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Between the Devil and the Deep Blue Sea • Fred
2 participants
Ying Yue Amundsen
Ying Yue Amundsen
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Between the Devil and the Deep Blue Sea

@Fredrikke Mørk • 27 avril 2024 - soirée


Le regard rivé sur le quai en approche, je contrôle la barre avec la tension de l'expert. Le port de plaisance est comme tous les ports de plaisance, surbondés de navigateurs sans cervelle qui manœuvre comme des connards en se croyant meilleur que leur voisin. Je déteste ces endroits, mais c'était plus simple de donner rendez-vous à Fredrikke ici, plutôt que de lui indiquer le mouillage de mon bateau personnel. Je ne me méfie pas outre mesure de lui concernant l'utilisation qu'il pourrait faire de celui-ci, mais ma coquetterie personnelle m'a fait installer toute sorte de sortilèges spécifiques sur le navire et son mouillage pour le garder secret et me faire, au besoin, un coin tranquille où m'isoler en paix. Me voilà donc, naviguant entre les coques de tailles diverses, évitant tout contact visuel avec les marins alentours, avant de manœuvrer une sublime marche arrière le long du fameux ponton numéro cinq. D'une enjambée je traverse le pont depuis la barre vers le bord pour jeter l'amarre à l'employé qui attendait sagement à l'emplacement réservé. « Monsieur Amundsen ? - Affirmatif. - Réservation pour trente minutes de 20h45 jusqu'à 21h15. Ponton numéro cinq. Vous n'avez pas demandé d'accès aux services du port. - Exact. - Je viendrais vous aider à libérer les amarres. - Inutile de vous déranger, je me débrouillerai. J'ai réglé en avance. - Bien Monsieur. Bonne soirée. » Je me détourne immédiatement sans un regard pour l'employé qui termine de serrer le nœud de l'amarre. J'ai volontairement prévu un peu d'avance le temps de finir de préparer le navire pour la soirée et nuitée prévue avec Fredrikke, n'ayant pas eu le temps de le faire en amont. La journée passée à la base à entraîner un groupe de marine dans le cadre de mon recrutement pour remplacer Maans, l'un des meilleurs spécialistes de fonds marins et de plongée en profondeurs, trace encore des ombres dans les plis de mon front. Aucun des candidats proposés par le Kommandør du Sjøbjørn n'est à la hauteur pour l'instant, Torstenn lui-même a fini par s'énerver sur le groupe, forçant les hommes à enchaîner les tours de piscine jusqu'à l'épuisement. Deux ont notifié leur souhait de quitter la procédure de recrutement. Ma main glisse dans mes cheveux, défait le nœud de l'élastique qui les retiens en chignon serré pour les laisser voler plus librement dans l'air du soir.

Le foc ramassé, resserré et les driss tendues au maximum, je m'attaque rapidement à nettoyer le reste du pont que les vents humides des dernières nuits agitées par les grandes marées de la pleine lune récente ont noyé d'ondes salées et coincé quelques algues dans les coins. Bølga, profitant de l'occasion pour s'amuser à sa façon, a pris la forme de loutre et plonge à intervalles réguliers vers les profondeurs du port pour remonter de jeter sur les algues que je jette par-dessus bord. Je sens qu'il essaie de distraire mes pensées, sans y parvenir. Inlassablement, elles reviennent vers cette chambre d'hôpital, sur le visage de Jens et celui de Thullen, sur celui de Maans mort et de son cercueil qui avait reçu les honneurs officiels, sans la présence de son frère pour le porter jusque dans la tombe. C'est pas le genre de chose qui me touchent d'ordinaire. Mais ça me fait chier en ce moment, de savoir qu'un jour Thullen va se réveiller, et qu'il faudra bien que l'un de nous lui annonce que son grand-frère est mort. Je sais d'avance qu'il n'y aura pas de bon timing pour lui dire ce genre de chose. Et qu'il faudra le faire avant que ce soit sa mère qui s'en charge. « Tu crois que Fred aura ramené une autre tarte ? Ou du poisson ? » La voix enthousiaste de la loutre m'arrache un haussement de sourcil dubitatif. « J'pense pas. Et évite d'aller pêcher ici, l'eau est dégueulasse. » Ma fylgia soupire avant de replonger à la recherche de je ne sais quoi, écouter probablement quelques conversations alentours au cas où il se dirait des choses intéressantes sur les ponts alentours. L'atmosphère est chargée d'odeurs diverses et de sons de voix multiples, auxquels s'ajoutent ceux du port et des nombreuses driss qui tapent en rythme irrégulier sur les mâts des navires. J'aime ces sonorités de vie qui palpite dans l'air marin, mais ce soir tout m'agace. A l'image du reste de ces derniers jours. Mon humeur déjà mauvaise est devenue exécrable après mon dernier échange de lettres avec Sebastian et l'infime vengeance contre Dax et lui ne m'avaient pas procuré l'entière satisfactions escomptée. Peut-être même un zeste de remords avait tenté de tourmenter mes pensées pendant mes rêves, appuyant sur la culpabilité que leurs reproches conjoints avaient renforcé. Je le déteste de m'avoir balancé ça comme une évidence juste après avoir découvert son corps dans la personnification de mon épouvantard. Je le déteste des sentiments contraires qu'il parvient à faire flamber dans mon cœur d'ordinaire si facilement dompté. J'ai l'impression de perdre le contrôle ces derniers temps, de plonger trop loin dans des réflexions qui fissures des façades de pierre qui devaient être inébranlables. Tout ça à cause de foutues questions posées dans une ruelle merdique par un connard d'aveugle. “La vraie menace, et qui n’en est pas vraiment une, c’est ce qui se cache derrière votre dégoût.” “Mais vos vrais désirs…Quels sont-ils ?” J'ai l'impression d'avoir plongé trop loin ces dernières semaines. Bien plus loin que ces trente mètres de profondeur qui ont fait basculer la vie du Sjøbjørn. La vie de Jens. C'est con de voir son meilleur pote au fond d'un lit inerte et de pas être capable d'aller le voir de plus près. D'aller lui murmurer des conneries à l'oreille comme quoi “il va s'en sortir”. C'est con de pas pouvoir passer cette porte sans avoir l'impression que si je le faisais, je risquais de le tirer vers ce qu'il est : proche de la mort.

