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I need you to fix me to get through • Angelo
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Ying Yue Amundsen
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@Angelo Borghese  • 07 février 2024 - début d'après-midi


Assis dans un coin du café, une tasse fumante entre mes doigts, je lis avec trop d'intensité le journal déplié devant moi pour être réellement intéressé par ce qui est écrit. Je suis venu en avance, beaucoup trop en avance, pour avoir l'air d'être un client du café ordinaire qui vient juste se délecter d'une boisson chaude en plein milieu de l'après-midi en semaine. L'heure n'a pas été choisie au hasard, dans tous les créneaux proposés, j'avais pris celui qui supposerait croiser le moins de personne connu possible. Logiquement, une majeure partie de mes connaissances travaillent à cette heure-là, aussi il m'est plus facile d'être discret. Même si le polynectar trouvé au dernier moment me confère une apparence différente, je n'ai rien voulu laisser au hasard. La petite fiole posée à côté de ma tasse contient suffisamment de potion restante pour me permettre de faire un rajout d'efficacité au cas où la séance durerait trop longtemps. Ca devrait le faire, si l'homme n'est pas en retard. Il ne l'est pas, selon mes informations et les personnes qui en discutaient. La nervosité ronge mes nerfs, mes doigts tapotent inlassablement sur le bord de la table et la brume de particules qu'est Bølga ne cesse de s'enrouler autour de moi en cercles concentriques. Lui non plus ne veut pas être identifiable. Rien ne doit pouvoir nous associer à cet café, à cet psychomage. Les jambes contaminées par le stress ont entamé un mouvement rapide de tressautement non maitrisé. Je suis déjà trop concentré pour ne pas sortir du lieu dans un claquement de portes pour tenter de garder mes nerfs passifs. Pas quand j'ai dépassé ma consommation de café raisonnable en une seule journée. Je porte malgré tout la tasse à mes lèvres, avalant une large gorgée chaude. Cela ne me ressemble pas. Etre là, assis, à attendre qu'un psychomage non conventionné vienne me chercher, ne me ressemble pas. Et pourtant je suis bien là, foutrement là, à contenir mes pulsions de fuite. Mais la situation devient de plus en plus problématique et il est nécessaire que je fasse quelque chose. Je ne peux pas décemment laisser les choses empirer sans tenter de trouver des solutions. Des solutions irrémédiables. Le noir des mes iris s'assombrit, aussi profond que le fond de café qui miroite doucement dans la tasse blanche.

J'avais entendu parler de lui par hasard, dans un bar, en écoutant la conversation de la table d'à côté. Je ne sais pas tellement comment j'en étais venu à porter le moindre intérêt à leur babillage sans valeur, mais quelque chose avait retenu mon attention. La mention de la cécité du psychomage que la jeune femme voyait de temps en temps pour des problèmes de traumatismes qui remontaient à l'enfance. Quelque chose du genre. Sans intérêt. Ce n'avait été que cela qui avait décidé ma main à demander un rendez-vous au nom de Oskar Birkeland. Un nom entièrement inventé, le plus éloigné possible de toute association possible avec ma propre famille, mon travail, mes passions. Quelque chose de commun, impersonnel. Non identifiable. Tant de précautions ne me ressembles pas, mais il faut croire qu'à force de fréquenter Fredrikke Mørk j'ai appris certains de ses tours de passe-passe quand il s'agit de brouiller les pistes et s'assurer un anonymat le plus complet possible. Personne ne doit jamais savoir que j'ai été consulter un psychomage, et encore moins connaître le sujet de ce besoin de consultation. Je n'ai pas confiance en l'homme que je ne connais pas encore. Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il ne fait pas partie des Douze, ce qui est rassurant et l'une des raisons principales qui m'ont fait pousser la porte de son café. Mais cela est aussi déplaisant, car il sous-entend une appartenance à une sous-famille, pas même une vassale, une famille autre, lambda. Un sorcier commun auquel je ne me serai jamais intéressé en temps normal. Est-ce qu'on peut avoir entièrement confiance à une personne du genre ? Pas vraiment.

La nervosité fait tourner mes pensées en boucle et la dernière goutte de café est engloutie en même temps qu'un grognement canin est étouffé par le liquide. Si le polynectar a changé mes traits et réduit mes canines qui me paraissent désagréablement trop petites, l'animal est toujours tapis au fond de mes entrailles. Et mes habitudes comportementales ont la peau dure. Je suis un bon marine, mais les infiltrations ne sont pas ma spécialité, je n'ai pas appris à modifier mes gestuelles pour correspondre à celle d'un autre. Mørk se foutrait allègrement de ma gueule s'il pouvait me voir. Heureusement ce n'est pas le cas. Comme tous les autres, jamais il n'aurait connaissance de cette consultation.

Un serveur s'approche de ma table et mon regard glisse vers lui comme si de rien n'était. Il tient entre ses doigts son carnet de note et sur ses lèvres un sourire affable. C'est le même serveur que celui qui a noté une petite croix à côté de mon nom du jour quand je me suis présenté au bar toute à l'heure. Je devine pourquoi il se déplace en personne vers moi comme pour prendre une nouvelle commande, si bien que mon cœur s'emballe immédiatement. Dans une courte phrase glissée dans un murmure il m'invite à le suivre, et je me lève dans un signe de tête entendu après avoir ramassé ma fiole et ma veste. Sans un regard pour les rares autres clients, je le suis vers l'arrière de la salle, passant une porte parfaitement placée pour permettre une discrétion à toute épreuve. Qui qu'il soit, on peut dire que lui aussi travaille sur celle-ci. C'est tout à son honneur j'imagine. Je conçois l'intérêt d'une telle pratique dans son métier, elle me convient aujourd'hui, elle est ridicule pour les autres. Celui qui m'a dirigé vers la porte m'adresse un nouveau sourire qui doit se vouloir rassurant mais que je trouve particulièrement pathétique. Pourtant j'y réponds avec un autre sourire contrit et hésitant. Les sourires, probablement la chose que je sais feindre avec le plus de variantes possibles. « Entez, il vous attend. » Le serveur s'efface et j'entre, donc, Bølga en brume scintillante comme roulé en boule contre mon torse. Barrière entre le psychomage et moi, ou couverture de poils lovée contre mon cœur. Sans doute un peu des deux. « Bonjour. Monsieur Birkeland, Oskar Birkeland. Merci de me recevoir en rendez-vous. » La politesse se trouve d'elle-même avant même que l'autre n'ait eu le temps de prendre la parole, avant même d'avoir entièrement entendu la porte se fermer derrière moi. La voix modifiée est plus grave que celle que j'ai l'habitude d'entendre et elle me surprend légèrement. Je tente malgré tout de la garder sûre et posée, tout en observant avec une indécence totale, l'éclat terne de ses yeux bleus braqués sur moi. Dans ma paume, la fiole de polynectar tremble très légèrement sur la nervosité sui serre des doigts nerveux contre ses courbes rondes. J'ai bu trop de café, les tics nerveux et le besoin de bouger risque de rendre cette entrevue plus mouvementé qu'il n'aurait fallut sans doute. Tant pis pour lui.  
Angelo Borghese
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La nuit a été longue, mais pas à cause du boulot.

Elle a été remplie de rire et de gestes, de contentement mutuel sans fausses promesses. Et c’était agréable de me détendre, de n’être qu’un homme, pas un aveugle, une personne qui peut vivre, profiter, sans devoir constamment écouter des problèmes. Exceptionnellement, il n’y a pas non plus eu d’urgence à régler. Personne n’est venue en panique cogner contre ma porte, personne ne m’a envoyé de hibou nécessitant une réponse immédiate. Je n’ai pas eu à laisser mon invité en plan de façon impromptue et j’ai même pu lui proposer un petit-déjeuner ce matin. Agréable, oui.

Je me doute néanmoins que mes traits sont probablement plus tirés qu’à l’accoutumée et que de légers cernes s’étendent sûrement sous mes yeux. Je n’ai pas pu récupérer les heures de sommeil perdues ; ça en valait le coup, mais j’en paie le prix. Mes rendez-vous du matin étaient peu nombreux, mais j’en ai davantage cet après-midi. Trois, puis deux en soirée, en plus de la nuit que j’ai prévue passer dans les rues. Mon serveur préféré, attentif – un peu trop – m’a déjà amené mon septième café de la journée. Je ne le savoure même plus, je laisse simplement le breuvage filer dans ma gorge dans un geste machinal, tandis que je tourne la page d’un dossier vierge. Mes doigts effleurent les lettres qui y sont inscrites en braille : Oskar Birkeland. Un nouveau patient, qui ne m’a été référé par personne. C’est plutôt rare. On connaît généralement ce cabinet camouflé par le bouche à oreille, mais il y a généralement une source identifiable. Pas cette fois, et le nom n’éveille rien chez moi. C’est mieux ainsi : c’est compliqué, quand je connais vaguement la personne. En théorie, si j’étais encore un membre officiel des psychomages, je devrais envoyer vers un autre psy tous ceux que je connais. Mais ceux qui savent qui je suis, et qui veulent me consulter quand même, le font justement parce qu’ils me connaissent. Je ne les renvoie ailleurs que si je ne me sens pas en mesure de les aider convenablement.

Le serveur est rentré avec l’ordre de faire rentrer ce Oskar, tandis que je tapote distraitement ma plume contre un parchemin. Elle est conçue pour écrire seule, mais quelques chapardeurs – dont ma sœur, quand elle passe dans le coin – s’amuse parfois à l’échanger contre un autre type de plume, ce que je ne constate que lorsque je cherche à relire ce qui a été écrit.

