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Tell me that we're gonna be okay (Nyx)
2 participants
Markus Falkenberg
Markus Falkenberg
LÆRERTEAM Den som talar mycket säger sällan vad som är bra
https://thedoomsday.forumactif.com/t1985-attention-a-l-arb-laisse-tomber-markushttps://pin.it/COVushl
On dit que le temps efface bien des choses. La douleur, la tristesse, les petits et les plus gros chagrins, les rancœurs, les colères, les amitiés. Il ne croit pas aux remèdes miracles ; celui qui a mis tous ses espoirs dans le pouvoir délétère des minutes écoulées devait être désespéré. Il n’y a rien qui a bougé dans son cœur. Rien ne s’est atténué, rien n’a diminué. Les sentiments qui avaient rampé jusqu’à la lumière lors d’une nuit pluvieuse ne sont jamais retournés se terrer et il doit les accepter à chaque réveil, entre un soupir et un café.

Encore un jour sans lui.

Est-ce qu’on s’habitue à ce genre de souffrance ? Il n'est pas un expert sur le sujet. Il ne sait pas gérer l’amour ; il sait encore moins gérer la peine qui peut y être associée. Tout ce qu'il sait, c’est que chaque semaine est trop longue. Il se dit la veille que demain sera meilleur, que tout s’atténuera et passera. Et il ouvre les paupières dans le même état, la peau moite des rêves du passé, le cœur serré, les yeux humides de rosée. Il lui manque, bordel. À chaque seconde, chaque minute, chaque soirée, chaque foutue journée. Le voir au bureau est une torture qu'il s'impose seulement pour ne pas que tout ait été gâché, dans cette histoire. Il s’efforce de sourire, de rire, de faire des blagues comme avant, de ne pas montrer tous ces sentiments qui le dominent largement. Il joue au meilleur pote, quand ses mains voudraient effleurer les siennes, quand ses lèvres appellent des retrouvailles, quand ses bras cherchent à se tendre vers lui. Et cette réflexion, accaparante : Est-ce qu’il était avec lui cette nuit…? Ça fait mal, d’imaginer celui que l’on aime au creux des draps d’un autre. Il s’efforce pourtant d’y penser, pour s’habituer à l’idée, dans l’espoir d’un jour réussir à le regarder de nouveau sans que son cœur ne veuille l’inviter à reconstruire un paradis. Il est heureux, auprès de lui. C’est tout ce qui compte…ou du moins, c’est tout ce qui devrait compter.

Ses doigts se referment sur le verre en bois, qu'il porte à ses lèvres. Le goût épicé du whisky le fait à peine réagir : il en a trop bu déjà, ce soir, et sa langue en est au stade où l’alcool lui paraît plus fade. Distraitement, il jette un coup d’œil à la pendule qui oscille de droite à gauche sur son mur. Vingt-deux heures…Il ne devrait plus tarder. Il cherche Drøm d’un regard erratique, sans le voir. Il est probablement à l’étage, proche de son lit. Il aime s’y planquer, depuis qu'il a réaménagé cette pièce. Il s'y est mis lors de la troisième semaine de février : il avait besoin de changement. Il a agrandi sa chambre grâce aux sortilèges et a rajouté un demi-étage, douillet et chaleureux. Au premier, il a laissé ses deux fauteuils plus confortables qu’esthétiques et son âtre, avec une section dédiée au dessin. Un coin dans lequel il passe de plus en plus de temps, s’autorisant à y perdre des heures. Il n’a rien trouvé de mieux, pour se vider le crâne. Ça et la forêt. Ça et les combats. Ça et taper sur des étrangers, à mains nues, simplement pour que la tête cesse de penser, le temps d’une décharge d’adrénaline. Il serait prêt à tout pour le faire taire, ce foutu crâne qui ressasse trop souvent les mêmes images et les mêmes prénoms.

Un bruit à sa porte lui signale que son assistant est arrivé. Il gueule un «rentre, fais pas semblant que t’es pas venu plusieurs fois » discret et tonitruant, surtout pour la vieille mégère de la chambre d’à côté, collègue insupportable qui s’est donné comme objectif de noter tous ses mouvements. Leur relation avait bien débuté, au début de leur voisinage. Elle lui avait même offert des loukoums. Mais tout a dérapé après que qu'il se soit trompé de porte, un soir où il était un peu trop éméché en janvier, et qu'il ait tenté – plutôt efficacement – de rentrer dans sa chambre. Elle a plus ou moins bien pris de le trouver sur son canapé à son réveil, malgré ses excuses. Et il a aussi plus ou moins bien pris le verre d’eau qu’elle lui a projeté en plein visage, même s’il était entièrement mérité.

