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Le Vésuve dans les Veines || Fredrikke
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Rine Smerdyakov
Rine Smerdyakov
LÆRERTEAM Den som talar mycket säger sällan vad som är bra
Jour de congé, fin de soirée. Rine étire ses épaules et bâille à s’en décrocher la mâchoire. Bon, c’est le moment de décompresser. Il pousse les portes et fait son entrée dans la Cave du Triskele. Arrivé à temps pour assister au début de la fin. Salle pleine, en transe, septième ciel, voie express. Rine esquisse un sourire et se laisse encorceler par le rythme endiablé de la musique. Très vite, toutes les conneries de la journée sont oubliées. Il n’y a plus que le son assourdissant de l’electro qui comme un rite chamanique bannit les mauvais esprits tout comme les mauvaises pensées. Les lumières dansent, les murs tremblent. Une centaine de sorciers et autres se rassemblent en un corps unifié qui saute toujours plus haut, dressant un étrange équilibre d’harmonie et de pur chaos.

En rythme, Rine fraye son chemin jusqu’au compoir sous les directions de son besoin de brûler son gosier vide avec ce qu’il y a de plus fort. Bien évidemment il y avait une queue incroyable mais ça ne le décourage pas. Il patiente, il attent. Il essuie la sueur qui perle sur son front et ses joues et vente son t-shirt dans une tentative de créer un peu d’air. La frénésie se suspend dans l’air. L’état d’extase attend qu’il reintègre la foule pour le saisir à nouveau. Du coup, attendant son verre, il l’observe. Il y pense. C’est bien que dans la Cave qu’il peut être aussi proche des gens. S’il remontait à la surface tout de suite, comme Cendrillon à minuit redevient la bonniche de la famille lui redeviendrait Smerdyakov le puant. Celui qu’on ne voit pas ou qu’on évite. Et gare à lui si une paire d’yeux venaient à s’attarder sur lui. C’était comme s’il y avait écrit victime sur son front. L'héritage d’un status qui fait des gens du service une proie facile. A cette pensée, un visage précis se dessine dans son esprit. Aishhhhh. C’est fini, Rine, c’est fini se dit-il. Il vide son verre cul-sec et les lignes se brouillent, ne laissant qu’un goût amer. Mais penser au passé c’était comme demander au destin de lui faire une farce. En se retournant, Rine se retrouve face à face avec la farce en question. On dirait face à farce du coup ?

“Fredrikke?”

Ses lèvres s’étaient retroussés alors que ses sourcils avaient fait un plongeon. Fredrikke. No fucking way. Rine pense pas plus loin - pas pour dire qu’il était du genre cérébral de base. Même sans alcool à quarante degrés. Même sans musique à cent décibels. Même sans la vrille des milles pensées qui bossent son crâne. Rine n’aurait pas pu se retenir.

C’est trop tard, c’était déjà parti.

Il pousse un cri de rage et fonce sur lui tête baissée.




ah, l'idiot.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Jour de boulot, sans repos.

J’ai accepté de faire du temps supplémentaire sans hésiter, lorsqu’on me l’a demandé. Le lieu visé par la requête me plaisait et j’avais besoin de me changer les idées, qu’importe comment. Mon collègue – pas celui qui est con, mais l’autre – m’a fait un brieffing rapide de la situation avant que je ne quitte le bureau. Il y eu trop d’animation dans les derniers jours au Triskele. Il est fréquent que des gamins chahutent, mais ça va plus loin : deux duels trop animés ont eu lieu cette semaine, des sales histoires de vendetta qui se sont terminés par une hospitalisation, sans arrestation. Vu que tout tourne dans les bandes et qu’il est peu probable que la vengeance ait lieu au même endroit, placer une équipe d’aurors ici aurait été excessif. Il a donc été décidé, par précaution, que seul un tireur d’élite serait envoyé, au moins cette semaine, pour surveiller et protéger, si c’était nécessaire.

