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Batten down the hatches • Arsinoe
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Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Je suis en avance, de vingt minutes. C'est peu commun, voir même carrément inhabituel, mais j'avais besoin de marcher. Défouler les nerfs roulés en boules dans tous les sens. Une journée de permission de merde, qui loin d'être reposante, a déposé des marques de fatigue plus sombre sous mes yeux. Les traits sont tirés, et les pas secs et nerveux contre le pavé. C'est mon quatrième tour complet de la place des Douze familles.

Mes cheveux allongés et coiffés, chatouillent ma joue sous le vent nocturne. Elle avait fait une remarque, si tu te dégonfles pas, quelque chose du genre. Ce n'est pas une question de peur, ou d'envie éteinte, mais de mauvaise énergie. Depuis cette après-midi, depuis que je suis sorti de chez ce ps...Depuis que j'ai mis les pieds hors du bar des bas quartier, mon cerveau tourne trop vite, ou trop lentement. Les mots se heurtent les uns aux autres. Les miens, et les siens, ses questions de merde qui ont tiré sur les loquets de trop de portes différentes. Avec insistance, et précision. Des coups nets, qui savaient où frapper pour fragiliser les armatures. Et depuis tout n'est que chaos, tempête froide qui me laisse aucun plaisir, aucune satisfaction. Je ne sais pas à quoi je m'attendais en allant là-bas, à une prescription, à être rassuré sur les possibles. Peut-être, naïvement. Quoi qu'il en soit je ne m'attendais pas à ça. Et ça me fou les nerfs dans une humeur sombre. Non, je ne me suis pas dégonflé, même si l'idée est venue traverser ma tête entre mon rendez-vous de cette après-midi, et l'explication avec Li-Zhu. Le cinquième tour de place des Douze familles a été plus rapide que les précédents.

Un grognement sourd s'échappe de quelque part, entre mes poumons et ma gorge, et fait dévier les passants qui voudraient me couper la route. Les pensées rejouent les conversations en boucle sans trouver d'échappatoire. Comme cette foutue place ronde. Les arguments sur la relation chaotique d'Arsinoe Adelsköld et de l'armée avaient eus les effets attendus. Père avait tiqué, sans prononcer un seul mot. J'avais hésité à enchaîner sur les potions d'oubli, les gardant en dernier recours, par crainte que ce soit l'argument de trop qui lui donne l'excuse de me rediriger - aimablement - vers quelqu'un d'autre. « Tu ne pourras pas t'amuser indéfiniment Ying Yue. » Il avait dit ça comme une menace, un ultimatum à venir, un cul-de-sac plus si lointain que ça. Et puis il avait dit cette phrase, « Toi qui as toujours été si fier d'être né loup. » Avec cette fausse nostalgie, une émotion feinte, une reconnaissance de ma condition pour mieux rappeler à l'ordre celui qui oublie ses obligations envers la meute. A force de jouer, tu risques de perdre la trace. Des enseignements inculqués depuis toujours, des rappels constants dans cette fameuse trace, que j'ai presque jamais été capable de suivre de façon linéaire. Sauf dans des contextes de chasses effectives. Il n'y avait eu aucun éclat de voix, cette fois-ci. Droit et ferme, face aux regards calmes de Li-Zhu. Il avait accepté de recevoir le paternel Adelsköld pour discuter de l'affaire évoquée et mettre sur pause des démarches qu'il a reconnu avoir entamé pour mon bien. « Tu avais l'air d'avoir besoin d'un coup de tête pour assumer ta sympathie pour la Kaptajn. » Pourquoi les décrivez-vous comme des maladies. Les mots se superposent les uns aux autres, les verrous frémissent dans le fond du cœur, repoussé par le regard perçant du Père. « Si fier d'être né loup. De faire partie de la meute. Toujours le premier à accueillir les nouveaux avec euphorie. Tu ferais un bon père. » Le sixième tour est bouclé avant un craquement soudain et caractéristique du transplanage.

L'air frais glisse un frisson sur mon épiderme dans un plaisir non contenu. Les iris s'illuminent dans la pénombre de l'île boisée. Embrassant la nuit d'un regard sauvage, je lève la tête vers la cime des arbres, laissant la pluie chargée de sel couler sur mes joues dans une joie presque enfantine. Il pleut. Le vent fait rugir les vagues contre les rochers escarpés et les feuillus bruissent leurs branches nues les uns contre les autres avec une ferveur que certains pourraient juger de lugubre. Bølga, contaminé par ce bonheur simple et soudain s'est élancé, la tête au vent, à humer les odeurs et trottine un peu plus loin. C'est parfait. Ici les pensées sont moins cycliques, moins prenantes, et m'est plus facile de me concentrer sur le reste, le combat à venir, les enjeux et les promesses de la Kaptajn. « Si tu gagnes, m’engage oralement à faire ce que tu voudras, quand tu me le demanderas. » Je compte bien gagner, j'ai perdu trop de combat aujourd'hui pour vouloir être complaisant. Le souvenir de cette soirée étrange dans ma chambre me semble bien lointain, passé les amusements, il ne m'en reste que l'amertume associé au reste. Les autres phrases, qui avaient résonné en accords discordants avec mes rendez-vous d'aujourd'hui. J'inspire profondément, de longues gorgées d'air frais et humide pour tenter de désimbriquer les éléments des uns des autres. Maintenant que j’suis convaincue que y’a aucun risque du côté de ton mât. - Tu ne pourras pas jouer indéfiniment - Mais c’est un dégoût qui semble orientée vers vous, vers le fait que vous ayez ces pensées. Pas ces pensées en elles-mêmes. Le vent s'engouffrent dans la veste déboutonnée, la pluie ruisselle sur la peau de la chemise ouverte, les pieds courent en foulées larges, le tigre sur les talons. Un tigre mutique, qui vibre parfois dans une explosion de particules scintillantes. Il est perturbé par ces sables mouvants qui m'empêchent d'avancer hors des trous d'eau sale. J'ai bien fait de ne pas repousser. J'ai besoin de ce combat. Besoin de me perdre dans ce je sais faire de mieux, me battre et laisser parler la nature sauvage qui tourne en rond dans ma tête. Le tour de l'île  été plus long que ceux de la place des Douzes familles.

Le temps sec de Göteborg me surprend presque. Les lumières de la ville éblouissent mes yeux habitués à l'obscurité sombre de l'île, et je cille plusieurs fois avant de tomber sur la silhouette de la Kaptajn. J'ai vaguement conscience d'être détrempé, les cheveux ruisselant sur la veste refermée avant de transplaner. Un sourire séducteur sur les lèvres qui jure avec les éclats sauvages de mes yeux encore plein de la nature humide que je viens de quitter, je m'approche d'Arsinoe un bras tendu vers elle pour l'inviter à s'y accrocher. Un geste mondain, qui colle aux codes des Douze, de mon habit choisi avec soin pour donner l'illusion  des soirées comme il faut, l'opposé du genre qu'on s'est engagé à passer ce soir. « Arsinoe Adelsköld, permettez-moi de vous escorter jusqu'à notre destination. J'ai réservé la meilleure plage pour vous, quelque chose à la hauteur de votre personnalité unique. J'espère que vous apprécierez. » A présent proche d'elle, ma main se pose sur sa hanche, illusion parfaite du jeu que je m'amuse à donner en public avec elle dans le civil. Agaçant, probablement, mais bien trop satisfaisant pour m'en passer. Il faut bien jouer jusqu'au bout, au cas où quelqu'un nous remarquerait, non ? Ma tête se penche vers son cou, avant de murmurer un : « J'espère que tu aimes la pluie » plus réel et enthousiaste. Je me redresse dans un sourire éclatant avant de transplaner une nouvelle fois, trop impatient de retrouver la nature sauvage et ses odeurs de chaos et de laisser derrière nous la civilisation qui me fait trop chier aujourd'hui.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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La plume gratte le parchemin, dans un mouvement chaotique. Déterminant, verbe, nom. Les termes s’alignent, dans une logique de concision, sans sentiments. Les jambes, sous le bureau, battent nerveusement le sol.

Oberst,

Permission demandée d’envoyer une copie du document #765, dans la sous-réserve C, à la famille de feu Sekondløjtnant Tomsen.

J’écris quelques mots, je raye, je rajoute, je rature de nouveau.

Oberst,

Demandons que soit levé l’interdiction de consultation du document #765, pour que la famille du Sekondløjtnant Tomsen cesse de me faire chier.

Je n’aime pas écrire. Je n’ai aucun talent pour disposer correctement les phrases, pour les ordonner ou en faire quelque chose de beau. J’ai un journal : il me sert à conserver mes souvenirs, pas à les enjoliver.

Je ne parviens pas à faire cette foutue demande. Je ne parviens pas à accepter que des gens pourraient avoir accès à ces documents et les lire, même si c’est peut-être dans leurs droits. Je ne veux pas qu’ils puissent remuer le passé et le sortir de sa crasse, je ne veux pas qu’ils puissent me poser des questions plus précises, qui m’empêcheraient de demeurer à la surface. Et en même temps…J’ai ce foutu dilemme, depuis l’autre soir, où j’ai renvoyé chez lui le frère d’un ancien pote, dans un état exécrable, et depuis la punition du Flyverspecialist Isaksen.  Est-ce que c’est ça respecter leurs mémoires ? Fracturer le crâne de leurs proches ? Est-ce que ce choix, qui n’est pas le seul, est le bon ? Les familles impliquées dans ce bordel qui s’étire sur trop d’années pourraient prendre la décision d’arrêter de s’acharner, de se choisir une autre cible, de comprendre que je ne dirai rien. Ils pourraient arrêter de se monter la tête entre eux, se contenter des réponses qu’ils ont obtenues. Ils ne le font pas. Suis-je la seule à mal choisir ? Je ne leur dois rien, à eux. Mes spøkelses auraient compris, ils auraient peut-être même agi de façon similaire. Je jure à haute voix, avant de rouler le parchemin, pour en prendre un nouveau :

Oberst,

Tout est prêt pour le départ du 72ième régiment. Deux hommes seront laissés sur place : le Flyverkonstabel Hauk et le Flyverspecialist Isaksen. Hauk s’est blessé à l’entraînement, il nous rejoindra le 15 février. Isaksen s’est rendu coupable d’insubordination de gravité modérée (rapport 17B, déposé le 6 février), sera rétrogradé et renvoyé dans le 13ième régiment. »

Ma main glisse contre mes tempes, encore douloureuses, alors que je songe à cet autre problème. Deux événements trop proches l’un de l’autre. C’était déjà chiant que ces rumeurs me concernant, liés à mon ancien escadron, circulent dans les familles. Chiant, mais gérable, en fermant les yeux et en décidant de ne pas y porter attention. Sauf que ces foutues rumeurs ont franchi une barrière qu’elles n’auraient pas dû traverser. Il y a l’armée et les civils : j’ai décidé depuis longtemps de moins me préoccuper de ce qui se passait chez ceux de la seconde catégorie. Par survie, pour avancer. Maintenant, je ne peux plus ignorer ce problème qui prend de l’ampleur. Trop d’ampleur.

