien. Combien de fois ont-ils répétés cette phrase tour à tour ? Les résultats ont toujours été les mêmes. Une légère amélioration, pour un retour à la normal dès que ces fameuses cellules s'adaptent et évoluent pour reprendre le terrain perdu. « Depuis combien de temps le traitement est-il en cours ? - Depuis 10 heures ce matin. Si vous pouvez attendre un peu nous passerons le seuil de réponse des cellules sur les autres traitements dans trente minutes. » Je peux attendre. Je me contente de hocher la tête avant de reprendre : « D'autres éléments ? - Les fylgjur de vos hommes ont marqué des signes de sommeil moins profond. Nous avons vérifié les ondes cérébrales des sorciers et elles sont en effet plus actives, je ne peux dire si c'est un effet secondaire du traitement en cours ou un signe d'amélioration. Il est trop tôt pour le dire. » Nouvel hochement de tête malgré une forte accélération de mon rythme cardiaque. Je comprends mieux pourquoi ils sont aussi nombreux de l'autre côté de la fenêtre à se serrer autour des lits de leurs fils, frères, cousins, oncles. La possibilité d'un réveil à ramené les familles en masse en faisant flamber l'espoir dans leurs cœur. Je ne suis pas aussi stupide qu'eux. Je ne me ferai pas avoir par les mêmes illusions. Tant qu'ils ne sont pas réveillés, ils ne sont pas réveillés. Rien d'autre n'importe que les faits. Les espoirs d'un avenir et les présupposés ne m'intéressent pas. « Merci, prévenez-moi dès que vous avez des nouvelles données. - Vous ne souhaitez toujours pas entrer ? - Non. Ils sont déjà assez nombreux là-dedans. Une excuse de plus pour rester en retrait. De ce côté de la vitre. La détresse des familles n'est pas mon affaire. Et à quoi bon encombrer une pièce déjà surchargée de tension ? Dans le coma, mon soutien ne leur sert à rien. Les mains dans le dos, je me recule légèrement, observant discrètement par la fenêtre le visage inerte de Jens. Les ongles pénètrent les paumes serrés, le visage reste de marbre et la stature parfaitement raide. Je pourrais m'asseoir sur l'une des chaises, mais l'attente serait rendue trop facile.

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« Ying Yue attends. Tu pars déjà ? » La voix forte de Lena me retiens avant que je ne quitte pour de bon la pièce pour repasser le sas dans l'autre sens et sortir de l'hôpital. « Je suis attendu à la base. » Ma réponse gronde, un peu trop sèche, dans un froncement de sourcils soucieux de mon interlocutrice. « Je pensais que tu pourrais rester au vu des résultats encourageants. Je t'envoie un message s'ils se réveillent pendant la nuit, d'accord ? » Mon regard se pose, placide, dans le sien avant de hausser les épaules désinvolte. « Merci de passer le voir, Jens en sera très touché à son réveil. Je ne manquerais pas de lui dire que tu es venu tous les jours. - Arrêtes tes conneries Léna, j'ai pas besoin de tes phrases bateaux. - Comme tu veux Ying Yue. Mais merci quand même. Et merci pour ton cadeau pour Øsvald. Je sais que c'est de toi. Ne pense même pas à démentir. Ça restera entre nous promis. Je ne dirais à personne que tu craques pour les bébés. - Ta gueule Léna. A plus tard. » Elle rigole doucement dans mon dos. Elle a entièrement tort, je ne craque pas pour les bébés. Ce n'était même pas un vrai cadeau pour son fils, à la limite une petite attention pour le neveu de Jens. Rien de plus.

Il fait nuit à présent, l'air est frais mais doux et embaume des odeurs de fleurs du soir. D'un geste nerveux je tire mon paquet de cigarettes, Bølga serré contre ma cuisse. Le tigre qui a rapidement repris sa forme physique après être sorti du sas n'a pas quitté cette position, soutenant une âme qui prétend ne pas en avoir besoin, mais qui ne parvient pas à se défaire des agacements diverses qui rendent mes mots acides et mauvais. Sans Jens pour me remettre à ma place quand il le faut, je sais que je suis injuste et trop rigide avec le régiment. Et avec les autres. “On stresse tous pour Thullen et Jens, arrête de nous faire payer leur absence comme si on était responsable. J'avais eu envie de cracher au visage de Fridha qu'ils sont responsables. Ils étaient là, ils ont autorisé cette descente alors que la préparation était mal faite. Ils auraient dû attendre les informations complémentaires, attendre d'être sûr, et faire plus attention. C'est ce que pense ma propre culpabilité complètement hypocrite qui se retourne contre eux. Je sais bien au fond que si j'avais été là, on serait descendu quand même, sans attendre les informations complémentaires pour profiter de l'obscurité de la nuit. J'allume ma cigarette, avant de relever les yeux et de croiser un visage connu. Un putain de visage connu. Un éclair mauvais glisse dans mes iris alors que les mots traversent mes lèvres sous une impulsion que ma rage interne lance en avant, trop heureuse de trouver la cible idéale pour déverser un peu de hargne. « Alors t'es vraiment dans le médical, Tcherkassov. » J'appuie sur son nom, connaissance nouvellement acquise, trop heureux de pouvoir lui faire savoir que j'ai de plus en plus d'informations sur lui. Et que plus j'en découvre, et plus l'envie de lui arracher la mâchoire pulse dans mes doigts. A la place je tire lentement sur ma cigarette, avant de reprendre la parole : « Je pensais que l'hôpital faisait un peu plus attention à ne pas embaucher des connards. Mais dans le public, faut s'attendre à tout. Tu viens repérer tes prochaines victimes ? » Je titille, sans réel objectif de toucher quoi que ce soit, juste de le faire chier. Jouer mon rôle d'emmerdeur du coin de la rue. Et lui souffler avec arrogance ma fumée de cigarette au visage dans un regard d'un calme presque serein.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Dax Tcherkassov
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TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen
J’ai froissé la lettre au fond de ma blouse blanche.

J’aurais aimé pouvoir froisser de la même façon son contenu.

Faire disparaître les mots et leurs significations, annihiler cette bile au fond de ma gorge et cette nausée qui fait tourbillonner mes émotions. Dax, ils ont trouvé mon adresse. Je savais que ça arriverait, tôt ou tard. J’ai eu la naïveté de croire que le tard dépasserait les sept jours et que le tôt se compterait en mois. Je n’ai jamais sous-estimé mes frères et leurs capacités, mais j’ai peut-être sous-évalué leur hargne et leur ténacité.

Je remplis machinalement mes notes au dossier d’un nouveau-né. Constantes normales, amélioration visible, diminution de l’infection : pronostic vital non-engagé. Mes patients sont stables et je m’attends à ce que le reste de la soirée soit calme, à moins qu’il n’y ait de nouveaux cas. Ça m’arrange. Je ne suis pas d’humeur à réfléchir trop longuement sur des problèmes médicaux complexes.

J’ai la tête ailleurs, quelque part entre l’Angleterre et la Norvège.