Une main passe, trop moite, dans mes cheveux défaits pour rétablir un contrôle qui s'étiole. Sentant le besoin, Bølga a sauté sur le pont sous sa forme de tigre et il s'est assis contre le mâts sur lequel je suis perché, plaçant les ris sur la grande-voile, occupant mon corps à défaut de trouver de quoi occuper mon esprit. A cheval sur la traverse, je relève enfin la tête apercevant une silhouette familière sur le ponton. Chassant les restes d'ombre d'un sourire en amusé, je plie une jambe pour assurer mon appui, attrapant le mât central d'une main libre avant de lancer d'une voix forte pour couvrir les bruits ambiants : « Qu'est-ce que t'attends pour monter. Une invitation officielle ? Ramène tes fesses pendant que je finis ça. » Est-ce que ça fait longtemps qu'il est là ? Un soupçon d'angoisse traverse le tumulte de mes pensées à l'idée qu'il ait pu voir les inquiétudes lourdes qui voyageaient librement sur mes traits juste avant. Ça me fait déjà chier d'avoir succombé à l'envie de lui envoyer une lettre l'autre soir pour chercher un mot amical après ma soirée chaotique, et alcoolisée, qui avaient suivie la dernière lettre de Dax. Je n'ai pas envie qu'il commence à croire, que je me sois laissé aller à trop de sentimentalisme ces derniers temps.


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Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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26 avril – soirée

Elle sait.

Ses yeux clairs sont fixés sur lui depuis une dizaine de minutes, à la fois foudre et tonnerre.

Il ne détourne pas le regard. Il s’amuse à noter les similitudes entre elle et son frère.

Il se demande si elle crierait, elle aussi. Il se demande si sa silhouette prendrait la même forme, en se recroquevillant et si son sang est aussi satisfaisant à regarder couler.

Elle ne détourne pas le regard. Elle essaie de prendre une décision rapide et convenable, sans parvenir à se fixer.

Elle se demande si son frère lui pardonnerait, si elle agissait. Elle se demande si ne pas agir, alors que l’occasion lui est offerte sur un plateau d’argent, c’est le condamner.

Après cinq minutes supplémentaires, ils se lèvent. Simultanément, comme les deux membres d’un même corps.

Ils vont dans la rue, la plus isolée de toutes, entre deux rangées de bâtiments miteux.

Elle hésite encore.

Il ne veut pas suivre aveuglément ses pulsions.

Elle propose un marché.

Il accepte.

Aucun d’eux ne crie, même quand leur sang coule sur les pavés.

_ _

27 avril – soirée

Ashes se paie sa gueule depuis au moins vingt-quatre heures. Le serpent, qui affectionne particulièrement son bras droit, refuse obstinément de s’y enrouler. « Pas question de camoufler cette magnifique œuvre d’art. » S’il n’était pas d’aussi mauvaise foi, peut-être que lui aussi, ça le ferait rigoler. Il glisse ses doigts sur le connard incrusté dans sa chair, via un sortilège assez puissant pour durer plusieurs jours. Une belle réalisation, bien réussie, digne de ce qu’il aurait lui-même pu faire à l’époque. Il ne sait pas ce qu’il ressent précisément, par rapport à cette marque et au combat. La rage orgueilleuse du vaincu, probablement. Mais aussi la fascination pour un travail bien effectué, à mi-chemin entre le sadisme et la violence contrôlée. Ying se moquera sûrement de lui. Il ne sait pas encore s’il lui donnera toutes les informations sur ce qui s’est passé, si c’est pertinent ou non de le faire. Comme ce marché, qu’il a accepté. Un marché dont l’ancien Fredrikke n’aurait jamais voulu : il aurait tout simplement attaqué. Il l’a envisagé, lorsqu’elle lui a proposé, après qu’il ait suggéré de tester leurs capacités mutuelles.  Il a songé au plaisir qu’il éprouverait, s’il sortait aussitôt sa baguette, déloyalement, pour la soumettre. À sa joie, quand elle le supplierait de ne pas lui faire du mal. À l’adrénaline qui le traverserait, devant ses larmes.

Et il a aussi songé à cette nausée encombrante qui le poursuivrait au quotidien, s’il rajoutait le nom de la sœur sur sa liste, à côté de celui du frère.

Les termes du marché étaient raisonnables : en cas de victoire du côté de l’Adelsköld, un serment inviolable qui protégerait Ozymandias et ses proches de lui. En cas de victoire de son côté, la possibilité de faire ce qu’il voulait.

Elle était sûre d’elle, il était sûr de lui.

Et maintenant, il est lié par un serment. Ça ne l’emmerde pas, ça l’arrange, même. Ça lui assure que l’homme, à lequel il songe encore trop souvent, ne souffrira plus jamais de ses actions. Et que lui aussi, pourra avoir cette certitude.

Si la sœur lui dit. Il n’est pas certain qu’elle le fera.

Il y songe alors qu’il transplane jusqu’au port de plaisance où l’attend Ying. Sa tronche n’est pas trop amochée. Des ecchymoses, quelques traces visible de coups à la machoîre, mais rien d’exceptionnel.

Ça le fera probablement rigoler, ouais.