Ce que le Flyverspecialist Isaksen a fait, devant les autres…Je sens mes veines s’enflammer sous la colère qui revient trop vite à l’assaut, et sous un autre sentiment, plus ruisselant, que je repousse plus loin. La rage, je peux la gérer. La tristesse, je n’ai pas le droit ni le temps pour l’éprouver. Je suis Arsinoe, pas une gosse de huit ans, incapable de se gérer. Je roule mon parchemin de façon serrée, avant de l’entourer d’une mince corde. Mes doigts glissent sur mon petit pot de poudre, posé à proximité d’une bougie assez large. J’y jette une poignée verte, avant de prononcer distinctement le nom de l’Oberst et le numéro de son bureau sur la base. La flamme s’anime et devient plus grande ; j’y laisse tomber le parchemin, qui disparaît aussitôt, éteignant la bougie au passage. C’est une technique de communication efficace – et plus rapide que les hiboux – que nous utilisons beaucoup pour nous transmettre rapidement des ordres, des rapports et des informations importantes. Les volatiles ne sont pas assez fiables ; ils peuvent aussi être interceptés, même si nos messages peuvent être codés.

Je n’ai pas besoin de consulter l’horloge sur mon mur. J’ai toujours été douée pour deviner l’heure qu’il est, même quand de longues minutes se sont écoulées. Et je sais qu’il est maintenant temps de me préparer. J’y mets plus de temps qu’à l’accoutumée. J’applique du fond de teint sur les emplacements les plus marbrés de mon visage, notamment sous l’œil. « Vous voyez ? C’est mon cousin, qu’elle a démonté l’autre soir. La Kaptajn ne veut absolument pas que la vérité circule : c’est en sacrifiant ses frères d’armes qu’elle a monté autant d’échelons. » J’appuie un peu trop fort, retenant un rictus de douleur. J’avais déjà une sale tronche, après ma rencontre avec les frères de Tomsen à l’auberge : les deux combats qui ont suivi n’ont rien arrangé. Enfin, celui d’après, surtout. L’autre, je l’ai remporté haut la main, et c’est mon adversaire qui a une maintenant une gueule à faire fuir les lézards.

Mes autres blessures ont aussi droit à leur camouflage : j’applique le même maquillage, en plus grosse quantité, sur mon bras le plus abimé, qui cicatrise trop lentement à mon goût. Je ne veux rien laisser paraître, rien laisser voir. Je ne veux pas que mon adversaire puisse vouloir remettre le combat, même si cette option serait la plus raisonnable. Je m’en fous, de ce qui est raisonnable. J’ai besoin de me battre, j’ai besoin de cogner. Surtout ce soir. Et j’ai besoin, aussi, de sentir l’air enivrant de la nature, loin de la civilisation sorcière.

J’ai enfilé une veste par-dessus mon débardeur, avec l’intention de l’enlever rapidement si la température de l’île n’est pas trop froide. J’ai aussi pris un sac, dans lequel j’ai placé plusieurs provisions. J’ai conservé mes bottes militaires, par habitude. Je suis tellement accoutumée à combattre avec elles que les retirer, ce serait me rajouter un malus. Je transplane quelques minutes plus tard, Røyk me suivant sous sa forme brumeuse. Les lumières de la ville m'agacent : j'aurais aimé me retrouver tout de suite dans un paysage moins habité. Je n'attends pas longtemps, avant de voir le Løjtnant Amundsen apparaître. Titre, nom. Je me refuse, même mentalement, d'employer son prénom. Se permettre une telle familiarité, c'est s'autoriser à potentiellement apprécier l'autre. Mes yeux détaillent ses cheveux qui ruissèlent sur sa veste, avant de se poser sur son sourire séducteur. Retour au jeu, à la représentation public. Je ne suis pas d'humeur à acter. J'accroche pourtant mon bras au sien lorsqu'il le tend vers moi, comme si je n'étais qu'Arsinoe Adelsköld, une femme qui s'apprête à passer une soirée confortable avec un membre des Douze. « Arsinoe Adelsköld, permettez-moi de vous escorter jusqu'à notre destination. J'ai réservé la meilleure plage pour vous, quelque chose à la hauteur de votre personnalité unique. J'espère que vous apprécierez. »  Sa main se pose sur ma hanche, dans une illusion parfaite, et je m'efforce de sourire, pour ne pas lui tordre le poignet. Trop de gens ont osé me toucher, dernièrement, et mon corps perçoit les contacts comme des menaces. Ça passera. Ça passe toujours. Mais mes réflexes, ce soir, sont trop aiguisés. Ou pas assez. Ma tête n'a pas encore entièrement récupéré de la dernière baston, et certaines de mes réactions sont encore trop lentes. Je refuse néanmoins de m'attarder à ce détail. J'incline légèrement la tête en gloussant comme une dinde lorsque sa tête se rapproche de mon cou, comme si le geste m'amusait : quitte à donner une représentation, autant le faire jusqu'au bout. « J'espère que tu aimes la pluie » Ma réplique s’emboîte impulsivement à la sienne, juste avant notre départ : « Je l’adore. » Elle me rappelle les nuits sombres à se tenir serrés les uns aux autres, à se soutenir, à se raconter des histoires et à se réchauffer. Elle me rappelle la camaraderie, l’air frais, la liberté, les potes, l’amitié. Elle me rappelle le pire, mais elle me rappelle surtout le meilleur. On transplane, et j’espère que ses paroles annoncent ce qui nous attend, là-bas.

Lorsque mes bottes touchent le sol, je rompt rapidement notre proximité. Je fais deux pas de côté, ramenant mes bras vers moi, tout en laissant mes yeux s’adapter rapidement à cette nouvelle luminosité. Le côté loup aide, pour l’obscurité. J’hume avec satisfaction l'odeur des lames qui tombent du ciel pour s'échouer sur les arbres. J'entends les vagues qui rugissent, le vent qui s'agite et cette nature, belle, simple, dans laquelle je voudrais vivre en permanence. Le lieu est bien choisi. La tentation de me transformer pour en profiter est intense ; tout mon corps me signale qu’il serait bien mieux là, à courir, que sous cette forme trop humaine. Je lui dénie cette permission, jetant un coup d’œil à Røyk qui a repris son apparence de lionne et qui joue avec les limites de notre lien, s’éloignant autant qu’elle le peut pour explorer. Curieuse. Je dépose mon sac à mes pieds, tandis que mes yeux se tournent vers le Løjtnant, pour devancer une question coutumière qui ne viendra ni de moi, ni – j’en suis sûre – de lui : « On va éviter les banalités d’usage, tu te fous autant de savoir comment je vais que je m’en fous aussi. » Ma réplique est inexacte, je le sais au moment où je la prononce. J’ai vu les éclats sauvages dans ses yeux, tout à l’heure. Et j’ai compris que s’il était mouillé, c’est probablement parce qu’il est venu ici avant. Le ça va aurait pu franchir mes lèvres, mais il ne le doit pas. L’état de cet emmerdeur ne me concerne pas. Je reprends, la voix un brin moqueuse : « Comment s’est passée la discussion avec ton père ? » Le premier sujet à régler. J’attends sa réponse en inclinant légèrement ma tête, pour offrir mon visage à la pluie. J’en oublie le maquillage et tout le reste. Je profite simplement de cette sensation et de cette averse qui me comble.
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@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


« Je l’adore. » Ça sonne comme un secret, ou alors une promesse d'une soirée qui devrait laver les tâches du reste de la journée. Les pupilles s'illuminent avant de transplaner pour rejoindre l'île choisie. Elle fait partie des premières découvertes pendant une mission simple mais sous couvert d'une grosse dose de secret. La signature d'un accord entre l'armée royale magique et un entrepreneur spécialisé dans la fabrication d'une artillerie magique de nouvelle génération. Le genre d'informations qu'on avait eu à grand coup de sceau magique de secret. Le genre qui demandaient aucune entorse au lourd protocole de sécurité mis en place à cette occasion. Même pas pour faire sortir un loup-garou de la zone de sécurité. Les négociations avaient été dures, le Kommandør en charge du dispositif était prêt à risquer la vie de son équipage en me faisant enfermer en fond de cale toute la nuit. Le pire, à l'époque jeune marinekonstabel, j'aurais accepté sans broncher tout en sachant très bien les blessures que j'en aurais tiré le lendemain matin. Le loup n'aime pas entre enfermé, même sous potion, la captivité me rend nerveux et j'ai cette fâcheuse tendance à me retourner contre moi-même dans ces rares occasions. Mais Holm, Løjtnant Holm à l'époque, avait réussi à obtenir une permission de me faire débarquer. Je n'ai jamais su comment, ni pourquoi il avait plaidé en ma faveur, mais il l'avait fait. Ensemble on avait repéré cette île, ni trop loin du champ des négociations, ni trop près pour éviter tout problème. Une île déserte, boisée et suffisamment large pour courir en long et en travers sans avoir la sensation d'être prisonnier, habitée par quelques rongeurs, et perdue au milieu d'un archipel d'une centaine d'îles de toutes tailles limitant les risques d'être repéré et capturé au cas où quelqu'un aurait eu vent de mon escapade nocturne et aurait souhaité mettre à profit mes maigres connaissances des éléments secret défense. Une paranoïa bien égarée, si on avait voulu connaître mon avis.

L'île n'a pas changé. Toujours inhabitée, austère à sa façon et pourtant si accueillante dans sa simplicité sauvage. Aucune plage hormis une minuscule grève de galets, des rochers pointus sur lesquels se fracassent les vagues, et l'odeur de la sève humide qui sublime tout. A peine nos pieds touchent le sol qu'Arsinoe se dégage de mes bras sans que je ne songe à la retenir. Je l'observe néanmoins avec intérêt, guettant ses premières réactions physiques. Elle hume l'air, semble se détendre légèrement, l'afflux sauvage irrigue ses traits et l'odeur de la louve perce à travers les bourrasques. Cette présence fait crépiter mes nerfs dans un joyeux enthousiasme qui parvient à repousser un peu plus loin la dureté de mes traits. Qu'importe Li-Zhu et ses attentes. Ce soir encore, je peux jouer, on est là pour ça, et personne ne viendra nous faire la morale à ce sujet.

