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Tryhard / Vigga
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Yrsamund Mørk
Yrsamund Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden




We were meant to make a thing or twofeat. Vigga Mørk  Tryhard / Vigga 1f3b6

C'est aujourd'hui que Vigga doit venir. Oh, pour prendre le thé, rien de spécial. Elle a même précisé qu'il ne fallait pas en faire trop ; mais trop par rapport à quoi, à qui ? Quelle est la norme, quelle est la limite ? Yrsa a oublié comment recevoir, comment inviter. Les collègues, les amis, les citoyens, tout cela est un jeu, tout cela est facile. Lorsque Hjalmar était là, c'était même un spectacle, orchestré au cœur de leur mariage, avec les filles, les animaux, dans leur grand appartement luxueux, loin des soucis. Depuis le divorce, la deuxième-née fonce tête baissée dans le monde extérieur, elle s'oublie en quittant son nid. D'aucuns diraient que sociabiliser, c'est comme le vol sur un balai, ça ne s'oublie pas. Seulement, voilà, la réalité est différente : Yrsamund a oublié. Quelle logique appliquer, quelle organisation suivre ? Doit-elle considérer le moment de leur rencontre plus que le lieu ? La femme politique supplante bien vite la personnalité sociale et sociable, et encore plus vite la sœur. De toute façon, cette famille n'a rien d'ordinaire, et se plier à des règles ordinaires n'aurait aucun sens.

Alors le chaos s'installe, progressivement. Durant le milieu de la matinée, la sorcière range, nettoie, lustre, brique, camoufle, embellit chaque recoin. Et en parlant de recoin, ceux de son esprit ne sont pas en reste. Yrsamund a ouvert un compartiment mental pour chaque détail de son entrevue avec Vigga : la nourriture et la boisson, la tenue et les bijoux, la décoration et la musique, le sourire et les phrases toutes faites. Elle prépare tout, passe tout en revue deux ou trois fois, recommence à planifier, et repasse en revue. Le cycle n'en finit presque pas. Ce n'est que lorsque son estomac gronde qu'elle s'arrête. Elle s'assied et bat de la jambe sous la table en grignotant quelque confiserie non-identifiée, un doigt distrait esquissant des allers-retours sur le front de Piri, enroulé·e sur ellui-même dans un panier vide. Ael ronfle. C'est un petit grognement nasal aigu et faible. Yrsa finit par attacher ses cheveux après une réflexion interne de plusieurs minutes s'écoulant comme des heures, jetant un regard circulaire au grand salon qui donne sur la cuisine ouverte où elle se trouve. Tout est bien. Le mur bleu canard du fond encadrait auparavant une télévision. Yrsamund regarde ce mur et se rappelle de la première fois où elle a été confrontée à un appareil de ce genre, en fréquentant son ex-mari. Son monde s'était entrechoqué à tous les autres, et pourtant, la sensation n'avait pas été désagréable. Aujourd'hui, sur le meuble, il y a quelques bibelots magiques, certains animés et d'autres non, et le perchoir doré de son hibou. Elle songe avec nostalgie à l'époque bénie de son union heureuse désormais brisée par la famille dont elle va recevoir un membre cet après-midi, mais elle se résigne à soupirer pour chasser cette pensée malvenue. Vigga est une femme bien, elle n'aurait pas voulu participer à son malheur, elle n'y est pour rien. La nature est ainsi faite, et celle des Mørk davantage encore.

Les plantes de l'appartement sont en bonne santé et rajoutent des couleurs dans cette habitation qui pourrait être lugubre, en dépit de sa modernité, si elle n'était pas si richement entretenue. D'un coup de baguette nonchalant, la sorcière entrouvre une fenêtre, replace un tableau sur un des murs blancs, dépoussière le tapis. Il n'y a plus grand-chose à faire de cet endroit en attendant la cadette. En l'observant, cela dit, elle se rend compte que sa propre maison est plus moldue qu'elle ne l'aurait souhaité par le passé, déborde d'équipements électroménagers dont elle ne se sert plus et qui n'étaient utiles qu'à son époux, soucieux de continuer à vivre selon ses propres habitudes, malgré sa femme magique et son univers dans lequel il baignait depuis l'enfance sans l'avoir choisi. Les parents de Hjalmar avaient trouvé leur belle-fille bien pantouflarde à une époque, avant de se rendre compte que les sorciers accomplissent leurs tâches autrement. Une différence de point de vue, finalement. Quel dommage qu'elle persiste.