J’ai des hommes sur le coup. Des personnes de confiance, sorcières, qui veillent sur elle. Je les ai contactés aussitôt après avoir reçu la missive de ma sœur. Ils m’ont répondu, par notre moyen usuel, qui implique des phrases brèves et laconiques : situation sous-contrôle, déplacement non-nécessaire. L’avantage d’avoir une famille moldue, quand on est un sorcier, c’est que les problèmes sont bien plus faciles à gérer. Si je n’avais pu terminer mon travail de la soirée, si j’avais dû immédiatement transplaner, on m’aurait prévenu. Je sais qu’Anastasya ne s’offusquera pas du fait que je n’accoure pas. Je l’ai déjà avertie, que je ne pourrai pas le faire à chaque fois, et elle m’a déjà signalé vouloir apprendre à régler elle-même ses problèmes. Elle est une Tcherkassov, après tout. Aussi stratégique, aussi têtue, aussi orgueilleuse. Avec une innocence et une bonté que nous, fils d’un connard, nous n’aurons jamais.

J’ai signalé à l’équipe qui travaille à mes côtés que j’allais prendre une courte pause. J’ai besoin de prendre l’air et de me changer les idées, pour garder la tête froide.

J’ai tendance à déraper trop vite, dès qu’il s’agit d’elle.

Je suis sorti à l’extérieur, m’appuyant contre le mur de l’un des bâtiments adjacents à l’hôpital, sans trop m’en éloigner. La rue est silencieuse, la nuit est tombée et les patients non-urgents évitent de se pointer à cette heure. J’ai retiré ma blouse blanche, pour enfiler plutôt ma veste. Je fouille dans l’une des poches, pour ouvrir un petit sac à collations, rempli de légumes. J’en tire une carotte, que je croque silencieusement, comme si c’était une occupation excessivement importante et majestueuse.

Le temps file. J’ai dévoré une troisième carotte et un céleri, en me concentrant sur ces gestes simples, méthodiques, plutôt que sur mes émotions. Je me sens calme, malgré la situation : je veux le demeurer. Je comprends néanmoins que mon plan vient d’être modifié, quand j’aperçois Ying Yue, le demi-frère de Sebastian. Que foutait-il à l’hôpital…? Je l’observe silencieusement, tandis qu’il tire un paquet de cigarettes d’un geste qui me semble nerveux. Une visite ? Je ne sais pas, à ce stade, si j’ai envie qu’il s’arrête ou non à ma hauteur. Ai-je envie et besoin d’une confrontation ? Peut-être. Peut-être pas. Je ne suis pas certain des bienfaits que je pourrais en tirer et je n’aurais probablement pas manifesté ma présence, s’il ne m’avait pas remarqué.  Ses yeux croisent mon visage alors qu'il allume sa cigarette et je me contente de le regarder, sans sourire, sans réagir. Je glisse une autre carotte entre mes dents, que je sectionne d'un coup sec. Je le crois incapable de ne pas ouvrir sa bouche. Certaines personnes sont ainsi : elles doivent provoquer pour exister. « Alors t'es vraiment dans le médical, Tcherkassov. » Je note l’insistance sur mon nom, qui m’arrache un léger sourire. Il l’a donc trouvé. En tire-t-il vraiment un quelconque sentiment de victoire ? Si oui, il est facile à satisfaire. Je relève aussi l’information sur le médical, qui m’indique une source externe ou une recherche à mon sujet – l’éventualité qu’il se soit donné la peine de faire de telles recherches est tout de même amusante. « Je pensais que l'hôpital faisait un peu plus attention à ne pas embaucher des connards. Mais dans le public, faut s'attendre à tout. Tu viens repérer tes prochaines victimes ? » Mon sourire s’élargit, devant la facilité de la réplique. Que cherche-t-il ? C’est ce qui m’intrigue en cet instant, où je suis prêt à accueillir cette diversion pour ce qu’elle est : une diversion. Rien de plus. J’achève ma carotte en deux bouchées, avant de rétorquer calmement : « Je pourrais dire la même chose au sujet de l’armée, mais je les crois encore moins précautionneux que l’hôpital. » Préjugés, très fort probablement. Je m’en fous éperduement. Mes yeux se font mutins, tandis que je scrute le visage du demi-frère de mon colocataire, qui ne mérite pas l’affection que je le soupçonne de lui porter. Je rajoute : « T’es mignon quand tu prononces mon nom, on dirait un chien tout heureux d’avoir déniché un os. » En somme, d’avoir déniché pas grand-chose.
Ying Yue Amundsen
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@Dax Tcherkassov • 6 mai 2024 - Soirée