Du quai, il aperçoit l’embarcation de son ami. Il le voit aussi lui, cheveux défaits, avec un air qu’il ne sait pas comment analyser. Il s’inquiète pour lui, depuis leurs dernières lettres, même s’il ne l’affirmerait pas à voix haute. Il est merdique, pour réconforter. Il a toujours fait l’inverse. Il aurait voulu s’informer, lui faire savoir qu’il est là, mais n’est parvenu que maladroitement à le faire. C’est facile, de narguer un pote sur un sujet délicat, pour le provoquer un peu. C’est plus difficile, de questionner et d’appuyer l’autre, quand on a jamais appris à le faire. « Qu'est-ce que t'attends pour monter. Une invitation officielle ? Ramène tes fesses pendant que je finis ça. » Il sourit, sans attendre que la non-invitation officielle soit relancée. Il ajuste la courroie de son sac sur son épaule, avant de grimper sur le bateau. Il n’est pas aussi adroit que le militaire sur l’eau, mais il se débrouille.

Ashes quitte son bras gauche aussitôt qu’il parvient à proximité de l’homme, proche du mât central. Elle part en exploration, sans trop tirer sur les limites de leur lien, curieuse. « Sympa ton bateau. On va où ? » Les mots camouflent ceux qu’il a réellement envie de prononcer. Le comment ça va qui brûle ses lèvres, et qu’il n’est pas certain de pouvoir affirmer. Est-ce que Ying y répondrait réellement ? Est-ce que ça le ferait chier, qu’il demande ? Il est si peu habitué aux règles de l’amitié, quand elle n’est pas utilitaire. Il dépose son sac, dans lequel il fouille, avant d’en extirper une bouteille de vodka conséquente, qu’il brandit en l’air :   «  Pour la route. Après que tu nous aies dégagé de là, j’crois pas que ce soit très conseillé, de boire direct au port. » Son ton est moqueur. Il enfonce la bouteille dans le sac, où elle demeure bien en place, tandis qu’il se redresse. Ses traits se font plus sérieux, ses yeux plus intrigués :   «  Comment c’était, la pleine lune ? » Voix faussement moqueuse, question détournée. Comment ça va, Ying ? Non, vraiment, il ne sait pas comment être un bon pote.
Ying Yue Amundsen
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Between the Devil and the Deep Blue Sea

@Fredrikke Mørk • 27 avril 2024 - soirée


Il ne répond rien, mais entreprend de monter à bord et je reconcentre mon attention sur mes ris et la finalisation de la préparation de la grande voile en vue de la sortie du port. Je l'entends marcher sur le pont et s'approcher du mât au son d'un : « Sympa ton bateau. On va où ? » qui me fait sourire d'un air mystérieux avant de fixer le dernier ris et d'ajuster la voile balante en conséquent. Je pourrais faire toutes ces choses à l'aide de la magie, mais certaines manœuvres ont moins de saveur faites avec une baguette. Nos instructeurs nous l'on tous dit et répété, on ne connait sa voile que quand on a touché chacune de ses aspérités avec les doigts. On ne connait la force d'une corde que quand on l'a éprouvé dans ses muscles. En navigation, la magie est une aide, un outil comme un autre, pas un navire à elle toute seule. Et surtout, elle ne remplace en rien l'intuition qui fait toute la différence entre un marin théorique qui applique les mêmes consignes sur toutes les voiles, et celui qui a une connaissance suffisamment pointu de sa coque de bois pour savoir à quels endroits se détourner de la théorie. Je suis justement en train de contrôler la force du vent qui me semblait très légèrement tournant en arrivant. Il n'a pas forci, il s'est même atténué.  « Pour la route. Après que tu nous aies dégagé de là, j’crois pas que ce soit très conseillé, de boire direct au port. » Jetant un œil en contrebas j'aperçois Fredrikke, une large bouteille de vodka en main avant de ricaner doucement sur ma traverse. Je me déplace rapidement sur celle-ci d'un geste assuré pour resserrer de quelque millimètres l'un des ris, juste de quoi induire une infime tension qui devrait assurer une prise au vent maximum. Dans le port de plaisance surchargé, les sortilèges de navigation étant limité et trop souvent mal maîtrisé par leurs lanceurs, je choisis toujours une navigation manuelle. Je déteste me retrouver à devoir repousser un vent non naturel qui se prend dans une de mes voiles parce que le connard d'à côté était occupé à comparer la longueur de bateau avec celui de son voisin.

«  Comment c’était, la pleine lune ? » La voile, enfin prête, je la relâche dans un son de jute lourde avant de poser un regard légèrement intrigué vers l'ami debout sur le pont de mon navire. Cela fait plusieurs mois que Fredrikke est revenu dans mon quotidien, pourtant j'ai encore du mal à savoir où se situe cette amitié qui ne cesse de dévoiler de nouvelles couches de profondeurs. Ce serait mentir que je n'apprécie pas ces nouvelles données, mais une partie de moi ne peut s'empêcher d'être méfiante quant à ses comportements plein d'une sollicitude à laquelle nos années d'amitié précédentes ne m'avaient pas habituées. Il pourrait, à tout moment, décider d'utiliser mes rares moments de laisser-aller contre moi. Mes yeux se posent seulement à cet instant sur les marques qui jalonnent son visage, libérant un haussement de sourcil du contrôle que j'exerce sur mes propres traits. Je me redresse avec une aisance souple, vérifiant une dernière fois la driss. « Sympa. Une bonne chasse, elle a une bonne endurance pour une simple louve. Et elle avait préparé le petit-dej' pour le matin. » Le souvenir de la dernière pleine lune est peut-être l'un des seuls éléments positifs de cette dernière semaine. Une aparté lumineuse et chargée d'odeurs fortes, d'émotions positives et baigné d'une étrange sérénité qui avaient apaisé certaines tensions avec plus d'efficacité que tous mes efforts précédents pour oublier ma profonde rage envers la trahison renouvelée et irréparable de Sebastian. Ce j'étais là caché qui entrave encore ma gorge, couteau acide non avalé. Refusant de retourner vers ses pensées, mes doigts serrent plus durement le nœud, imprimant une sensation de brûlure très légère contre les phalanges.