Yrsamund opte pour un look casual chic, moderne et désintéressé, quasiment minimaliste. Un pantalon évasé et asymétrique, en lin de couleur chocolat, une blouse fluide, crème, ornée d'une broche en or en forme de branche d'olivier sur la clavicule, d'autres bijoux fainéants ici et là, et un foulard vert olive pour maintenir ses cheveux en place et dégager son visage. Les yeux sont peu maquillés, seulement réhaussés d'un nuage brouillon de charbon peu opaque et de mascara. Une encre à lèvres passe-velours vient habiller sa bouche et s'assortit d'un blush de teinte semblable, caressé sur les pommettes et les tempes avec parcimonie, de manière à réchauffer le teint. Satisfaite, la sorcière enfile ses mocassins d'intérieur et retourne taper du pied sans savoir quoi faire de plus. Après tout, il ne faut pas trop en faire...

Quand vient grossièrement la dernière demi-heure avant l'arrivée tant attendue, elle se tend, cherche à s'occuper les mains comme elle peut. Elle dispose de petites coupelles qu'elle a remplies de biscuits sucrés, réputés pour se marier fort bien avec le thé. Elle dispose aussi les sous-tasses et les tasses vides de part et d'autre de la table, jugeant que c'était mieux pour discuter que de les mettre côte à côte. De quoi vont-elles parler ? Depuis quand était-ce si important ? Bon sang, Yrsa, il s'agit de ta sœur, pas d'un Ministre. Les Ministres, c'est facile, il faut leur parler de leurs décrets, de leurs bureaux et de leurs équipes ô combien efficaces et savamment recrutées, les flatter, opiner devant eux, glisser un petit mot désapprobateur en direction des adversaires et de leurs discours maladroits. Leur environnement est une source infinie de rebonds conversationnels. Mais comment parle-t-on à sa propre sœur, que la vie a éloignée pendant des années ? Pourquoi diable l'appréhension a-t-elle un poids si infernal ?
Vigga Mørk
Vigga Mørk
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C'est aujourd'hui qu'elle doit aller voir Yrsamund. Oh, pour prendre le thé, rien de spécial. Il paraît qu'il ne faudra pas en faire trop : mais par rapport à quoi, à qui ?

Questions similaires qui se posent dans l'esprit des deux sœurs sans même qu'elles en aient conscience. Après tout, il faut bien que les ressemblances se retrouvent. Entre la solaire Yrsa et la pâle Vigga, il ne semble parfois y avoir qu'un partage de géniteurs, pas davantage. C'est mal les connaître, mais l'erreur est humaine, bien et trop humaine, car même elles doivent douter de ce qui les assemblent réellement. Chacune a construit ses forces pour compenser des faiblesses dont ni l'une ni l'autre ne souhaite parler. Il y a des blessures similaires mais des cicatrices différentes et il faut regarder de près pour trouver des similitudes dans les stigmates. Et encore une fois, elles ne se sont guère aventurées à ce genre d'observations.

Quoique. Yrsamund, peut-être, est celle qui a creusé le plus profond. Celle qui semble s'être libérée le mieux et avoir trouvé des forces plus solides sur lesquelles compter. On ne voit presque plus ses cicatrices. Ses erreurs semblent si loin derrière elle. Adulte, femme, mère. Quasi-parfaite. Vigga lui envie ces forces, celles qui lui échappent encore. Elle, qui malgré sa puissance a parfois encore des insécurités infantiles. Elle, qui a détruit seule son mariage alors qu'on l'y aimait. Elle, qui n'a jamais su prendre son rôle maternel et a délaissé son unique enfant. Yrsamund a toujours été cet astre chaleureux aux imperfections nébuleuses tant elle brille dans les yeux de sa cadette.

Lorsqu'on s'approche du soleil, on a pourtant peur de se brûler et Vigga appréhende cette visite somme toute exceptionnelle chez son aînée. Elles n'ont pas du partager un tel moment depuis des années maintenant ; sa faute, encore une fois, elle avait trop de démons à combattre et d'addictions à abandonner. Maintenant qu'elle semble avoir repris un semblant de ce que les gens appellent normalité, la benjamine se sent prête à nouveau à honorer ce genre de tête-à-tête.