La porte s’ouvre, dans un bruit de pas de sur le sol, et l’homme prend la parole avant qu’elle ne soit refermée : « Bonjour. Monsieur Birkeland, Oskar Birkeland. Merci de me recevoir en rendez-vous. » La voix est grave et ne me rappelle définitivement personne. J’entends Hope, sous sa forme de tigre, marcher de mon bureau jusqu’à la porte, puis revenir vers moi. C’est son habitude ; elle repère tous les indices visuels qui m’échappent, toutes ces informations normalement utiles à un psychomage, qui se doit d’être aussi attentif au langage non-verbal. Je me lève, contournant mon bureau, alors que la porte claque, signe que le serveur. Me fiant aux sons, même les plus anodins, je situe le nouvel arrivant dans l’espace, de façon à ne pas le heurter accidentellement. D’un signe de la main, j’indique l’emplacement de mes canapés : « Bonjour Mr. Birkeland. Je me nomme Angelo Borghese. Vous pouvez prendre place. » Je me dirige moi-même vers l’endroit où est situé mon fauteuil préféré, en face des canapés. Je tends la main avant de m’asseoir, par habitude ; un ronronnement se fait entendre, m’arrachant un sourire. La place est prise. Je prends le félin, que je dépose par terre, avant de finalement m’asseoir.    « Avant de commencer, je dois m’assurer qu’avant le rendez-vous on vous a bien informé des modalités des séances…? Notamment sur leur fréquence, leur déroulement et mes honoraires. » Avant, je m’occupais moi-même de cette partie. Mais le temps est précieux, le mien s’échappe trop vite et je trouve maintenant plus commode de laisser ceux qui prennent pour moi les rendez-vous s’en charger. Mes serveurs, formés pour instruire discrètement tout en notant un nom et une heure, s’occupent normalement de donner les quelques informations importantes à mes futurs patients. Il y a néanmoins quelques erreurs, parfois, alors je préfère m’assurer que les démarches ont été bien faites. Je poursuis, cordial :  « Je ne demande aucune signature, seulement une approbation orale. Et vous pourrez ensuite me dire ce qui vous conduit dans ce bureau. » Un léger sourire termine ma phrase, sans trop s’étirer.
Ying Yue Amundsen
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@Angelo Borghese  • 07 février 2024 - début d'après-midi


Mes yeux embrasent rapidement la pièce avant de tomber sur l'homme assis derrière son bureau, plume en main. Sa fylgia, un tigre blanc légèrement plus grand que Bølga s'avance vers moi et mes iris s'accrochent aux siennes, le plus neutre que je puisse l'être malgré la nervosité qui fait tiquer mes muscles de jambe et froncer légèrement le nez. L'animal repart vers son sorcier après ce que j'imagine être une courte inspection de la personne qui se présente devant l'aveugle. Ma première curiosité ainsi comblée - est-ce que la fylgia a subit la même cécité que le sorcier ? - je reporte mon attention vers le psychomage qui se lève dans un mouvement aussi assuré qu'il est grand et impressionnant. Les iris détailles la carrure de l'homme, il est difficile de passer à côté de sa large carrure et de son physique avenant. Il a la tête de l'emploi, faut bien le reconnaître. Du moins celui du patron de bar qui fait de la psychologie à deux sous dans son arrière boutique. Mais j'évite de penser trop largement à cette caractéristique dépréciable du professionnel qui s'avance vers moi pour rester concentrer sur mon objectif. Obtenir des réponses, des espoirs de solution. Une foutue prescription. Que même un psychomage de pacotille peut me faire, du moment qu'il a le diplôme nécessaire. « Bonjour Mr. Birkeland. Je me nomme Angelo Borghese. Vous pouvez prendre place. » Sa main se tend vers la deuxième partie de la pièce agrémentée de canapés, d'un fauteuil, et surtout d'un certain nombre de chats. Un froncement de nez plus marqué que les autres m'échappe tant l'odeur des félins est forte et me chatouille les narines avec une désagréable sensation. Je ne suis pas certain que la cohabitation avec autant de félin soit une bonne chose, ça me fait même chier d'en voir autant dans un si petit espace. En général, les chats préfèrent me feuler dessus le poil hérissé, plutôt que de venir chercher des gratouilles entre leurs oreilles. Au mieux ils viennent un peu trop près titiller ma patience et ma nervosité jusqu'à ce que montre les crocs à mon tour. Espérons donc, que ces félins-là soient du genre passifs, drogués, ou habitués à voir toute sorte de canidés s'installer à leurs côtés. Une hypothèse à laquelle je m'accroche pour le moment peu désireux d'avoir à mettre en lumière une nature que je voudrais garder non connue de mon interlocuteur. Moins il en sait réellement, mieux sait. Et Oskar Birkeland n'est pas un loup-garou. Ce n'est pas un fils des Douze. Ce n'est personne. Peut-être que j'aurais dû travailler un peu plus mon personnage avant de venir, ou le rendre moins anonyme. Suivant néanmoins le mouvement du psychomage, je prends la direction d'un des canapés, sans m'installer. Debout face au Borghese je l'observe en silence tendre sa main vers l'avant, comme un aveugle, pour trouver le pelage d'un chat installé à la place qu'il souhaitait visiblement occuper. Il soulève le chat qui ronronne toujours malgré ma présence de plus en plus proche de leurs sens de félins aiguisés, avant de le déposer au sol et de s'asseoir calmement à la place chaude et probablement poilue. « Avant de commencer, je dois m’assurer qu’avant le rendez-vous on vous a bien informé des modalités des séances…? Notamment sur leur fréquence, leur déroulement et mes honoraires. » Mes doigts se serrent un peu plus sur la fiole, instinctivement mes mains se sont jointent dans le dos, les jambes légèrement écartées ont une position trop officielle pour ne pas trahir le naturel du geste. La brume du tigre immatériel vibre, s'envole, s'enroule nerveusement autour de moi me faisant prendre conscience de la position que j'occupe. Soudainement tout m'agace, d'être là, son attitude calme et posée, ces yeux aveugles, le tigre blanc qui creuse le manque de Bølga près de moi pour m'aider à rester concentré, les ronronnements des chats, et cette stupide idée de venir consulter quelqu'un. Alors que je vais bien. Que tout va bien. Que j'ai toujours envoyé chier les médicomages et psychomages qu'on nous envoie après les missions. Le visage du polynectar frémit avant de jeter un regard rapide vers la porte fermée du bureau. Ca ne me ressemble pas d'être là, mais il le faut. Je dois m'en débarrasser. « Je ne demande aucune signature, seulement une approbation orale. Et vous pourrez ensuite me dire ce qui vous conduit dans ce bureau. » Il sourit et l'envie violente de le lui faire tomber valse dans mes veines comme un feudeymon et Bølga s'agite de plus en plus, lutant contre le besoin de se matérialiser et l'ordre impératif de rester invisible, et inconnu. Sa lutte tire dans ma tête, tire les muscles et apporte une source de nervosité supplémentaire à l'ensemble de mon être qui lutte déjà pour rester. Dans un geste raide, forcé par la volonté qui plie le corps à sa volonté, réfrénant l'instinct avec une main de fer, je m'assois à mon tour. Trop proche du bord du canapé, les jambes pliées, les coudes posés dessus, sans même chercher à stopper le tremblement frénétique de la jambe qui a repris de plus belle. Je ne peux pas lutter sur tous les fronts dans cette bataille. « J'ai eu les informations, je crois. Ca me va, sauf pour la fréquence des séances. Je fais un métier qui m'oblige à voyager beaucoup et souvent. Je ne pourrais assurer une présence toutes les semaines. Mon prochain voyage d'affaire est jeudi de la semaine prochaine. Le quinze. Mais en deux rendez-vous, si vous avez de la place en début de semaine, ça devrait suffire. » L'ordre de la prochaine mission est arrivé en début du mois, juste après notre dernière mise en situation qui avait permis de faire notre démonstration particulièrement réussie de la manoeuvre sur laquelle on avait travaillé avec tant d'intensité le dernier mois. On était passé sous la barre des vingt minutes, pulvérisant le record du Kommandør et de son régiment. Une victoire écrasante, que certains qualifient déjà d'humiliation, et qui nous a valut ce déploiement de dernière minute. Personne n'en doute, sans avoir eu la preuve formelle de ce retour de bâton. Mais ce n'est qu'une conséquence, la saveur de la victoire vaut toutes les missions de merde attribuées en réponse. Et puis il y avait eu cette soirée de fête, alcoolisée, et d'autres conséquences, qui m'avaient poussées à prendre ce rendez-vous en urgence. « C'est pas grand chose, j'ai juste besoin de que vous me prescriviez un truc, une potion, des cachets, j'en sais rien, ce que vous voulez. C'est un voyage court, trois semaines, je prendrais rendez-vous à mon retour début mars si vous tenez vraiment à faire un point. » C'est le genre de choses qu'ils aiment bien les psychomages, non ? Faire des points sur les situations, les traitements, les doses, les évolutions. C'est ce qu'ils disent les autres. On refait un point dans un mois Løjtnant Amundsen. Connerie, il n'y a aucun point à faire, juste des lignes à tracer vers l'avant. « Donc, ce qui m'amène ici. C'est juste. » Ma jambe tremble de plus en plus et les mains serrées en boule entre les deux genoux risquent de faire craquer le verre de la fiole qui s'y trouve enfermée. Je n'ai jamais eu du mal à faire des phrases. Plutôt habile avec les mots et les tournures de phrases. Habile à jouer, à feindre, à prétendre, et voilà que la langue trébuche sur une vérité invisible qui ne trouve de prise nulle part. « J'ai...J'ai des pensées. Indésirables. J'ai besoin que vous les fassiez partir. D'une façon ou d'une autre. J'ai essayé les potions d'oubli mais ça fonctionne pas. » La brume de particules vibre, s'étire, se module, différemment d'ordinaire et mes yeux un instant s'attarde sur son manège sans en comprendre le sens, de plus en plus irrité par le comportement de ma fylgia qui ne m'avait jamais fait défaut jusque-là. La main vide se décroche de l'autre pour passer son mon visage dont je ne reconnais aucune courbe, aucune sensation sous la pulpe étrangère de mes doigts. Etrange et désagréable sensation qui me laisse perplexe quelques secondes, avant de fondre un regard chargé de violence vers le tigre de l'autre, à défaut de pouvoir fusiller le mien. « Ces pensées, c'est pas moi. C'est pas ce que je suis, et ça m'empêche de voir clair, ces derniers temps elles sont de plus en plus prenantes et c'est en train de de me retourner le cerveau. Sauf que je ne peux pas me permettre d'être distrait ni ailleurs dans mon travail. » Un contact chaud contre mon mollet me fait sursauter et la jambe repousse par réflexe le corps indésirable. Le chat couine légèrement sous la pression probablement trop forte du coup qui ne cherchait pas à en être un. Je n'ai pas maîtrisé la force de la pulsion nerveuse, mais j'ai conscience que c'est le genre de choses qui pourraient déplaire au propriétaire de l'animal. Sauf que j'ai besoin qu'il m'accorde un minimum de sympathie si je veux obtenir un résultat positif à ma demande et enfin sortir de cette spirale qui me prend de plus en plus la tête. « Désolé pour votre chat, j'ai pas l'habitude d'en avoir dans les pattes. Et vous en avez une sacré bande ici. Ca aide vraiment les gens à se détendre ? » Personnellement ils me stressent plus qu'autre chose, mais tout m'agace dans cette pièce, jusqu'aux raisons de ma simple présence.
Angelo Borghese
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Il a tardé à s’asseoir. Si je me fie à la longueur de mes quelques phrases et au temps calculé, il s’est assis au moins trente secondes après moi. C’est beaucoup et différentes interprétations sont possibles. La nervosité, inévitablement, est une option. Mais il y en a d’autres : la méfiance, l’incertitude de rester ou non, le désir de partir rapidement et l’hésitation de la pertinence de sa présence ici. Peut-être qu’aucune de ces hypothèses n’est bonne. Les analyses des gestes ne donnent pas de résultats totalement fiables, ils ne font qu’offrir des possibilités. Mais en l’absence de mes yeux, j’ai dû développer mes propres techniques, pour voir ce qui ne m’était pas accessible. Et les patients qui doutent de mes compétences, qui doutent d’avoir besoin de moi, sont nombreux. Je ne peux que les comprendre. La première fois où je suis rentré dans le bureau d’un psychomage, pour moi-même, j’ai aussi largement douté. Et je me suis barré.