Je descends finalement rejoindre le pont et Fredrikke en me laissant tomber lestement près de lui. « Je vois que tu t'es amusé aussi de ton côté. » Je lâche, tout un désignant d'un sourire narquois les marques sombres de son visage. Mais ce qui attire mon regard vers le bas et le bras du tireur d'élite, c'est le rire étouffé de Bølga. Mes iris se plissent et sans lui laisser l'opportunité de se reculer, j'attrape son bras d'une main rapide. « 'Tain Fred, qu'est-ce que c'est que ça ? » Ma voix est railleuse, ouvertement moqueuse, c'est presque trop beau pour être vrai. Comme je l'avais fait en septembre sur son tatouage de bateau, mes doigts glissent le long des lettres luisantes qui décorent désormais son avant-bras, un sourire d'une joie enfantine sur les lèvres. « C'est elle ? Dis-moi que c'est elle. Tu as vraiment pas perdu ton temps après la pleine lune. » Je rigole, trop heureux de cette surprise inattendue. Mes doigts passent une deuxième fois sur le connard avant de relâcher son bras et de le contourner pour attraper un bout et l'enrouler rapidement pour entamer la manœuvre de départ et sortir la grande voile. « Je défaits les amarres et t'as intérêt à tout me raconter. Garde ta bouteille pas trop loin, il est hors de question de profiter d'un tel récit sans avoir de quoi trinquer en même temps.  » Je le gratifie d'une tape solide sur l'épaule avant de prendre la direction du bastingage, de l'enjamber, sauter sur le ponton et défaire l'arrimage qui nécessite une action humaine pour libérer le navire de son entrave temporaire. A peine l'amarre en main, je remonte poussant d'un pied énergique la coque pour impulser un premier mouvement au bateau qui gite doucement dans l'eau lisse du port. Rapidement, la baguette fait remonter l'ancre tandis que je m'installe derrière la barre. « Est-ce que je dois prévoir de lui faire porter des fleurs ? » Je crois que non, je suis même plutôt certain que le tatouage est l'affirmation d'une défaite cuisante, et probablement humiliante pour lui. D'un mouvement calme et lent, le voilier se met en mouvement, la voile risée se gonfle lentement, et l'appel du large commence à fourmiller des mes veines.



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Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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Tw: Violence, descriptions de blessures.

Il s’assoit nonchalamment à proximité du sac, les jambes ramenées sous lui, les yeux fixés sur celui qui est indubitablement dans son élément. « Sympa. Une bonne chasse, elle a une bonne endurance pour une simple louve. Et elle avait préparé le petit-dej' pour le matin. » Un rictus s’étire sur les lèvres du tireur d’élite, sans amusement réel, mais sans rancœur. Peut-être qu’une part de lui, la plus égoïste et orgueilleuse, aurait été heureuse, que le militaire lui dise que la nuit avec cette fille était exécrable. L’autre part en est satisfaite ; Ying Yue avait besoin de passer un bon moment, même s’il ignore toujours ce qui a pu le mettre dans un tel état, l’autre soir.  Il l’observe, jusqu’à ce qu’il descende sur le pont, se laissant tomber à ses côtés. « Je vois que tu t'es amusé aussi de ton côté. » Plutôt, oui, mais il est mitigé sur ses impressions de la soirée. C’était stimulant de combattre, ce l’est toujours. Mais il y avait aussi un sentiment qui s’était greffé au reste, et à lequel il n’était pas habitué dans le passé. Une conscience trop nette de ses gestes et de leur impact sur autrui. Un soucis, désagréable et bien ancré, des conséquences qu’il pourrait avoir sur Ozymandias, un homme qu’il ne veut plus faire souffrir. Exécrable, cette conscience. Il suit le regard de son ami, qui descend jusqu'à son bras, qu'il attrape rapidement: « 'Tain Fred, qu'est-ce que c'est que ça ? » Le ton est nettement railleur et lui arrache un sourire. Il ne fait même pas semblant d’être vexé. Il aurait orgueilleusement préféré s’en tirer sans une marque aussi visible et stupide, mais il ne peut pas nier qu’en parallèle, ça l’amuse. Les gens qui s’en prenaient à lui dans le passé n’auraient pas osé un acte aussi franc, risqué et salissant. Digne de lui. Il aurait sûrement pris plaisir à graver des mots dans la chair d’autrui à l’époque, s’il y avait songé plus tôt. À la place, il s’était contenté d’incruster des dessins.

Les doigts du militaire glissent sur son avant-bras et il retient un frisson, probablement provoqué par la température. « C'est elle ? Dis-moi que c'est elle. Tu as vraiment pas perdu ton temps après la pleine lune. » Il lève les yeux au ciel, faussement exaspéré. Ou presque faussement. Peut-être que ça l’agace tout de même un peu, cet enthousiasme sur la possibilité que cette fille soit parvenue à avoir le dessus sur lui. L’homme passe une nouvelle fois son doigt sur les lettres qui n’ont pas cicatrisées, et qui sont vouées à disparaître au fil du temps. Pas de doute que ses collègues tireurs d’élite vont aussi se foutre de sa gueule. Reste à voir s’ils oseront le faire ouvertement, ou dans son dos. « Je défaits les amarres et t'as intérêt à tout me raconter. Garde ta bouteille pas trop loin, il est hors de question de profiter d'un tel récit sans avoir de quoi trinquer en même temps.  » Il hoche la tête, tout en suivant du regard celui qui s’est déjà éloigné. Il le regarde faire ses manœuvres, qu’il comprend à moitié, ses yeux suivant distraitement le roulement des muscles bien employés. Ashes est toujours occupée à fouiner, quelque part sur le bateau.