La porte s’ouvre et il ne fait ni l’effort de se redresser sur son fauteuil ni l’effort de se lever pour saluer celui qui vient de rentrer. Ses traits sont tirés, ses vêtements sont froissés et des cernes bleuâtres s’allonges sous ses yeux verts. Ils ont cette couleur depuis cette semaine et il a cessé d’essayer de leur refaire prendre leur teinte naturelle, sauf lorsqu'il est au bureau. Là-bas, il se concentre pour que ses iris retrouvent leur bleu d’océan, mais l’énergie nécessaire est excessive, et il laisse tomber dès qu'il est seul. Personne, de toute façon, ne semble avoir vraiment remarqué que ses yeux ont décidé de refléter trop docilement l’agitation de son âme. D’un signe de tête, il salue le nouvel arrivant, et pointe la petite table proche du fauteuil, où se trouve un autre verre : «  Sers-toi, la conversation risque d’être longue. Comment tu vas ? » La question est sincère, même si elle est prononcée d’une voix bourrue. Il n’a pas eu le temps de lui demander souvent, depuis son accident....Et encore moins depuis le second. Ce n’est pas qu'il évite le sujet : c’est qu'il ne sait pas sous quel angle le prendre, sans être trop rude. Il a peur de voir Nyx s’enfoncer dans des ténèbres dans lesquels plusieurs ont déjà plongé ; il ne connait pas les méthodes douces, face à de tels cas. Il ne sait que rudoyer d’un ton moqueur, pour provoquer des réactions et pousser les émotions enfouies à trouver le chemin vers la lumière.

Parce qu'il s’y connait un peu trop, en émotions planquées sous dix couches de déni.
Nyx Adelsköld
Nyx Adelsköld
UKJENT Alla vill ha välstånd, men få vet hur de kan njuta av det
Jeudi 11 Mai 2023, soir

Frustration, agacement, colère.
Mmh. Ça sonne familier.
Ah, oui, c'est sans doute parce que c'est toujours la même chose qui boue dans mon crâne, en ce moment. Toujours un subtile mélange de tout ceci.
Je tombe sur mes propres nerfs de ne pas arriver à changer de disque, c'est dire au point où j'en suis.
Le bruit sec d'un claquement de langue teinté d'un des trois sentiments précités m'échappe et je souffle fortement, appliquant le point final du commentaire que je viens de faire sur la dernière copie de correction qui était à ma charge. Le nez un peu plissé, j'observe le résultat, considérant les ratures rouges vives et l'écriture trop acérée d'un ai dubitatif. Ça sonne agressif. Sans doute la couleur. La prochaine fois, je tente une encre violette.

Secouant la tête, je repousse le parchemin et m'affale en arrière sur mon siège, considérant mon bureau d'un air morne. La plume reposée dans le pot d'encre rouge. Les différents pot d'encre de différentes couleurs, soigneusement disposés d'un côté. Des tas de parchemins vierge dans un coin. Des cadres photos. Et même une plante qui est, aussi incroyable ça puisse paraître, toujours en vie. Tout est incroyablement bien rangé, simulacre d'un ordre qui ne règne plus dans ma vie. Jolie façade censé tromper les yeux non avertis. Aujourd'hui encore je ne comprends pas la décision de mes supérieurs de m'imposer dans cette école. C'est vrai, j'aime ce que j'y fais. J'aime assister Markus. J'aime apprendre aux mômes qui vivent ici. J'aime les cours de pratique, je... J'aime ce que j'y fais. Mais je suis un danger. Qu'est ce qui leur est passé par la tête, au juste ?
Un miaulement interrompt cette conversation – qui n'est qu'une énième répétition que je me fais au final – et mon attention se porte sur le félin qui me regarde avec une méfiance qui me pique le cœur. Poils long d'un roux chatoyant, les yeux noisettes, Morphée ne s'est plus approchée de moi depuis qu'elle a réalisé ce que j'étais devenu. C'est déjà un miracle que l'on se tienne dans la même pièce. Même si elle est posée royalement sur la table basse dans la partie qui me sert de salon, tandis que moi je suis derrière mon bureau, près des fenêtres au fond de l'appartement. Ironiquement, pourtant, elle continue de faire la sieste avec Vassilis, le doux ronronnement du félin semblant apaiser le glouton d'une manière que je ne sais plus le faire.
« Qu'est ce qu'il y a ? » Je soupire finalement alors que l'animal ne me quitte pas des yeux. Nouveau miaulement, je hausse un sourcil et baisse le regard vers Vassi. Ma Fylgja s'est perchée sur le dossier d'un fauteuil qui semble faire la frontière entre la partie bureau et la partie salon, muette et immobile. Comprenant que je n'aurais pas d'aide de ce côté là, je fini par repousser mon siège et me lève, me dirigeant vers la partie cuisine. « Tu as faim ? » J'interroge distraitement, plus par habitude qu'autre chose. Normalement, elle me répondrait en miaulant, ou en se frottant contre mes jambes... Avant. Là, elle se contente de suivre mon déplacement avec le regard affûté de celui qui partira en courant au moindre mouvement trop brusque. La gamelle effectivement vide me rappelle à l'ordre et je m'occupe de la ravitailler, la reposant au sol en sachant qu'elle n'ira pas manger tant que je serais dans l'appartement. Mon regard se pose finalement sur un papier accroché sur un meuble et je grimace. Ah. Ouais. C'est vrai. Markus veut me voir.