Elle s'y est préparée en conséquence, sans trop tergiverser mais en prenant dix fois plus de temps qu'à l'ordinaire - pour être honnête, son choix de tenue se fait habituellement la veille, en une minute montre en main, et ne nécessite que peu de réflexion, car les aurors ont théoriquement peu de latitude pour ce qui est de leur tenue, que ce soit au ministère ou en mission. ... Ces prolongations ne l'ont toutefois pas aidé à sortir de sa zone de confort : la voilà donc marchant vers l'appartement de son aînée vêtue de son éternel long manteau gris perle, coupe militaire impeccable. Bottes plates de cuir solide aux pieds, gants de cuir aussi aux mains. Sous la laine, un costume sur-mesure, gris lui aussi, chemise blanche col mao, ceinture chocolat à boucle carrée. Pas de boucle d'oreille, pas de collier, juste un anneau d'argent tressé passé autour du pouce. Et, seule fantaisie qu'elle a mis dix minutes à admettre, une écharpe rouge rubis. Cadeau d'Yrsamund à un Noël passé. Vigga sait que cela compte pour l'aînée.

Et pour elle, compte la ponctualité : c'est pourquoi à l'heure dite - seize-heure, presque l'heure du thé, mais chez les scandinaves, la lumière disparaît plus tôt qu'en Grande-Bretagne, alors on adapte les traditions - alors que l'église lointaine du Göteborg moldu vient de sonner son dernier coup, elle frappe à la porte. Elle sait qu'on ne tardera guère à lui ouvrir et elle a raison : sa soeur déboule dans l'entrée, rayonnante comme à l'ordinaire, pleine d'énergie - si elle n'était guère si tendue, Vigga y décèlerait une nervosité bien semblable à la sienne.

- Bonjour, Yrsamund. Je ne suis pas trop à l'heure ?

Ton d'excuse qu'elle ne peut s'empêcher d'adopter, car Yrsa est bien l'un seuls êtres qui a le don de l'intimider ; si elle ne peut pas non plus s'empêcher d'être outrageusement ponctuelle, elle appréhende d'avoir dérangé sa soeur trop tôt. Qui sait à quel point la secrétaire d'Etat a pu se démener pour la recevoir... Vigga prie Thor et Lofn pour que sa venue n'ait pas nécessité trop d'ajustement. Bref, trêve d'inquiétudes stériles, la benjamine s'essaie au small talk, pour dégager cette tension flottant dans l'air :

- Les filles sont là ?

Normalement, elles devraient être à Durmstrang, mais on est en week-end, alors qui sait si elles n'ont pas profité de quelques dérogations. Vigga ne sait pas bien ce qu'elle préfèrerait : leur présence donnerait un aisé sujet de conversation, mais elle la forcerait aussi à contempler ce qu'elle n'a elle-même su accomplir, rendre son enfant heureuse et épanouie. Mais songer à Thora est un terrain miné, alors elle s'éloigne avec précipitation :

- J'ai apporté des chocolats.

Voilà qui est une source infinie de rebonds conversationnels. Mais comment parle-t-on à sa propre sœur, que la vie a éloignée pendant des années ? Pourquoi diable l'appréhension a-t-elle un poids si infernal ?
Yrsamund Mørk
Yrsamund Mørk
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feat. Vigga Mørk

Lorsqu'elle entend frapper à la porte, Yrsamund croit sentir son cœur manquer un battement. Le temps semble s'arrêter ; la vapeur se cache désespérément au fond du bec de la bouilloire, les bibelots arrêtent momentanément leur balancement. Il n'y a que ses compagnons qui s'agitent autour d'elle qui lui rappellent que le cours du temps est inaltérable. Les oiseaux piaillent gaiement, comme ravis de recevoir de la visite, et les chats restent fidèles à eux-mêmes, impassibles, somnolents. Piri, plus frénétique, se dandine sur l'épaule de sa sorcière, frotte une patte toute excitée à la naissance de ses cheveux. Au milieu de cet étrange tableau pas tout à fait mort et pas tout à fait vivant, Yrsamund est figée, immobile, le regard tourné vers la porte. Et soudain, une décharge de nature incertaine l'élance vers l'avant. Les yeux toujours vissés dans la même direction, elle jette un doigt par-dessus l'épaule, recherchant sa fyglia au toucher. En la trouvant, elle repousse le petit museau de sa·on compagnon·ne intenable.