La Kaptajn dépose un sac à ses pieds, captant momentanément mon attention vers celui-ci. Des provisions ? Une juste rétribution de ce que je lui avais un peu facilement et gracieusement offert la dernière fois ? Ou une tenue de rechange ? Moins évident, j'ai des doutes sur la coquetterie de la militaire en face de moi. « On va éviter les banalités d’usage, tu te fous autant de savoir comment je vais que je m’en fous aussi. » Un sourire surpris s'imprime sur mes traits, je ne m'attendais pas en effet à ce qu'elle me pose la moindre question sur mon état de santé actuel, pas plus que je ne comptais le faire. Ce qui me surprend en revanche c'est qu'elle juge bon de me le notifier. A moins qu'elle n'ait noté quelque chose sur moi ? L'idée me fait très légèrement plisser des paupières tandis que je fais un rapide rapport mental de mon physique : des traits que la nature rend enthousiastes, un regard que l'adrénaline d'un combat à venir rend peut-être un peu trop intense, ma posture trop habituelle du militaire au repos : jambes légèrement écartées et mains jointes dans le dos. Je lui concède la coiffure défaite par la pluie. Mais rien qui puisse justifier une inquiétude sur mon état, donc, remarque superflue. Malgré la déduction, logique, ça me chiffonne légèrement. Est-ce qu'il pourrait y avoir autre chose ? Le craquement sec d'un morceau de bois rompu agressivement me fait tourner la tête vivement vers Bølga qui me regarde, ses iris claires dardées sur moi avec une insistance piquante, la langue tirée qui tente vainement de cracher les morceaux de la branche qu'il vient de mâchouiller et qui restent collés dans sa gueule. Bien fait pour toi. Je ricane doucement, amusé par son comportement, chassant la conscience trop nette des raisons qui l'ont poussé à me détourner de la spirale de réflexion qui était en train de me happer. Foutu psychomage et ses questions de merde. « Comment s’est passée la discussion avec ton père ? » A croire que tout le monde s'est donné le mot aujourd'hui, pour me poser des questions de merde. Même si cette dernière était prévisible. Mes yeux à nouveau sur elle remarquent le maquillage auquel je n'avais pas prêté attention jusqu'alors. Les lignes de pluie auxquelles Arsinoe offre son visage avec une douce expression de bonheur, dessinent des stries dans le fond de teint qui coule dévoilant des couleurs d'un autre genre au coin des yeux. Je ne m'attarde pas sur cette vision inutilement, à quoi bon. La Kaptajn s'est battue avant de venir ? Ce n'est pas comme si elle n'en n'avait pas le droit, ou que j'en ai la moindre chose à faire. Une seule question flotte dans les raisons de ce simulacre de dissimulation : à mon intention ? Ou bien destiné à l'endroit et aux personnes avec qui elle était potentiellement avant de venir au rendez-vous ? Sans doute la deuxième option, la première ne faisait pas de sens dans ma tête. « Magnifique conversation. Il devrait prendre contact avec ton père prochainement pour mettre en pause les préparatifs de notre futur commun. J'ai pas parlé des potions, finalement. Il était assez réceptif à ton désamour de l'armée. » C'est tout ce que j'ai à en dire, rien de plus. A quoi bon parler du reste, de la déception dans ses yeux, l'agacement de sa voix, et les coups de ses mots. J'ai obtenu un délai, pour l'instant. Mais j'ai bien senti que maintenant que des démarches ont été faites quelque part, il me serra de moins en moins facile de ne pas me prendre cette pression de face.

Considérant la question close, j'entreprends de déboutonner ma veste trop habillée pour l'endroit. Le tissu délicat est déjà détrempé, risquant d'abîmer les fibres et ça me ferait chier. Je l'aime beaucoup cette veste, même si elle est plus adaptée à mes sorties dans les villes animées de Göteborg que les combat sauvage. Je l'accroche a une branche d'arbre derrière moi avant de la sécher d'un sortilège et de la protéger de la pluie d'un autre. Ma chemise risque de me gêner, et de ne pas survivre, son tissu est fin et soyeux. Mais j'aime trop quitter mes habits militaires les rares fois où je le peux pour avoir eu envie de revêtir ceux-là. Et, peut-être, qu'une infime part de moi, à choisi inconsciemment de se mettre quelques malus discrets. Sans avoir l'air, pour palier aux atouts du loup-garou. « Ceci-dit je peux me garder l'argument infidélité pour la prochaine fois qu'il revient à la charge trop explicitement. » Je lui tourne toujours le dos, face à ma veste, baguette rangée dans son étui tout en repliant lentement les manches de ma chemise sur mes avant-bras. Volontairement je laisse une légère pause entre cette insinuation sortie de nulle part, et mon explication. « Moi qui pensais que tu étais une femme d'honneur. Te battre avec d'autre, juste avant de revenir vers moi comme si de rien n'était, il y a de quoi se sentir trahi. » Ma tête se tourne vers elle, par-dessus mon épaule, un sourire joueur sur les lèvres, le regard aux vagues toujours sauvages c'est teinté d'espièglerie. « Est-ce qu'il faut que je te demande si « ça va » ? » Ce n'est que rhétorique, pour l'emmerder. Je suis sûre que la moindre allusion à ses bleus comme d'une potentielle condition pour reporter le combat serait capable d'allumer la mèche de sa fantastique rage. « On peut reporter au mois prochain si tu préfères. Malheureusement je n'aurais pas d'autre possibilité avant, on a été envoyé en mission de dernière minute pour trois semaines suite à notre manœuvre de l'autre jour. J'ai ramené du gin, pour après. Mais on peut se contenter de se lancer des défis de ricochet si ton état le nécessite, en crachant sur la susceptibilité des supérieurs. » Le ton est légèrement agacé sur la fin de ma phrase et liant le geste a mes paroles, je tire une bouteille réduite de la poche de ma veste qu'un nouveau sort rapide ramène à sa taille d'origine et que je viens déposer près du sac de la Kaptajn. Posant un regard perçant sur la Adelsköld, j'entreprends désormais de défaire l'élastique de mes cheveux pour refaire mon demi-chignon un peu plus proprement.



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Arsinoe Adelsköld
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« Magnifique conversation. Il devrait prendre contact avec ton père prochainement pour mettre en pause les préparatifs de notre futur commun. J'ai pas parlé des potions, finalement. Il était assez réceptif à ton désamour de l'armée. » Désamour. Le mot m’arrache un léger rictus et m’agace, alors que je reporte mon attention sur lui, ma tête reprenant une position normale. Le terme était peut-être nécessaire dans leur conversation, mais il est trop fort et est à des lieux de cette relation étrange que j’entretiens avec l’armée. Beaucoup de hargne et de dégoût, mais aussi une affection qui ne quittera probablement jamais mes veines. Je me concentre sur le reste de ses paroles : les préparatifs sont en pause et mon père sera contacté. La dispute entre moi et mon patriarche, qui aurait pu être imminente, s’éloigne. L’orage est temporairement écarté. Je devrais en éprouver du soulagement, et c’est probablement le cas, mais l’agacement que je ressens encore surpasse tout.

Je l’observe alors qu’il déboutonne sa veste, qu'il accroche à une branche, avant de lui lancer deux sorts, dos à moi. Attaché à ce morceau de vêtement, donc. Un léger sourire moqueur s'étire sur mes lèvres, tandis que j'examine le reste de sa tenue. Une chemise, qui semble plutôt fine. Pas l'idéal, pour combattre. Ceci dit, c'est une chemise, et toutes les chemises gagnent des points par leur simple existence.  « Ceci-dit je peux me garder l'argument infidélité pour la prochaine fois qu'il revient à la charge trop explicitement. » Je fronce un sourcil intrigué, en me demandant où il veut en venir avec cette histoire. Les arguments qu’il a dû employer contre moi auprès de son père ne sont déjà pas avantageux : mon orgueil peut y survivre, tant qu’il ne rajoute pas dix couches par-dessus.  Le dos de ses avant-bras est dénudé, les manches sont roulées. De mon côté, j'entreprends de déboutonner ma veste. « Moi qui pensais que tu étais une femme d'honneur. Te battre avec d'autre, juste avant de revenir vers moi comme si de rien n'était, il y a de quoi se sentir trahi. » Mon rire moqueur accompagne son sourire joueur, lancé par-dessus son épaule. Infidèle. Je vois mieux. Et je comprends une règle élémentaire : la pluie et le maquillage ne font pas bon ménage, c’était une idée de merde. « Est-ce qu'il faut que je te demande si « ça va » ? » La rhétorique pourrait et devrait m’amuser, la réplique est bien placée. Je réponds pourtant par un simple rictus. Mes traits redeviennent néanmoins neutre, alors que je songe à une autre interprétation possible de sa phras précédente : faisait-il allusion, non pas à mon apparence qui doit se révéler de plus en plus sous son véritable aspect, mais plutôt à mon combat contre ce connard de Flyverspecialist Isaksen ? Est-ce que les rumeurs se sont déjà rendus de l’autre côté…? Ce n'est pas rare que des soldats de l’une des armée côtoie ceux de l’autre : on combat côte à côte, à l’occasion. Et l’idée qu’il pourrait être au courant m’agace. L’idée qu’il pourrait croire que j’ai… Son avis n’importe pas, pourtant. Ce n’est qu’un Amundsen, un emmerdeur de plus.  Je m’en fous, s’il en vient à être informé de ces histoires. Et je m’en fous tout autant s’il les croit : il n’a sûrement pas besoin de ces rumeurs pour me mépriser. Un militaire de plus ou de moins qui crache sur la mémoire de mon ancien escadron et sur ma relation avec eux, qu’est-ce que ça peut bien me faire ?

Mes yeux se sont davantage animés, comme sous une poussée d’adrénaline. Mes traits se sont durcis, sans que j’en aie conscience. Sentant mon changement d’humeur, qui n’était de toute façon pas très stable, Røyk se rapproche lentement, abandonnant sa brève escapade. « On peut reporter au mois prochain si tu préfères. Malheureusement je n'aurais pas d'autre possibilité avant, on a été envoyé en mission de dernière minute pour trois semaines suite à notre manœuvre de l'autre jour. J'ai ramené du gin, pour après. Mais on peut se contenter de se lancer des défis de ricochet si ton état le nécessite, en crachant sur la susceptibilité des supérieurs. » Je perçois le léger agacement dans sa voix, à la fin de sa phrase. Je ne suis donc pas la seule à être d’humeur joyeuse. J’assemble les informations, tout en achevant de retirer ma veste, pendant qu’il dépose une bouteille proche de mon sac. « C’est pas sur les supérieurs que j’ai envie de cracher, aujourd’hui… » Réplique impulsive, prononcé d’un ton un peu trop amer. Je songe à sa phrase : des supérieurs susceptibles, mission de trois semaines après une manœuvre… Mon amusement est réel, lorsque je termine ma déduction, et un véritable sourire moqueur s’étire sur mes lèvres : « Alors c’était ça, ta fameuse manœuvre. La réaction de votre Kommandør a bien fait rigoler notre Oberst. Bien joué, j’suis certaine que le trois semaines de punition en valait le coup. » C’est l’Oberstløjtnan qui me l’a raconté, entre deux bières de fin de soirée. Foutue rumeur militaires. Je n’avais néanmoins pas fait le lien entre l’exploit du régiment, qui avait emmerdé – et humilié – leur Kommandør et la manœuvre dont Ying avait parlé. Maintenant, ça me semble logique. Et plutôt marrant. C’est donc ainsi, qu’il emmerde ceux au-dessus…? « La seule raison que je verrais pour reporter, ce serait si t’avais peur d’être trempé. » Ma voix est espiègle. La pluie coule sur ma peau, me ramenant des odeurs de forêt et d’humidité. La louve, intérieurement, hurle : elle aimerait sortir, explorer un peu, se défouler avant la lutte. Je dépose ma veste à proximité de mon sac, la séchant d’un sort, avant de la glisser dans mon sac avec les provisions. Pas que je me soucis vraiment de l’état dans lequel je la retrouverai, après. Elle ne vaut rien et je pourrais aisément la sécher, mais quitte à avoir un sac déjà ensorcellé et imperméable, autant l’utiliser.