Je tire sur ma nicotine et lui croque sa carotte. Deux gestes plus ou moins anodins pour une rencontre de fortuite au coin d'un hôpital. Deux gestes calmes, qui hissent de lentes voiles de tempête craignant l'infime clapotis de la mer d'huile. Il sourit à mon interpellation, et mon humeur se greffe immédiatement à la sienne. La colère grondante se tapisse dans le coin chaud de l'estomac pour laisser libre cours à l'acide joueur de grimper jusqu'au sommet du nid de pie. Ce sera jeu de chat et œils de tigre. J'accepte l'idée sans le moindre froncement de sourcils. Ce soir, je suis prêt à me laisser glisser dans tout type de distraction. Ca ou les coups de poings dans un sac de frappe, tout ferait l'affaire. Même risquer de prendre un coup de couteau dans le ventre. Jasper avait dit quelque chose comme quoi il avait pas aimé l'expérience, soit. Mais Jasper a rarement pris des coups tranchant dans la couenne, moi oui. Un coup de couteau même bien placé me fait pas peur. « Je pourrais dire la même chose au sujet de l’armée, mais je les crois encore moins précautionneux que l’hôpital. » Ma joue se creuse dans un sourire joyeux. J'apprécie son sens de la réplique, bien que tout aussi facile que l'était la mienne. Bien moins efficace, cependant. Tout le monde sait qu'on est tous des connards. La cigarette roule doucement entre mes phalanges avant d'être à nouveau portée à mes lèvres. Certains sont plus que connards que d'autres, on pourrait même en trouver des qui ne le sont pas assez, mais ceux-là ne durent pas longtemps. Soient ils crèvent sur le champ de bataille, soient ils finissent brisés, gavant les caisses de quelques psychomages et faisant la joie des potionistes médicaux. « T’es mignon quand tu prononces mon nom, on dirait un chien tout heureux d’avoir déniché un os. » Habile, jouer sur ma nature de loup pour me rabaisser. Facile et trop commun pour être capable de faire naître autre chose qu'un léger ricanement amusé et plaqué un sourire plus profond sur mes lèvres. Je me cacherais pas d'apprécier avoir quelques renseignements aussi basique que celui-ci. Il peut bien juger cela puérile, je n'aurais pas considérer autant cette trouvaille comme une victoire si Sebastian ne s'était pas obstiné à vouloir le garder secret. C'est délicieusement satisfaisant d'avoir accès à une information qu'un autre rechignait a donner. Je ne cherche pas à l'impressionner par mes qualités de détective - que je ne prétends pas avoir ni chercher à me donner - ni à lui faire peur et qu'il se sente menacer. De ce que j'ai compris et appris sur lui, il est trop malin pour que je puisse être une réelle menace pour lui pour le moment. Surtout avec si peu d'informations. Non, je cherche juste à m'amuser, à piquer un peu partout, peut-être l'agacer si j'y parviens, et éventuellement lui piquer un bout de carotte. Ce type est insignifiant, je ne veux pas lui donner plus de poids qu'il ne devrait en avoir. Encore moins de crédit. Je n'ai aucun intérêt à le faire, il ne me sert à rien. Tout juste bon à écouter les conneries et les jérémiades de Sebastian et à lui accorder tout le crédit qu'il veut. Suffisamment stupide pour boire ses paroles et croire à tous ces discours de petit chaton battu par les terribles loups sans cœur. “C'est pas parce que tu me voyais pas, que je ne trainais pas dans le coin.” Connard de Prince. Non, j'ai rien à attendre d'un type suffisamment stupide pour croire que l'auror est un agneau innocent. Je lui ferai pas l'honneur de le juger intéressant. « Dans l'armée c'est un de nos critères de recrutement. Faut être un connard pour pouvoir buter des types simplement parce qu'on nous paye pour ça. Vous vous êtes payés pour sauver ces mêmes connards quoi qu'ils aient fait avant d'atterrir sur vos lits. C'est là où ton altruisme fait toute la différence entre nos deux corps de métier. » Le ton est toujours le même calme, peut-être un tout petit peu plus amusé et moins acide qu'avant. Je reprends après une nouvelle bouffée de nicotine : « Touchant cette façon que tu as d'infantiliser les autres. Mais puisque tu soulèves cette remarque, oui. Ça me rend heureux de connaître ton nom après tout le mal qu'il s'est donné pour te nimber de mystère. Ça me fait doucement marrer de savoir que tous ses efforts se révèlent toujours inutiles. » C'est faux, et toujours aussi hypocrite de ma part de parler de lui ainsi. J'en ai peu de choses à faire. La blessure, trop profonde, laisse écouler un poison brûlant depuis deux semaines, ce n'est pas pour me montrer juste et mesuré ce soir face à Tcherkassov. « J'ai hésité à le graver sur le manche de ton couteau, au cas où je le prendrais malencontreusement. Mais le rendu risquait d'être grossier. » Ma bouche se tord dans une légèrement moue avant de revenir sur le sourire aux courbes d'un doux amusement de jeu. Je ne doute pas une seconde qu'il a eu connaissance de la petite aventure de son couteau. Qu'il n'ait pas été inquiété dans l'affaire m'indique que soit Sebastian n'a pas reconnu le dit couteau - j'en doute mais on ne sait jamais, son sens de l'observation pourrait être vraiment déplorable - soit Sebastian connait suffisamment son colocataire pour ne pas avoir envie de le dénoncer. Peut-être même avait-il déjà connaissance des possibles activités de celui-ci, bien que je ne sache pas dans quoi il trempe réellement. Mais il trempe. Si Jasper le dit, je ne peux que le croire. Soit, Tcherkassov fait pression sur Prince et le retient en réalité en otage sous un chantage affectif quelconque. Mais cette dernière option me semble peu crédible au vu des hiboux que l'homme m'a envoyé pour m'engueuler sur les potions de sommeil envoyées à Sebastian. La seule piste viable est donc la deuxième : le colocataire auror qui se montre laxiste envers son colocataire hors-la-loi. L'idée est franchement drôle. Ironiquement drôle. Tout va m'amène donc à concevoir presque avec certitude que l'homme en face de moi vers qui je ne cesse de souffler ma fumée en peine face, sait où son couteau s'est retrouvé enfermé dernièrement : dans la salle des pièces à conviction des aurors. Est-ce que cela l'a fait chier ? J'espère que oui. Si non, tant pis. Ce serait déceptif, heureusement que le but principal de cette action tournaient autour de deux autres vengeances plus sérieuses qui, elles, ont magnifiquement abouties.


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Dax Tcherkassov
Dax Tcherkassov
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L’odeur du tabac se répand à proximité. Elle ne m’agace pas, malgré la proximité de la fumée. C’est une odeur comme une autre, à laquelle on s’habitue quand on passe beaucoup de temps dans des ruelles crasseuses. Je fume occasionnellement, par lassitude ou habitude, surtout avec d’autres personnes. Les gens partagent souvent des informations intéressantes autour d’une cigarette, comme si ce Saint-Graal cancérigène leur donnait le droit d’aborder n’importe quel sujet. Pour d’autres, c’est un outil pour asseoir leur autorité. Souffler sa fumée au visage de quelqu’un, c’est un geste minime, mais potentiellement irritant pour l’autre, plus efficace que des coups. J’y vois personnellement le signe d’un mange d’originalité et d’un cerveau stratégique limité ; c’est la réflexion que je me fais, alors que je fixe mon interlocuteur imprévu. « Dans l'armée c'est un de nos critères de recrutement. Faut être un connard pour pouvoir buter des types simplement parce qu'on nous paye pour ça. Vous vous êtes payés pour sauver ces mêmes connards quoi qu'ils aient fait avant d'atterrir sur vos lits. C'est là où ton altruisme fait toute la différence entre nos deux corps de métier. » Les commissures de mes lèvres s’étirent pour former un léger sourire, tandis que mes yeux s’éveillent d’une lueur un peu plus intéressée. Altruisme. Un mot si loin de moi, si loin de mes caractéristiques et de mes défauts. Il m’a peu côtoyé, mais je ne le crois pas assez con pour croire que je mérite vraiment ce qualificatif.

Suis-je en train de perdre mon temps ? Cette interaction fait du sens et vaut le coup, si ce Ying Yue parvient à se montrer assez divertissant. Elle est une gaspille de minutes, s’il se maintient dans la facilité et la médiocrité.   « Touchant cette façon que tu as d'infantiliser les autres. Mais puisque tu soulèves cette remarque, oui. Ça me rend heureux de connaître ton nom après tout le mal qu'il s'est donné pour te nimber de mystère. Ça me fait doucement marrer de savoir que tous ses efforts se révèlent toujours inutiles. » Mes traits demeurent neutres. Le mince sourire demeure en place, presque placide. Mes pupilles le fixent avec intérêt, alors que je cherche à comprendre ses motivations. Je m’interroge sur le but de sa dernière phrase, l’intention et les véritables émotions derrière. Simple provocation ? Peut-être, mais ce serait un peu con. Pourquoi chercher à me provoquer en rabaissant son demi-frère…? Pour jouer sur l’intérêt que j’ai manifesté à son égard, en lui écrivant des lettres sur les potions ? C’est une possibilité, mais ce serait mal parier sur l’intensité de mon intérêt. Ou ce serait très bien parier. Je ne peux pas nier que ses propos à son égard m’agacent légèrement. J’ai vu l’état de Sebastian, j’ai lu des lettres, je l’ai entendu la nuit. Même si je ne le veux pas, je me soucie de mon colocataire. Suffisamment pour que j’aie le désir, camouflé et peut-être nié, de ne pas lui nuire et de parvenir à le faire sourire. Suffisamment, aussi, pour que je juge négativement son demi-frère et son acharnement à son égard. Je sais néanmoins que dans les relations familiales, rien n’est aussi simple que ce que les apparences peuvent montrer. « J'ai hésité à le graver sur le manche de ton couteau, au cas où je le prendrais malencontreusement. Mais le rendu risquait d'être grossier. » Mon rire s’élève, sec. Cherche-t-il à me faire réagir, en mentionnant le couteau, ou veut-il simplement s’assurer que j’ai bien suivi son escapade ? Considère-t-il vraiment cette histoire comme une victoire ? Impossible. Il ne doit pas être si bête. Je plonge ma main dans ma poche, pour en tirer un nouveau bâtonnet de céleri, alors que je rétorque : « Ça aurait pas changé grand-chose, le rendu était déjà grossier. » Ce fut une déception, d’ailleurs. J’étais intrigué de ce qu’il en ferait, lorsque je lui ai remis. Les possibilités étaient multiples, captivantes, avec un risque minime de mon côté. Je rajoute : « J’étais curieux de voir l’usage que tu en ferais. » J’avais cru détecter en lui certaines capacités de stratège. Une nature brute de surface, mais capable de subtilités et de plans ingénieux. Une simple première impression, que je voulais vérifier. Et rien de mieux, pour vérifier les capacités d’un adversaire, que de lui donner nous-mêmes l’outil. Je contrôlais ainsi, à ma manière, l’une des données du plan.