Le son bref du tissu lorsque l'homme s'assoit m'indique qu'il ne s'est pas enfoncé largement dans les coussins, mais est plutôt resté sur le bord. Hope se rapproche de mes genoux et appuie délicatement sa tête dessus ; c’est notre code, par lequel elle me signale qu’un détail m’échappe. C’est agaçant, forcément. Même si j’accepte bien mieux mon handicap que jadis, je continue de le maudire, dans ce genre de moment. « J'ai eu les informations, je crois. Ca me va, sauf pour la fréquence des séances. Je fais un métier qui m'oblige à voyager beaucoup et souvent. Je ne pourrais assurer une présence toutes les semaines. Mon prochain voyage d'affaire est jeudi de la semaine prochaine. Le quinze. Mais en deux rendez-vous, si vous avez de la place en début de semaine, ça devrait suffire. » Mes sourcils se froncent à sa dernière phrase, avec perplexité. Que veux-il dire par ça devrait suffire ? Qu’en deux rendez-vous, selon lui, ce qui le pousse vers moi ne sera plus un problème ? Il me prend pour un cordonnier, qui va réparer ses souliers ? Je dépose ma main sur le pelage d’Hope, qui me donne un très léger coup de tête, puis un second, dans un geste qui peut paraître affectueux . « C'est pas grand chose, j'ai juste besoin de que vous me prescriviez un truc, une potion, des cachets, j'en sais rien, ce que vous voulez. C'est un voyage court, trois semaines, je prendrais rendez-vous à mon retour début mars si vous tenez vraiment à faire un point. » Un léger sourire vient s’étirer sur mes lèvres, alors qu’une esquisse de cet homme s’ébauche lentement dans mon esprit. À chaque première rencontre, je n’ai que des traits très généraux ; parmi ceux-ci, j’ai aussi leur vision de la psychomagie et de leur point de vue – dans le déni ou non – de leur problème. Sans que j’en sois étonné, Hope appuie une troisième fois sa tête contre ma paume, délicatement. Trois coups. Le détail qui m’échappe est donc dans la main de cet homme. Pas une baguette ni un danger immédiat ; Hope me l’aurait fait savoir par un moyen bien plus rapide. Autre chose, donc. « Donc, ce qui m'amène ici. C'est juste. » Juste quelque chose qui, selon lui, se règle en deux séances, mais lui faire perdre ses capacités d’élocution.

J’attends, attentif à une légère vibration, ressentie sous mon pied. Le plancher est sensible ; j’ai besoin qu’il le soit, qu’il réagisse aux mouvements et qu’il craque dans les moments opportuns. J’en déduis qu’une partie du corps de l’homme tremble ; jambe ou main. Première option, probablement, je le ressentirais moins sur le sol s’il s’agissait d’un membre supérieur. « J'ai...J'ai des pensées. Indésirables. J'ai besoin que vous les fassiez partir. D'une façon ou d'une autre. J'ai essayé les potions d'oubli mais ça fonctionne pas. » Je n’hoche pas la tête, je ne réponds pas, j’attends. Mes yeux d’un bleu fantômatique demeurent fixés sur mon interlocuteur, même si je ne le vois pas. Les mots utilisés par un patient pour un décrire les raisons de sa présence dans mon bureau sont importants ; ils trahissent souvent les premières émotions, les premiers troubles ou refoulement sur lesquels nous devrons travailler. « Ces pensées, c'est pas moi. C'est pas ce que je suis, et ça m'empêche de voir clair, ces derniers temps elles sont de plus en plus prenantes et c'est en train de de me retourner le cerveau. Sauf que je ne peux pas me permettre d'être distrait ni ailleurs dans mon travail. » Ce n’est pas pertinent, à ce stade précoce de notre rencontre, de savoir à quel travail il fait référence. Je ne poserai pas la question. Préciser la nature de ces pensées, qui vraisemblablement le perturbent, est plus important. Il ne reprend néanmoins pas la parole immédiatement ; j'entends un son bref, comme une jambe qui s'écarte. Asmodée couine, me signalant qu'elle était l'indésirable qui vient d'être poussée plus loin. Intéressant, comme réaction. « Désolé pour votre chat, j'ai pas l'habitude d'en avoir dans les pattes. Et vous en avez une sacré bande ici. Ca aide vraiment les gens à se détendre ? » Je laisse ma main filer contre ma joue, grattant ma barbe d’un air songeur : « Ça dépend des gens. Et je me demande si ce que vous ne supportez pas actuellement, ce sont les chats ou la présence d’un autre être vivant à vos côtés, pendant un moment stressant.» Ma voix est calme. Je ne précise pas que mes chats ont tous leurs caractéristiques ; j’en ai sauvés pas mal, mais attentif à leurs réactions, j’ai rapidement constaté qu’ils agissaient différemment selon le type de patient qui se trouve avec moi. Asmodée, plutôt sauvage en règle générale, apprécie particulièrement la présence des animagus et les lupins. Je ne parviens jamais à la décoller des genoux de Sebastian à chaque fois qu’il vient au café. Boo, plus doux, aime bien les caractères qui ressemblent au sien. Il ne peut pas s’empêcher de squatter à proximité de tous ceux auprès de qui il se sent confiance.

Boo n’est pas dans la pièce. Je n’entends pas son ronronnement caractéristique, mais j’entends bien le léger grognement d’Asmodée, qui revient à la charge à sa façon. Elle se rapproche du canapé, encore, m’arrachant presque un sourire. Je reprends :   « Je ne suis pas du genre à prescrire des potions et des cachets, sur simple demande des patients, ou pour me débarrasser d’eux. Ils peuvent utiles, mais en synergie avec la psychothérapie. Ça ne me servirait à rien de vous donner des béquilles, sans m’occuper de ce qui vous empêche de marcher. » Et je désaprouve totalement une telle pratique. Ça n’a jamais été dans mes habitudes, même à l’époque où j’exerçais officiellement. De base, j’évite de prescrire quoi que ce soit. Je laisse les médicomages le faire, lorsque je le peux, parce que je n’aime pas que mon nom circule. J’ai peut-être renouvelé ma licence auprès de l’ordre, mais je refuse toujours d’y appartenir officiellement. Les sorciers sont différents des moldus, sur ce point. Avec ma licence, je peux pratiquer et prescrire, de façon indépendante si je le souhaite, mais en appartenant pas à l’ordre, je ne peux me revendiquer de l’ordre officiel des psychomage de la nation. Ça me va. Je poursuis, le ton toujours calme : « On reparlera de l’horaire, mais je considère important que vous sachiez que je ne suis pas un adepte de faire le point. Je ne crois pas davantage qu’un problème peut se régler en seulement deux séances. Quelqu’un qui se retrouve ici avec moi, plutôt qu’avec un psychomage officiel et reconnu, est généralement en situation d’urgence. Le revoir seulement après trois semaines, en lui demandant simplement où il en est rendu, revient à lancer la personne dans une mer agitée, en lui demandant à son retour s’il est parvenu à se trouver une barque pour se sauver. » Et pourtant, c’est bien ce que fait une quantité trop élevée de mes anciens confrères. Soit ils fixent des rendez-vous trop fréquents, pour se faire des gallions sur le dos de patients désemparés, soit il les laisse aller trop rapidement, sans se soucier des dégâts qu’ils laissent derrière eux. Ces dégâts, je dois souvent les réparer dans les rues, lorsque je sors la nuit. Je me renfonce plus confortablement contre mon fauteuil, le bras plié, le poing appuyé distraitement contre mon menton : « Que voulez-vous dire, par pensées indésirables ? » C’est vaste, comme appellation. J’ai néanmoins un doute, parce que ça renvoie généralement toujours à la même chose. Du moins, quand l’homme a cette attitude.
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@Angelo Borghese  • 07 février 2024 - début d'après-midi