On doit parler de ton comportement envers certains étudiant. Profitant d'être le seul humain dans la pièce, je répète ses mots à voix hautes d'une voix certainement peu mâture. « J'imagine que je n'ai pas vraiment le choix, mh ? » Je grogne, sans attendre une quelconque réponse. Il y en aura aucune, de toute façon. Constatant que l'heure approche dangereusement et mettant brièvement dans la balance le fait d'arriver au lieu de rendez-vous en ayant déjà descendu un ou deux verres, je fini par abandonner l'idée. A regret.
Je souffle. Fort. Et sors finalement de l'appartement, conscient que Vassilis me suis simplement parce que j'entends le cliquetis de ses griffes sur les pavés du couloir. « Peut-être qu'il va vouloir me virer ? » Je lâche à voix haute. « J'veux dire, ça serait logique, non ? Je sais qu'il n'aime pas trop ce genre de chose. Et j'ai … Manqué de subtilité, ces derniers temps. Du coup il va me dire de partir, c'est sur. » Ça serait sans doute la chose à faire, de toute façon. « Tu en serais trop heureux. » Vient le murmure qui me fige brusquement, le poing levé sur la porte des appartements de mon collègue, ami et, en quelque sorte, supérieur. Plus ou moins. Tu en serais trop heureux.  Le grimace que j'esquisse tire trop fort sur mes lèvres et je ne réponds pas, abattant finalement le poing dans une série de bruit sonore. Très. «rentre, fais pas semblant que t’es pas venu plusieurs fois » Je renifle silencieusement, sans rien répliquer. Effectivement. Mais jamais pour une convocation, cela dit. J'entre dans les appartements du Falkenberg, mon regard scrutant les lieux par habitude. L'âtre, les fauteuils, une zone qui semble consacré à une activité plus personnel. Certainement que les appartements de son aîné sont plus chaleureux que les siens, présentement.
Mes yeux se posent finalement sur l'homme, sans tressaillir, sans faire apparaître un quelconque sentiment de surprise. Débraillé, les traits tirés, des cernes sous les yeux – verts – clairement, il n'est pas à son avantage.
Ça tombe bien, je ne suis pas au miens non plus. Les cheveux détachés, ils tombent de façon peu ordonné, quelques mèches venant à ma grande satisfaction glisser devant l'oeil mort. Le regard bi-colore, teinté parfois d'une lueur trop sauvage, trop sanglante. Le teint trop pâle, des cicatrices encore rosées sur le visage – datant de mes dernières mésaventures ; ainsi que de la dernière pleine lune encore très récente – et certainement un nombre peu raisonnable de kilo en moins, nous sommes presque le reflet l'un de l'autre. Ça en est presque amusant. Presque.