Calme-toi, tu veux ? C'est Vigga.

Ce rappel à l'ordre tout juste chuchoté, la grande sœur s'avance à pas mal assurés vers la porte, fatalement. Il faut se ressaisir, ce n'est qu'un thé après tout. Pourtant, ce thé l'inquiète plus que ce qu'elle ne veut laisser voir. Yrsa est passée maîtresse dans l'art de dissimuler ses pensées et ses émotions les plus subtiles aux yeux du monde entier, mais tromper sa propre puînée, cela lui semble une épreuve nouvelle. Devrait-elle cacher son trouble, ou se montrer, au contraire, vulnérable en sa présence ? Vigga remarquerait-t-elle quoi que ce soit ? Est-ce si important ? C'est un membre de la famille Mørk, bon sang ! La deuxième-née les a apprivoisés, elle a appris à cohabiter, c'est fait et bien fait, alors pourquoi douter ?

La flamboyante sorcière se décide enfin, d'un geste mécanique et difficile, à ouvrir la porte. Aucune délicatesse lorsqu'elle tire la poignée vers elle, résultat d'une interrogation personnelle bien trop longue, bien trop lourde, bien trop encombrante. Ne nous formalisons pas. Yrsa s'arme de patience pour lutter contre la nervosité qui lui chatouille désagréablement l'estomac. Son regard se pose, presque électrique, sur la personne apparue devant elle. Le costume impeccable, la bague au pouce, la ceinture faisant un rappel à son propre pantalon, tout a l'air calculé et pondéré parfaitement pour leur rencontre. C'est étrange, même cette écharpe rouge que l'aînée lui a offert semble savamment ajoutée à la tenue. Chaque pièce porte un message qui navigue entre elles. Un message crypté de prime abord, mais fluide, naturel. La magie, toutefois, n'y est pour rien. Alors, il faut commencer à danser, à charmer le public, comme on sait si bien le faire, comme on l'a toujours fait, mais est-ce par habitude, ou par besoin de protection ?

Bonjour, Vigga ! Entre, je t'en prie, chantonne Yrsamund en s'effaçant, pour refermer la porte derrière elles. Que dis-tu ? Trop à l'heure ? Bien sûr que non, voyons, tu es admirablement à l'heure.

Piri grimpe sur la tête de sa sorcière pour venir renifler leur invitée avec curiosité, tandis que sa maîtresse laisse volontiers entendre une certaine confusion. Est-il possible d'être trop ponctuel·le ? Cette question résonne une petite minute derrière le front d'Yrsamund, dont les fins sourcils roux se rapprochent tout doucement. Le putois effréné remue au sommet de son crâne, et elle lève un bras pour l'inviter à descendre. Le petit mustélidé s'aventure docilement sur la main tendue vers ael, et couine lorsque les doigts prudents et affectueux de sa maîtresse se referment autour de son abdomen pour le·a transporter jusqu'à un emplacement convenable, comme le petit meuble dans l'entrée.

Les filles sont rarement ici, tu sais. Sauf peut-être Juni... Mais elle tient compagnie à son père, aujourd'hui.

Un sourire lumineux se dessine sur le visage d'Yrsamund. Il semblerait que ce soit plus facile que prévu. La pesante sensation de malaise s'envole, jamais bien loin, mais guère proche non plus. C'est un sentiment très étrange que la secrétaire d'état peine à analyser, puis finit par chasser. C'est inexplicable, elle se sent à sa place, et la présence de sa jeune sœur, bien que froide pour l'instant, n'est pas autant un obstacle que ce qu'elle aurait cru. La mère repense à ses trois filles et aux parcours très distincts qu'elles ont empruntés. La femme pense simplement à sa tranquillité. Et la sœur songe à sa sœur. Les oiseaux piaillent de plus belle. Le frisson de la nouveauté ─ de la familiarité retrouvée, en réalité ─ la secoue et elle doit se forcer à avancer pour inviter Vigga à la suivre.

Mets-toi à l'aise ! s'empresse-t-elle d'intimer, d'un geste de la baguette vers un porte-manteau auparavant inanimé qui s'approche soudainement d'elles. Oh, merci ! Les chocolats sont une excellente idée. As-tu toujours été si prévenante ?