Et je suis donc ici, l’air plutôt maussade, la baguette planquée dans l’étui à ma ceinture, l’air plutôt maussade. J’ai pris un café plus tôt dans la soirée, pour être raisonnable, et faire semblant que j’avais un certain esprit de professionnalisme. Sauf que les heures s’allongent et la quantité de corps augmente. J’aime autant danser que de lire de la poésie : très peu. Les lumières m'ennuient, la musique aussi, et la centaine de sorciers rassemblés me fout un mal de crâne qui ne fait que s'amplifier. Je doute qu’il se passe quoi que ce soit ce soir d’intéressant ; les groupes responsables du grabuge de cette semaine ont dû aller ailleurs. J’apprécie normalement de fréquenter des bars, mais en me tenant éloigné des foules en mouvement. Et c’est décidément trop pour moi, dans l’immédiat. Je jette un coup d'oeil à ma montre, avant de me diriger vers le comptoir. Tant pis pour le professionnalisme : il me faut au minimum une bière, ou n'importe quoi d'un peu plus fort, sinon je risque d'en coller une à n'importe qui au hasard par agacement exacerbé – façon de parler. Parce que je tente encore de me contrôler, malgré l’irritation et la fatigue. Je fais donc sagement la queue, attentif aux gens, aux traits, aux mains qui s’égarent dans les poches. Personne ne fait mine d’extirper sa baguette et j’en suis à détailler nonchalamment un trentenaire aux traits doux lorsque je vois quelqu’un se retourner vers moi. Fredrikke? » Je fronce les sourcils en entendant mon prénom. Je n’identifie pas le type qui le prononce. Est-ce un ami ? Un ancien collègue ? Un ancien ennemi ? Il semble trop jeune, à première vue, pour appartenir à l’une de ces catégories. Je n’ai pas le temps de pousser davantage mon analyse ; l’individu fonce vers moi tête baissée en poussant un cri de rage et sous la surprise de l’acte inattendu, je suis entraîné à la renverse avec lui par-dessus moi. Mon dos heurte violemment le sol, m’arrachant un grognement de frustration et mû par l’impulsion – celle du tireur d’élite ou du connard, ce n’est pas très clair – j’inverse les positions, appuyant mon bras contre le cou de cet adversaire inattendu, tout en pointant ma baguette sur son torse : « On règle ça dehors ? Y’a un public ici. » Je ne sais pas très bien ce que je suis en train de suggérer de régler dehors. Mais ce que je sais, c’est que lorsque quelqu’un prononce mon nom pour me foncer dessus ensuite, c’est rarement pour me proposer un café.
Rine Smerdyakov
Rine Smerdyakov
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Les deux hommes tombent au sol et Rine n’a même pas encore commencé. Hors de lui, le gamin est hystérique. Il était parti pour le rosser de coup, parti pour un rodéo, parti pour voir du sang. Mais rien de tout cela n’arrive. Battement de cils. Battement de cœur. Battement de corps. En deux temps trois mouvements son dos heurte la dalle froide. Les voilà avec des places échangées. Fredrikke à le dessus, Rine sous sa baguette. Comme à l’ancienne dirait-on. Un nouveau souvenir lui vient à l’esprit comme un flash qui laisse un goût désagréable sur la langue et son visage rougit. Rine lui crache dessus. Il a fait des rêves et des cauchemars sur le prochain jour où il croiserait Fredrikke Mork.

«  On règle ça dehors ? Y’a un public ici. »

Hein ?! La confusion est marquée en grosse lettres sur sa face. Quelque chose ne tourne pas rond.

« TU TE F-vs mn… »  Une fleurée de mots se précipite dans sa bouche, trop nombreux trop vite, et un chaos s'écrase sur sa langue qui trébuche alors qu’il bafouille pitoyablement. Smerdyakov se mord sa langue. Il maudit son accent qui bondit comme un diable russe hors de sa boîte. Et puis il blâme son penchant émotif qui entrave son langage et le fait passer pour un con. Il s’y reprend une deuxième fois. Le second essai sur un ton sensiblement plus calme, plus bas, prononçant chaque syllabes mécaniquement comme le grondement d’un moteur. « Tu te fous de moi ? » Pour être franc Rine est surpris de pas s’être déjà mangé son poing dans la figure. Plus il regarde Fredrikke, plus le doute s’insère dans son esprit. Qu’est ce qu’il se passe ? Son regard noir fustige la baguette pointée sur lui, le cracmol. « Commence par virer ça de ma face tu veux ? » Pour qu’il le lâche, Rine lève les mains en signe de paix. Bien que la paix soit bien la dernière de ses intentions.