Le tigre blanc, la tête posée sur la jambe de son sorcier, réclame des caresses, insufflant une brise d'agacement dans mes fibres. Je n'aime pas quand Bølga est forcé de prendre sa forme immatérielle, et pourtant ça arrive trop souvent. J'avais été agacé à leurs apparitions, parce que leur instabilité avait rendue nos combats plus complexes. Parce que Thullen s'était pris une attaque trop salée en manquant de perdre connaissance sous la dépression magique que l'apparition du dragon rouge à ses côtés avait provoquée. Tout ce qui est hasardeux et non calculé est une variable particulièrement dérangeante dans un combat. Ça l'est d'autant plus quand ces variables changent d'un soldat à l'autre et que c'est tous les régiments qui s'en trouvent impactés. Quand l'unité devient fragmentée dans sa multitude de particules et que la vague n'est plus agglomérée, mais redevenue gouttelettes éparses, tout foire en beauté. Le souvenir est amer de cette période-là. Le tigre avait été long à apparaître, brume scintillante jusqu'au lendemain d'une pleine lune particulièrement mouvementée. Passée en pleine mer, sur un cailloux saillant balayé par une tempête marine, la bête avait hurlée de frustration et de rage au point d'être tentée de s'élancer dans l'onde agitée. Le tigre avait jaillit sur son dos, griffes sorties et crocs plantés dans l'échine pour retenir le loup immense de se noyer, au mieux. Au pire, de trouver une terre ou un navire habité.

Depuis il a su trouver une place unique, sa place. Lui au moins, je suis pratiquement sûr, qu'il me faussera pas compagnie comme tous ces traîtres sans honneur.

La jalousie est plus ardente que si la Fylgia d'en face avait été n'importe quel autre animal. Même un loup aurait plus facile à gérer, que ce tigre aux yeux doux qui frotte sa tête contre la paume de son sorcier. Toutes mes pensées se heurtent les unes aux autres, la nervosité se nourrissant du chaos créé pour faire disparaitre les autres émotions sous une couche d'orage et protéger l'âme qui lutte encore pour ne pas prendre la porte. Au sens métaphorique, comme littéral, tant j'ai l'habitude de les faire sauter de leurs gongs quand je suis en colère. « Ça dépend des gens. Et je me demande si ce que vous ne supportez pas actuellement, ce sont les chats ou la présence d’un autre être vivant à vos côtés, pendant un moment stressant. » Les deux, et surtout la deuxième raison. Je supporte peu de choses dans un moment aussi stressant que celui-ci, et surtout pas un chat qui insiste pour avoir quelque chose de moi que je ne suis pas d'humeur à donner. Je déteste les personnes qui insistent quand on leur dit clairement non. Je déteste encore plus les chats qui n'en font qu'à leurs têtes. Stupides félins qui respectent aucun des codes sociétaux des animaux normalement établis. Un son rauque résonne comme pour narguer mes pensées, et le chat se frotte à nouveau sur le canapé, prévoyant très certainement de revenir à la charge. Le corps se contracte, le regard devient brutal et j'ai toutes les peines du monde à ne pas montrer les crocs dans un grognement sourd. Heureusement le psychomage reprend la parole, m'aidant à fixer mon attention sur autre chose : « Je ne suis pas du genre à prescrire des potions et des cachets, sur simple demande des patients, ou pour me débarrasser d’eux. Ils peuvent utiles, mais en synergie avec la psychothérapie. Ça ne me servirait à rien de vous donner des béquilles, sans m’occuper de ce qui vous empêche de marcher. » J'en ai rien à faire de sa bonne conscience de professionnel. Est-ce que j'ai envie qu'il fasse correctement son travail ? J'en sais rien, ça dépendra des réponses qu'il fera à mes problèmes. La première partie de celles-ci ne me plaît déjà pas tellement. J'aurais dû prendre un psychomage de plus basse qualité encore. Non, j'avais déjà eu cette discussion mentale. Prendre un professionnel moins regardant c'était prendre le risque que son traitement ne fonctionne pas et que je perde mon temps pour rien. Je déteste prendre des médicaments, l'idée de m'imposer un traitement a déjà été suffisamment difficile à accepter pour que j'ai la patience et l'envie d'errer de potions en potions jusqu'à trouver la bonne. Je ne suis pas une bête sur laquelle on peut pratiquer toute sortes de tests et de traitements novateurs ou que sais-je. Je suis pas un foutu rat de laboratoire. Non, il me faut quelqu'un de minimum compétent, tout en détestant l'idée de devoir faire le moindre travail sur moi-même ni la moindre concession. Le tremblement nerveux de la jambe reprend de plus belle, accompagné du tapotement d'un ongle sur le bord de la fiole en verre. Délicat tintement trop clair pour la noirceur de mes pensées. Pourquoi c'est aussi compliqué ? Pourquoi je dois faire face à tout ça alors que j'ai rien demandé ? Pourquoi Tyr m'envoie ses défis avec autant de hargne. Pourquoi ma tête est un foutu chaos alors qu'il devrait être dans un ordre ajusté aux angles pointus ?

« On reparlera de l’horaire, mais je considère important que vous sachiez que je ne suis pas un adepte de faire le point. Je ne crois pas davantage qu’un problème peut se régler en seulement deux séances. Quelqu’un qui se retrouve ici avec moi, plutôt qu’avec un psychomage officiel et reconnu, est généralement en situation d’urgence. Le revoir seulement après trois semaines, en lui demandant simplement où il en est rendu, revient à lancer la personne dans une mer agitée, en lui demandant à son retour s’il est parvenu à se trouver une barque pour se sauver. » Je souffle du nez dans une expression narquoise où se mêlent dédain et aigreur. Ça m'irait bien qu'il me lance dans une mer agitée, ça je sais gérer. Pas besoin de barque pour me sauver, je saurais me contenter d'un morceau de bois ou même de la carcasse d'un kraken pour regagner le rivage. Tout cela me semble en réalité bien plus facile et réalisable, que de rester assis sur ce canapé, en face d'un homme trop calme, d'un tigre trop affectueux, et d'un chat en recherche d'attention. Plus facile que de sortir trois phrases sur ce qui m'a fait prendre rendez-vous avec lui. Plus facile que de prononcer à haute voix des mots que je n'arrive même pas à penser sans éprouver un écoeurement mêlé de terreur. « Que voulez-vous dire, par pensées indésirables ? » L'envie de mentir m'effleure dans un frisson. A la place, la main libre retrouve celle contenant la fiole pour y enfoncer des ongles trop courts. La douleur qui était attendue est déceptive et mon nez se retrousse légèrement, agacé par les différences physiques du polynectar qui me privent de mes stimuli habituels. Les doigts pressent un peu plus durement les ongles dans la peau, la violence émerge dans un sillon de mâchoire serrée. Les narines se dilatent pour tenter d'endiguer la nervosité qui se mue peu à peu en fureur faussement dirigée vers le professionnel. « Les mers agitées ça me va, je sais gérer. Je me noierai pas. » La voix trop grave de l'homme dont j'ai pris l'apparence - un client inconnu dans un bar avec lequel on s'est battu pour un prétexte stupide et à qui j'ai arraché sans ménagement une poignée de cheveux - est assombrie par l'angoisse qui commence à se faire plus forte que la nervosité latente. Cette angoisse jamais nommée, jamais regardée en face, toujours de biais, comme un prédateur trop dangereux pour moi. Ce monstre qui me terrifie, me fait réveiller en sueurs les nuits trop chargées d'images. Celui devant lequel je fuis. Comme un foutu connard de lâche. La bête refuse l'adjectif, je le refuse, la tête se débat contre un flot tourbillonnant d'émotions qu'elle ne peut pas gérer. Le cœur palpite, la jambe tremble, et le doigt tapote de plus en plus rapidement sur le flacon. Les secondes s'étirent dans ce faux silence nerveux dans lequel les pensées s'enroulent, s'étirent jusqu'à lâcher comme des cordes trop tendues dans une tempête. Il ne faudra pas longtemps avant que les voiles se déchirent, ou que le mât craque. Ce sera l'un ou l'autre, c'est toujours l'un ou l'autre. Si la voilure tient la force des vents, gonflés des hurlements de rage, alors c'est le mât trop rigide qui cède dans le bruit sinistre des os qui se fendent. On essaie toujours de faire en sorte que les voiles cèdent en premières. Une voile ça se recoud facilement, ça n'empêche pas la navigation. Un mât qui tombe, c'est la fin de la traversée, et des jours de réparations.

Je tente de forcer ce que tout mon corps refuse de dire. De trouver les mots, établir des phrases dans ma tête, nommer des choses, sans succès. Quoi dire ? Ca m'fou des suées chaudes quand je pense à des... Non. Non. Les ongles, aussi courts et ronds soient-ils ont réussi à percer la peau, très légèrement, juste assez pour rediriger la douleur mentale vers une source physique sous l'affolement réprobateur de la brume qui s'élance pour me traverser de part en part.