Vite, il faut débarrasser l'invitée. Yrsa se précipite avec l'élégance qu'on lui attribue, et qui n'est pourtant pas si innée. Elle jauge le regard de sa sœur, sa petite Vigga, inquiète de son état d'âme. Les années passées si éloignées n'ont pas aidé à comprendre ce qui se trame dans cet esprit qu'elle sait torturé par nature. Un banc de souvenirs à demi effacés remonte à la surface, brillant dans l'océan de sa mémoire comme de petits trésors qu'elle n'a plus qu'à se pencher pour repêcher. Certaines écailles manquantes se replacent quelquefois correctement, et d'autres fois dans le mauvais sens ou au mauvais endroit. Cela fait sourire Yrsa, qui secoue la tête pour se réancrer dans le présent. Elle esquisse un mouvement vers la kitchenette à aire ouverte, et la table en son centre, cernée de chaises repeintes aux couleurs claires et chaudes des autres meubles. Elle fouette l'air de sa baguette, et un air indistinct joue dans la pièce, faiblement. Effacer le silence est la règle numéro un d'une rencontre réussie.

Désolée, je suis un peu nerveuse, avoue-t-elle sans l'ombre d'un trouble. On ne s'est pas vues depuis longtemps. Je voudrais que tout se passe bien. Ça me fait plaisir que tu sois là.

Pour désamorcer cette situation pour le moins étrange, Yrsamund attrape un chocolat entre l'index et le pouce, l'approche de son nez pour tenter de deviner quelles saveurs peuvent bien s'y cacher, et elle croque imparfaitement à la moitié. Le relief et la forme de ses dents de devant s'impriment contre le morceau qui reste, qu'elle offre à Piri. Elle mastique précautionneusement et laisse échapper un soupir satisfait, sentant le chocolat fondre sur le fond de la langue et envelopper ses joues et son palais d'une douceur bienvenue.
Vigga Mørk
Vigga Mørk
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Oh cette énergie qui appartient à sa sœur, précieuse énergie solaire, à la fois calme et bouillonnante. Cette énergie qu'elle lui envie, elle qui ne possède que la nervosité pâle des nuits d'insomnie et de pleine lune. Cette énergie qui lui faisait sans doute préférer son aînée, la cadette de la fratrie, parmi tous les visages de ses adelphes. Elle réchauffe le coeur de Vigga, d'une chaleur presque douloureuse à sa poitrine lacérée par les lames du regret. Pourtant, le sourire tordu qui la caractérise vient animer un peu son visage tandis qu'Yrsamund s'agite pour l'accueillir et l'inviter à entrer.

─ Bonjour, Vigga ! Entre, je t'en prie. Bien sûr que non, voyons, tu es admirablement à l'heure.

Les yeux clairs de la benjamine s'arrête sur lae putois survolté de sa grande sœur et elle sent, dans le même mouvement, elle sent la fourrure douce de saon propre Fylgia, polatouche qui se blottit dans le creux de son cou. Hector est-il intimidé par toute cette énergie ? Il est difficile, même pour elle, de déceler les émotions de son "anim-âme" - comme certains esprits les appellent. Tout comme sa moitié humaine, Hector est peu lisible, instable et fuyant pour la plupart des curieux. D'une main distraite et maladroite, elle le "rassure" d'un doigt - mais a-t-iel vraiment besoin d'être rassuré ou bien est-ce elle qui projette sa propre inquiétude sans objet, son anxiété sur cellui qui la supporte bien souvent de son silence paisible ? Trêve de questions muettes, quand Yrsa répond à la sienne - idiote question, réponse dont elle aurait pu se douter.

─ Les filles sont rarement ici, tu sais. Sauf peut-être Juni... Mais elle tient compagnie à son père, aujourd'hui.