Il appuie ses deux mains vers l’arrière, dans une position désinvolte, tandis que l’homme fait remonter l’ancre et s’installe à la barre : « Est-ce que je dois prévoir de lui faire porter des fleurs ? » Il ricane, sans répondre immédiatement, alors que le voilier se met en mouvement. Aurait-il aimé pouvoir répondre réellement par l'affirmative ? Peut-être bien. Il est constamment partagé, depuis cet été, entre ce qu’il a été au cours des dernières années et ce qu’il était avant. Il ne parvient pas à atteindre l’équilibre, dont la forme est imprécise. « Ça dépend. T’es du genre à amener des fleurs à quelqu’un qui a une oreille en moins ? » Le mensonge est beaucoup trop tentant. Et quasi crédible, dans son cas. Un sourire amusé s’est étiré sur ses lèvres, ses yeux se fixant sur les traits du militaire. Ça aurait été presque marrant, de retirer un membre à l’Adelsköld, vu les menaces qu’il avait fait dans le passé à son frère. Presque. Justement à cause des dites menaces, qu’il regrette. Son ton se fait désinvolte, alors qu’il poursuit d’un air qui ne trahi aucun remords: « Je sais que t’avais demandé que je casse aucun morceau mais…La pleine lune était passée. Et c’était trop tentant. Me retenir, c’est pas trop mon truc. Et puis techniquement, je t’ai écouté, je lui ai laissé ses doigts. » Il ricane, froidement, comme il aurait pu le faire jadis. Le récit aurait pu être réel. À une autre époque, qui lui semble excessivement lointaine. Et il a bien rêvé, la veille, d’amputer la militaire. Par plaisir, par fascination, par réflexe. Il ne l’a pas fait, mais il est quasi sûr qu’elle aussi, l’a envisagé.

Il se souvient sans difficulté du début de leur combat. Des sorts rapides, violents, et de l’absence de retenue de la part de la Kaptajn. Elle ne jouait pas, lui non plus. Il s’était laissé aller, jusqu’à un certain point. Chaque nouveau sortilège impliquait une décision, un choix, entre l’horrible et le raisonnable. Il reprend, toujours aussi moqueur : « Elle a pas apprécié. Ou alors, c’est à cause des clous, quand j’ai réussi à la fixer au mur. J’avais le droit de faire des trous, non ?» Une ombre sadique valse brièvement dans son regard clair, avant de disparaître. Cette partie de l’histoire est la seule à être réelle. Un court instant de folie, dans une valse qui était bien plus morbide que conviviale.

Il revoit le sang sur les tempes de la militaire, qui coulait jusqu’à sa joue droite. Il se rappelle de lui avoir proposé d’arrêter, si elle le voulait. « Je ne recule jamais. Il aurait été déçu qu’elle le fasse. La douleur fourmillait dans ses membres blessés, éveillant ses instincts les moins doux. Il avait des tonnes d’idées : le plus difficile était de les retenir, de ne pas toutes les appliquer. Mais lorsqu’il a vu les clous, au pied d’un bâtiment en mauvais état… L’esprit a cessé de réfléchir, de se limiter. Les réflexes ont pris toute la place, levant toutes les entraves. Le sort a fusé, ressemblant au sort qu’il avait déjà employé l’année d’avant avec Magni. Elle ne l’a pas contré assez rapidement. Son corps a heurté le mur de bois derrière elle, les clous s’enfonçant dans la peau tendre, comme dans du beurre.

Satisfaisant. Infiniment satisfaisant.

Et en même temps, écoeurant. Il a levé de lui-même le sort aussitôt, pris d’une nausée excessive. Il a alors été projeté sur le pavé, maintenu par une force qu’il n’a pas su contrer. Il n’aurait pas su dire, à cet instant, quel regard était le plus sauvage, entre le sien ou celui de la militaire. Mais ce qu’il pourrait dire, sans aucun doute possible, c’est qu’elle souriait d’un air carnassier, en gravant dans sa peau les lettres qu’il porte encore aujourd’hui.

Il s’extirpe de ses souvenirs par une phrase passe-partout, lâchant d’un ton neutre : « En tout cas, elle est vivante. » Et probablement de bonne humeur. Peu de gens peuvent se vanter d’avoir réussi à le vaincre, sans craindre les répercussions ensuite. Il n’a toujours pas déterminé si elle était trop insouciante, stupide, ou simplement sûre d’elle. Son sourire s’élargit, alors qu’il embrase le bateau du regard : « C’est tellement visible, que t’es dans ton élément. C’est cool de te voir faire. » Et sur ce coup, il est honnête.
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Between the Devil and the Deep Blue Sea