D'un hochement de tête silencieux, je réponds à son salut et m'écroule dans le deuxième fauteuil, peu gracieusement il faut bien l'avouer, «  Sers-toi, la conversation risque d’être longue. Comment tu vas ? » La voix est bourrue, mais je le sais sincère alors qu'un rictus effleure simplement mes lèvres sans que je ne le regarde. A la place, je me sers généreusement un verre, parfaitement satisfait du choix de la boisson. Du coin de l’œil, je vois Vassilis fureter dans l'appartement, certaines habitudes ayant visiblement la vie dure. Je prends le temps de descendre une longue gorgée de la boisson, me raclant la gorge avant de finalement répondre, « Merveilleusement bien. » Je fais, allant pour une fois à l'encontre de mon habitude de parler honnêtement. Même s'il est évident que je mens. « Merci de demander. Oserais-je te retourner la question ? Parce que, sans offense, tu ne ressemble à rien. » Ah. Mea culpa. Finalement je parle franchement quand même. Plus ou moins, quoi.  La conversation risque d'être longue. Je louche vers la bouteille, me demandant à quel point il serait raisonnable ou pas de juste descendre le premier verre d'un seul coup... ?
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Markus Falkenberg
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Un rictus répond à sa question, sans que l'homme ne le regarde. Il trouve ce silence plus parlant que tout autre mot : la réponse est mal, probablement. Une pointe de culpabilité s'enfonce dans sa conscience, alors qu’il laisse ses yeux errer sur lui. Il aurait dû lui poser la question plus fréquemment, il le sait. Il ne s’est quasi pas informé de son état, depuis le second accident, qui est pourtant terriblement récent. Il se savait incapable de le faire de façon délicate ou adroite ; depuis plusieurs jours, il est encore plus bourru qu’à l’accoutumée, plus maladroit, plus direct. Et ça ne peut rien donner de bon, sur un sujet à manier en douceur. Ce soir, l’alcool lui donne néanmoins l’illusion qu’il pourra aborder ce thème sans trop déconner. Il ne réalise pas que cette pensée, idyllique et irréaliste, est déjà le début d’une bêtise. Ses billes vertes descendent sur les cheveux désordonnés et sur les mèches qui camouflent l'oeil endormi. Il aime bien le regard bi-colore de l'homme, et à chaque fois, il se fait la réflexion qu'il devrait le croquer en peinture. Un autre jour. Les cicatrices encore rosées lui rappellent qu’il a trop retardé cette rencontre, trop pris dans l’ouragan de sa propre vie.