Je croque le bâtonnet, que je mâche nonchalamment, avant de rajouter : « Je m’attendais à mieux, ça manquait de finesse. Mais j’avais peut-être des attentes trop hautes. » Il y avait bien certains éléments intéressants, comme la conclusion. La transformation de l’arme, aussi, qui implique nécessairement un tier pour éviter de remonter jusqu’à la source. La déception était plutôt sur l’une des finalités ; confronter Sebastian à reconnaître l’arme de son colocataire. Puéril, de l’ordre des disputes de gamins sur une cours de récréation. Croyait-il que je ne dirais pas la vérité à Sebastian sur l’origine de l’arme, après qu’il l’ait reconnue ? Cette même vérité, je ne l’aurais pas travestie si j’avais été véritablement dernière l’attaque, maintenant que l’auror a connaissance de mes activités criminelles. Activités que Ying Yue, normalement, ne connaît pas, à moins qu’on ne l’ait informé. C’est une possibilité à prendre en compte. Je scrute avec davantage d’attention le militaire, reprenant d’un ton toujours aussi calme :   « J’ai pas encore réussi à déterminer si t’es le genre de type qui s’éclate en essayant de faire du mal à son demi-frère, ou si vous êtes juste dans une relation tortueuse de ‘je te hais mais je t’aime bien’. Tu m’éclaires ? » Je ne m’attends pas à une véritable réponse sincère, mais cet élément m’intrigue réellement. Dans quel case mettre le Amundsen ? Je n’ai aucune tolérance pour ceux de la première catégorie, qui me font penser à mes deux frères aînés. J’ai un peu plus de patience pour ceux de la seconde, comme mon troisième frère, ce connard qui pourrait avoir du potentiel.
Ying Yue Amundsen
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@Dax Tcherkassov • 6 mai 2024 - Soirée