@Fredrikke Mørk • 27 avril 2024 - soirée


Le ricanement de Fred se mêle au claquement de la traverse qui s'accorde au sens du vent. La barre se raidit entre mes doigts, les muscles suivent les mouvements et le regard file vers les autres pontons à la recherche du moindre mouvement qui nécessiterait un changement de cap hâtif. Je ne fais pas confiance aux autres navigateurs, je ne fais confiance qu'à mes yeux et mes sens pour éviter la collision avec une autre coque. Les yeux alertes surveillent les ondulations des voiles, les oreilles du loup sont focalisés sur les cris d'appels des autres marins, et Bølga lui-même s'est détaché du mât pour aller se positionner à la proue et guetter l'angle mort de la coque. Contourner le ponton, le voilier pourrait prendre plus de vitesse, mais je le force a garder une progression lente et mesurée. Il me tarde de quitter ce port de plaisance et de pouvoir prendre plus mes aises sur les grandes eaux qui nous attendent. « Ça dépend. T’es du genre à amener des fleurs à quelqu’un qui a une oreille en moins ? » La voix de Fred me parvient facilement malgré le tumulte qui règne autour de nous. Malgré mon attention partagée entre différents éléments, je reste en partie focalisé sur la conversation que j'ai initié. Trop curieux d'avoir les détails de ce que je soupçonne être un combat intéressant. Une lueur mauvaise perce dans mon regard et mon sourire s'ourle sur une canine amusée. Est-ce véritable ? Je crois Fredrikke capable d'une telle amputation, il l'était à l'époque. L'est-il encore aujourd'hui ? Un doute à la fois rassurant et désagréable agite mes entrailles. Ca me ferait chier qu'il se soit amusé à la défigurer. Ca me ferait chier parce que malgré tout ce que j'essaie de me persuader depuis février, faut bien reconnaître que j'ai fini par l'apprécier la Kaptajn avec son humour et sa capacité à me suivre dans mes conneries vis-à-vis de nos paternels respectifs. Et aussi bien je n'ai rien contre les blessures de guerre, je les trouve même sympathiques et uniques en leur genre - c'était du moins le discours que j'avais tenu devant Pits l'autre jour et son pied prothèse - aussi bien savoir que Fred s'est permis d'imposer une blessure du genre à une personne pour laquelle je lui ai explicitement manifesté ma sympathie, me fait chier. Et ça m'emmerde de le constater. Je devrais savoir qu'avec lui, je n'ai rien à attendre. Que mes déclarations n'ont aucune valeur pour lui. Qu'il n'en fait qu'à sa tête. « Je sais que t’avais demandé que je casse aucun morceau mais…La pleine lune était passée. Et c’était trop tentant. Me retenir, c’est pas trop mon truc. Et puis techniquement, je t’ai écouté, je lui ai laissé ses doigts. » Je grogne, son rond du ventre, qui témoigne de mon léger agacement face à un récit qui ne devrait pas l'être. Je m'en fous de ce que la Kaptajn a subit sous les lubies de Fredrikke Mørk trop heureux d'avoir une personne avec laquelle s'amuser. Je grogne aussi pour ce connard de bateau à tribord qui s'élance sans regarder, me forçant à tourner ma propre barre pour changer de cap et éviter un choc léger, mais qui aurait tout de même rayé la peinture de la coque, à coup sûr. L'autre, un homme assez vieux pour être mon père, s'excuse à grands gestes de bras et de signe amicaux auxquels je réponds par un silence éloquent et un seul et unique regard assassin sur le côté. Connard de plaisancier sans éducation. « Elle a pas apprécié. Ou alors, c’est à cause des clous, quand j’ai réussi à la fixer au mur. J’avais le droit de faire des trous, non ?» Je réajuste mon cap avant de refermer la voile d'un coup sec sur le bout. La coque fend très lentement l'onde avant de s'arrêter quelques mètres plus loin. Mes yeux s'arriment aux couleurs du port avec férocité avant de filer vers le bateau également stoppé devant nous. Je déteste les ports de plaisance, mais cet interlude momentané me permet de tourner ma tête vers le tireur d'élite aux airs narquois et détaché installé contre le grand mât dans une posture désinvolte agaçante. Mon regard glisse sur lui, pensif, et légèrement mauvais. Des clous ? Sérieusement Fred. A croire que le gars ne se renouvèle pas tant que cela. Sans parler d'habitude, les pointes et autres objets du genre ont toujours été une de ses attaques de prédilection. Ou du moins quelque chose qui revient souvent. Quelque chose contre laquelle il ne peut s'empêcher d'aller quand il en croise lors de ses attaques. A choisir, je préfère la perspective de la savoir percée comme un tonneau, que défaite d'une oreille. C'est moins pratique pour les boucles.

Il à l'air perdu dans ses souvenirs, sans doute revit-il le combat en se délectant des pires détails qu'il se garde pour lui, comme toujours. Une passion pour des petites choses dont il doit aimer se rappeler au moment de s'endormir, peut-être. Le genre de choses que les psychopathes doivent faire. Peut-être. A dire vrai j'en ai rien à faire de ce à quoi il pense, tout ce que je constate, c'est qu'il n'a parlé que de ses sorts à lui, de ses blessures à elle, rien sur les siennes et les répliques qu'elle a faite en retour. Or je connais suffisamment les techniques d'attaques d'Arsinoe pour savoir qu'elle ne s'est pas laissée faire sans répondre tout aussi durement. Et le simple connard sur son bras n'est surement pas la seule attaque qu'elle s'est permise de faire. Un récit tronqué, donc, qui me fait bien marrer intérieurement. « En tout cas, elle est vivante. » Un élément dont je n'ai jamais douté. Il n'aurait pas cette inscription sur le bras si cela n'avait pas été le cas, et j'aurais été au courant par bien des différents biais en ma possession. Par l'armée, en premier lieu, puis par mon père probablement, et peut-être également le père d'Arsinoe, ou son frère. J'aurais été appelé depuis longtemps pour gérer la situation de crise. Un léger son d'avertissement retenti enfin devant nous, indiquant la libération du chenal de sortie et mon regard revient se porter en avant, droit sur le voilier d'en face et vers la libération prochaine. « C’est tellement visible, que t’es dans ton élément. C’est cool de te voir faire. » Je ricane doucement, avant de secouer légèrement la tête, geste qui m'oblige à replacer les mèches de mes cheveux toujours défaits venus se coller contre mes yeux. « Et encore, t'as rien vu. Dès qu'on sera sorti de ce port merdique et des connards qui savent pas naviguer, ce sera plus intéressant. » Il est évidemment au son de ma voix que mon antipathie est acide alors que je relâche lentement la corde pour permettre à la voile de se regonfler doucement dans la brise portuaire.