Hochement de tête nigaud, elle ne sait pas quoi répondre ça, se retrouve désarmé de mots : qu'est-elle censé dire face à ce rappel de la séparation entre Yrsa et son époux ? Pourtant, elle aussi a connu les affres du divorce, voilà qui serait censé les rapprocher ? Pourtant, encore un sujet qu'elles n'ont jamais très frontalement abordé ; il semble qu'elles aient léchées leurs blessures, chacune de leur côté, blessures trop intimes pour être partagée, pudeur qu'on n'abandonne pas, pas même devant la fratrie, encore moins devant une fratrie qui aurait dû toute entière se destiner aux mariages pérennes et honorables auxquels on les destinait en tant que filles de Järl... Quel échec. Pour toutes. Deux divorcées, un autre couple qui se déchire, une fille-mère abandonnée et la dernière, certes encore mariée, mais avec un homme qui, on le chuchote, ne le voit que comme une amie et délaisse son lit pour des bras masculins... Vigga n'aime pas le bruit de la rumeur, mais il lui parvient hélas souvent, les Aurors ont des oreilles partout et les Mork sont sujet de commérage depuis des siècles. Et d'ailleurs c'est hélas aussi tout ce qu'elle sait - ou presque - de ses nièces : le fruit des rumeurs. De Juni, elle se souvient à peine du visage, à sa grande honte...

─ Mets-toi à l'aise ! Oh, merci ! Les chocolats sont une excellente idée. As-tu toujours été si prévenante ?

Elle rougit presque, se sent tancée, malgré le ton joyeux de l'aînée : car non, elle n'a pas toujours été si prévenante, très loin de là, si peu prévenante qu'elle aurait presque pu oublier jusqu'à l'existence de toute convenance, de manière définitive. Les addicts, les drogués, les junkies, n'ont qu'à faire des convenances, ils se traîneraient à terre pour obtenir ce qu'iels veulent... et elle-même n'a pas fait exception, malgré ses grands airs, elle s'est dégradée et s'est abîmée, des années durant, dans les allées sombres et sales de l'addiction. Et dans ces allées-là, pour rendre visite à quelqu'un, on n'offre pas des chocolats : plutôt une seringue et un élastique pour serrer le bras.

La musique que lance Yrsamund vient chasser la mélodie amère de ses pensées. Elle se détend, un petit peu. Il lui semble reconnaître l'air joué mais elle serait bien en peine de l'identifier. Yrsa a toujours été plus cultivée qu'elle. Elle se laisse débarrasser, guider au centre de la ravissante pièce à vivre, si chaleureuse et si différente de sa propre maison froide et cliniquement tenue en ordre. L'ordre ici se pare de confort et c'est tellement Yrsa, tellement elle, qu'elle éprouve un mélange d'amour et d'envie fraternel à son endroit, mélange doux-amer qui prend encore plus de caractère aux prochaines paroles prononcées :

─ Désolée, je suis un peu nerveuse. On ne s'est pas vues depuis longtemps. Je voudrais que tout se passe bien. Ça me fait plaisir que tu sois là.

A nouveau, Vigga rougit. Elle aussi se donne une contenance en attrapant un chocolat - mais sans prendre le temps de l'inspecter, dans sa précipitation, elle a pris le maudit à la liqueur, pourquoi faut-il toujours tomber sur celui-là, elle fronce le nez mais ne se plaint pas, tant pis pour le goût trop prononcé de cerise, elle se laisse le temps de le croquer et de le laisser glisser, bon voilà qui est passé, au moins les quelques grammes d'alcool lui donneront le courage de parler.

- C'est vrai. Je suis désolée. Ces... ces dernières années n'ont pas été... très faciles.

Litote. Bégaiement. Double embarras. Surtout, ne pas se cacher derrière un autre chocolat. Elle est là pour se comporter en bonne invitée. Elle est là pour parler. Parler... même des sujets minés qui les entourent comme autant de scroutt à pétards prêts à exploser. Elle n'a pas trop le choix : dans leur vie, à force de non-dits, il ne semble y avoir plus que ça. Et de toute façon, contrairement à sa grande soeur, si fine politicienne, le small talk n'a jamais été son fort. ... Le big talk non plus d'ailleurs, mais elle n'a jamais reculé face à l'adversité paraît-il.

- Je ne sais même pas très bien ce que tu deviens. J'ai entendu dire que tu visais encore plus haut que le secrétariat d'Etat... fais attention à ne pas trop contrarier notre cousine éloignée, elle n'est pas réputée pour être tendre avec ses adversaires politiques.

Tiens, la voilà qui contourne habilement le big talk finalement : ne jamais reculer devant l'adversité, tu parles, tant qu'elle n'est pas sur un balais, la voilà en train de voltiger pour échapper aux sujets compliqués.
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