J'ai besoin de me divertir, de penser à autre chose que le visage de mes hommes, leur absence trop longue. Penser à autre chose que l'idée stupide de devoir les remplacer. Même si ce divertissement hasardeux est tout autant capable d'enfoncer ma mauvaise humeur que de l'apaiser légèrement. Le calme dont Tcherkassov fait preuve est satisfaisant, je n'en n'attends pas moins de lui après l'extraordinaire sérénité dont il avait fait preuve en juin quand son colocataire s'était retrouvé mis sur le tapis par un coup d'épaule bien senti. J'aime ce genre de comportement, je ne me le cache pas. Il sait faire preuve de retenue et d'une observation perçante. Mes propres yeux posés sur lui avec un calme presque doux, observent ses réactions, l'absence de mouvement de parasite, en contrôle de ses nerfs et de ses émotions. Joli travail. Il a même l'audace de sortir une nouvelle branche de céleri et de la croquer allègrement avant de reprendre la parole comme si de rien n'était. « Ça aurait pas changé grand-chose, le rendu était déjà grossier. » Un coin de lèvre se soulève un peu plus sur la canine imposante du loup. Il reprend mon adjectif pour s'en servir contre moi et déprécier le rendu final. Adorable, et amusant. Est-ce qu'il est frustré de voir à quoi à servi son couteau ? Le genre de type qui imagine des histoires rocambolesques pour leurs armes fétiches et ne veulent leur réserver que les meilleurs coups ? Déçu du rendu grossier de l'attaque, il est désappointé pour son couteau ? Non, je ne pense pas qu'il soit du genre à s'émouvoir réellement pour le sort d'une de ses lames. Je penche plutôt pour un amour des choses fines et discrètes. Un chirurgien peut-être ? Bølga, qui a pris ses distances pour éviter de mettre en avant le soutien moral qu'il exerçait précédemment contre ma cuisse, s'est détourné de la scène qui ne présente aucun intérêt pour lui, et observe laconique, les rares personnes qui se pressent entre les bâtiments de l'hôpital. « J’étais curieux de voir l’usage que tu en ferais. » Ah, la curiosité. Une bien habile compagne qui nous fait tous prendre quelques risques mesurés parfois. Tout comme j'avais pris le risque de perdre mon combat contre Arsinoe en février, pour satisfaire ma curiosité et mesurer plus correctement l'ampleur de ses compétences. Je jugerai facilement qu'au vu de son manque d'enthousiasme et de réaction, et par l'adjectif utilisé précédemment, que je n'ai pas réussi le test comme il s'y attendait, ce qui me fait ricaner intérieurement. Comme pour confirmer mes pensées, l'homme rajoute après avoir mâchouillé son bout de légume comme un vulgaire lapin : « Je m’attendais à mieux, ça manquait de finesse. Mais j’avais peut-être des attentes trop hautes. » La finesse n'était pas l'effet recherché, pourtant l'orgueil ne peut s'empêcher d'être piqué malgré moi. Ça ne devrait pas. Ce type m'indiffère, et son avis ne compte pas. Je ne l'est pas utilisé pour le plaisir de lui montrer l'étendu de mes compétences. Ce n'est pas un adversaire de taille, ce n'est pas un militaire, encore moins un champ de bataille. Et je n'ai rien à lui prouver. Je connais ma propre valeur, mes compétences. Qu'il puisse croire ou imaginer que j'ai fait cela juste pour lui est stupide de sa part, ou naïf, mais j'ai étonnamment plus de mal à lui attribuer cet adjectif-là. Quittant l'étude de ses traits, mes iris tombent momentanément sur un des boutons de ma manchette d'uniforme, légèrement de travers. La cigarette calée au coin des lèvres je replace délicatement le bouton d'or pour aligner le symbole de mon régiment avec les autres. Détails inutiles aux yeux de beaucoup, mais auquel j'accorde toujours une certaine importance. La différence entre grossièreté et finesse d'un habit soigné, façade impeccable qui enrobe un quotidien de boue et de saletés. Je trouve satisfaisant de présenter si parfaitement ma livrée en dehors des entraînements, l'habitude Amundsen de faire disparaitre la moindre évocation bestiale dans une efficacité redoutable de bienséances. « J’ai pas encore réussi à déterminer si t’es le genre de type qui s’éclate en essayant de faire du mal à son demi-frère, ou si vous êtes juste dans une relation tortueuse de ‘je te hais mais je t’aime bien’. Tu m’éclaires ? » Mes phalanges récupèrent la cigarette après en avoir tiré une nouvelle aspiration, pour la faire rouler entre deux doigts, faussement pris dans une réflexion intense. Sa question ne fait que venir confirmer les hypothèses à son sujet concernant Prince. Il est impliqué, d'une façon ou une autre, dans une forme de soucis le concernant. Pas assez pour intervenir en cas de bagarre dans son salon, mais suffisamment pour venir me chercher des puces au sujet de potions envoyées. Et pour en savoir plus sur la relation qui nous lie. Et suffisamment pour aller le sortir d'un manoir des Douze en pleine nuit et l'héberger sur du long terme chez lui. Vraiment touchant. Les yeux relevés vers lui rendent l'éclat intéressés qui semble luire au fond des siens. Il ne m'intéresse pas vraiment, mais sa place dans le quotidien de Prince le rend nécessairement intriguant. Les deux hommes, si différents, s'accordent mal. Et pourtant ils continuent de partager le même toit. Ça pourrait soulever tout un tas de questions, si leurs vies m'intéressaient. Ce n'est pas le cas. Rien ne m'intéresse chez eux. Plus rien. Sauf peut-être de savoir quelles prochaines conneries je pourrais m'amuser à leur faire pour continuer de mettre une pression sur leurs épaules. C'est tout ce que je cherche à faire après tout. Maintenir une pression sur le dos de Sebastian pour qu'il n'oublie pas qui nous sommes. Quoi que non. Plus maintenant. Il ne mérite plus cette attention. Je la maintenais pour l'embêter parce qu'il n'en voulait pas. Aujourd'hui je n'ai même plus envie de ça. Même plus envie d'essayer. De laisser la moindre porte ouverte pour lui. Je devrais peut-être penser à lui renvoyer sa foutue petite statuette de panthère, tombée par erreur dans le paquet. Tout comme j'ai renvoyé sa foutue peluche. Un infime pincement de cœur se plante dans ma poitrine, que je n'écoute pas. Je ne ferai rien, cette vengeance était le dernier signe envoyé dans sa direction. Qu'il se démerde. Qu'il fasse sa vie tout seul, vu que c'est ce qu'il veut. Peut-être bien que ce faux temps de réflexion était plus réel que je ne le souhaitais. J'en prends conscience sans le reconnaître entièrement sous le léger silence qui s'est installé entre nous. La cigarette s'arrête de rouler entre mes doigts et mes lèvres se creusent dans un sourire doux. « C'est lui qui a toujours tenu aux termes de demi-frère. C'est à lui que tu devrais poser cette question. Me concernant je suis soucieux de son bien être, comme je te l'ai déjà dit. Je prends soin de respecter ses décisions. Ce n'est pas de ma faute s'il ne sait pas lui-même ce qu'il veut. » C'est un gamin, plus perturbé qu'une girouette prise dans des vents contraires. Ma voix trop calme jure avec les émotions violentes qui enfoncent leurs crocs pointus dans mes entrailles. Le mensonge n'en n'est presque pas un, rendent involontairement plus sincère le souci nommé concernant Prince. « Je n'arrive pas à statuer non plus te concernant si tu trouves un réel intérêt personnel à l'avoir chez toi, une sécurité criminelle à vivre avec un auror peut-être ? Ou si tu as développé un véritable trait altruiste envers lui. » Si c'est bien cela, comme je le pense, j'en connais peut-être un qui pourrait être intéressé de savoir qu'il existe des prises sur lesquelles appuyer pour atteindre cet insensible de Tcherkassov. Heureusement pour lui, que cette prise soit Sebastian. Cela le préserve de la moindre filtration d'information à ce sujet. « Si tu n'as pas été inquiété, je suppose donc que Prince connait tes activités annexes ? Navré pour la grossièreté de cette attaque par ailleurs. Il ne fallait pas attendre grand chose du rustre qui s'est permis de la pervertir aussi grossièrement, visiblement. Quel dommage pour une lame aussi fine de finir ainsi. » Une très légère lueur carnassière vient faire briller mes iris à l'évocation de l'attaque et les souvenirs de son effet. Le visage stupéfait d'Isaksen lorsque l'ensorcellement avait cessé d'embrumer son esprit et que, debout face au corps agressé et ensanglanté du Major, il avait réalisé ce qu'il venait de faire. Ce qu'il avait fait dans un élan de rage incontrôlé. Comme un monstre sanguinaire. A-t-il réalisé depuis la manipulation dont il a été victime pendant toutes ces semaines ? A-t-il seulement pris connaissance de l'influence de mes remarques dans ses prises de décision récentes ? Je ne sais pas, je n'ai pas pris le temps d'aller le voir en prison. Peut-être même que je ne le prendrais pas. Ma vengeance réalisée, le reste ne m'intéresse plus. Tout comme la survie encore mise sous condition du Major. Lui non plus, je n'irai pas le voir. Je ne ferai pas l'erreur d'avoir l'air de m'intéresser soudainement à lui et risquer de donner la moindre pièce à sa famille de rattacher cette attaque aux Amundsen et à notre querelle familiale. Je reprends, d'une voix toujours calme, flirtant seulement avec des chaleurs amusées : « Il te reste une carotte ? Toute cette histoire de couteau et de sang m'a donné faim. » D'une dernière aspiration je terminé ma cigarette, avant d'en faire griller le mégot d'un rapide sortilège et de replacer ma baguette dans son étui.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Dax Tcherkassov
Dax Tcherkassov
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen
Je le regarde réfléchir avec un intérêt mitigé. Je ne suis toujours pas fixé, à son sujet. Je le crois capable de bons coups et de plans préparés avec un certain niveau de complexité. Mais j’ai l’impression qu’il peut aussi glisser dans la facilité et dans la rudesse grossière. À voir. Je me demande s’il cherche véritablement une réponse à ma question, en faisant rouler sa cigarette entre ses doigts, ou s’il est en train de songer au moyen de l’esquiver, avec une pique potentiellement mal placée. J’attrape un nouveau céleri, tout en jetant un coup d’œil distrait au panda roux qui s’amuse à observer les passants, à quelques mètres de moi. La conversation ne l’intéresse pas. « C'est lui qui a toujours tenu aux termes de demi-frère. C'est à lui que tu devrais poser cette question. Me concernant je suis soucieux de son bien être, comme je te l'ai déjà dit. Je prends soin de respecter ses décisions. Ce n'est pas de ma faute s'il ne sait pas lui-même ce qu'il veut. » J’ébauche un léger sourire, à la croisée du rire et du rictus dubitatif, sans répondre. Il est d’une mauvaise foi impossible à ne pas remarquer, même pour un observateur qui ne serait pas avisé. S’il se souciait vraiment de son bien-être et de ses décisions, il n’aurait pas agi de la sorte, dans mon appartement. Il n’aurait pas non plus renvoyé cette drôle de peluche, ni tenté d’influer sur lui avec cette histoire de couteau. Mais je sais bien que les choses ne sont jamais aussi simples que ce qu’elles paraissent : les liens familiaux ne se limitent pas à des extrémités telles le noir ou le blanc. Il y a différentes teintes entre les deux, parfois plus sombres, parfois plus claires, et qui peut varier. Tout ce qu’il fait pour nuire à Sebastian, et pour provoquer une réaction, peut ressembler aux actes d’un gosse qui charrie son frère pour qu’il accepte de jouer avec lui.