Rine ne pipe pas un mot alors qu’ils remontent à l’étage pour sortir dehors. Ses pensées sont plus noires que la suie. Il bouille de haine et de rancune mais il ne sait pas quoi faire de ces sentiments. Il sait pas où les ranger, il sait pas dans quel sens les plier. C’est juste là. Dans ses entrailles qui se tordent, sans son palpitant qui carbure et dans son crâne qui écume. Il sait pas quoi en faire. Il remplit ses poumons d’air frais. La différence de température laisse une sensation se brûlure dans son corps. Mais ses épaules se détendent lorsqu’il expire. Il passe une main dans ses cheveux trempés de sueur et ses doigts s’arrêtent inconsciemment sur la cicatrice qui découpe son arcade sourcilière.

« “Régler ça dehors” hein ? » Rine rit jaune. « Tu parles comme si moi aussi j’te devais quelque chose. Y’a vraiment pas de limite à ta connerie. » Il pause. Ses yeux brûlant le toise, prennent de la distance. « M’enfin à quoi je m’attends, c’est Fredrikke Mork après tout. »  marmonne t-il sur un ton désabusé, presque pour lui même.


ah, l'idiot.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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« TU TE F-vs mn… » C’est la phrase la moins claire que j’ai entendue aujourd’hui. Je fronce les sourcils, soudainement inquiet d’avoir appuyé trop fort avec mon bras. Est-ce qu’il s’est cogné la tête lorsque j’ai échangé nos positions…? Je desserre un peu ma prise, par précaution, alors qu’une foule de curieux alcoolisés commence à se masser à nos côtés. Ça ne me plaît pas. Je suis supposé être discret ce soir, pas attirer l’attention. « Tu te fous de moi ? » Ah, c’était ce qu’il tentait de dire. Ceci dit, ça ne m’éclaire pas davantage sur ses intentions. C’est lui qui m’a foncé dessus ; pourquoi ce serait moi qui me foutrait de lui ? « Commence par virer ça de ma face tu veux ? » J’ai vu son regard qui a fustigé ma baguette, juste avant qu’il ne lève les mains en signe de paix. D’un hochement de tête, j’acquiesce à sa demande et je le libère de ma prise, écartant ma baguette, tout en conseillant aux fouineurs, avec des mots plus ou moins polis, de retourner danser sans se soucier de nous.

Je n’ai aucune idée de ce qui est en train de se passer. Comme d’habitude, finalement. Rien de nouveau ; un samedi soir comme un autre, qui rime nécessairement avec perplexité, incompréhension et culpabilisation. C’est génial d’être Fredrikke Mørk, vraiment. Amer, je remonte d’un étage puis je sors à l’extérieur avec l’inconnu, en espérant que rien ne se produira dans le bar pendant mon absence. Le jeune homme passe une main dans ses cheveux et je laisse mes yeux filer vers la cicatrice sur laquelle ses doigts s'arrêtent. « “Régler ça dehors” hein ? » À l’intérieur, ça aurait été plus ou moins bon pour la carrière, mais j’imagine que ce n’est pas ce à quoi il pense dans l’immédiat. « Tu parles comme si moi aussi j’te devais quelque chose. Y’a vraiment pas de limite à ta connerie. » J’ai eu assez de rencontres déplaisantes depuis mon réveil pour être en mesure de reconnaître un problème lorsqu’il se présente devant moi. Et visiblement, celui-là en a un avec moi ; ce que je capte mal, c’est le quoi. Parce que plus je l’observe, plus je me dis qu’il ne doit pas dépasser la vingtaine. C’est peu, trop peu pour que Fredrikke ait pu le côtoyer dans le passé. Alors pourquoi semble-t-il me connaître à ce point ? « M’enfin à quoi je m’attends, c’est Fredrikke Mork après tout. » Je soupire, blasé d’avance. J’ai normalement de l’empathie et un véritable désir de faire amende honorable, mais ce soir j’aspirais seulement à me changer les idées. Et rencontrer quelqu’un qui semble me connaître, sans que l’inverse ne soit vrai, est loin de ma vision d’une distraction. « J’imagine que c’est plutôt moi qui te doit quelque chose, vu à quel point tu semblais ravi de me voir…? » La phrase m’échappe dans une énième expiration lasse, alors que je glisse ma baguette dans ma pochette à ma ceinture. Je croise mes bras contre mon torse, jaugeant celui qui me fait face : « T’as quel âge au juste? » La voix n’est pas rude, malgré l’absence de subtilité autour de la question. Je jette un coup d’œil à la porte dans mon cas, avant de reporter mon attention sur l’inconnu : « Je m’en suis pris dans le passé à quelqu’un de ton entourage, c’est ça ? Désolé, vraiment, mais tu leur diras de venir régler leur compte eux-mêmes. Je suis en fonction ce soir. » Et je ne serais pas fâché de ne pas me battre, pour une fois.
Rine Smerdyakov
Rine Smerdyakov
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Zéro réaction. Dans le coin de son crâne, une partie de son esprit demeure attentive. Elle observe Fredrikke Mork, chacun de ses mouvements, chacunes des motions de son visage. A l’affût du moindre signe de violence qui pourrait émerger. La minute où le volcan pète il se ferait pas prendre par surprise, ainsi se l’était-il juré encore et encore au fil des années. Mais il a beau le mater, le scrutiner à l’oeil nu comme à la loupe rien ne fait surface. Rine ne perçoit que de l’incompréhension, de l’agacement et de l’irritation - ce qui donné les circonstances, il pouvait excuser. Plus cette absence de réaction durait plus son anxiété grimpait. En soit il préférait savoir à quoi s’attendre. Pour l’heure, c’était comme prédire où allait tomber la foudre.
« J’imagine que c’est plutôt moi qui te doit quelque chose, vu à quel point tu semblais ravi de me voir…? »
Fredrikke soupire sur son sarcasme comme si c’était un plat trop chaud et Rine tombe des nues. Tout. De la posture, aux mots, jusqu’au ton, tout le sortait par les yeux. Il ose soupirer ? Fredrikke lui parlait comme s’il était une inconvénience à son programme - comme s’il n’y avait jamais rien eu plus. Est-ce que l’opposé de la haine serait l’indifférence aussi ? Parce que c’est ce qu’il décode chez Fredrikke et ça lui plait pas. Non, à y penser il déteste ça. Il se sent comme une concubine défavorisée. Sans l’aspect sexuel ni l’aspect romantique - mais il avait cette envie de le prendre par le col et de le secouer comme un prunier en hurlant “t’as trouvé une nouvelle victime ?? c’est qui cette pu-“
La vérité c’est qu’il a l’impression d’avoir été oublié, quel luxe, pense t-il, alors que lui pouvait pas passer un jour sans penser à lui.