Je ne sais pas à quel moment, mais je me suis levé. J'en prends conscience quand je secoue la tête avant de traverser la pièce d'un pas résolument sec et pourtant presque cotonneux. Ce n'est qu'une fois devant la porte, la main sur la poignée que je parviens à reprendre le contrôle de mon corps. Je n'ai plus le droit de passer cette porte. Ma simple réaction suffit à me crier que visage que je dois faire cette consultation, que je dois trouver une solution. Je dois me débarrasser de cette foutue ancre qui me pèse trop dans le fond du cœur. La volonté doit être plus forte que l'instinct quand celui-ci se trompe. C'est ce que j'avais essayé de faire comprendre à Sebastian, à ma façon, maladroitement surement, mais sans succès. Fuir aujourd'hui, ce serait mentir à mes propres principes. A ma propre rigueur. Le grognement rageur qui s'échappe de mes poumons est lourd d'une tension interne qui ne s'est pas encore résolue. Pas après pas, je retourne m'installer sur le canapé, pour faire face à l'homme, comme si je n'étais jamais parti. « J'ai un truc qui dysfonctionne dans ma tête, vous devez trouver une solution. Faites votre possible, je suis prêt à accepter plus deux séances s'il le faut. Mais faites-les cesser. » Mes yeux se sont fixés dans les siens, et même s'il ne peut pas me voir, la stature trop droite du militaire derrière laquelle je me réfugie pour puiser la force de rester m'oblige à le regarder en face sans baisser le regard vers le tapis. Et vers ce connard de chat qui est revenu se frotter contre mon mollet. « Ca me prend, parfois. Très rarement. Trop souvent. C'est comme un désir, une pulsion que j'arrive pas à contrôler comme les autres. Et en même temps ça me révulse d'y penser. Imaginer leurs...mains. » Le tremblement de la jambe a repris, la brume de Bølga elle, a disparu derrière le dossier du canapé dans un délicat sentiment de honte qui se superpose au reste. Une émotion que je refuse aussi violemment que le reste si bien que la phrase suivante sort avec la violence d'une haine écœurée : « J'ai toujours été attiré par les femmes, je couche avec des femmes, dès que je veux. Je comprends pas pourquoi ces envies différentes, d'un autre bord, reviennent. Mais elles sont là, comme une foutue maladie qui me ronge et ça me fait vomir rien que d'y penser. Alors donnez-moi un truc pour réparer le truc qui s'est cassé dans ma tête. » J'avais jamais songé à quel point ça serait humiliant d'en parler. Sans doute parce que j'évite d'y penser autant que possible, et encore moins de le formuler. Irrationnellement, j'ai peur qu'en le prononçant ainsi, quelqu'un m'entende. J'ai peur que Li-Zhu m'entende. Et à cet instant, j'ai presque la nette sensation qu'il écouté, et qu'il s'apprête à faire voler la porte du bureau de Borghese pour venir m'attraper au col et me foutre sa baguette entre les côtes pour voir s'il ne peut pas me faire retirer ce que je viens de dire à force de persuasion. Une peur fantasmée, cauchemardée plutôt, car je n'ai aucune idée de la façon dont il réagirait. Pas bien, c'est la seule certitude. Et peut-être que si on creuse bien, c'est l'un des nœuds qui retient la voile trop fermement fermée.

Angelo Borghese
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J'attends sa réponse, tout en songeant au bruit entendu  entre deux de mes phrases :  le tintement clair d'un ongle contre du verre. La fameux objet mentionné par Hope. Une fiole. Il est rare qu'un patient en amène dans mon bureau, mais ça arrive. Jusqu'à maintenant, j'ai eu connaissance de trois scénarios : le polynectar, la potion relaxante et cette foutue potion qui est partout dans les rues cette année. Ekstaseavild. Une véritable plaie, difficile à enrayer. Je sais qu’elle est violette, brillante et épaisse. Combien y cèdent à chaque année…? C’est de plus en plus pire et sa prolifération s’est accélérée au cours des derniers mois. Elle fait des dommages écoeurants, lorsqu’il est presque trop tard pour intervenir. Le sorcier, a ce stade, ne veut généralement aucune aide. Je sais qu’il y a des aurors sur le coup, mais pas assez à mon goût. Je ne les croise pas assez souvent dans les quartiers que je fréquente, malgré les hiboux d’avertissement que j’ai pu envoyer. « Les mers agitées ça me va, je sais gérer. Je me noierai pas. » Je le croirais davantage s’il ne le précisait pas. Être trop certain d’être capable de se tenir en équilibre dans la tourmente, c’est prendre le risque de glisser sans le réaliser.

La voix de l'homme me semble plus sombre, comme étouffée par un autre sentiment. Le tremblement perceptible s'accentue ; le tapotement se fait plus rapide. Nervosité. Je laisse le silence s'installer, tout en tapotant cinq fois le crâne d'Hope. E. Elle ne répond rien : il ne s'agit pas d’Ekstaseavild. Un son aisément reconnaissable me signale que l'homme s'est levé et a traversé la pièce. Je ne fais aucun mouvement pour le retenir. On peut s'installer dans mon bureau sans vouloir y être, on peut y être en rêvant d'en sortir, ce n'est pas un problème, ça ne m'empêchera jamais d'intervenir. Mais on reste ici de son plein gré : si quelqu'un veut quitter, ça lui appartient. Sauf pour certaines exceptions, mais je rencontre davantage ces exceptions dans la rue que dans mon café.

J'attends. Mes oreilles captent le son de sa main qui se pose sur la poignée, avant que le silence ne s'installe. Il est rompu par un grognement rageur, alors que l'homme revient s'installer face à moi, comme s'il n'avait rien tenté. Je ne vois dans cette scène, façon de parler, que l’expression de sentiments difficiles à gérer et l’urgence qui vient avec cette consultation. S’il n’avait pas atteint un certain stade dans sa lassitude mentale, ce type ne serait pas venu. « J'ai un truc qui dysfonctionne dans ma tête, vous devez trouver une solution. Faites votre possible, je suis prêt à accepter plus deux séances s'il le faut. Mais faites-les cesser. » Je redoute et devine la suite. À nos pieds, le ronronnement spécifique d’Asmodée a recommencé à résonner. « Ca me prend, parfois. Très rarement. Trop souvent. C'est comme un désir, une pulsion que j'arrive pas à contrôler comme les autres. Et en même temps ça me révulse d'y penser. Imaginer leurs...mains. » Rarement et souvent. Une minimisation et une honte. Même sans précisions, je sais que mon hypothèse est confirmée. Il n’est pas le seul à s’être présenté ici, pour cette raison. Est-ce que le sujet m’embête ? Forcément, mais je peux le gérer. J’ai appris à voir dans ce type de paroles la douleur qui s’y cache, les discours intériorisés, les idées reçues familiales, la honte. Et lorsqu’une réplique dans ce genre de situation pourrait frustrer un peu trop l’homme derrière le psychomage, je m’oblige à prendre de la distance par rapport aux mots, pour retrouver une neutralité professionnelle.   Chaque psychomage, avant de faire officiellement des séances, doit songer à ses limites. Ça fait partie de nos apprentissages de formation. Se croire au-dessus, capable de tout entendre, n’est pas réaliste. Et le danger de ne pas réfléchir à ces fameuses limites, c’est de les dépasser en face d’un patient, qui n’aurait alors pas droit à une séance convenable. Les miennes ne touchent pas à ce thème, du moins globalement pas. Elles touchent aux psychopathies, et aux histoires qui concernent des enfants.   « J'ai toujours été attiré par les femmes, je couche avec des femmes, dès que je veux. Je comprends pas pourquoi ces envies différentes, d'un autre bord, reviennent. Mais elles sont là, comme une foutue maladie qui me ronge et ça me fait vomir rien que d'y penser. Alors donnez-moi un truc pour réparer le truc qui s'est cassé dans ma tête. » Dans ma tête, le rien que d’y penser se souligne en lettres capitales. Les gens ont rarement conscience de l’importance des mots qu’ils utilisent. La vérité sur leurs émotions ne se trouvent pas toujours dans ce qu’ils disent, mais plutôt dans ce qu’ils ne disent pas. Et au fond de moi, je me sens peut-être un peu triste pour cet homme, qui voit quelque chose de naturel comme une maladie. Ce genre de réflexions, de vision négative, vient rarement de l’individu lui-même : elle est instillée au fil de l’enfance, au contact de la famille et de la société.