Le navire remis en vogue, je reprends mon examen attentif des éléments qui nous entourent, jaugeant d'un coup d'œil rapide de la force du vent que l'on devine au large grâce aux pavillons flottant de la marine à la sortie dea baie, avant de reporter un infime partie de mon attention sur Fredrikke et son histoire à sens unique. « A t'écouter elle n'a survécu que par ta grande bonté. Et cette inscription, elle te l'a faite par hasard quand tu l'a clouée au mur ou bien quand tu t'es évanoui et que tu as rêvé que tu gagnais ce combat ? » Le ton est acide, légèrement agacé et mauvais. Je n'ai pas de raison valable de remettre en question ce qu'il vient de dire, et ça me fait toujours autant chier ces histoires d'oreilles potentiellement amputées. Ça me fait chier d'avoir cru qu'il serait capable de comprendre et respecter, cette fois, qu'il aurait pu se contenter d'un combat normal, plutôt que de virer sur ses travers sadiques. « Tu fais chier pour son oreille, j'avais prévu de lui offrir des boucles assorties aux miennes pour notre prochain repas de non futurs mariés. » C'est faux mais le ton est mi moqueur, mi sérieux, malgré ma tentative d'avoir l'air détaché. Trop concentré sur la dernière manœuvre de sortie de l'étroit chenal, je suis moins apte à maîtriser entièrement les inflexions de ma voix. Et parce qu'au fond, cela ne me dérange pas qu'il sente le léger sentiment agacé qui grésille dans mes nerfs.

Mais le voilier dépasse les dernières limites du port, le chenal s'élargit enfin, libérant un champ de possible plus prometteur pour le navigateur que je suis, coincé jusqu'à présent derrière le bateau précédent. Aussitôt, je barre à bâbord, bloque le cap, avant de sauter vers l'accastillage pour tendre la voile et prendre l'amure à bâbord qui se fait plus largement sentir loin des murs de protection. Ici l'air est plus frais, plus vif et déjà chargé des odeurs du grand large. Un sourire glisse dans mes iris au moment où le bateau fait un léger soubresaut pour prendre son allure plus rapide. De retour à la barre, je corrige le cap en suivant le second chenal, celui qui mène vers les îles en contournant par le Sud. Une fois l'allure maintenue et la direction libre, je me déplace à nouveau, cette fois droit vers le mât et Fredrikke. « La première gorgée d'alcool est pour toi et ta mauvaise foi. Je suis sûr qu'elle t'a mise une raclée t'aurais jamais accepté ce connard sinon. » Ma voix griffe, railleuse, avant que je ne me hisse sur le hauban et la traverse en prenant bien soin de marcher allègrement sur l'épaule de Fred installé là. La tension de la grande voile se fait plus forte, le vent craque contre les ris qui la retiennent et je m'empresse d'en retirer une grande partie pour la libérer. Dans un formidable craquement de toile elle se gorge du vent de l'amure de bâbord et la satisfaction éclate sur mon visage quand le navire se jette en avant à une vitesse elle aussi formidable. Putain ce que j'aime naviguer. La pensée traverse mon crâne comme une flèche avant que je ne me tourne vers Fred une nouvelle fois. « T'as les salutations de Jasper au fait. » Comme une information plus légère lancée au vent avant de sauter sur le pont.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Tw : Descriptions gores, violence, Fred fantasme.

« Et encore, t'as rien vu. Dès qu'on sera sorti de ce port merdique et des connards qui savent pas naviguer, ce sera plus intéressant. » La phrase lui arrache un sourire. Il prend plaisir à l’observer. Ying aime ce qu’il fait, c’est visible et rassurant, de le voir être dans son élément, après les drôles de soirées qu’il semble avoir passé. Il sait qu’il n’est pas le meilleur, pour réconforter par lettres. Encore moins en vrai. Mais ce qu’il ne parvient pas à faire, cette embarcation le peut. « A t'écouter elle n'a survécu que par ta grande bonté. Et cette inscription, elle te l'a faite par hasard quand tu l'a clouée au mur ou bien quand tu t'es évanoui et que tu as rêvé que tu gagnais ce combat ? » Il perçoit le léger agacement, dans sa voix. Parce que ça le fait chier qu’il a potentiellement amputé quelqu’un envers qui il éprouvait de la sympathie ou parce que ça le fait chier tout court, de l’imaginer de nouveau dans ses travers sadiques ? Même à l’époque, il n’allait pas aussi loin dans ses descriptions. Il n’a jamais su la limite exacte de Ying, à ce sujet. Ce qu’il aurait pu ou non entendre, et jusqu’à quel point. Il en est curieux aujourd’hui, de cette curiosité un peu malsaine, bien plus issue du passé que du présent. Ce n’est pas une information qu’il a besoin de connaître, mais elle l’intrigue. « Tu fais chier pour son oreille, j'avais prévu de lui offrir des boucles assorties aux miennes pour notre prochain repas de non futurs mariés. » Il se demande où s’arrête le sérieux, dans sa phrase, et où commence la moquerie. Il ne l’imagine pas vraiment offrir des boucles à cette fille – il ne l’imagine pas en porter, d’ailleurs - , mais la première partie est crédible. Que ça l’emmerde, pour des raisons qu’il n’a pas identifiées clairement. Et si ça l’emmerde, au moins un peu, c’est qu’il le croit. Pourquoi ne serait-ce pas le cas, après tout ? Il est Fredrikke Mørk, un type peu équilibré. Capable de faire tout ce qu’il a raconté, et même pire. Ou anciennement capable. Il sait très bien, lui, qu’il aurait eu la nausée une bonne dizaine de fois, avant même de réussir à ébrécher l’oreille de la sœur d’Ozymandias. Ying ne le sait pas. Ou il croit à moitié aux changements dont il a déjà parlé, et qui suivent une progression irrégulière.