« T’as quel âge au juste? » Hein ? Rine largué en plein vol, au beau milieu de son océan de rancoeur. Mais qu’est ce qu’il se passe et qu’est ce qu’on s’en fout s’empêche t-il de dire. M’enfin cela dit c’est pas comme si Fredrikke pouvait le savoir.
“Dix-huit, maintenant.” répondit-il fièrement avec l’air dur - un peu comme pour lui dire qu’il était plus solide maintenant et que c’était plus un gringalet maintenant et surtout qu’il est plus sans défense maintenant.

« Je m’en suis pris dans le passé à quelqu’un de ton entourage, c’est ça ? Désolé, vraiment, mais tu leur diras de venir régler leur compte eux-mêmes. Je suis en fonction ce soir. »

Rine ne répond pas. L’envie de crier jusqu’à s’en percer les poumons se transformait en profond silence. L’envie de cogner jusqu’à s’en fendre les phalanges se muait en immobilité totale. What. The. Fuck. Les mots se précèdent l’un à l’autre sur son front. Rine était la perplexité incarnée.

“T’es pas bien Fredrikke ? Tu délires ? La fièvre peut être ?” Il parle lentement, gagne du temps pour que son esprit puisse trouver un sens à tout ça. “Regarde moi, enflure. Il est devant toi celui qui a des comptes à régler. Mon entourage...” il étouffe un rire jaune, Rine avait grandit tout seul. “On peut dire que c’était toi mon entourage.” Peut être que Fredrikke ne le reconnaissait tout simplement pas ? C’est vrai qu’il avait eu une poussée de croissance…. et il avait prit du poids comparé au gringalet décharné qu’il était. Son accent s’était adoucit…. C’est ça nan ? “Bordel Fredrikke c’est moi, Rine, Rine Smerdyakov.” Il cligne des yeux, incrédule. "J'étais domestique chez toi, le cracmol, russe. J'faisais cette taille à peu près, tu me...." les mots se dérobent alors que la réalisation le frappe, tout indique que Fredrikke Mork l'a bel et bien oublié. C'est impossible. "Dis moi que tu déconnes s'il te plait."