Je me redresse, jetant un coup d’œil de biais au bras le plus atteint, celui sans tatouage à sa base. La pluie continue de se moquer de moi et de mes tentatives malhabiles de camouflage : l’eau dévoile les marques qui ont mal guéri et la cicatrisation encore incomplète. Je ne cherche jamais à cacher mes blessures. Mais je ne voulais pas, pour ce combat, donner l’impression de commencer avec un mallus, une faiblesse. Ni lui donner une raison de reporter le combat. Pour ce problème, c’est visiblement réglé. Je reprends : « J’suis très infidèle, y’a plusieurs hommes qui voulaient passer avant toi. » Le ton se veut moqueur, mais il est trop aigre. Je leur en veux. Ça transparaît dans chaque fibre de mon corps, dans mes muscles qui se sont bandés à leur simple évocation, dans ma machoîre qui s’est serrée et dans le grognement qui a presque franchi mes lèvres. Je n’éprouve aucune rancœur envers celui du second combat, qui m’a pourtant le plus amochée. Mais les autres… Les autres, j’ai encore envie de leur enfoncer le crâne contre un mur de briques. Je rajoute : « Mais je les ai renvoyés la queue entre les jambes en leur disant que mon cœur était déjà pris. » Simple moquerie, dans le même ton de provocation. Mes yeux se fixent sur le Løjtnant, éclats trop sauvages sur des traits qui ne sont pas neutres. Mon corps, en cet instant, me semble incroyablement de trop. Comme un intrus entre moi et le reste, entre moi et la liberté, entre moi et la possibilité de me calmer un peu plus, avant ce combat. J’hume le parfum de cette nature sauvage, qui m'appelle. Et je sens, au creux de mon ventre, ce besoin impérieux de fuir cette énième conversation trop humaine, pour simplement me dégourdir les pattes. Ou pour fuir tout ce bordel de pensées, de souvenirs et de colère refoulée. Parce qu’il n’y a que ça, de la colère. Rien d’autre. « Je vais faire un tour, en découverte. Pour qu’on soit égalité niveau connaissance du terrain. » J’aurais tout aussi pu dire que j’allais cueillir des fleurs, j’imagine qu’on sait tous les deux que ce sont des conneries. J’abandonne l’idée de résister. La tentation est trop forte, j’en ai trop besoin. Et l’Amundsen est un grand garçon, il saura s’occuper.

Je débute ma transformation sans attendre sa permission, me retournant pour jeter un œil à Røyk, qui a compris mon intention. Mon corps s’assouplit et se modifie, avec la facilité de l’habitude. Les muscles modifient leur position, la chair cède sa place à une épaisse fourrure blanche. Les pattes, puissantes, se posent sur le sol avec assurance. Ma gueule s’ouvre sur une rangée de dents pointues, que je rêverais de planter dans la peau d’un soldat en particulier. Les odeurs m’assaillent avec plus d’insistance que sous ma forme humaine ; je retiens le hurlement qui veut m’échapper, me contentant d’un grondement presque joyeux, alors que je m’élance. La lionne se superpose à mon rythme, esquivant les arbres, ses pattes s’enfonçant dans la terre humide à chacune de ses longues foulées.  Je laisse l’instinct me diriger et prendre toute la place, en laissant derrière moi, là-bas proche du militaire, toutes mes autres réflexions et soucis en suspens. J’ai besoin de cet instant. De cette liberté, de ce retour au source aussi nécessaire à mon existence que de respirer. Et je continue de courir, comme si je pouvais le faire éternellement.

Une dizaine de minutes se sont probablement écoulées, lorsque je reprends ma forme humaine, à environ cinq mètres du Løjtnant. Mes cheveux forment leurs habituelles boucles d’humidité, mes joues sont plus rouges, mes yeux ont encore cette lueur sauvage qui ne les quittera peut-être pas avant un moment. La pluie ruissèle sur mes bras et sur mes vêtements trempés. Je me sens moins énervée, plus calme et mon sourire est plus sincère. Je reprends comme s’il n’y avait eu aucune interruption.: « On a besoin de règles ou pas, outre celle de ne pas se buter ? Tu es à l’aise avec un combat mixte ? » Une mince provocation. Je n’ai aucun doute qu’il est à l’aise avec ce type de combat : l’inverse pour un militaire serait handicapant.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Ses traits fermés sont moins enclins à s'amuser que moi. Mes paroles ne font vibrer que des rictus peu joyeux sur ses lèvres pincées. Visiblement son humeur est aussi rayonnante que le ciel au-dessus de nous. « C’est pas sur les supérieurs que j’ai envie de cracher, aujourd’hui… » Je retiens le ricanement narquois qui aurait pu traverser mes lèvres à cette remarque. Je devine un peu mieux les raisons de son air chagriné, tout comme j'imagine facilement d'où viennent les marques qui marbrent son visage, et sur ses bras nus que la veste retirée dévoile. De belles cicatrices encore suintantes, mal refermées, encore chaude des sorts qui ont agressé la peau. Je ne fronce aucun sourcil, le regard glisse dessus comme la pluie qui ruisselle. Froide et insaisissable. A quoi bon s'arrêter sur des blessures faites par d'autres ? Pour bien des raisons, en réalité, mais je ne suis pas encore certain de la façon dont je vais aborder - ou non - le sujet avec elle. Je préfère rester neutre, pour l'instant. « Alors c’était ça, ta fameuse manœuvre. La réaction de votre Kommandør a bien fait rigoler notre Oberst. Bien joué, j’suis certaine que le trois semaines de punition en valait le coup. » Mes yeux sautent dans les siens avec une joie intense, juvénile et tendre. Alors elle en a entendu parler. Et visiblement en positif, au vu de sa réaction et de ce qu'elle en dit. Evidemment que je tire une satisfaction orgueilleuse d'apprendre que nos exploits ont dépassé les frontières de la marine pour se répandre jusque dans les autres corps de l'armée, et que l'humiliation et la réaction du Kommandør a fait marrer les autres gradés. Une double punition pour lui, un triple revers de médaille qui vient rajouter un peu plus de légèreté à la mission punitive récoltée derrière. Trois semaines valent entièrement tout le mal qu'on s'est donné, notre quatre minutes d'avance sur son record, et la moquerie des autres gradés de l'armée. Une pensée parasite pourrait venir ombrager le tableau, mais je la repousse sans même prendre le temps de m'y attarder au-delà de sa formulation : si l'armée de l'air en a entendu parler, l'armée de terre aussi, pourtant Li-Zhu n'a rien dit. Ce qui pourrait être l'expression même de sa déception non formulée sur mon comportement lié à cette affaire de mariage. Inutile de se pencher dessus pour le moment. « La seule raison que je verrais pour reporter, ce serait si t’avais peur d’être trempé. »   Je souris plus franchement encore, avant de relever mon visage vers le ciel, la langue légèrement tirée pour avaler quelques gouttes de pluie de la façon la plus mature qu'il soit. Vivre trempé est mon quotidien, si j'avais peur de quelques averses et de mouiller ma chemise, je ne me serai jamais engagé chez les marines. Aucune raison de reporter, donc. Je n'aurais même pas l'idée d'insister sérieusement sur la question avec elle. Notre combat avait été acté la semaine dernière, si son état physique la faisait douter, elle aurait pu le notifier quand j'ai envoyé mon hibou de ce matin. Elle est assez grande pour se connaître et placer ses limites. Je n'aurais pas de pitié à l'attaquer malgré ses blessures apparentes.

J'observe distraitement celles-ci et la façon de ses muscles réagissent aux gestes que la militaire fait en glissant sa veste dans son sac. Le moindre frémissement de peau ou de muscle qui témoignerait d'une sensibilité, la moindre raideur ou infime recule du membre blessé qui grince dans un étirement peu appréciable. Rien ne m'échappe malgré l'obscurité de la nuit sans lumière. Je note les informations, habitudes du militaire qui fait l'état des lieux de son adversaire sans omettre aucune possibilités. Je note les habits, les bottes militaires dures qui savent être leurs propres armes. En comparaison de mes légères chaussures de ville, cela lui donne un avantage que, je l'espère, elle saura mettre à son avantage. Lorsqu'elle se redresse, mes doigts terminent de lisser les mèches trop courtes pour rentrer dans le chignon à l'arrière du crâne, et mes yeux quittent sa silhouette pour chercher Bølga qui a disparu lui aussi à notre arrivée pour aller gambader un peu plus loin. Je sens son besoin de repos au calme, isolé, comme un poids qui pèse sur mes propres énergies chaotiques. Il tente, à sa façon, de recentrer mes forces éparpillées à l'intérieur de mes fibres en vue du combat à venir.  « J’suis très infidèle, y’a plusieurs hommes qui voulaient passer avant toi. » Il avait dit quoi l'autre hier soir ? Quatre de mes cousins sont allés lui casser la gueule. Un joli chiffre, quatre. Moins bien que six, mais qui fait quand même plusieurs. Est-ce que c'est eux dont elle parle ? Des civils, si je me souviens bien ce qu'avais raconté le militaire un peu bavard. Ils avaient probablement aucune chance, les cons. « Mais je les ai renvoyés la queue entre les jambes en leur disant que mon cœur était déjà pris. » Je ricane doucement sans relancer la conversation pour le moment. Je sens sa nervosité et son agacement sous-jacent derrière l'amertume et la moquerie qu'elle me sert. Il ne m'est pas tellement difficile de deviner que l'histoire l'agace, et il y a de quoi. Les rumeurs c'est tout de même quelque chose de fantastique. Il a suffit d'insuffler celle d'une potentielle relation entre la Kaptajn et moi pour me retrouver à récolter toutes sortes d'histoire sur son compte. Je suis certain que sans cela, j'aurais mis plus de temps à entendre parler de toute cette histoire. Mais le Isken n'avait pas su résister à l'envie de cracher allègrement sur deux familles des Douze en même temps. La Kaptajn de son frère, et un Løjtnant Amundsen. Du pain béni pour lui et sa bile enragée. C'est si facile à faire parler, un gars en colère certain d'être face à la pire injustice de l'histoire de la cour martiale. « Je vais faire un tour, en découverte. Pour qu’on soit égalité niveau connaissance du terrain. » Bien sûr. Pour qu'on soit à égalité. La raison est aussi bidon que grotesque, mais je la lui passe en hochant simplement la tête. Qu'elle réponde à l'instinct puissant de la louve ne me dérange pas, je m'attendais même à ce qu'elle le fasse, je l'espérais. J'aime quand les animagus laissent parler l'animal en eux et se laissent dominer par leurs instincts. Trop souvent j'ai cherché à provoquer celui de Sebastian. A lui voir pousser des moustaches, sortir ses griffes et ses canines de panthère. Un plaisir non coupable, sauvage et purement motivé par l'enthousiasme de voir cette nature animale s'exprimer chez les autres. C'est une partie de moi que j'ai toujours aimé ressentir, cet appel puissant de la bête qui contamine mes fibres pour les rendre différentes. J'aime tout autant la sentir chez les autres, sans tricherie, sans fourberie. Simplement parce que je trouve ça beau, la nature sauvage que ça créé chez l'homme. Magnifique et vibrant d'une intense liberté que les autres humains ne connaissent pas. Une façon unique de s'extirper de la pesanteur de notre condition. Relâcher les codes sociaux, pour plonger dans la force vibrante du monde, la tête la première.

Ma curiosité dresse un regard brillant sur Arsinoe qui se transforme rapidement, avec l'aisance de ceux qui savent depuis trop longtemps moduler la magie de leur corps. La louve blanche illumine la pénombre de sa clarté douce. Animal puissant aux odeurs puissantes qui fait immédiatement réagir le loup qui grogne doucement en réponse au son qui s'échappe de ses poumons avant qu'elle ne s'élance dans la forêt me laissant seul, sans regret. Je la suis du regard aussi loin que possible avant de me laisser sombrer dans le silence bruyant de cette nuit pluvieuse. Le sourire se fait moins large, mais persiste malgré tout. Peut-être que je pourrais lui proposer une sortie une nuit de pleine lune. Juste pour le plaisir de courir à ses côtés, et la découvrir autrement. Qui sait. Ca pourrait être chouette. Mais elle refuserait probablement. Comme Sebastian. Aucun de ces deux-là ne m'apprécient assez pour avoir envie de partager ce genre de moment avec moi. Une courbe plus acide vient tordre mes lèvres tandis que je renifle en essuyant mon front trempé d'un revers de main.