Je termine de mâcher mon bâtonnet, alors qu’il reprend la parole. « Je n'arrive pas à statuer non plus te concernant si tu trouves un réel intérêt personnel à l'avoir chez toi, une sécurité criminelle à vivre avec un auror peut-être ? Ou si tu as développé un véritable trait altruiste envers lui. » Une sécurité criminelle. Je me demande à quel point il bluff de façon hasardeuse et à quel point il a trouvé des informations, me concernant. Sa question, encore une fois, me donne l’impression qu’il se soucie vraiment de mon colocataire. Pourquoi chercher à comprendre mes motivations, s’il n’est pas poussé par un certain intérêt à son égard et, peut-être, une envie cachée de le protéger ? Markov et Youri pourraient vivre avec les pires raclûres de la Terre, je m’en foutrais éperduement. Je me dirais même tant mieux, sans aucun remords, si on leur faisait du mal. C’est différent pour Stan. Ça me ferait potentiellement un peu plus chier, si j’apprenais qu’il vivait avec quelqu’un qui a l’intention claire de lui nuire. « Si tu n'as pas été inquiété, je suppose donc que Prince connait tes activités annexes ? Navré pour la grossièreté de cette attaque par ailleurs. Il ne fallait pas attendre grand chose du rustre qui s'est permis de la pervertir aussi grossièrement, visiblement. Quel dommage pour une lame aussi fine de finir ainsi. » Mon expression faciale ne change pas. Le même sourire frêle, sans joie mais sans animosité, flotte sur mes lèvres. Une lame est une lame : il n’y a pas de belles fins. Ce n’est qu’un outil, voué à accomplir certaines choses. J’ai un attachement particulier à l’égard de certains de mes poignards, mais je ne cherche pas à ce qu’ils soient reliés à des événements significatifs. Si on me demandait mon avis, la meilleure fin qu’ils pourraient avoir, c’est de demeurer sur mon mur ou dans mon armurerie. Je ne suis pas un adepte des coups violents et du sang versé inutilement.

Je relève l’allusion, encore, à mes activités annexes. A-t-il une véritable certitude à ce sujet ou est-il en train de pêcher, en tentant d’agiter un hameçon sous mon nez ? Les deux possibilités sont stimulantes, et relève mon intérêt à son égard. « Il te reste une carotte ? Toute cette histoire de couteau et de sang m'a donné faim. » Je souris plus franchement devant son sans-gêne nonchalant, digne de l’homme que j’ai rencontré pour la première fois dans mon appartement. Une attitude qui me plaît, invariablement. Je sais apprécier la maîtrise de soi chez les autres. « Si par activités annexes, tu fais allusion à mes compétences foudroyante de cuistot qui aime collectionner les lames, il le sait, oui. » Mon ton est détaché. Je lève légèrement mon poignet, sur lequel se trouve un bracelet. Je ne l’ai lié ce soir qu’à deux patients : le nouveau-né et un gosse d’une dizaine d’années. Leurs constantes s’affichent en minuscules chiffres lumineux, que je consulte pendant quelques secondes, avant qu’ils ne s’éteignent. Stables, sans surprise. J’abaisse mon bras, relevant mes yeux vers le militaire, pour reprendre comme s’il n’y avait pas eu d’interruption : « Tout comme il sait que je t'ai gentiment envoyé la mienne et que tu en as fait un mauvais usage. On aurait d'ailleurs pu remonter facilement jusqu'à toi grâce à tes lettres, qui prouvaient que tu en es devenu brièvement le propriétaire. Mais j'imagine qu'il ne voulait pas te mettre dans la merde.» Suis-je en train de trahir mon colocataire, en signalant l’attachement probable qu’il ressent à son égard ? Je ne crois pas. De ce que j’ai vu, cet attachement est palpable, à moins d’être un con aveugle. Ceci dit, les deux demi-frères, ou frères, sont peut-être aveugles, justement. Ça les concerne. Moi, le seul qui m’importe, c’est Sebastian. Les sentiments de l’autre, je m’en balance éperdument. Mon sourire s’élargit, tandis que je rajoute d’une voix moqueuse, comme si je balançais une évidence : « On couche ensemble. Bien sûr, que je trouve un réel intérêt à l'avoir chez moi. Ta question est bête. » Une provocation trop facile, mais infiniment tentante. Ce n’est pas entièrement faux, selon le sens dans lequel on l’interprète. Et c’est entièrement vrai, même si ça m’emmerde, que je trouve un vrai intérêt à l’avoir chez moi. Je me suis habitué à sa présence, tout comme on s’habitue à la présence d’une plante verte. Et même si je l’admettrais pas à voix haute, je me suis aussi attaché au fil des mois, à ma façon. Assez pour vouloir le protéger d’autres bouleversements émotionnels. Il en a assez eu, il mérite d’avoir un peu de stabilité. Je plonge ma main dans ma poche, pour en tirer un bâtonnet de carotte, que je jette dans les airs en direction du militaire : « Attrape. » Styx, tiré brièvement de sa contemplation de la rue, me jette un coup d’œil moqueur.
Ying Yue Amundsen
Ying Yue Amundsen
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Adjust the sails to the roaring wind

@Dax Tcherkassov • 6 mai 2024 - Soirée


Le Tcherkassov sourit à ma question, et ça me fait chier, mais j'apprécie le répondant qu'il montre face à mon attitude de connard. Dans un tout autre contexte, très éloigné de celui actuel, il pourrait avoir le genre de caractère qui me plaît et que j'ai envie d'aller titiller avec une sincérité d'amusement défait de la rancœur que j'éprouve pour lui actuellement. Jasper doit vraiment bien s'amuser avec lui. « Si par activités annexes, tu fais allusion à mes compétences foudroyante de cuistot qui aime collectionner les lames, il le sait, oui. » Compétences foudroyantes, oui, c'est bien à ce foudroyant que je fais référence, sans avoir la moindre certitude. Son attitude, la façon placide qu'il a de considérer les choses et les êtres autour de lui me fait penser à un entraînement de longue date. Une maîtrise de ses émotions et de sa personnalité qui ne se fait pas sans raison. Peut-être suis-je biaisé par ma propre expérience de la question, mais ceux qui imposent un tel entraînement à ses enfants est rarement chargé que de bonnes intentions. On pourrait me dire qu'il s'agit d'un chasseur de prime comme d'un dealer d'organes, que je ne serai pas surpris le moins du monde. Je le crois suffisamment intelligent pour avoir saisi que ce sont bien des activités illégales auxquelles je fais référence. Reste à savoir si sa réponse est sincère et mensonge. Je ne le connais pas assez pour savoir son fonctionnement. Une partie de moi voudrais le croire, une infime partie qui pourrait éprouver un étrange sentiment rassuré de savoir Sebastian au courant. De savoir que son colocataire ne risque pas de trahir une confiance qu'il a déjà du mal à accorder. Qu'il ne m'a jamais accordé, et qu'il semble pourtant avoir accordé si facilement au connard de criminel de né-moldu qui se tient devant moi en bouffant des légumes crus. Mes yeux suivent le mouvement de poignet pour tomber sur les chiffres lumineux qui s'affichent. Ce n'est pas la première fois que je vois ce type de bracelet, je sais à quoi ils servent et qui les utilisent les plus souvent : les médicomages. Heureusement qu'il n'est pas de ceux qui s'occupent de Jens et Thullen. Ca m'aurait fait chier de devoir le croiser tous les jours devant leur chambre trop silencieuse. Pas parce que la situation me met dans une situation délicate ou de vulnérabilité, mais parce que j'aurais eu du mal à garder mon professionnalisme face à sa tête de connard. « Tout comme il sait que je t'ai gentiment envoyé la mienne et que tu en as fait un mauvais usage. On aurait d'ailleurs pu remonter facilement jusqu'à toi grâce à tes lettres, qui prouvaient que tu en es devenu brièvement le propriétaire. Mais j'imagine qu'il ne voulait pas te mettre dans la merde. » Mon sourire se fait très légèrement plus mauvais, j'aime définitivement sa façon de m'attaquer en retour, même si ses informations sont étonnées. Ainsi, comme je le soupçonnais, Tcherkassov est du genre à ne pas prendre de pincette, ni à garder des informations pour lui quand il s'agit de Sebastian. Étonnamment. Contrairement à ce qu'avais dit Jasper, il a bien des personnes par qui le toucher lui. Des prises par lesquelles le faire chier. La sensation de satisfaction est cependant moins éclatante que je ne l'aurais imaginé. Toujours cette foutue partie que je tente d'étouffer du mieux que je peux, qui acidifie les émotions. Peut-être bien que ça me fait chier d'avoir eu raison. Peut-être bien que j'aurais préféré qu'il ne dise rien, qu'il considère Prince comme pas si important pour lui devoir la vérité. Est-ce que ça l'a fait blessé ? La question glisse, sournoise, dans mon crâne, avant d'être avalée par le loup qui rôde. Oui, ça l'a blessé, c'était le but recherché. Qu'il souffre, qu'il sente l'odeur âcre de la trahison. Qu'il sente le poison qu'il a lui-même distillé dans mes veines avec sa putain de lettre. J'étais là comme un traite à vous regarder de loin. Pourquoi il venait sans  se montrer ? Pourquoi quand je lui disais de venir avec nous, avec moi, il refusait à chaque putain de fois, pour se pointer après en douce comme un connard de fourbe ? Quand je pense que j'ai été triste de le savoir seul au manoir, de côté.