Son interlocuteur se sert un généreux verre, alors que sa fylgia furète dans l'appartement. Drøm ne le rejoint pas. Il peut sentir la tristesse de l'ours à l'étage, terriblement étouffante. La sienne menace d’émerger à la surface, à la moindre faiblesse. Il la repousse plus loin, comme s’il pouvait former un barrage mental autour de ses réflexions pour ne pas sombrer. C’est presque fonctionnel : il a pris l’habitude depuis qu’il est gosse de noyer les sentiments trop forts, pour ne pas les afficher sur ses traits. Qu’importe s’ils resurgissent plus violemment, plus tard. Ses lèvres se pincent alors qu'il recentre son attention sur celui qui descend une longue gorgée de whisky, donnant le ton à cette situation sérieuse. Il a l’impression d’avoir invité un autre naufragé sur son radeau ; peut-être pas le meilleur plan. Et pourtant, égoïstement, ça lui fait du bien, de savoir que Nyx n’est probablement pas dans un meilleur état que lui. Parce qu’il n’aura pas besoin de faire semblant de sourire, d’être joyeux. Parce qu’il ne devra pas feindre une conversation légère et sévère, s’efforcer d’avoir un regard vivant, quand il est déjà trop éteint. « Merveilleusement bien. » Bien sûr. C’est évident. Un léger ricanement frôle ses lèvres, auxquelles il glisse son propre verre. Il avale un gorgée épicée, au goût fantomatique des regrets enterrés. Si Nyx va très bien, alors lui est en pleine forme.   « Merci de demander. Oserais-je te retourner la question ? Parce que, sans offense, tu ne ressemble à rien. » Le ricanement se mû en un rire ; le son glisse contre sa gorge pour rejaillir dans le silence, rauque et amer. Quelque chose de joyeux, qui ne camoufle pas les échardes derrières. « Mieux vaut que t’ose pas. » La voix est plus moqueuse que glaciale. L’alcool coule dans ses veines comme une traînée de lave, qui n’efface pas tous les sentiments. Il atténue toutefois la douleur, partiellement, assez pour qu’il veuille s’accrocher à chaque éclat de joie entraperçu. Il a désespérément besoin de chaleur, de couleur. Il a besoin de songer à autre chose qu’à tous les derniers mois, il a besoin d’une soirée où il n’est que Markus, pas celui qui a perdu les deux personnes qu’il aimait le plus.  Il pointe la bouteille du menton, poursuivant avec un sourire : « Te gêne pas pour moi, j’en suis à mon…troisième j’crois. » Une fois n’est pas coutume. Deux fois non plus. À trois, disons qu’on est proche de l’habitude. Mais il ne boit pas tous les soirs ; il privilégie les balades en forêt, l’escalade et la dessin, pour passer ses nerfs. Rien qu’il ne peut faire aujourd’hui. Il rajoute, comme pour se justifier, sans vraiment tenter de le faire : « Les étudiants étaient particulièrement pénibles cette semaine. » Raison bidon. Un clin d’œil se joint à sa phrase, signalant qu’il emploie une excuse. Il porte son verre à ses lèvres, dont il termine entièrement le contenu en une longue gorgée. La tête lui tourne légèrement, très agréablement. Il repose le verre sur la table, rajoutant : « Et en parlant de pénible…Deux nés-moldus sont venus me voir, pour me dire que t’as mis la perturbation du dernier cours sur leur dos, mais que c’était faux. » Son ton s’est fait plus sérieux. Son sourire s’est évaporé. Seul son regard, d’un vert morne, signale que la colère dont il tente d’allumer les braises ne prend pas : son cœur est trop noyé pour s’enflammer. D’un signe de tête, il désigne une pile de parchemins, posés proche de la bouteille : « Ça m’a poussé à réviser tes dernières corrections d’examens…T’étais visiblement d’une humeur de chien quand tu les as corrigés. C’était la pleine lune ou quoi ? » Peut-être qu’avec deux verres en moins, il aurait employé des mots plus subtils. Mais dans l’immédiat, il est plutôt fier de son introduction. Magni aurait sûrement apprécié le jeu de mots ; il faudrait qu’il lui écrive à ce sujet…Ou pas. Dans le regard encore trop conscient de l’enseignant, la forêt s’est assombrie.
Nyx Adelsköld
Nyx Adelsköld
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Jeudi 11 Mai 2023, soir
Ma réponse est un pur mensonge, mais c'est si visible que je ne m'en sens même pas coupable. Markus ne doit clairement pas ignorer à quel point il ne ressemble à rien, à cet instant. Un peu comme moi, d'ailleurs. Et je le fais comprendre sans pincettes, sans ambages, sans s'encombrer de ce que j'ai toujours pris pour des enrobages hypocrites. S'i nous sommes amis, il peut encaisser le fait que je lui dise qu'il a l'air d'une merde, si c'est la vérité. Son rire résonne et j'esquisse un rictus, mélange de tristesse amère et de satisfaction de ne pas être tout seul dans mon trou. C'est horrible comme pensée, non ? C'est sans doute horrible. Je m'en voudrais demain. Ou peut-être pas, vu l'énergie que je mets à faire fuir tout le monde. « Mieux vaut que t’ose pas. » Un reniflement moqueur m'échappe et je porte le verre à mes lèvres, une nouvelle gorgée vient brûler ma bouche et je la garde quelques instants, savourant la brûlure avant de faire lentement glisser le liquide dans ma gorge. Je peux presque suivre le trajet en suivant la douleur familière de l'alcool contre les muqueuses. Je n'en ressens pas les effets. Pas encore. Bientôt, j'espère. Son rire est agréable à entendre, malgré tout. Même s'il ne respire pas entièrement la joie. Comme si j'avais oublié qu'on pouvait rire. Est-ce que je sais encore le faire ? Sincèrement ? Ou est-ce que j'ai vraiment basculé dans ce cliché de l'homme qui traîne sa détresse et son malheur comme un boulet attaché à son pied, et qui n'est plus capable de faire autre chose ? D'exprimer autre chose ?
Markus me pointe la bouteille du menton, enchaînant avec un sourire que je fixe intensément, comme pour le garder en tête. Ouais, je dois être devenu ce foutu cliché, pour m'accrocher ainsi à la moindre manifestation de bonheur.   « Te gêne pas pour moi, j’en suis à mon…troisième j’crois. » Je hausse un sourcil, « Et dire que je me suis demandé si c'était une bonne idée pour moi d'en descendre un avant de venir… J'aurais dû, tiens. » Je lâche, amusé. Un peu. Vaguement. Cela dit, je ne me le fais pas dire deux fois, et le reste du verre disparaît entre mes lèvres, dans des gorgées rapides, trop rapides. À dessein. J'ai plus le même métabolisme. Je sais qu'il m'en faut plus, pour que l'alcool m'atteigne réellement. Alors je vais vite, j'essaie de le submerger, comme il me submerge. J'essaie de l'engourdir, pour l'oublier. Avec ce naïf espoir que, peut-être, l'alcool tuera le loup. Pour quelques heures. « Les étudiants étaient particulièrement pénibles cette semaine. » Moue dubitative, je l'observe, il cligne de l'œil, je ricane légèrement. Ses mensonges, ce soir, sont aussi criant que les miens. « Je suis plutôt d'accord.» Je murmure, attrapant la bouteille et me servant à nouveau. Je resserres Markus, puisqu'il vient juste de finir son verre, sans lui demander. Mais bon, c'est sa bouteille, ça serait dommage qu'il ne continue pas d'en profiter.