Assis contre un arbre, une cigarette allumée entre mes doigts, j'attends tranquillement le retour de la louve. Le calme de la tempête m'aide à retrouver un peu de stabilité interne pour mieux préparer le corps au combat à venir. « Tu comptes vraiment rien lui dire ? » La voix de Bølga me fait rouvrir les yeux qui s'étaient fermés pour mieux savourer les perceptions d'odeurs et de sensation qui m'environnent et parfaire ma préparation mentale militaire. Je considère le tigre trempé quelques secondes avant de relever la tête vers la cime des arbres et de répondre, d'une voix calme : « J'sais pas. Peut-être plus tard. Ou si elle s'énerve pas assez, pour la motiver. Je pourrais lui ressortir une des phrases qu'il a dite : alors il parait que tu combats en fourbe ?. J'suis sûr que c'est le genre de compliment qui la ferait partir au quart de tour. » Le tigre rigole doucement, convaincu lui aussi, avant de laisser le silence revenir s'installer entre nous. Mes pensées dérivent vers les souvenirs d'hier soir et la conversation presque irréelle, à laquelle on m'avait fait participer.

J'étais arrivé après les autres, occupé à peindre de délicates fleurs d'un mauve doux sur mes ongles, et à parfaire ma tenue des soirs de permission. La dernière avant longtemps, au vu de la mission de merde sur laquelle on va être envoyé prochainement. J'avais voulu en profiter, logiquement, pour mon simple propre plaisir de faire les choses correctement. Et seul Jens tambourinant sur la porte de mon appartement du centre ville avait réussi à m'empêcher de trop m'attarder. Il avait lancé un : « faut que tu te ramènes, maintenant. J'ai un surströmming pour toi. » suffisant pour attiser ma curiosité. Et il avait pas menti. Un bon gros surströmming comme on en avait pas eu depuis longtemps. Un poisson aux odeurs fortes, un mot de code entre nous pour parler d'une personne à la moralité douteuse, utile à cuisiner, pour récolter des informations juteuses. Et ça n'avait pas manqué. Après plusieurs minutes à faire la conversation avec un groupe composé de militaires de différentes factions, dont l'armée de l'air, un gars avait fini par me prendre à partie. Le fameux surströmming sur lequel Jens avait pris le temps de me briefer. « Y a bien qu'un Amundsen pour aller se taper une connasse dans son genre. C'est dans vos gênes de fricoter entre monstres sanguinaires ou c'est une condition dans vos contrats de mariage ? » Le souvenir de la question me fait ricaner doucement tout en tirant une bouffée sur ma cigarette. Il avait évidemment su capter mon attention, sous le regard surpris de Fridha et Torstenn, également présents et je ne peux que comprendre leur étonnement face à une telle connerie humaine. Soit le gars ne me connaissait pas, soit il était trop remonté contre Arsinoe pour prêter attention aux dangers ailleurs. Il s'est avéré que c'était un peu des deux, finalement. Ca ne se sait pas tant que ça, en dehors de mon régiment, mais j'ai une certaine aptitude à faire parler les connards. Une de mes compétences que ma gueule des beaux jours sans sublimer avec brio, comme hier soir. Mais je n'ai pas tant de mérite, tant ce Isaksen, était remonté contre la Kaptajn. Il avait suffit de quelques questions, agacées, un peu d'amertume et de mauvaise fois, et il s'était ouvert avec toute la verve dont il était capable pour me dépeindre à quel point ma dernière conquête était une personne abjecte. « T'es qui exactement pour cracher sur nos familles avec autant d'aplomb ?- Isaksen. - Tiens, ça me parle, y a pas eu une histoire avec un Isaksen dans l'armée de l'air ? - Mon frère. - Rétrogradé pour insubordination notoire et tentative de rébellion auprès d'un gradé. - Merci Fridha. Tu vois, Isaksen, j'ai l'impression que tu s'rais du genre à raconter de la merde pour justifier un acte déplorable de ta fratrie. J'avais usé de sourire doux, chargé de pitié, en apparence. Une fausse rigolade dans laquelle Torstenn, Fridha et Jens étaient entrés sans même se poser la moindre question. On se connait trop bien pour ne pas aimer jouer ensemble quand il s'agit de faire plier l'autre et ouvrir les vannes. Ca n'avait pas manqué, se sentant non pris au sérieux, le frère du flyverspecialist Isaksen avait répondu avec plus de véhémence, me détaillant l'intégralité des rumeurs sur la façon dont Arsinoe aurait écrasé tous ses compagnons du spøkelse pour s'en faire un escalier sanglant et atteindre les échelons les plus haut de l'armée de l'air. Allant jusqu'à rétrograder le seul qui avait osé porter aux yeux de tous, la vérité sur la nature dégueulasse de la Kaptajn. « Je sais moi, j'suis allé fouiller sa chambre. Eh ouais. J'ai trouvé son carnet, elle a tout inscrit, les noms de chacun de son foutu escadron. Les uns après les autres, par date de mort. Elle a fait une putain de liste de leurs noms après les avoir éliminés un par un. » Une démonstration qui ne m'avait pas prouvé grand chose, si ce n'est la stupidité de ce Isaksen, et de son frère, et de ses quatre cousins. Une histoire de gêne familiaux, sans aucun doute. « Etre associé à de telles pratiques pour gagner ses gallons, c'est valoir pas mieux qu'elle. » Il avait fini en beauté ses longues explications, il m'aurait probablement craché au visage s'il n'avait pas été retenu par un reste de respect pour mon grade militaire, et si Torstenn ne s'était pas levé d'un coup, de sa haute et imposante stature, le visage plus serré qu'un nœud de douze. « Nous compare pas à n'importe quoi, attention. - Calme-toi, Torstenn, je prends ces informations dont je n'avais pas connaissance très à cœur. Cela remet certaines choses en perspective, merci, Isaksen. » Il avait ricané, satisfait, d'avoir fait mouche. Je lui avais offert mon plus regard calme et posé, défait de tout sourire, avant de reprendre sereinement une gorgée de bière au son d'un : « Mais ne t'avise plus jamais de dénigrer mon nom où je pourrais être tenter de venir t'ajouter à ma propre liste des comptes. Celle-là, pas besoin de venir fouiller ma chambre en fourbe pour la trouver, elle est consultable facilement, même pour un sous-gradé de ton genre » qui avait fait danser des lueurs mauvaises dans ses iris sous les rires éclatants de Fridha et Jens.

Perdu dans mon souvenir, un rire moqueur sur les lèvres, je ne tourne pas la tête vers la louve que j'entends pourtant revenir au bout d'une dizaine de minutes. Ma cigarette finie depuis longtemps a disparue dans un sortilège rapide, et Bølga, les yeux fermés, semble s'être endormi. Je laisse les bribes de pensées s'étirer encore un peu, revivant le souvenir avec un agacement certain de m'être vu associé à un tel incident. Que ce soit vrai ou non, à dire vrai, ce n'est pas le plus important. Elle pourrait avoir l'âme d'une psychopathe qui tue ses coéquipiers pour la gloire, que ça me donnerait pas moins envie de continuer de jouer avec elle. Que ça vienne éclabousser mes propres légitimités dans l'armée, en revanche, c'est autre chose. Au regard de ce que le militaire m'avait fourni comme information, mon idée première est que le gars à l'origine des rumeurs et de la rancoeur envers le Kaptajn est du genre à faire ce qu'il lui reproche : écraser les autres pour mieux monter les échelons, et qu'il légitime ses propres envies et comportement en les reprochant aux autres, et en se rassurant, d'une certaine façon, de savoir qu'il serait pas le seul à fonctionner comme ça. Ma seconde pensée, c'est que c'est une histoire probablement plus complexe qu'elle n'en n'a l'air, et que la Adelsköld a peut-être des soucis avec l'armée, mais pas l'attitude de quelqu'un particulièrement carriériste qui serait prête à tout pour prendre du gallon. Ma troisième pensée vient avec la réaction qu'elle avait eu l'autre soir quand j'avais moi-même évoqué son escadron perdu, pas tellement raccord avec la réaction de quelqu'un qui s'amuse à éliminer la concurrence. Peut-être l'habitude d'avoir fréquenté pendant longtemps un psychopathe. Elle correspond pas tellement dans l'attitude. Son côté détaché qu'il lui reproche ? De mon point de vue, elle a pas l'air tellement détachée, je la dirai plutôt trop impliquée. Encore une fois, si je m'en réfère au dégoût que j'avais capté chez elle sur le champ de bataille. Je peux me tromper, je n'ai que des rumeurs et des éléments invérifiables la concernant. Il me reste à vérifier si en effet, elle se bat en fourbe, ou non. Au final, le plus important, c'est cette foutue éclaboussure sur ma propre carrière. Et qui justifie la facilité avec laquelle Li-Zhu avait accepté de mettre sur pause les démarches de fiançailles possibles. Lui aussi, avait eu vent de cette histoire.

« On a besoin de règles ou pas, outre celle de ne pas se buter ? Tu es à l’aise avec un combat mixte ? » D'un saut rapide je me redresse, observant les changements dans ses traits, plus détendus, mais toujours sauvages et vibrant d'une énergie palpitante. « J'aimerais éviter les fractures ouvertes, mais au pire, je ferai avec. Et pas de brûlures, j'aime pas l'odeur de la chair cramée, ça me reste dans les narines pendant longtemps après, c'est une galère à faire partir. » Ce ne sont que des détails sans importance, en réalité peu m'importe, les règles c'est bon pour les combats réglementaires. Pas pour deux loups qui veulent tester leurs forces. « Alors, maintenant que tu as fait le tour, tu en penses quoi de l'endroit ? A ta convenance ? Avoue que j'ai su trouver l'endroit idéal ! En plus il pleut. Un tel cadeau, ça vaudrait presque de rajouter une clause à notre marché. Avant de se lancer, tu réponds à une question simple sur un sujet qui te fera chier. L'avantage, c'est que tu gagneras en agressivité pour le combat. Et moi, je récolte une information intéressante sur la Kaptajn Adelsköld et sa passion pour les pratiques sportives à plusieurs. Si non, tant pis. » D'un geste rapide, je sors ma baguette pour la caler dans ma main gauche, dans un regard de défi trop enthousiaste. Les jambes légèrement pliées, le sourire éclatant, je n'attends que sa décision pour répondre à sa première attaque. « Si tu veux combattre en louve, te gênes pas non plus. » Précision probablement inutile, mais qui fait briller des lueurs d'envie parfaitement lisibles.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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Bjørn disait que la pluie était un heureux présage. Il l’appelait son tåkesol et quittait sa tente avec un immense sourire, dès qu’il entendait les gouttelettes tombées sur la toile. Quand les autres râlaient à cause des sorts à jeter pour imperméabiliser l’équipement, lui s’enthousiasmait. Il n’y avait pas meilleur que lui, pour se servir des nuages pour tromper l’ennemi. Il connaissait ses limites et il avait élaboré des tactiques spéciales qui impliquaient de profiter des averses :  elles auraient pu être améliorées et développées, s’il ne nous avait pas quitté le premier. C’est lui qui m’avait suggéré, à mes débuts, de profiter de la pluie et de son effet sur les odeurs et les traces pour m’éloigner un peu du campement, sans le dire à mes supérieurs. C’était désobéir, forcément, mais on était pas tous sages, en tant que recrues. Les punitions que je donne, j’y ai aussi goûtées. Et cette période de ma vie, où je m’échappais discrètement dans les zones boisées sous ma forme de louve, est belle. Bjørn me couvrait, quand c’était nécessaire. Il a déjà pissé en sifflant, proche d’un grand chêne, pour ne pas attirer l’attention de notre Løjtnant, et me signaler que j’avais intérêt à ramener mes fesses au plus vite. Ça n’avait pas marché : on m’avait vu rentrer, et j’ai hérité d’un mois de corvées. C’était une belle époque, tout de même.