Le colère sourde gronde dans mon estomac, je réprime l'envie de la laisser s'exprimer, seul un léger durcissement du regard trahi la violence de la rage qui bouillonne dans mes fibres. Qu'elle flambe, cette colère, brûlant les restes de douleur qu'elle pourrait masquer. Qu'elle flambe et me fasse plus facilement accepter les conséquences de ma vengeance réussie envers lui. Sournoise, perfide, et de bas étage. Grossière comme Tcherkassov à dit. Aussi grossière que l'est la mauvaise foi de Prince quand il me reproche d'avoir été celui qui s'est évertué à le faire sentir de trop.

A quelque pas de là,la queue de Bølga a frémit, avant de s'enrouler autour de lui. Sa patte se pose dessus, pour en contrôler plus efficacement les démonstrations intempestives d'émotions violentes qui se cachent derrière les traits lisses de mon visage toujours illuminé d'un sourire narquois. « On couche ensemble. Bien sûr, que je trouve un réel intérêt à l'avoir chez moi. Ta question est bête. » Je ne retiens pas le froncement de nez de dégoût qui se déclenche automatiquement. Il en joue, volontairement, je lui donne la réponse qu'il attendait, ouvertement. Si ça l'amuse d'utiliser ces faux arguments fallacieux pour masquer son véritable attachement que je soupçonne envers Prince, je ne me gênerai pas pour entrer dans son jeu à chaque fois qu'il le fera. Ce n'est un secret pour personne que ce genre d'allusion me déplaisent. Le montrer c'est aussi m'assurer que les autres tomberont facilement dans ce registre, me permettant de réagir avec facilité à des provocations. Presque un mécanisme automatique qui se déclenche sans avoir à y penser et pouvoir y cacher tous les autres sentiments que je souhaite. Comme une soupape de décompression pour m'autoriser à exprimer une palette d'autres émotions que le contrôle me force à contenir sur d'autres sujets. Seul mon habit de militaire limite l'exagération de ma réaction, je réprime le mouvement de recule dans un redressement d'épaules, avant de darder un regard plus assassin vers lui. Regard qui se creuse encore plus quand, d'un geste calculé, il lance au bâtonnet de carotte dans ma direction au son d'un : « Attrape » humiliant. Sorti du contexte, la situation aurait pu m'amuser. Mais Tcherkassov n'est pas un ami, même pas une connaissance, encore moins un type digne de se montrer aussi irrespectueux envers moi, et envers mon uniforme.

Je ne réagis pas, laissant la carotte taper contre ma poitrine avant de chuter au sol sans un regard. Un véritable gâchis, mais je ne m'abaisserai pas à la ramasser, pas plus que je ne me serais abaissé à la rattraper au vol comme un vulgaire toutou. « C'était stupide. » Ma voix est calme, parfaitement maîtrisée, très légèrement plus dure que précédemment, mais sans être agressive pour autant.  « Je m'attendais à humour moins grossier de ta part. » L'humiliation c'est mon rayon, j'ai l'impression moins le sien, du moins il met beaucoup moins de finesse dans celle-ci que dans le reste ce qui me laisse supposer qu'il est moins habile à la manier que ses lames. « J'ai plutôt l'impression que c'est toi qu'il ne voulait pas mettre dans la merde, surtout si vous couchez vraiment ensemble. Mes lettres ne témoignent pas de ma propriété d'un quelconque couteau. Au dernière nouvelle tu refusais mes honnêtes propositions et tu pourrais avoir décidé de me faire chier en impliquant spécifiquement ce couteau dans une histoire pour me nuire. Même si j'avais gardé les tiennes, elles ne font état d'aucune transaction réalisée, et je ne suis pas certain que ta parole ait beaucoup de valeur, ni que tu prendrais le risque de laisser une troupe d'aurors fouiller dans ta vie. Lui j'ai déjà la confirmation qu'il préfère trahir ses collègues et ses vœux envers le Royaume que te dénoncer. Félicitations. » J'incline très légèrement la tête en signe de salut officiel avant de croiser mes mains désormais vides derrière mon dos. Le militaire que je ne suis ne se laissera pas si facilement sortir de sa posture, même pour une raclure comme lui. Je m'apprête à répliquer quand un son de bottes lourdes claquement durement sur le pavé attire mon attention dans mon dos, un délicat sentiment de tension qui émane de Bølga me fait garder la réponse cinglante derrière mes lèvres pincées qui se lissent immédiatement. « Løjtnant. » La voix ferme et autoritaire me fait immédiatement tourner des talons dans un salut officiel. « Orlogskaptajn. » Mon regard se fiche dans ceux de Salli qui n'accorde pas le moindre regard à l'homme  qui se trouve désormais derrière moi. Je juge donc que son intervention n'a rien d'officiel, ce qui m'emmerde déjà. Si elle vient me voir si librement, ici, ce n'est pas pour me demander l'heure. « Nous avons été averti que leurs états s'améliorent enfin, j'ai un rendez-vous avec le chef de service. Malgré tout, nous devons envisager la prochaine manœuvre sans eux. Je vous ai mis cinq nouveaux dossiers de candidats, choisissez en trois. » Je ne réponds rien. Pas en face de lui. Je me contente de hocher la tête en signe de salut et Salli détourne d'elle-même les talons, avant d'ajouter par-dessus son épaule : « Dans mon bureau, dans deux heures Ying Yue. Trouve-nous à manger. » Je l'apprécie beaucoup, mais elle me fait chier a cet instant. Je suis sa progression, un œil acéré sur le très léger boitement qu'elle conserve depuis ses propres blessures. Ça aussi, ça me fait chier pour elle. D'un mouvement lent, calme, et toujours aussi maîtrisé, je reporte mon attention sur Tcherkassov qui n'a pas l'air d'avoir bougé d'un millimètre depuis toute à l'heure. « Je vais pas tarder, mais c'était très enrichissant comme discussion. On a établi qu'on était deux connards et que tu t'inquiètes pour Prince. Me voilà rassuré de savoir qu'il est pas trop dépaysé dans son quotidien. » Je ne suis rassuré de rien du tout. Je m'en contre-fiche de lui, de eux. De ce qu'ils font dans leurs lits et de leur temps ensemble. Qu'il embarque Prince dans ses activités merdiques s'il le veut. Qu'il lui torture l'esprit entre conscience personnelle et conscience professionnelle si ça l'amuse. Rien ne m'intéresse de leur vie.
 