« Et en parlant de pénible…Deux nés-moldus sont venus me voir, pour me dire que t’as mis la perturbation du dernier cours sur leur dos, mais que c’était faux. » Mes - mon œil posé sur le verre que je ramène à mes lèvres, je ne réagis pas tout de suite. Evidemment, ils sont allés se plaindre à Markus. Parce que trop lâches pour venir me voir et protester de leur punition soit disant injuste, n'est-ce pas ? Ou peut-être que tu es simplement terrifiant en ce moment et que plus personne n'ose te parler ? La voix dans ma tête ressemble fort à celle de Vassilis, et je glisse un regard vers lui. Il ne fait pas attention à moi, m'ignorant largement. Je chasse le sentiment de solitude brutal qui me heurte en descendant la moitié de mon verre d'un seul coup. Ma langue passe distraitement sur mes lèvres pour récupérer le liquide ambré qui s'y est niché, reportant mon attention sur le professeur à mes côtés. C'est bien ce que je pensais. J'ai abusé. Il va me virer. C'est sur. Il ne sourit plus, Markus. C'est dommage. Ça apportait de la joie à la pièce. Maintenant, il n'y a plus que la tristesse, la colère et la lourdeur des regrets. Il désigne d'un mouvement de tête des parchemins que j'observe sans les saisir. Je les reconnais sans mal, cette écriture, ce rouge vif… Ouais, vraiment, ce sont les miennes. « Ça m’a poussé à réviser tes dernières corrections d’examens…T’étais visiblement d’une humeur de chien quand tu les as corrigés. C’était la pleine lune ou quoi ? » Mon regard unique se porte immédiatement dans le sien, assombri d'une sourde colère. La même qui gronde constamment dans mes veines et qui fait vibrer mes os à chaque instant. La colère nourrie par le loup, derrière ses barreaux, qui hurle sans cesse. « C'est hilarant, ça Markus. Mais t'aurais pu pousser la blague un peu plus loin, tu ne penses pas ?» Je siffle, incapable de contrôler ce que je dis, incapable de le vouloir réellement. « Par exemple, t'aurais pu dire qu'il fallait certainement me mettre une muselière, parce qu'on a l'impression que je vais mordre à chaque instant. Ou encore qu'il fallait peut-être songer à me piquer, parce que j'ai visiblement des problèmes de comportement ? » Ma voix gronde, je sens le lien entre moi et Vassi qui hurle de douleur et ça me heurte aussi violemment que son silence envers moi. La colère chute brutalement, aussi brutalement qu'elle est montée. Comme toujours, au rythme d'un battement de cœur trop affolé, elle ne fait que ça, constamment. Mes narines se dilatent, je finis mon verre. Mes veines chauffent, un peu. Pas assez. « C'était y a 6 jours, la pleine lune, en fait. » J'enchaîne, ma voix plus mesurée. « Et j'avais bien pensé à écrire en violet, pour rendre ça moins agressif. T'en penses quoi ? » Je joue avec le feu, je le sais. Il déteste quand je fais des différences comme ça. Et là, j'ai été clairement flagrant. Mais de toute façon il va me virer, la preuve il vérifie mes copies, il n'a plus confiance. A raison.  « Et ils sont responsables, les mômes. S'ils ne s'étaient pas mis sciemment à côté des deux autres gosses, y aurait jamais eu de bagarre. » Je hausse une épaule sans détourner le regard, morne. Le troisième verre est servi, un tiers est déjà dans mon estomac.
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