J’y songe alors que je ramène une mèche mouillée derrière mon oreille, plus calme que dans les minutes précédentes. Ma peau et mon organisme sont si chauds que l’humidité de mes vêtements ne suffit pas à me refroidir. J’ai un léger sourire, trop doux, qui flotte sur mes lèvres. Je regarde l'homme qui se redresse, sans me questionner sur ce qu'il a fait pendant mon absence. Lancer des cailloux, peut-être. Mon nez se retrousse légèrement, alors que de nouvelles odeurs me parviennent. Cigarette. Pas des cailloux, donc . « J'aimerais éviter les fractures ouvertes, mais au pire, je ferai avec. Et pas de brûlures, j'aime pas l'odeur de la chair cramée, ça me reste dans les narines pendant longtemps après, c'est une galère à faire partir. » J’hoche la tête à sa dernière phrase, dans un signe clair d’assentiment. Je ne peux qu’être d’accord avec lui. Cette foutue odeur est tenace. Et mes jambes me font suffisamment chier sur ce point à cause du sortilège d’acide de l’autre ; je n’ai pas envie de jouer dans les mêmes zones. « Alors, maintenant que tu as fait le tour, tu en penses quoi de l'endroit ? A ta convenance ? Avoue que j'ai su trouver l'endroit idéal ! En plus il pleut. Un tel cadeau, ça vaudrait presque de rajouter une clause à notre marché. Avant de se lancer, tu réponds à une question simple sur un sujet qui te fera chier. L'avantage, c'est que tu gagneras en agressivité pour le combat. Et moi, je récolte une information intéressante sur la Kaptajn Adelsköld et sa passion pour les pratiques sportives à plusieurs. Si non, tant pis. »  Sa proposition me fait sourciller. Mon sourire disparaît, remplacé par des traits plus méfiants. Mon doute de tout à l’heure revient : quand il parle de pratiques sportives à plusieurs, fait-il référence à mon affirmation précédente sur les hommes, ou aurait-il plutôt entendu certaines choses…?

Je sens l’agacement revenir, alors que je glisse ma main contre l’étui de ma propre baguette, sans la sortir comme lui. Il est prêt, je pourrais simplement lancer le combat. Ne pas m’imposer une question qui, comme il dit, me fera chier. Mais ai-je déjà refuser une proposition qui a l’allure d’un défi, même si elle ne m’apporte rien ? Et son interrogation me permettrait probablement d’en savoir plus sur ce qu’il sait, ou ce qu’il ne sait pas. « Si tu veux combattre en louve, te gênes pas non plus. » Je le sens sincère. Les lueurs d'envie dans ses yeux sont nettement lisibles, m'arrachant un véritable sourire. J'aime bien quand je n'ai pas besoin de planquer cette nature lupine, quand elle ne m'est pas ramenée à la gueule comme un défaut, un signe d’iniquité.  « Tentant. » Je jette un coup d’œil à ma droite, en entendant une branche craquer : Røyk, avec autant de subtilité qu’un éléphanteau, se couche à proximité du sac. J’extirpe finalement ma baguette de l’étui à ma taille, sans la pointer immédiatement sur mon adversaire. « J’aime bien l’endroit. J’avais pas eu l’occasion de retourner en forêt depuis un trop long moment. »Pour des raisons diverses, dont le travail, principalement. Même si je ne dors pas sur la base, j’ai l’obligation de ne pas trop m’en éloigner, au cas où quelque chose survenait, et  d’être facilement rejoignable. J’aurais tout de même pu transplaner un soir, comme aujourd’hui, et me permettre une incartade : j’ai manqué de temps pour le faire. La planification d’une nouvelle tactique, pour déplacer les blessés tout en assurant leur sécurité en vol, m’a bouffé beaucoup d’heures. Ça et le fait que la brigade aériennes des soins d’urgence n’est pas seulement réservée au transport des militaires en situation de batailles. Elle est aussi convoquée dans des situations dangereuses ou des catastrophes. Les dernières semaines ont été bien remplies et mes quelques soirées de libres se sont terminées dans des bars, avec une chambre au-dessus, où je pouvais me laisser sombrer rapidement. Je me recule d’un pas, puis d’un second, m’appuyant contre l’écorce rugueuse et humide d’un arbre derrière moi :  «  J’aurais refusé y’a dix minutes, mais maintenant…Je t’en dois peut-être une, ouais. » Je n’ai aucun mal à l’admettre, et l’amusement qui brille dans mes iris est sincère. Cette joie enfantine, lorsque je parle de sujets que j’apprécie, typique de ces instants d’immaturité où je laisse ma posture de militaire derrière moi. Je suis incroyablement orgueilleuse, mais je paie toujours mes dettes. Et je sais aussi apprécier, à leur juste valeur, certains événements. Même si son intention n’était certainement pas de me faire plaisir en m’amenant ici, le lieu me plaît. Il n’apaise pas tout, mais il réconcilie mon corps avec son environnement; c’est apaisant, après toutes les emmerdes des derniers jours. Je ne le remercie pas à voix haute, mais le mot glisse dans mon regard, dans le court instant de silence que je laisse s’installer, tandis que je le fixe. Je reprends, d’un air plus entendu :  « Même si je vois mal en quoi mes activités sportives peuvent t’intéresser. Sauf s’il a déjà plus d’informations sur le sujet que ce qu’il devrait avoir. Je vois trop de raisons, mauvaises, qui devraient  me pousser à refuser. Mais il n’a pas tort : si ça m’énerve, ça me fera gagner en agressivité pour le combat. Je rajoute, plus intriguée qu’agacée :    « Tu veux savoir quoi ? » J’ai peut-être cet espoir un peu con, sur lequel je ne m’attarde pas, qu’il n’ait entendu rien. Ou qu’il n’ait rien cru, si c’est le cas. Espoir stupide. Je devrais totalement m’en foutre, de ce qu’il en penserait s’il savait quelque chose. J’en ai rien à faire, de l’avis d’Amundsen sur mes agissements.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


La pluie a détrempé ma chemise depuis longtemps. Le tissu délicat colle à la peau, voile frais sur l'épiderme chaud. J'aime cette sensation, elle ne me dérange pas. Elle me rappelle de trop nombreux souvenirs de tempêtes, luttant contre la force des éléments, à contenir les vents dans les voiles aux ventres tendus vers l'horizon. D'un geste anodin les doigts libres libèrent les pans prisonniers du pantalon pour donner plus de mouvement au tissu et empêcher mes épaules d'être retenues au cas où la Kaptajn choisirait l'action avant la vérité. « Tentant. » J'espère qu'elle se laissera tenter par sa nature sauvage. La louve ne pourra pas jeter de sort, mais je ne doute pas que ses griffes soient redoutables. De même que ses mâchoires. Et ses réflexes en seront décuplés. Que des avantages dans un combat au corps à corps. Le craquement d'une branche me fait tourner la tête vers la lionne qui s'allonge près du sac, me laissant supposer qu'elles ont choisi la question, pour l'instant. Ou qu'elles jouent très bien l'indifférence avant un combat. Peut-être bien qu'Arsinoe est plus fourbe dans ses attitudes que je ne le suppose. Est-ce que je devrais sérieusement considérer que toutes ces histoires soient vraies ? C'est presque amusant de la supposer plus sombre qu'elle ne le laisse entrevoir. « J’aime bien l’endroit. J’avais pas eu l’occasion de retourner en forêt depuis un trop long moment. » Une connerie, à mon sens, de se retenir d'aller en forêt trop longtemps. Un avantage indéniable de ma condition qui me garantie une sortie nocturne au moins une fois par mois dans un lieu en pleine nature. Dans la forêt avec la meute quand c'est possible, ou sur une île isolée. Même si ce n'est pas toujours le luxe d'une forêt verdoyante aux odeurs de sève humide enivrante, c'est toujours mieux que l'odeur enfermée des baraquements des bases militaires de Scandinavie. Tant pis pour elle. C'est presque une double peine de son côté, mais je n'ai aucun regret de profiter de son manque de nature à mon avantage. La Adelsköld avait qu'à mieux gérer son temps de loisirs et ses besoins animaliers. « J’aurais refusé y’a dix minutes, mais maintenant…Je t’en dois peut-être une, ouais. » A présent le dos appuyé contre un arbre, je la regarde avec un enthousiasme que la pluie ne cesse de rendre particulièrement sincère. Mes épaule se redressent légèrement, quittant la posture d'attaque que j'avais observé jusqu'alors pour étirer et échauffer les muscles de mes épaules dans quelques mouvements circulaires. Le froid humide de la chemise plaquée n'est pas suffisant à faire descendre la température des mes veines lupines, mais on ne sait jamais. Ce serait con de se froisser un muscle ce soir par manque de préparation. Et si ma course précédente avait chauffer les jambes, l'attente au calme, préparé l'esprit, je n'avais pas encore pris le temps d'étirer mon cou. L'attention néanmoins entièrement tournée vers la Kaptajn, je cape le regard qui remercie en silence une attention qu'elle ne formule pas. Ça m'amuse de la voir réagir ainsi. Est-ce qu'elle a trop de fierté pour reconnaître l'attrait du lieu et le fait que j'ai su viser juste en l'amenant ici ? Peut-être bien. Je peux le comprendre, je n'aurais pas plus été sur les remerciements ouverts si les rôles avaient été échangés. Incapable de me contenter d'un simple signe de tête, j'agrémente celui-ci d'un clin d'œil plein de joie. « Même si je vois mal en quoi mes activités sportives peuvent t’intéresser.  Tu veux savoir quoi ? » Beaucoup de choses, la curiosité me donne envie d'en savoir tellement plus sur le passé nébuleux et sombre de la tortueuse Kaptajn Adelsköld. Selon le portrait peu reluisant que le soldat Isaksen en avait fait hier soir. Tout en me déplaçant un peu en retrait de la zone où on avait atterri après le transplanage, dos à la forêt sombre, je laisse un infime silence s'installer comme si je cherchais la meilleure formulation possible, ou si j'hésitais sur la teneur de ma question. En réalité elle me trotte dans la tête depuis les fructueuses discussions faites hier soir. Une question simple, qui pourtant peu insinuer beaucoup de choses, sans révéler la profondeur des pensées qui sont les miennes sur la question de fond. Une infime partie de moi hésite, comme je l'avais dit à Bølga précédemment, je ne sais pas si le moment est totalement opportun. Comme elle le dit elle-même, il y a dix minutes de cela, j'étais plutôt déterminé à garder le silence sur mes connaissances d'une affaire où elle tient le rôle central. « Je ne comptais pas te poser de question sur tes pratiques sportives en collectif, il y a dix minutes. Mais tes odeurs de louve me montent à la tête, ça me donne envie d'en savoir plus dès maintenant. » Je joue sur le double registre, encore une fois, faussement sur la ligne du flirt, réellement sur mes ressentis. Les effluves animales me la rendent plus sympathique, plus abordable peut-être, et me donnent envie de creuser avec elle le sujet qui me chiffonne, plutôt que de creuser contre elle. « C'est quoi ton plan pour remettre ton flyverspecialist Isaksen à sa place ? Du moins, j'ose espérer que tu as un plan et que tu ne comptes pas juste le laisser te cracher dans le dos à tout va en espérant qu'il se fatigue. » Mes yeux dardent un regard pénétrant dans les siens, avant d'ajouter, prestement : « La deuxième n'est pas une question, plutôt l'expression affolée d'une crainte soudaine. Mais je ne doute pas que tu sois de celles qui se batte en frontal, et non en fuyant lâchement. » Le regard s'appuye un peu plus sous le sourire narquois qui étire mes lèvres tandis que la queue de Bølga a commencé à tâter délicatement le sol de l'île. « Quel que soit ton plan, si jamais tu en as un, j'aimerais te demander une faveur, que tu me laisses m'occuper du Isaksen deuxième du nom, le Konstabel Isaksen. Il a tenu certains propos sur ma condition de monstre sanguinaire, et j'aimerais avoir l'occasion de lui donner raison. » Un petit plan en réalité déjà mis en place, depuis hier soir. Ce que je lui réserve va au-delà de la simple démonstration de force. Non, avec lui j'ai choisi une autre approche, plus subtile, digne de sa propre connerie, et de celle de son frère. Une mutinerie par le bas, une aulofée comme on dit entre nous. Qui, quand elle est bien exécutée, peut permettre de récolter des informations, d'user de la naïveté d'une personne, tout en l'envoyant doucement saluer les poissons par le fond. En toute métaphore, il n'est pas question de s'abaisser à tuer littéralement un vulgaire soldat, mais bien à briser ses forces mentales et potentiellement, sa carrière militaire. En d'autre terme, s'en faire un allié en apparence, le faire se démarquer des autres, lui assurer une protection, et petit à petit, le couper de ceux qui auraient pu vouloir le soutenir. S'il y a bien une chose que l'on aime pas trop chez les recrues, ce sont ceux qui ont le droit à des traitements de faveurs entièrement arbitraire.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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Le silence s'installe pendant quelques secondes, infime. S'interroge-t-il sur la meilleure façon de formuler sa question ? J'en doute. Je ne le crois pas du genre à prendre des détours inutiles. « Je ne comptais pas te poser de question sur tes pratiques sportives en collectif, il y a dix minutes. Mais tes odeurs de louve me montent à la tête, ça me donne envie d'en savoir plus dès maintenant. »   Mon sourire amusé répond à son affirmation, faisant brièvement disparaître les ombres qui avaient obscurci mon regard. La même phrase m’aurait certainement agacée, s’il n’y avait pas eu cette discussion dans sa chambre, qui avait éclairci certaines choses. Je ne la vois pas autrement qu’un jeu maintenant, qui n’a rien de menaçant ou de trop contrariant, contrairement à ses répliques lors des soirées des Douze. « C'est quoi ton plan pour remettre ton flyverspecialist Isaksen à sa place ? Du moins, j'ose espérer que tu as un plan et que tu ne comptes pas juste le laisser te cracher dans le dos à tout va en espérant qu'il se fatigue. » Le sourire disparaît, assassiné en une seule réplique. Mes yeux ne se détachent pas des siens, mais se font nettement plus perçants. Ou meurtriers. Il sait. Ce qui implique plusieurs choses : soit ce foutu Isaksen a encore ouvert sa gueule, soit d’autres l’ont fait pour lui. D’autres de l’armée, probablement. Foutues familles. Et comment Amundsen a-t-il pu en entendre parler…? À quel point ? Même si les deux armées se retrouvent parfois, les rumeurs ne voyagent pas si vite, à moins de conversations à plusieurs, avec des types trop bavards. « La deuxième n'est pas une question, plutôt l'expression affolée d'une crainte soudaine. Mais je ne doute pas que tu sois de celles qui se batte en frontal, et non en fuyant lâchement. » Mes doigts se serrent contre ma baguette, que je fais tourner machinalement dans le creux de ma paume. Je ne tiens jamais en place bien longtemps, surtout quand un sujet m’agite. J’accorde peu d’intérêt à la première partie de sa phrase ; la seconde m’emmerde davantage. Est-ce une allusion aux rumeurs sur mon sujet, au sujet de mes soi-disant techniques de lâche ?