Je quitte mon fauteuil, m’en extirpant d’un geste souple. D’un pas assuré, qui ne laisserait rien deviner de mon handicap d’un œil externe, je me dirige vers mon bureau. Mes doigts frôlent la surface, avant de s’emparer de ma tasse de café. Je me retourne vers mon interlocuteur, le ton toujours aussi doux : « Ce n’est pas le psychomage qui trouve la solution. » D’autant plus que la solution, dans ce cas-ci, il n’est certainement pas prêt à l’envisager. Je retourne au fauteuil, sur lequel je reprends place. Hope n’a pas bougé ; le contact de mon mollet contre son corps me signale simplement qu’elle s’est couchée. J’avale une gorgée tiède, avant de demander : « Pourquoi les décrivez-vous comme des maladies…? » Les raisons derrière l’emploi de certains mots sont importantes, plus que les mots en question. Elles trahissent le milieu, les idées fixes et bien incrustées. Elles trahissent aussi les véritables émotions, telles la honte, qui ne sont pas toujours explicitement nommées et encore moins analysées ; rare sont ceux qui se demandent pourquoi ils ont honte avant de venir ici. Elle est trop intériorisée, comme quelque chose de fixe, plutôt que comme la manifestation d’autres pensées plus camouflées. Je poursuis, reformulant : « Je perçois votre dégoût, quand vous en parlez. Mais c’est un dégoût qui semble orientée vers vous, vers le fait que vous ayez ces pensées. Pas ces pensées en elles-mêmes. » Ça vient d’où vous croyez ? Je ne pose pas immédiatement la question, j’aimerais qu’il y vienne de lui-même. Mais la réflexion, qui s’annonce laborieuse, doit commencer quelque part.
Ying Yue Amundsen
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@Angelo Borghese  • 07 février 2024 - début d'après-midi


Je ne sais pas ce que j'attends qu'il réponde. Qu'il confirme, sans doute, qu'il m'annonce que ce n'est pas irrémédiable, qu'il a des solutions. Que ce cercle vicieux a une fin, un échappatoire simple et évident que je ne pouvais pas deviner, mais qui existe. J'ai besoin de cet espoir, de trouver une réponse qui valide le bordel de mes pensées et le permette enfin d'avancer. L'homme se relève sans un mot et se dirige vers son bureau sous mon regard qui s'obstine à rester river sur lui pour ne pas dériver, justement. Je veux croire qu'il retourne là-bas pour aller attraper sa plume et un morceau de parchemin pour me faire une prescription avec un sourire doux. Je serai prêt à accepter un regard compatissant écoeurant, en échange de cette foutue porte de sortie. De ce relâchement de mes sens et de la tension des derniers jours, semaines, années ? Son silence est exécrable et long, et en même temps rassurant tant qu'il garde pour lui mes rêves de possibles éveillés. Je refuse de m'autoriser à penser à ce qu'il pourrait dire en désaccord avec mes besoins. Rester focaliser sur l'espoir de la libération est la seule raison qui me fait rester ici. Je crois.

Borghese se déplace avec une aisance qui témoigne de sa connaissance parfaite des lieux. De dos, rien ne laisse deviner sa cécité, à peine les doigts qui effleurent la surface du bureau a la recherche de la tasse de café. Cela pourrait être un geste naturel et non utilitaire. Une facilité à se bouger dans l'espace qui est fascinante, mais qui ne m'attire aucune sympathie sur le moment. Il faudrait que le contexte soit différent pour que je puisse être en mesure d'apprécier ses compétences et ses talents d'aveugles. Je suis déjà peu capable d'apprécier ses compétences de psychomage pour le moment. Rien ne compte que moi, et ces pensées dont il ne dit toujours rien. Les dents mordillent l'intérieur de la lèvre, les canines trop fines me dégoûtent elles aussi. Je regretterai presque mon choix de polynectar. « Ce n’est pas le psychomage qui trouve la solution. » Mon cœur manque un battement avant de repartir de plus belle dans un froncement de sourcils énervé. Qu'est-ce que c'est encore cette connerie ? Comment ça ce n'est pas le psychomage qui trouve des solutions ? Mes yeux se plissent, fentes noires de rage a destination de celui qui est revenu s'assoie en face de moi et qui sirote son café.  « Pourquoi les décrivez-vous comme des maladies…? » J'aime pas sa question. Parce qu'elles sous-entend plein de chose sauf une chose, que c'est bien le cas. Que c'est bien une maladie, un truc qui aurait rongé des synapses et induit une forme de...démence. Je suis prêt à accepter tous les adjectifs et les diagnostics possibles, tant qu'ils incluent une clause de rémission. Un changement à venir, une amélioration grâce à un suivis médical et psychologique. C'est bien pour ça que je suis là non ? Pour consulter un psychomage qui officie dans l'arrière de son bar des quartiers populaires. Parce qu'il faut que ce soit réversible. Le trouble grandit, la nervosité contaminée par l'angoisse de fait de plus en plus sombre, et Bølga a toujours disparu quelques part, derrière les canapés. Je ne suis même pas sûr qu'il ait résisté à l'envie de reprendre forme, malgré tout, loin des regards indiscrets de l'autre tigre de la pièce. « Je perçois votre dégoût, quand vous en parlez. Mais c’est un dégoût qui semble orientée vers vous, vers le fait que vous ayez ces pensées. Pas ces pensées en elles-mêmes. » Il se trouve. Ce gars se trompe sur toute la ligne. Peut-être pas sur toute la ligne, mais sur la dernière partie de son affirmation. Le dégoût est tourné vers ces pensées, vers le fait de les avoir, de pas toujours arriver - ni avoir envie - de les repousser. Sur les stratagèmes d'attitudes que j'ai mis en place au fil des années pour ne pas être gêné de certaines proximités. C'est un tout qui me dégoûte et me fait fuir lâchement à chaque contact trop consenti et appuyé. Du dégoût et de la peur mélangée. L'angoisse des conséquences, du rejet, du verdict implacable : inutile. Les ongles strient le dos de la main de traces de plus en plus rouges alors que je force toujours mon regard à resté planté dans le flou de ces yeux, comme un défi sauvage. Mais contre quoi je lutte ? « J'ai besoin que vous me disiez que c'est une maladie. Que vous avez une solution sur du court, moyen et long terme. Je serais pas venu là si j'avais pu trouver la solution tout seul. » J'ai essayé, vraiment, de toutes les façons que j'avais en ma possession. L'alcool ne fait qu'aggraver le problème, les drogues aussi, et la douleur physique en punition n'apaise rien. « Il faut que ce soit soignable. » La rage parlé toujours à la place de la douleur, de la tristesse, de la honte. La rage est toujours plus légitime que tout le reste, elle m'habite comme une excuse pour ne pas s'ouvrir aux autres émotions et manquer de glisser sur la corde. Je m'apprête à continuer, quand le chat saute sur le canapé, posant une patte sur mon genou activant une succession de réactions instinctives non maîtrisées. Le grognement lupin résonne depuis le ventre, les lèvres se retroussent dévoilant ces canines trop humaines, avant que la mâchoire ne claque dans un appel sans équivoque de recul. Le message est aussi clair que si j'avais hurlé un : tu me touches encore et je te bouffe. L'animal, un minimum compréhensif se contente néanmoins de retirer sa patte, sans pour autant s'éloigner a l'autre bout du canapé comme je l'aurais espéré. « Je veux pas de votre chat, je veux pas de ces pensées. Je suis pas un p...je peux pas être ce genre de chose c'est pas possible. Vous avez pas l'air de comprendre, je suis pas là pour que vous me posiez des questions sur ma relation avec mon père ou comment je dors la nuit. Je veux juste que vous disiez quoi faire pour retirer ce truc de ma tête et retrouver ma légitimité. » J'écoute à peine ce que je dis, trop concentré sur ma rage, sur cette sensation de perdre de vue la moindre bordure de terre sur laquelle me raccrocher, et dériver lentement comme un con au milieu d'un océan de solitude.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Angelo Borghese
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« J'ai besoin que vous me disiez que c'est une maladie. Que vous avez une solution sur du court, moyen et long terme. Je serais pas venu là si j'avais pu trouver la solution tout seul. » En psychomagie, on essaie de se tenir loin de la pitié. C’est un sentiment qui n’amène rien de constructif pendant les séances et qui peut nous faire perdre de vue l’objectif. Qui plus est, certains patients le prennent très mal, lorsqu’ils le perçoivent. Avec raison. J’ai longtemps eu horreur de ce sentiment soi-disant bienveillant qui poussait les gens à me parler plus doucement après mon accident, comme si j’étais sourd plutôt qu’aveugle et qui provoquait des gestes d’aide que je n’avais jamais demandés. Oui, j’exècre la pitié. C’est pourtant bien ce que j’éprouve en cet instant, alors que j’écoute les paroles de l’homme devant moi. J’ai pitié de lui, pitié de ses raisonnements, de ce qui a pu les provoquer. Amis, famille, contexte social…? Les raisons peuvent être nombreuses, mais elles ont toutes le même impact : le déni et un mal-être qui aurait pu être évité. « Il faut que ce soit soignable. » La rage perce dans sa voix et je perçois l’ampleur du tourbillon que cette situation provoque chez lui. J’ignore son âge, mais il ne semble pas jeune. Combien d’années à tout réprimer ? À se dire qu’il est malade, qu’il doit absolument être soigné ? Ma machoîre se contracte, réaction brève, juste avant que je ne porte ma tasse à mes lèvres. J’avale une gorgée tiède, en songeant à la suite des séances. Une ne suffira pas. Deux non plus. Et il dit ne pas se noyer dans les mers agitées ? On ne peut pas rester émergé, quand on est convaincu que le canot bienveillant est là pour nous attaquer.

