Spill the bubbles tea

@Yazhu Amundsen &  @Sebastian Prince Amundsen  • début juillet 2024

Les doigts lissent doucement le bord de ma chemise au tissu soyeux. D'un doux jaune pastel surmontée de bouton de nacre irisés, elle s'accorde parfaitement aux chaussettes d'un jaune éclatant que dévoilent le short d'un bleu marine. Une silhouette droite, un air neutre et un regard droit qui ne cherche à s'accrocher à aucun autre regard de la foule qui nous entoure. Debout devant l'étal de l'association caritative à l'effigie de vache aussi grotesque que le costume d'une personne qui déambule en riant à quelques pas de nous. Li-Zhu à ce regard tranchant qui ne traduit rien de bon, reste à savoir s'il juge l'ensemble de l'événement déplacé, ou si ce sont les paroles du bénévole qui tente d'accrocher l'attention des Amundsen présents son stand à grand renfort d'histoires autour des familles qui ont regagné en dignité depuis leurs dernières distributions de vêtements. Les oreilles écoutent distraitement, mais l'esprit est ailleurs, dérivant vers le dernier rapport que j'ai transmis à Salli concernant les progressions plus prometteuses que prévue de Frisk, qui semble avoir trouvé une première brèche intéressante dans ses convictions. « Même pas cap d'aller tourner la roulette et de risquer de te retrouver en vache comme lui. » Le murmure glissé contre mon épaule ancre mes iris dans les siens dans un léger frémissement de narine à peine perceptible. « Rien a gagner dans ton pari petite sœur, tu as déjà eu le gros lot. » D'un doigt je tire sans douceur sur une de ses mèches qu'elle s'est empressée de sécher après s'être joyeusement pris son gain d'eau froide sur la tête. Sa main claque contre la mienne qui se retire non sans l'ombre d'un sourire moqueur dans sa direction.

M'éloignant de trois pas, l'esquive habilement le regard d'un bénévole qui aurait aimé, sans doute, me déverser ses quelques lignes soigneusement apprises sur le planning de leurs conférences à venir, et reprend mon attente passive avant d'espérer un changement de direction familiale vers les stands de nourriture qui ont l'audace de mettre leurs odeurs jusque dans mes narines. Le regard rivé dans cette direction, je ne reconnais pas immédiatement la silhouette sur laquelle mes yeux se sont posés sans s'en rendre compte. Ce n'est que lorsque la nuque tatouée se tourne vers moi qu'un sursaut de conscience éclate. Je réalise que mes yeux détaillaient avec trop d'intérêt le dessin de l'oiseau que son haut d'été dévoile plus amplement que d'ordinaire. Lorsque ses yeux s'accrochent aux miens, je détourne rapidement la tête dans un mouvement raide qui fracture, l'espace d'une seconde, le masque neutre. « Ok petite sœur, cap. Yazhu ? Un tour de roulette ? » Déviant mon attention de la nuque tatouée d'Ilhami, cherchant un prétexte pour disparaître dans la foule dans la direction opposée, j'attrape la cousine au passage qui, contrairement à l'autre fille qui me jette un sourire narquois en coin, n'a pas utilisé son lancé du jour non plus. Il me semble.

C'est donc sans grande conviction, mais tiré par la nécessité de ne pas avoir envie de croiser le détective au beau milieu d'une sortie familiale, que je traîne Yazhu devant le stand de la roulette qui ni cesse de clignoter dans des sons diverses de roulement et d'exclamations plus ou moins heureuses. Refusant de céder à une pression quelconque, je prends le premier tour, déclenchant le jeu sans un regard en arrière. Je ne doute pas une seconde que la petite sœur suit attentivement les conséquences de son défi lancé depuis ses plusieurs mètres en arrière. La bille s'arrête enfin, le chiffre s'illumine et le gain s'affiche dans un violet criard :  ”bravo vous avez gagné” associé à un pictogramme de bulle qui me fait plisser des yeux, perplexe, l'air de dire et donc ?. Le sourire énigmatique de celui qui tient le stand achève de  m'agacer. « Inutile cette roulette d'été. » Le murmure grince entre mes dents, libérant presque en même temps une bulle de savon aux reflets violets brillants de paillettes qui s'élève le long de mon visage. Je suis son envol des yeux, relevant ceux-ci lentement vers le ciel jusqu'à ce qu'elle disparaisse de ma vision. Les iris retombent vers l'homme au sourire goguenard qui à tout l'air de trouver le résultat fantastique. Connard. « C'est quoi ces conneries. - Un petit enchantement, une petite heure pour célébrer l'été et les vacances ! » Il répond avant de se détourner vers le festivalier suivant, me laissant bouder ma mauvaise humeur soudaine ailleurs. Je rejoins Bølga qui m'attendait à trois pas de là, un œil tout aussi perplexe que le mien posé sur moi. Il est hors de question que je rejoigne le reste de la famille avec un tel enchantement ridicule entre les lèvres. Et il est hors de question que Yazhu face le moindre commentaire. Une lueur stricte griffe le regard que je lui adresse en ce sens. Un avertissement qu'elle ne prendra probablement pas en considération, ce qui ajoute déjà une large vague amer contre mon palais qui goutte le savon.