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Dax Tcherkassov
Dax Tcherkassov
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Je passais peut-être une mauvaise soirée, mais voir un militaire prendre la décision bête de laisser une carotte rebondir sur son torse est infiniment distrayant. La scène est si absurde qu’elle m’arrache un sourire sincère et un éclat joyeux, au fond d’iris qui s’éclairent rarement. « C'était stupide. » Je suis de son avis, ne pas avoir attrapé ma carotte était stupide. Je comprends l’association brève qui a dû conduire à son inaction : le loup, le légume, la baballe, le geste, la domination. Mais un chien qui se prend son jouet à la figure paraît bien plus con que s’il l’avait saisi dans sa gueule. « Je m'attendais à humour moins grossier de ta part. » Mon sourire s’élargit, sans irritation. Je peux jouer sur plusieurs registres, selon la situation. On découvre bien plus de choses sur les gens à travers leurs réactions aux blagues ou aux piques qu’en posant des questions directes. Et il est bien plus avantageux pour moi qu’il me classe dans la catégorie des répliques faciles que dans celle de la subtilité.

Au loin, la porte de l’hôpital s’ouvre et se referme. Le mouvement habituel : des gens entrent avec anxiété ou espoir et ressortent, consolés ou bouleversés. C’est le mouvement de la vie et de la mort, un mouvement qui me laisse indifférent. « J'ai plutôt l'impression que c'est toi qu'il ne voulait pas mettre dans la merde, surtout si vous couchez vraiment ensemble. Mes lettres ne témoignent pas de ma propriété d'un quelconque couteau. Au dernière nouvelle tu refusais mes honnêtes propositions et tu pourrais avoir décidé de me faire chier en impliquant spécifiquement ce couteau dans une histoire pour me nuire. Même si j'avais gardé les tiennes, elles ne font état d'aucune transaction réalisée, et je ne suis pas certain que ta parole ait beaucoup de valeur, ni que tu prendrais le risque de laisser une troupe d'aurors fouiller dans ta vie. Lui j'ai déjà la confirmation qu'il préfère trahir ses collègues et ses vœux envers le Royaume que te dénoncer. Félicitations. » Un si long discours, pour si peu de choses. Mes lèvres se sont étirées en un rictus légèrement cynique devant le salut officiel, tandis que mes traits ont conservé leur détachement. Trois possibilités. Première option : il croit vraiment ce qu’il est en train de dire, ce qui démontre une certaine naïveté quant à mon fonctionnement et une vision totalement décalée de l’affection que lui porte très certainement Sebastian. Deuxième option : il cherche des réponses, en lançant des tonnes de lignes, sans savoir ce qu’il ramènera à la surface. Pour me déstabiliser, peut-être, ou s’écouter lui-même parler. Troisième option : un mélange des deux premières. Il y en a aussi une quatrième : il est con. Mais j’ai un léger doute sur celle-là, trop facile, trop limitative, et trop peu ancrée dans les faits. Ce type n’est pas con et il manœuvre plutôt bien.

Sur le pavé, des bottes résonnent durement. Une autre militaire aborde celui qui porte le titre de  Løjtnant et j’écoute leur conversation avec curiosité, sans m’en cacher. Des pistes s’éclairent, d’autres disparaissent. Il est donc ici parce qu’il a vu – ou été voir ? – des blessés. Visiblement, ça le rend joyeux. Est-ce que la situation le fait chier ? Est-ce qu’il planque cette émotion de la même façon qu’il planque un potentiel intérêt pour Sebastian ? Suis-je aussi son divertissement, actuellement… ? Une hypothèse intéressante, qui me pousse à le fixer avec plus d’attention, alors que l’autre s’éloigne en boîtant. Si elle est blessée, elle devrait marcher avec le soutient approprié. C’est bête, d’empirer une blessure en mettant une trop grosse charge dessus. Le chien-loup reporte son attention sur moi et je referme la poche de ma veste, avant de croiser nonchalamment les bras « Je vais pas tarder, mais c'était très enrichissant comme discussion. On a établi qu'on était deux connards et que tu t'inquiètes pour Prince. Me voilà rassuré de savoir qu'il est pas trop dépaysé dans son quotidien. » Pas trop dépaysé dans son quotidien…Parce que lui aussi est un connard qui s’inquiétait pour lui ? Mon rire s’élève, sans véritable joie, mais avec une intonation clairement moqueuse : « On avait vraiment besoin d’une conversation pour établir ça ? Je pensais que c’était déjà évident. » Deux connards. Je ne réfute pas le qualificatif et je ne doute pas qu’il peut aussi s’appliquer à lui. Ce que j’ignore, c’est à quel point, et à jusqu’où ce statut peut faire du mal à mon colocataire. Je devrais peut-être m’en foutre, mais ce n’est pas le cas. Ça me fait chier, l’idée qu’il peut potentiellement le déstabiliser davantage avec d’autres hiboux, juste parce qu’il s’ennuie ou parce qu’il accepte mal l’affection qu’il éprouve à son égard. Mon sourire s’étire de nouveau, ironique, alors que je poursuis : « Je crois que ce dont t’avais vraiment besoin ce soir, c’est surtout de te décharger sur quelqu’un.  Je comprends mieux ta présence ici, et ton arrêt pour me parler. C’est pas toujours simple, de se foutre efficacement de ceux laissés à l’hôpital, surtout quand on gère si efficacement ses émotions qu’on se prend absurdement une carotte à la tronche. » Je ne me soucie pas de ses sentiments. Je me fous éperdument de ceux qu’il est venu voir. Je le crois capable, de toute façon, de feindre totalement l’indifférence. En soit, c’est un point positif pour lui. J’apprécie ceux qui parviennent à se contrôler et j’ai plutôt tendance à mépriser ceux qui manifestent trop clairement leurs émotions. Mais je suis intrigué de voir jusqu’à quel point il peut les contrôler, justement, et dans quel contexte.

Je me suis décollé du mur contre lequel je m’étais appuyé. Mes traits sont redevenus neutres, ma voix l’est tout autant. Ma posture est droite et seule ma tête est légèrement inclinée, comme pour mieux observer le militaire : « Me dénoncer t'impliquerait inévitablement, il le sait. Et toi aussi tu le sais, même si tu joues au con sous dix couches de déni. Il te ferait pas ça. » Affirmation lancée sur un ton tranquille. Peut-il réellement croire que Sebastian se soucie davantage de moi que de lui…? Peut-être bien. Ce qui soulève une autre interrogation. Des lueurs mauvaises éclairent mes yeux bleus, tandis que ma bouche s’étire en un sourire plus retors : « J’sais pas à quel point tu te soucies vraiment de lui ou non, ça entrave mes réactions. Si j’avais l’intention de gagner sa confiance pour lui faire du mal, tu me laisserais faire ? » Je doute qu’il m’en croit capable. Mais ce qui m’intéresse, c’est cette infime seconde de réaction, entre la phrase et l’acte réfléchi. Tient-il réellement à mon colocataire, à son frère ? Ou dois-je vraiment le passer sur l’autre liste…?
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