Un son mat m'indique qu'Asmodée a sauté sur le canapé, m'arrachant un sourire. Un grognement raisonne, qui tient bien plus du loup que de l'homme, et qui confirme une hypothèse qui avait germée dès qu'Asmodée s'est montrée de plus en plus insistante. Deux possibilités, maintenant : animagus ou loup-garou. Cette question ne servirait à rien actuellement, outre être intrusive, mais mon intérêt à l’égard de cet homme croît. Que cache-t-il d’autre…? Avec cette idée en tête, en plus du sujet abordé, j’aurais tendance à parier pour le polynectar, pour la fiole. Et j’ai une légère envie de démonter ceux qui lui ont incrusté dans le crâne qu’il était malade et qu’il devait cacher ses véritables désirs, comme des choses honteuses. « Je veux pas de votre chat, je veux pas de ces pensées. Je suis pas un p...je peux pas être ce genre de chose c'est pas possible. Vous avez pas l'air de comprendre, je suis pas là pour que vous me posiez des questions sur ma relation avec mon père ou comment je dors la nuit. Je veux juste que vous disiez quoi faire pour retirer ce truc de ma tête et retrouver ma légitimité. » Tellement d’informations en quelques phrases, tellement de mots à analyser et sur lesquels rebondir. Je porte de nouveau ma tasse à mes lèvres en laissant le silence s’installer, l’amertume du café ne dépassant pas celle que j’éprouve face à ce type de paroles. Je peux pas être ce genre de chose. Il a employé le veux juste avant, mais pas là. Je ne relève pas l’insulte ; réaction élémentaire, de base, qui n’est pas surprenante. Quant à cette mention inattendue de son père…

Je dépose ma tasse sur mon genou, fixant mon regard, sans le voir, sur l’homme. « C’est bien que vous ayez mentionné votre père, on parlera de lui plus tard. Je crois effectivement qu’il y a quelque chose à creuser de ce côté. » Mon ton est calme. Cette mention impulsive n’est pas anodine ; elle soulève des questions, mais aussi de potentielles réponses. Comme un sursaut de l’inconscient, qui jaillit avec le reste du malström. Je poursuis : « Ce truc, si j’ai bien compris, c’est du désir pour des hommes. Un mot que vous ne semblez pas parvenir à dire clairement. » Ce qui n’est pas étonnant. C’est souvent le même phénomène, même avec d’autres sujets. Les gens qui enfouissent leurs émotions et leurs sentiments ont fréquemment du mal à nommer clairement ce qu’ils ressentent. Comme si le mot était dangereux : et dans un sens, il l’est. La profession que j’ai longtemps exercée ne m’a pas empêché de me mettre le crâne dans le sable, au fond d’un baril, pendant de trop nombreuses années. « Je ne peux le retirer de votre tête, Mr. Birkeland. Elle vous appartient. Tout ce que je peux faire, c’est vous aider à la comprendre. Et à comprendre pourquoi ce désir vous dérange, pourquoi tout ce que vous me reflétez quand vous m’en parler, c’est de la honte. La honte d’y penser. » Une honte différente de la pensée elle-même ; celle qui est provoquée par le fait de simplement songer est généralement rattachée à des facteurs externes, solidement ancrés. Qui explique, j’imagine, le polynectar. J’avale une dernière gorgée, avant de tendre ma main vers la droite, pour déposer la tasse sur une petite table que je sais placée non loin. J’entends le son mat de la porcelaine contre le bois, signe que j’ai bien atteint ma cible. Mes mains glissent sur mes cuisses, sur lesquelles elles se posent, tandis que mon visage se tourne de nouveau en direction de mon interlocuteur. Les yeux d’un bleu fantomatique luisent faiblement, comme si la vie pouvait encore y briller, tout en ne me renvoyant qu’un tableau noir. « Pourquoi avez-vous besoin que ce soit une maladie ? Qu’est-ce que ça vous ferait si je vous disais que ce n’en est pas une, que ce n’est pas quelque chose qui se soigne et que c’est quelque chose de légitime, justement ? Vous avez dit que vous ne pouvez pas être ainsi, pas que vous ne voulez pas. » Ma voix demeure neutre et calme, posée. Un mince sourire, qui ne trahi aucune joie, s’étire sur mes lèvres alors que je rajoute, mine de rien : « On peut peut-être parler de votre père tout de suite, finalement. » J'avoue avoir été immature, dans cette structure volontaire de mes questions. Mais il me semble véritablement pertinent de comprendre le nœud formé par des éléments qui semblent liés.
Ying Yue Amundsen
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Tw : homophobie et conversion

@Angelo Borghese  • 07 février 2024 - début d'après-midi


Au silence qui se forme derrière mes phrases pleine de rage, se superpose l'assourdissant tumulte de mes pensées. Mes yeux ont quittés le psychomage, finalement, pour se poser sur le dos de ces mains inconnues que les ongles trop courts charcutent malgré tout. D'un coup de paume agacé, j'efface les quelques courbes rougeâtres sans parvenir à faire disparaitre l'irritation que je cause. C'est agaçant. La nervosité s'agite de tous les côtés, la jambe, les mains, les mâchoires contractées, et ce besoin de bouger que je parviens encore à réfréner pour le moment. Je remarque seulement que Bølga n'a toujours pas refait son apparition à mes côtés, nouvelle source d'agacement. Profitant du silence que l'autre observe, je me focalise quelques secondes sur lui, la présence de ses émotions parmi le bordel des miennes, et ne trouve qu'un sentiment rouge qui oscille entre colère contre moi, et tristesse profonde. Je déteste quand il est comme ça et que nos émotions ne sont pas alignées. Je déteste quand on ne se comprend pas et j'ai remarqué, est-ce que je peux me l'avouer réellement ? Qu'il est toujours légèrement en décalé quand ce sujet vient de plus ou moins loin, se faufiler dans ma tête. Mes rejets l'agace, mes stratégies de fuite le rendent instable, mes idées fermées le plongent parfois dans ce même sentiment que celui qui l'enferme loin de toute source de réconfort aujourd'hui. Mais je m'en fou. Tout ce que j'espère c'est qu'il est capable de rester immatériel et discret. Qu'il boude de son côté si ça l'amuse de me laisser seul me débattre avec un psychomage trop calme, et un chat collant aux grands yeux plein de sollicitudes.  « C’est bien que vous ayez mentionné votre père, on parlera de lui plus tard. Je crois effectivement qu’il y a quelque chose à creuser de ce côté. » Je souffle du nez, agacé par sa remarque. Non, je n'ai pas envie de parler de lui. Il n'y a rien à creuser, parce que le sujet de cette consultation ne le regarde pas et ne doit jamais être mise en relation avec lui.  « Ce truc, si j’ai bien compris, c’est du désir pour des hommes. Un mot que vous ne semblez pas parvenir à dire clairement. » Je grogne, très légèrement, avant de pincer mes lèvres dans un regard sombre. Un frisson court le long de la colonne vertébrale et pour la première fois de la séance, je me laisse tomber en arrière contre le dossier du canapé. Comme si je voulais me reculer le plus loin possible des mots qu'il vient de prononcer. Vérité qui ne parviens pas à se retranscrire en mots aussi nets dans ma tête. Le blocage craque dans un son métallique mental, les bras se croisent sur ma poitrine, les yeux se fixent plus loin sur le côté détaillant sans le voir, le reste de la pièce. « Je ne peux le retirer de votre tête, Mr. Birkeland. Elle vous appartient. Tout ce que je peux faire, c’est vous aider à la comprendre. Et à comprendre pourquoi ce désir vous dérange, pourquoi tout ce que vous me reflétez quand vous m’en parler, c’est de la honte. La honte d’y penser. » Mes traits se font plus acides, tourné vers le mur, les sourcils froncés réfutent d'eux-mêmes le diagnostic posé par le soi-disant professionnel. Je ne peux le retirer de la tête. Je préfère croire qu'il est incompétent et qu'il me fait perdre mon temps plutôt que d'accepter la réalité implacable qui est venue créer une dépression sévère dans mes entrailles. Même si je refuse de les accepter, j'entends ses mots. Ils viennent se coincer dans les rouages des mécanismes de défense de moins en moins bien huilés. La honte évoquée, cuisante dans mon attitude générale, palpite avec moiteur dans les paumes de mes mains. « Pourquoi avez-vous besoin que ce soit une maladie ? Qu’est-ce que ça vous ferait si je vous disais que ce n’en est pas une, que ce n’est pas quelque chose qui se soigne et que c’est quelque chose de légitime, justement ? Vous avez dit que vous ne pouvez pas être ainsi, pas que vous ne voulez pas. On peut peut-être parler de votre père tout de suite, finalement. » Les questions plantent des griffes de plus en plus profondément dans mon échine, resserrant l'étreinte de mes bras serrés dans une contraction musculaire qui manque de faire craquer le verre de la fiole dans ma main fermée. La dernière, qui n'en n'est pas une, me fait l'effet d'un mur de brique dressé entre lui et moi. Il est hors de question de répondre à une question aussi stupide. Je me force à défaire le nœud de mes bras pour éviter de gâcher le reste de polynectar. Distraitement, les doigts qui se trouvent posés sur le canapé effleure une patte poilue qui redouble de son gargouillis étrange. Connard de chat. L'envie de l'emmerder flambe d'un coup, aussi instinctive que l'avertissement précédent avait jaillit de mon ventre. J'attrape une oreille, tiraille dessus assez sèchement tout en veillant à garder une certaine douceur. Le chat roule, agrippe la main de ses pattes avant, coussinets en avant et petites dents qui mordillent le bord des doigts avant de bondir en arrière d'un coup. Je retourne à l'assaut de l'oreille, avant de retirer ma main d'un geste vif, laissant le félin planter ses griffes sur le tissu du canapé où elle se trouvait juste avant. « Ca me ferait chier et ça me donnerait envie de foutre le camp et trouver un professionnel plus compétent qu'vous. » Je continue de jouer distraitement avec le chat sans y prêter trop d'attention, sans chercher à lier de contact avec celui-ci non plus, mais dans le simple but de perturber la sieste qu'il devait projeter de faire. C'est tout ce qu'ils font de leur journée après tout, dormir, et fuir comme des lâches au moindre bruit trop fort. « Je peux pas, et ne veux pas. Je veux me faire soigner, il me semblait que j'avais été assez clair. Je peux pas vivre avec ça toute ma vie, ça me déconcentre, je peux pas sortir boire un verre sans venir à redouter que je....dérape en fin de soirée. Le risque que je me fasse prendre devient trop important et je. » Je m'arrête dans un grognement d'avertissement, moins sérieux que le précédent. Je retire une nouvelle fois ma main, allant jusqu'à me redresser et me lever du canapé pour faire quelques pas sur le côté. « Je peux pas rester comme ça, parce que s'il l'apprend ça va forcément le décevoir et ça ne doit pas arriver. Ce serait la fois de trop. Il pourrait même avoir envie de m'exclure de la m...De la famille. » Ma voix, toujours aussi grave, roule dans des accents sombres. « Je ne dirais rien de plus sur lui. C'est quelqu'un d'important dans ma vie, on a une bonne relation, on se respecte. C'est tout. » Ma tête se tourne légèrement vers l'homme, avant de se porter une nouvelle fois vers la porte, avant de revenir vers lui. « J'ai déjà essayé. D'accepter. Mais c'est encore pire après. La culpabilité se fait plus intense. J'ai des devoirs à remplir auprès de ma famille. Ce genre de penchant ne sont pas compatibles avec. » dans ma bouche, les canines se mettent lentement à s'élargir, signe que le polynectar arrive déjà à son terme. Sans me soucier le moins du monde de mon environnement, j'ouvre la fiole d'un coup de pouce sec et avale le contenu en une seule gorgée avant de ranger la potion vide dans ma poche de pantalon. Le goût est désagréable, mais la sensation des canines qui redeviennent minuscules l'est encore plus. Mon nez se fronce d'agacement avant que je ne me retourne vers le canapé, nerveusement,. commençant une succession d'allers-retours devant celui-ci. « Si vous pouvez pas me soigner. Si ce n'est pas soignable. Trouver le moyen de le faire au moins diminuer. Ou de le gommer. Doit bien y avoir des trucs à faire, autre. Je ne peux accepter d'être inadapté à la vie familiale à laquelle j'aspire depuis toujours. C'est le genre d'échec qui ne sont pas acceptables. Si vous me dites que la seule solution c'est un travail mental sur moi-même, très bien. Je vais perfectionner mes exercices du genre. » La colère de désapprobation qui brûle mes nerfs m'indique que Bølga se dresse en opposition contre ma mauvaise prise de décision. « On aura rien d'autre à ce dire dans cas-là. Je compte pas me faire perdre plus de temps. » Pourtant je ne pars pas, pas immédiatement, comme si une part de moi que je refuse de reconnaître, voudrait qu'il me dise encore, qu'il y a une solution viable.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Angelo Borghese
Angelo Borghese
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
« Ca me ferait chier et ça me donnerait envie de foutre le camp et trouver un professionnel plus compétent qu'vous. » Je me contente de sourire, sans répondre à l’attaque. Je suis en train de creuser dans ce qu’il refoule, en utilisant des mots, comme désir pour des hommes qu’il n’emploie probablement pas souvent. Les insultes sont des réactions normales et défensives, qui ne font que signaler que la cible est bien touchée, avec les outils appropriés. Je suis incroyablement orgueilleux, mais rarement sur ma profession. J’en ai entendu des choses, dans la rue. Ceux que j’aide ne le veulent pas toujours, surtout là-bas ; ils ont trop l’habitude que ceux qui tendent la main vers eux la retirent ensuite, par peur de frôler leur misère. « Je peux pas, et ne veux pas. Je veux me faire soigner, il me semblait que j'avais été assez clair. Je peux pas vivre avec ça toute ma vie, ça me déconcentre, je peux pas sortir boire un verre sans venir à redouter que je....dérape en fin de soirée. Le risque que je me fasse prendre devient trop important et je. » Le risque qu’il se fasse prendre. Je sens qu’il s’approche de la suite logique de cette réflexion et j’attends qu’il s’enfonce dans le chemin qui semble se dresser devant lui bien trop souvent : les vraies raisons qui lui font redouter ce qui est incroyablement naturel. Un grognement se fait entendre, étirant davantage mon sourire, en me signalant que les petits sons que je percevais était bien les mouvements d’une main qui jouait avec Asmodée. L’homme se lève, ses pas résonnant à proximité du canapé. « Je peux pas rester comme ça, parce que s'il l'apprend ça va forcément le décevoir et ça ne doit pas arriver. Ce serait la fois de trop. Il pourrait même avoir envie de m'exclure de la m...De la famille. » Il. Le père, donc, membre de la famille à ne pas décevoir. Et ce mot qui commence par un m, rattrapé au bon moment, c’est probablement…la meute ? Ça ferait du sens avec les grondements, le polynectar, et Asmodée.  « Je ne dirais rien de plus sur lui. C'est quelqu'un d'important dans ma vie, on a une bonne relation, on se respecte. C'est tout. » Une relation conditionnelle, plutôt. Conditionnelle à ce qu’il conserve la bonne route, conditionnelle à ce qu’il étouffe ce qu’il ressent. La question en suspens est celle-ci  : vraies ou fausses conditions ? Les gens appréhendent parfois les réactions de leurs proches et s’imaginaient des contraintes ou des obstacles, là où il n’y aurait peut-être que de l’acceptation. « J'ai déjà essayé. D'accepter. Mais c'est encore pire après. La culpabilité se fait plus intense. J'ai des devoirs à remplir auprès de ma famille. Ce genre de penchant ne sont pas compatibles avec. » Je note dans un coin de mon crâne les aspects importants : la culpabilité, la tentative d’acceptation, les devoirs, l’idée qu’il s’agit de penchants. Tellement de pistes, tellement de choses à creuser. Et tellement de douleur, sûrement.