ah, l'idiot.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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« Dix-huit, maintenant. » Dix-huit. Je pousserais presque un soupir de soulagement, parce que ça signifie, quasi en dehors de tout doute, que je n’ai rien fait à ce type. Il devait avoir quoi, dix-sept ans, quand je suis sorti du coma ? Il devait donc être bien plus jeune, à l’époque de Fredrikke. Un adolescent. Quelqu’un en sécurité, à qui ce connard n’aurait pas touché, pas vrai ? À qui je n’aurais pas touché. Le Mørk était peut-être un enfoiré, mais il n’a jamais parlé d’enfant dans son journal, et je me suis toujours dit qu’au moins, il avait une limite à ce niveau. Une frontière, extrêmement mince, mais à laquelle j’avais besoin de me raccrocher. Comme pour me convaincre, bêtement, que tout n’était pas entièrement mauvais chez Fredrikke, chez moi.

C’est beau, les illusions. Je poursuis en demandant à l’autre si je m’en suis pris à quelqu’un de son entourage, presque rassuré par cette option qui, pourtant, demeure horrible. « T’es pas bien Fredrikke ? Tu délires ? La fièvre peut être ? » Mes lèvres se pincent et ma machoîre se serre, sans que je ne réponde. Mon cœur bat plus vite, alors que j’attends la suite. Celle que, au fond de moi, je devine peut-être, même si je veux la nier. Et j’ai presque envie de lui demander de ne pas continuer, d’arrêter notre altercation là, sans la poursuivre. Comme si j’avais vraiment le choix. Ce n’est pas moi, qui décide du lieu ou du moment où les gens veulent bien me rappeler à quel point j’étais un connard; cette décision leur appartient. « Regarde moi, enflure. Il est devant toi celui qui a des comptes à régler. Mon entourage... » Les mots que je redoutais font leur apparition, avec la puissance d’une tornade. Je les appréhendais, mais l’intuition ne change pas la dureté de leur signification. Mes bras se décroisent, retombant de chaque côté de mon corps, alors que mes poings se serrent. C’est donc avec lui, que j’ai des comptes à régler…? Ce qui signifie que…? À quel âge ? Je l’observe, la gorge nouée, en tentant de calculer. Comme si, l’espace d’une seconde, j’essayais de jauger ce qui est acceptable ou non. Sauf que faire une victime, qu’importe son âge, n’est jamais acceptable de base. « On peut dire que c’était toi mon entourage. » Mes sourcils se soulèvent, alors que je l’observe avec un mélange d’effroi et de perplexité. Moi, son entourage…? « Bordel Fredrikke c’est moi, Rine, Rine Smerdyakov. » Mes yeux s’écartent sous l’incompréhension, que je ne tente même pas de camoufler. Je tente d’assimiler les différentes informations, sans savoir quoi en faire, dérangé par son âge, effrayé par l’idée d’en savoir plus, dans l’espoir naïf, encore, que rien de trop grave n’ait été commis dans le passé. « J'étais domestique chez toi, le cracmol, russe. J'faisais cette taille à peu près, tu me.... » Mon cœur tambourine un peu plus fort. Un cracmol, domestique chez moi. Je n’en ai aucun souvenir, sans surprise, mais je pressens la vérité douloureuse qui peut suivre. Parce que je vois pas comment Fredrikke aurait pu résister à la tentation d’user de pouvoir qu’il n’aurait pas dû avoir et de profiter d’une autorité factice. « Dis moi que tu déconnes s'il te plait. Je me mords la lèvre inférieure, troublé. Et déçu, véritablement, de ne pas pouvoir lui donner la satisfaction de lui dire que je ne l’ai pas oublié. Je ne peux pas entièrement mentir, sur ce coup. Pas si je veux obtenir le fragment de l’histoire qui manque. « Je suis désolé Rine, je vois bien que ça te tient à cœur mais je… J’ai vu beaucoup de gens, dans les dernières années. Et je me souviens pas de toi. » Ma voix est désolée, mes yeux sont doux. Ma main glisse dans mes cheveux, comme si je pouvais chasser le malaise qui ne peut que s’accentuer. Je reprends : « T’avais quel âge ? » Cette réponse, je ne veux pas vraiment l’obtenir. Mais ne pas poser la question serait lâche. Mes paupières se plissent, mes dents se serrent légèrement sous l’appréhension, alors que je poursuis : « Je t’ai fait quoi? » J’aimerais qu’il rétorque par rien, mais on ne fonce pas sur un type dans un bar pour un rien.
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