Mes lèvres s'étirent en un rictus provocateur devant son sourire narquois, alors que j'attends la suite, tout en sentant que les bienfaits de ma promenade sont déjà en train de s'évaporer. « Quel que soit ton plan, si jamais tu en as un, j'aimerais te demander une faveur, que tu me laisses m'occuper du Isaksen deuxième du nom, le Konstabel Isaksen. Il a tenu certains propos sur ma condition de monstre sanguinaire, et j'aimerais avoir l'occasion de lui donner raison. » Mes sourcils se soulèvent légèrement, tandis que je le dévisage en silence, l’air pensif. La baguette continue de tourner distraitement, tandis que ma poitrine se soulève sous le rythme d’une respiration plus rapide. Parce que le deuxième s’y est mis, lui aussi ? En prenant à partie le Løjtnant ? Dans quel but ? «  Si je devais déboiter l'épaule de tous ceux qui parlent dans mon dos... » Les responsables de soins sur la base m’ont demandé de faire gaffe à cet élément, pendant les entraînement. Soi-disant que ça arrive trop souvent, et que c’est plutôt chiant ensuite. Mon ton se veut moqueur, mais il suinte d’amertume et d’agacement. Je me suis toujours foutu des rumeurs et j’aimerais les relayer au seul endroit où elles ont leur place : dans la merde. Sauf qu’elles ont dépassé le cadre civil dans les derniers jours, ce qui est complètement inadmissible. Et chiant. Mes lèvres se tordent en un sourire cynique, alors que je reprends : « Quoique, ça changerait pas grand-chose. Pour plusieurs, j’suis déjà un monstre sanguinaire. J'pensais que l'humiliation du combat et sa rétrogradation pour insubordination lui aurait fermé la gueule un moment, visiblement non. » Inutile de le cacher, ce n’est pas une information secrète. Et clairement, même s’il me demande ce que je compte faire – pourquoi ? – Amundsen doit déjà savoir que le premier Isaksen a été puni. Cet idiot a quitté le terrain d’entraînement dans une position précaire, quasi traîné par deux autres militaires. Est-il parvenu à convaincre d’autres personnes ? Vais-je devoir me débarrasser d’autres bons soldats, simplement parce qu’un con a décidé qu’il me connaît mieux que moi ?

Mes colères ont toujours été faciles à allumer et faciles à éteindre. Ce sont des éruptions incontrôlables, qui bouillonnent toujours avec trop d'ampleur. J'étais parvenue à calmer mon agacement, apaisée par la nature qui m'environne et ma balade. Mais la rage et l'exaspération s'éveillent en flambées violentes, alors que je songe aux implications des paroles du militaire. Je sens mon coeur qui s'accélère, mes muscles qui se tendent, et tout mon corps qui réagit, comme avant un combat. Je sens l'amertume qui grimpe contre mes fibres nerveuses, je sens l'irritation qui me donne presque envie de grogner. Et cette colère, cette foutue colère qui ne demande qu'à s'accentuer à chaque nouvelle respiration, cette colère qui ne peut pas s'éteindre totalement, tant que je n'aurai pas éliminé chacune des braises qui la rallume constamment. La baguette chauffe contre mes doigts et j’arrête de la faire tournoyer, en la sentant trop réactive, presque prête à faire des étincelles. « Je verrai ce que je vais faire de lui, ça dépend de ce qu'il a encore dit. » Encore. Comme si ses dernières phrases n'étaient pas déjà suffisamment exécrables. « La kaptajn ne sait pas se battre dans les règles. Pourquoi croyez-vous qu'elle s'occupe de cette section ? On ne la veut plus sur de vrais champs de bataille, elle fait trop de carnage, parce qu'elle n'hésite pas à sacrifier un camarade ou une recrue, si ça lui permet d'atteindre son but. » Un laïus trop répété, propagande certainement efficace sur certains. Il m’avait confrontée directement, en plein entraînement, tout en sachant ce qui lui en coûterait. Convaincu d’avoir raison.  « Démentez-moi kaptajn. Racontez-leur comment le Sekondløjtnant Tomsen est mort, et prouvez-leur que vous n'y étiez pour rien. » Mes yeux n’ont pas quitté ceux de l’Amundsen, mais ils sont ailleurs. Racontez. Cette foutue demande, trop fréquente, formulée depuis que je suis revenue seule à la base par des tas de personnes que je ne connais pas, et à qui je ne dois rien. Prouvez. Mes preuves ont été faites à mes supérieurs ; je ne les dois pas à d’autres. Et l’habitude, la hargne, le mépris et la lassitude ont guidé mes mots la veille, lorsque j’ai répondu à celui qui remettait ma légitimité et mon autorité en cause : « La seule chose que je veux bien te prouver Isaksen, et seulement parce que tu mérites une bonne correction pour ramener plus de deux cellules dans ton cerveau, c'est que j'ai pas besoin de combattre en fourbe pour remporter mes victoires. Et quand j'aurai fini de te montrer quel est le bon ton pour s'adresser à un supérieur, après ton passage à l'infirmerie, tu iras dans le bâtiment juste à côté pour remettre ton insigne. Je te démets de tes fonctions dans la brigade aérienne, j’veux pas d’cons et de révoltés sous mon commandement. Pour le reste de ta punition, attends les ordres, je veux en discuter avec le Major. » J’ai vu dans son regard qu’il considérait ma réaction comme un aveu bien plus clair que si je l’avais ouvertement démenti. Et peut-être que cette assurance agaçante m’a poussée à cogner plus fort que ce que j’aurais dû, dans ce combat qu’il n’a pas refusé. Je ne supporte pas les accusations injustes. Je ne supporte pas l’insubordination quand elle est faite de façon aussi frontale– même si je ne suis pas un modèle. Je ne supporte pas les imbéciles.