Les manoeuvres s'accélèrent alors que le voilier dépasse les limites du port. Ses yeux d'un bleu de jour ensoleillé suivent avec attention les mouvements du militaire, qui est extrêmement agile. Ses gestes sont fluides et démontrent l’habitude. Il aimait déjà l’observer, à une autre époque, quand ils se voyaient sur la plage. Il se donnait alors des prétextes divers. Il ne ressent plus ce besoin de se donner une excuse : c’est simplement beau, un marin occupé à maîtriser les éléments. Et il a toujours apprécié la beauté, dans sa pureté naturelle. « La première gorgée d'alcool est pour toi et ta mauvaise foi. Je suis sûr qu'elle t'a mise une raclée t'aurais jamais accepté ce connard sinon. » Il ricane, alors que son ami se hisse sur il-ne-connaît-pas-le-nom, non sans lui avoir piétiné l’épaule au préalable. Il retient une grimace, alors que la blessure cachée à cet endroit s’éveille. C’est de bonne guerre ; le ton est donné. Ses yeux se reportent sur le Løjtnant, toujours occupé, et dont le visage s’éclaire sous la satisfaction lorsque le voilier se jette en avant. Il aime bien le voir ainsi. Quasi sûr qu’il n’aurait jamais pu obtenir ou provoquer un tel effet, même en lui envoyant deux mois de nourriture. « T'as les salutations de Jasper au fait. » Le tireur d’élite sourit avec sincérité, alors qu’il voit le bout de la queue d’Ashes passer sur le pont. « Faudrait se faire une soirée à trois, la prochaine fois. » Lui, Ying, Jasper. Quelques bouteilles, idéalement une plage, moins idéalement un feu, et une belle soirée. Ont-ils déjà fait un truc à trois ? De mémoire, et ce n’est pas la meilleure, non. Il a toujours privilégié les rencontres individuelles, parce qu’elles permettaient d’exercer un meilleur contrôle sur toutes les données.

Il glisse sa main sur la bouteille de vodka, qu’il entreprend d’ouvrir. Une première gorgée pour sa mauvaise foi, soit. Ses yeux sont fixés sur le bouchon qu’il retire, alors qu’il affirme d’un ton banal : « Des boucles hein ? Il lui en reste quand même une, t’auras qu’à lui offrir un hameçon, ce sera charmant. C’est toi qui fait chier, c’était pas facile, avec autant de contraintes. J’ai dû viser dans les trucs qui servent pas trop. » Les iris qui se relèvent et se fixent sur le marin sont moqueuses, alors qu’il rajoute avec un sourire espiègle : « C’est moi qui lui ai mis une raclée, t’idéalise un peu trop ta fausse fiancée, Ying. Mais j’comprends, l’amour ça rend aveugle sur les vraies compétences des gens. » Il se demande ce qu'il cherche, avec son récit. L'ennuyer ? Pas vraiment. Lui permettre d’évacuer les émotions des derniers jours ? Probablement. Voir s'il discernera le vrai du faux...? Peut-être. Et se payer sa gueule, un peu, pour qu'il le traite ensuite de con. Le vrai récit de toute façon n'a rien de glorieux pour lui ; il en viendra bien à le raconter. Mais pas sans s'amuser un peu, avant, et pas sans lui donner l’occasion de se décharger un peu, s’il en a besoin. Il pose sur le bouchon sur le sac, avant de porter la bouteille à ses lèvres. Sa tête se penche légèrement vers l’arrière, tandis qu’il avale une bonne quantité d’un alcool tout aussi brûlant qu’apaisant. Son t-shirt se soulève légèrement dans la manœuvre ; sur le plancher du voilier, des reflets colorés luisent faiblement pendant quelques secondes, juste avant qu’elle ne rabaisse son bras, et son t-shirt par la même occasion. « Elle s’est bien démerdée, au début. Je l’avais attendue chez elle. Par hasard, comme je t’ai dit. Tu savais qu’elle ne verrouillait pas sa porte ? Elle m’a balancé quelques sorts bien placés. J’ai même eu mal à la nuque. » Il ne doute pas que cette partie de son récit est crédible : ça aurait été son genre, jadis. Et cette idée, qu’il était capable d’un tel acte, l’écoeure profondément. Il avale une autre gorgée pour faire passer la nausée, avant de reposer la bouteille sur son genou. L’information donnée, sur sa porte, il l’a obtenue d’Arsinoe elle-même. Une invitation moqueuse à la fin du combat, « si un jour tu t’améliore Fredrikke Mørk, parce que c’était plutôt décevant ». Il s’est presque demandé, pendant qu’ils se battaient, si elle n’était pas plus dérangée que lui. Ou plus hargneuse. Elle avait quelqu’un à venger, pas lui. Il poursuit : « Mais y’avait du verre. J’peux pas résister au verre. Et j’voulais essayer une nouvelle technique de dessin. Faut immobiliser la personne, puis graver directement dans sa peau. Après on rajoute les morceaux, on teint le verre d’un sort, pour l’effet vitrail, et on solidifie pour pas que l’autre puisse gâcher l’œuvre d’art trop rapidement. J’ai choisi le ventre, une rose multicolore. Tu vois j’ai pensé à toi, ça te fera un cadeau de non-mariage. » Il raconte en souriant, la voix légère, les yeux brillants. Il raconte comme il aurait pu le faire jadis, comme s’il était encore là-bas, dans cet appartement fictif qu’il n’a jamais visité. Un demi-mensonge. Il y a du vrai, dans son histoire, mais pas sur l’identité des protagonistes. « Le reste est moins intéressant. Des coups classiques. Elle manquait d’originalité et puis, elle pissait un peu trop le sang, j’avais l’impression d’me battre contre un deuxième année, c’était décevant, vu comment tu me l’avais décrite. Je m’attendais à un truc mémorable. Elle a perdu connaissance après quoi, dix minutes ? Après les clous. Je l’ai laissée cuver, j’suis allé me préparer un café, elle m’a attaqué de dos à ce moment, un sortilège de pétrification basique. Le connard est venu à ce moment. » Il hausse les épaules, désinvolte, comme si ce dernier détail était anodin, avant de tendre la bouteille en direction du marin. Ce récit fantasmé devrait lui plaire ; ce n’est pas entièrement le cas. Trop de choses ont changées, tant pendant son amnésie que depuis le retour partiel de ses souvenirs. Et il se fait surtout la réflexion qu’il aurait probablement été dégoûté, de lui-même, si ses affirmations étaient véridiques. Dégoûté, surtout, de ce que tout ça aurait signifié pour Ozymandias et de ce qu’il lui aurait fait subir, indirectement.
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