Never leave a good man down as the earth underneath begins to crumble and fall

@Jasper Strandgaard  | décembre 2021



« Reste à ta place Strandgaard. » Ma voix avait claqué dans un avertissement froid coupant la parole à l'intéressé. J'avais du faire un effort colossal pour rester assis, le plus naturellement possible, alors que la rage mêlée de terreur bouillonnait dans mon être. Comment avait-il osé prendre la parole face à tous pour me dénigrer. Pour remettre en question mon implication face à Øyvind lui-même. Mon rythme cardiaque tambourinait furieusement contre ma poitrine mais j'avais réussi à garder un froid contrôle de moi-même, lui adressant même un regard méprisant au possible. J'avais insisté sur le mot place avant d'enchaîner sur une allusion à son rang, son sang, sa situation inférieure par rapport à la mienne. Des mots injustes, non pensés, mais nécessaire pour lui faire fermer son clapet dans l'immédiat. Il y avait quelques ricanements parmi les autres membres présents. C'était trop facile de les rallier derrière une allusion du genre, ces sorciers aux fiertés de sang mal placées. Je n'en n'attendais pas moins d'eux pour rassurer Jasper sur son illégitimité à prendre ainsi la parole pour se plaindre de l'un d'entre nous. Je voulais qu'il se sente immédiatement en danger et dans une position trop instable pour oser surenchérir. J'avais des alliés tacites quand lui n'avait rien. Voilà tout ce que j'avais voulu lui faire sentir en trois phrases, avec cette attitude trop assurée pour traduire la moindre réalité de pensée interne. Et ça avait suffit. Non sans un pincement au cœur je l'avais vu se taire dans une expression sombre. Excuse-moi Jasper. Ma mâchoire contractée n'avait laissé passer aucun autre mot jusqu'à la fin de la réunion et mon regard d'ombres dansantes avait suffit à faire le reste du travail m'assurant une légère tranquillité auprès des autres. Tout contre mon torse Mjöll n'avait plus quitté sa position allongée contre le cœur comme pour en protéger les regrets tandis que mes pensées s'étaient focalisées sur cette rage envers le Strangaard pour brouiller les pistes de quiconque aurait voulu y chercher d'autres réponses sans mon consentement. Je ne suis pas occlumens mais je connais trop bien les rouages de la legilimencie pour ne pas savoir comment rendre difficile l'accès aux véritables pensées à une personne qui tenterait de s'en repaître.
Heureusement la soirée touche à sa fin. Ma rage est toujours là, car elle est de celle qui ne s'éteint pas avec le temps, mais reste vive tant qu'elle n'a pas trouvé un exutoire. Et malheureusement pour Jasper, mes angoisses tenaces ne sont pas prêtes à lui passer cette conduite accusatrice. Ce n'est même pas une question d'égo, car il avait eu tout à fait raison de croire à mon manque d'implication dans le rituel. Parce que malgré mon adhésion à certaines grandes lignes du programme de ce groupe, je n'avais rien à faire de leur prophétie et de leurs croyances de Völuspá. Je ne voulais pas faire ce rituel. Mais je n'avais pas eu le choix, alors je l'avais choisi lui, expressément lui pour l'assister. Juste au cas où les choses tournaient mal. Parce que derrière ces sombres iris et ses positions un peu trop étroites, il savait être un putain de mec bien qui avait plutôt tout intérêt à pas trop s'enfoncer trop loin dans les conneries. Et pas seulement parce qu'il est bonne phase pour se marier avec Ina. Peut-être en grande partie pour ça, mais pas seulement. L'orage de mon regard est plus que menaçant et quelques éclairs le transperce déjà de part en part quand je me lève d'un mouvement commun avec mes voisins de tablée. Sans lui laisser la moindre chance de s'échapper, je lui saute presque dessus, doigts serrés sur son avant-bras, main gauche agrippée à son col et murmure glacé qui siffle entre mes dents serrées. « Avec moi. Maintenant. » Un geste rapide qui passe probablement inaperçu pour la plupart des autres personnes présentent et je le lâche aussitôt, lui lançant un regard qui, je l'espère, ne lui donnera pas envie de fuir.

Sans un regard de plus aux autres sorciers présents je quitte la pièce principale dans le mouvement général et m'arrête une fois arrivé dans le couloir, constatant que Jasper n'est pas très loin derrière et qu'il ne semble pas être prêt à m'esquiver. Peut-être bien qu'il est en manque de confrontation lui aussi et que son intervention avortée de toute à l'heure lui est restée en travers de la gorge. Parfait. Dès qu'il passe la porte à son tour je l'attrape une nouvelle fois par le col et le pousse violemment sur le côté, le projetant avec force contre le mur . Dans un enchaînement de gestes trop souvent répétés je viens immédiatement le maintenir, bras contre son torse, à la base du cou, main qui agrippe l'épaule et baguette coincée entre nos deux corps, pointée sur le cœur. « C'est quoi ton problème Jasper sérieusement ? » Mon souffle est rapide, presque saccadé alors que la rage gronde dans ma voix. Murmure menaçant délivré à l'entrée de son oreille gauche. Sans attendre la réponse, je le décolle du mur sans ménagement, range ma baguette après cette petite démonstration de force et l'empoigne par le bras pour nous remettre dans le rang des autres disciples qui prennent le chemin de la sortie. Ma poigne est dure contre son bras et je le pousse même d'un rapide coup d'épaule quand on passe enfin la porte menant à l'extérieur ensemble. On sort toujours en petits groupes, les uns après les autres, pour éviter d'éveiller trop les soupçons et je profite de cette opportunité pour entrainer le sorcier vers la ruelle adjacente sans que tous les autres membres des Enfants n'en soient au courant. Pas besoin de rameuter toutes les oreilles indiscrètes autour de cette discussion un peu trop personnelle. A peine a-t-on quitté la rue principale que j'ai tiré une nouvelle fois ma baguette pour la pointer dans son dos, et je le force à accélérer le pas. D'un léger mouvement de poignet, je nous enveloppe d'un sortilège de discrétion permettant ainsi de couper la porter de nos voix. Une précaution plus que nécessaire vu la colère qui tambourine toujours dans ma poitrine. Ce n'est qu'alors que je le pousse une fois de plus contre le mur, mais sans le retenir cette fois, me contentant de le jauger avec un sévérité non dissimulée, les bras croisés, la baguette toujours pointée vers lui. « Putain Jasper tu m'expliques ce que tu as essayé de faire là ? Si tu commences à tirer dans le dos de tes potes tu vas pas faire longtemps là-dedans. C'était quoi ton plan ? Parce que là je suis pas sûr de comprendre ton intérêt à jeter les autres dans la merde devant lui. »Par lui je fais évidemment référence à Øyvind qui ne brille pas par sa sympathie et sa compassion. Mes narines sont dilatées par la rage et ma mâchoire se contracte à intervalles trop réguliers pour ne pas annoncer qu'il a plutôt intérêt à bien choisir ses mots s'il ne veut pas finir avec mon poing dans sa pommette. Mjöll le lézard quant à lui, a glissé hors de ma chemise, éclair bleu à peine visible, pour aller se tapir dans l'ombre à quelques centimètres de Vidar, prêt lui aussi, à fouetter la Fylgia inamicale d'un coup de langue bien placé.