Un son m’indique que l’homme vient d’ouvrir la fiole. Son bref, quasi imperceptible, quand tous les bruits ne sont pas aussi importants que les images. Je devine qu’il en a avalé le contenu, alors qu’un très léger froissement de tissu me signale que la dite fiole a été finalement rangée. Les pas résonnent de nouveau, dans une succession de va-et-vient. « Si vous pouvez pas me soigner. Si ce n'est pas soignable. Trouver le moyen de le faire au moins diminuer. Ou de le gommer. Doit bien y avoir des trucs à faire, autre. Je ne peux accepter d'être inadapté à la vie familiale à laquelle j'aspire depuis toujours. C'est le genre d'échec qui ne sont pas acceptables. Si vous me dites que la seule solution c'est un travail mental sur moi-même, très bien. Je vais perfectionner mes exercices du genre. » La famille, encore, et les aspirations. Le véritable frein. Ce sont souvent ces raisons qui sont invoquées, par mes patients, à une intensité variable. Je me fais à chaque fois la réflexion que ça doit être pénible, quand des proches ne nous soutiennent pas, au point où tout doit être étouffé. Chez les Borghese, tout a toujours été simple, à ce niveau. « On aura rien d'autre à ce dire dans cas-là. Je compte pas me faire perdre plus de temps. » Il en perdra pourtant beaucoup, s’il continue à mener cette lutte stérile, contre ce qu’il désire vraiment. J’incline légèrement la tête de son côté, comme si je pouvais mieux le fixer, rétorquant : « Un psychomage qui affirmerait pouvoir vous soigner, ou qui accepterait de vous donner une potion pour diminuer vos envies, serait un idiot et un incompétent. » Je ne doute pas, malheureusement, qu’un tel psychomage existe. Nous n'avons pas tous la même vision et pour certains, avoir du boulot et donner au patient ce qu’il veut est mieux que de prendre ses réels besoin en compte. Du travail de surface, qui laisse le véritable problème tapis dans les profondeurs, prêt à ressurgir n’importe quand. Un sourire s’étire sur mes lèvres, alors que je poursuis : « Vous pouvez mettre mes capacités en doute autant que vous le voulez, Mr. Birkeland. Je ne retiens aucun de mes patients contre leur gré et je ne dirai pas ce que vous souhaitez entendre, simplement pour vous faire plaisir.» Je suis direct, je suis franc, je ne fais pas forcément plaisir, mais je me soucie réellement de ceux qui rentrent dans ce bureau. Je ne travaille pas pour l’argent, mais pour aider. Une telle motivation, plus profonde que si elle était externe, oriente forcément mes décisions professionnelles.

Mes épaules effectuent une rotation instinctive, juste avant que je ne m’enfonce davantage dans mon fauteuil, appuyant mon dos contre le tissu. Je glisse une main dans mes cheveux, ramenant une mèche vagabonde derrière mon oreille, avant de poursuivre : « Il y a effectivement un travail mental à faire sur vous-même, mais pas dans le sens que vous l’entendez. » Et pas dans un sens qui peut le satisfaire, à court terme. Je continue : « Les raisons que vous m’avez données sont presque toutes liées à votre famille, et à l’incompatibilité de vos désirs avec vos responsabilités.  Vous dites avoir une bonne relation avec votre père, mais il semble s’agir d’une relation conditionnelle. Bonne, sous condition que…» Je ne complète pas ma phrase, volontairement. Je la laisse suspendue en plein vol, sans lui demander de formuler le reste à voix haute. Les gens le font normalement naturellement. Et des conditions, il peut y en avoir des tonnes, comme ne pas trop dériver d’un chemin établi par le patriarche. Ma voix est neutre, mes traits le sont aussi. Mes propos émotions, mon propre avis, n’ont pas leur place en thérapie. «  Vos envies ne disparaîtront pas simplement parce que vous le souhaitez, ou parce que vous croyez que vous ne devez pas les éprouver. Elles seront encore là demain, et après-demain, avec des émotions en plus et un malaise probablement grandissant. » Que ça lui plaise ou non. On ne peut pas tout planquer éternellement, pas sans en payer les conséquences ultérieurement. Un sourire un brin moqueur se peint sur mes lèvres, avant que je pointe du menton un espace situé à côté de la porte – ou à peu près, mais je suis persuadé de pointer dans la bonne direction, avec une marge d’erreur d’à peine quelques centimètres. « Il y a une boîte proche de la porte pour disposer du matériel biologique, si vous voulez vous débarrasser de votre fiole de polynectar de façon sécuritaire. » Je ne lui pose aucune question. Pas de pourquoi, pas d’interrogation. Elles ne serviraient à rien, dans cette conversation, pour l’instant. Elles ne seraient motivées que par la curiosité, et une question liée à la curiosité ne devrait pas être posée dans une séance.
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