Je ne supporte pas qu’on touche aux Spokelse, à leur mémoire, à mes souvenirs avec eux. Je ne tolère pas qu’on m’oblige à songer à leur mort, au rôle que j’ai parfois joué – ou pas assez joué. Et j’en ai marre, incroyablement marre, d’y être constamment ramenée malgré moi. Mon regard s’est fait plus amusé, moins pensif. Rien ne m’amuse, pourtant, dans cette situation. Mais je ne veux pas que le Løjtnant saisisse à quel point ça m’emmerde ; après tout, il pourrait très bien se joindre aux autres idiots, si son point de vue sur moi rejoint le-leur. Et ça aussi ça me ferait chier. Sans raison. « Alors son frère t'a aussi traité de monstre hein ? C'est un mot qu'ils aiment bien. Quelle famille de cons. Faut croire que y'en avait qu'un de bien, dans le lot. »  Les Isaksen ne sont qu’un nom parmi d’autres. Militaire, visiblement. Parmi les familles des Spokelse, certaines sont raisonnables et ont fait leur deuil sagement, sans m'emmerder. Mais les autres...Les autres ont besoin de pouvoir expliquer l'inexplicable. Ils ont besoin d'un coupable sur lequel décharger leur souffrance, quelqu'un de plus facile à punir que le hasard. Peut-être que prendre la parole et répondre à leurs questions, même les plus pénibles, auraient évité une telle dérive. Mais c'était et c'est encore mon droit, de ne pas le faire. Je ne dois rien à ces gens. Mes promesses, je ne les ai jamais faites à eux, et aucun Spokelse ne m'a fait passer le serment de céder aux interrogations incessantes de leurs proches. Je n'ai pas la charité d'anéantir mon propre mental et de fouiller mes souvenirs, simplement pour les satisfaire dans leur quête insatiable de réponses qui ne seront jamais assez complètes à leurs yeux aveuglés. Je poursuis, en revenant sur la question qu’il m’a posé sur le second Isaksen : « Fais-en ce que tu veux. Il n'est pas sous mon commandement de toute façon. Si c'était le cas, il en serait viré. Je n'ai aucune tolérance pour les mutineries. » J’ai certains points de vue sur l’armée et la hiérarchie, mais j’ai mes propres limites. Je m’engueulais parfois avec mes supérieurs, et j’ai hérité de pas mal de punitions, mais je respectais toujours leur grade. Le système, sinon, s’effondrerait. Ce ne serait pas une mauvaise chose en théorie, mais en pratique, ce serait le désordre sur un champ de bataille. Mon dos se détache du tronc, mon corps se redresse. Ma position est droite, instinctivement, alors que mes pieds s’ancrent dans le sol dans une posture plus proche de celle qui précède un combat. Mes lèvres se soulèvent en un sourire provocateur, presque espiègle, comme si j’enchaînais sur un sujet banal : « Tu crois ce qu'ils ont raconté ? Que si je suis la seule qui a survécu, c'est parce que j’en ai sacrifié plusieurs ? »  Qu’est-ce que ça changerait rien, s’il répondait par l’affirmative ? Rien. Amundsen n’est qu’un énième militaire sans importance, qui ne rentrera jamais dans ma vie. Un nom que je peux apprendre à tolérer, pas un ami, pas un camarade. Qu’il pense de moi tout ce qu’il veut : je m’en bats les couilles.
Ying Yue Amundsen
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@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Le sujet l'emmerde. Je le vois immédiatement à la façon qu'à son sourire de se figer avant de disparaitre dans un trait fin. Ses yeux restés braqués sur moi sont devenus plus menaçant et orageux, ça la fait chier d'en parler. Peut-être même que ça l'a fait chier de savoir que j'ai entendu parler de cette histoire. Je savoure l'effet produit par ma question tout en continuant sur ma lancée, maintenant que j'ai mis un pied dedans, il serait stupide de reculer. Et de toute façon, reculer, ce n'est pas tellement mon genre. J'ai plutôt tendance à avancer, encore et encore, jusqu'à dépasser les limites de l'autre côté.
Ses yeux me fixent toujours, sa baguette roule machinalement dans sa main témoignant de l'agitation qui tiraille ses nerfs. Sa respiration s'est accélérée, je l'entends à travers le doux chuintement régulier de la pluie et les vents marins qui vont grincer les branches autour de nous. Je profite du silence qu'elle observe pour inspirer une nouvelle gorgée d'odeurs, profondément, pour satisfaire la bête qui rôde en moi et l'abreuver des sensations que sa nature sauvage cherche avec avidité.  «  Si je devais déboiter l'épaule de tous ceux qui parlent dans mon dos... » Cela ne me surprend pas qu'ils puissent être si nombreux ceux qui parlent dans son dos. C'est la récompense de toutes personnes qui sort un temps soit peu de la norme. Personnellement, c'est un facteur qui ne me dérange pas, qui m'amuse souvent parce que les murmures souvent accompagnés de peur et de dégoût sont des racines qui peuvent me permettre de remonter vers quelques arbres à briser d'un coup de patte quand le besoin se fait sentir, ou que la caresse d'une branche s'est faite trop pressante sur mon passage. Elle, elle a son grade en porte drapeau pour susciter ce type de comportement. Et son incroyable réputation volcanique qui aime distribuer ses poings comme des rochers en fusion au moindre tremblement de terre. « Quoique, ça changerait pas grand-chose. Pour plusieurs, j’suis déjà un monstre sanguinaire. J'pensais que l'humiliation du combat et sa rétrogradation pour insubordination lui aurait fermé la gueule un moment, visiblement non. » Visiblement, cela n'a pas suffit à faire parler toute la famille derrière. L'emploi du même qualificatif que celui qu'Isaksen avait employé envers moi me fais sourire, est-ce que ce sont vraiment des mots que d'autres utilisent régulièrement ? Est-elle surnommée la Kaptajn sanguinaire dans les baraquements des escadrons de l'armée aérienne ? J'adore l'idée, et la note soigneusement dans un coin de ma tête, ça pourrait faire une chouette approche à lui murmurer au creux de l'oreille, une coupe de champagne à la main, lors d'une future soirée des Douze. « Je verrai ce que je vais faire de lui, ça dépend de ce qu'il a encore dit. » Encore, une vieille animosité. Animée par quoi au juste ? La simple colère de la savoir en vie quand les autres ne le sont pas ? Connerie. Dans l'armée il n'y a pas de règle, que des hasards de circonstances, des chances loupées, des chances concrétisées par ceux d'en face, des vents contraires, une fraction de seconde fatale, une mauvaise décision arbitraire prise sur la volée de l'instant. Se pencher à droite plutôt qu'à gauche et se prendre le sort en pleine tronche. Il y a les victoires communes, et les morts individuelles. Peut-être que l'escadron a tout simplement rencontré un autre mieux préparé sur le terrain du jour, et que ça s'est fini salement. Peut-être qu'elle était derrière le bon nuage à ce moment-là, ou qu'elle a su mieux prendre partie de la situation. Peut-être même, oui, qu'elle a utilisé les contextes de morts de ses coéquipiers pour s'en tirer et tenter de sauver les autres. Il n'y pas de bon choix dans ces moments-là, juste l'action des tripes et des réalités immédiates. Les morts, on les compte après, dans leurs poids de nos retours trop légers sans eux à nos côtés.

Je l'observe avec attention quand son regard se voile très légèrement, probablement aux prises avec des souvenirs de ce connard d'Isaksen qui avait tenté une mutinerie. Fridha m'avait expliqué, plus tard dans la soirée, ce dont elle avait connaissance. Une de ses amies de Durmstrang avait finalement changé de corps d'armée pour l'air et c'est le genre d'informations qu'elle aime bien récolter, pour ses propres registres personnels. Il n'y avait rien eu de secret dans la rétrogradation du militaire, une punition plus que légitime à mon humble avis, qui se voulait exemplaire, mais qui n'avait visiblement pas suffit. « Alors son frère t'a aussi traité de monstre hein ? C'est un mot qu'ils aiment bien. Quelle famille de cons. Faut croire que y'en avait qu'un de bien, dans le lot. » J'imagine sans mal que celui qui valait le coup fait partie de la liste des noms qui se trouve dans son journal intime. Dommage que ce soit celui-ci qui ait laissé sa peau derrière. Même si je ne peux pas mettre entièrement de côté l'idée que cette famille tenté simplement de réparer ses blessures en trouvant un coupable en la personne d'Arsinoe. Mais s'émouvoir de la douleur des autres n'est pas dans mes priorités, surtout pas quand ceux qui souffrent font passer leurs griefs dans des tentatives de mutinerie déplorables. « Fais-en ce que tu veux. Il n'est pas sous mon commandement de toute façon. Si c'était le cas, il en serait viré. Je n'ai aucune tolérance pour les mutineries. » Parfait, en tout point de vue. Sa vision des mutineries et sa détermination à me laisser m'occuper moi-même du frère Isaksen sont deux nouvelles qui viennent ajouter un peu plus d'enthousiasme à cette soirée qui sauve définitivement le reste de la journée. Ou du moins qui parvient à la rendre plus trouble et distendue derrière le voile de l'instant présent. Je n'ai aucun doute que les questions reviendront tournoyer dans ma tête une fois la solitude retrouvée. Ce foutu Borghese a remué trop de choses pour que je puisse passer par-dessus la vague si facilement. La Kaptajn se déloge de son arbre, posture droite et attentive qui me fait penser qu'elle se rapproche plus de la deuxième phase de notre rendez-vous au fond des bois. Immédiatement, ma propre position s'adapte, le poignet contenant la baguette tourne pour faire observer un cercle rapide à celle-ci. Mouvement préparatoire inutile mais agréable à faire. Lentement, mes pieds se déplacent, croisant les appuis tout en restant face à la militaire, prêt à répondre au premier signe d'attaque. « Tu crois ce qu'ils ont raconté ? Que si je suis la seule qui a survécu, c'est parce que j’en ai sacrifié plusieurs ? » La question me surprend autant qu'elle m'amuse. Je ricane doucement, dardant un regard plus moqueur sur son visage provocateur. « Est-ce que je rêve ou bien la Kaptajn s'intéresserait à mon avis sur les rumeurs la dépréciant ? » D'un revers de ma main libre je repousse une mèche de cheveux qui, alourdit par la pluie, s'est défaite de l'entrave de son élastique pour venir goutter sur mes cils. « Je ne pensais pas avoir autant d'importance dans ta vie Arsinoe. C'est fort appréciable. Je suis sûr que c'est la nourriture partagée la dernière fois. C'est le genre de choses qui resserre les liens. » Ma voix est clairement d'une joie enfantine et moqueuse. Loin de la lourdeur du sujet qui la préoccupe et qui moi, ne fait que me passer légèrement dessus, comme un son discordant venu d'une lointaine distance. Mes pieds continuent de se croiser, me faisant observer une lente et large courbe autour de la militaire, toujours aux aguets, malgré la conversation que je continue de mener avec plaisir. « Comme nous sommes devenus si proches amis, je vais te répondre sincèrement. J'ai pas pour habitude de croire les conneries de ceux qui pratiquent les mutineries pour palier à leurs manques de discernement. Sans chercher à t'offenser, t'as peut-être une réputation de monstre sanguinaire, mais t'as pas tellement l'attitude qui va avec. Ca te toucherait pas autant si c'était vrai. Je dis pas pour le Isaksen un poil trop insolent, j'te trouve même plutôt légère dans la punition. Mais ses cousins, en revanche, des civils qui plus est, auraient pas fini dans un aussi sale état si ça venait pas foutre des coups de couteau dans le fond ta culpabilité qu'on vienne te dire que t'as laisser mourir tes potes pour le plaisir des récompenses. Après j'dis pas que t'es toute blanche, contrairement à ta louve - très charmant par ailleurs, on est tous amené à prendre des décisions entre deux options dégueulasses sur un champ de bataille. J'm'en fou de savoir pourquoi t'es la seule à avoir survécu. Ce qui me fait chier, en revanche, c'est que d'autre utilises nos natures monstrueuses sanguinaires soit disant comparables pour mettre en doute le travail précis mis en œuvre de ma carrière. » Une flamme plus sauvage que le précédente enflamme mes yeux avant de disparaître. « Pour ce qui est de ta technique de lâche et de fourbe en combat, j'espère avoir une démonstration très prochainement de tes meilleurs coups en traitre. » Le rire roule à nouveau dans ma gorge, laissant clairement sous entendre que je ne crois pas tellement à cette hypothèse non plus, mais après tout, je pourrais être surpris. Qui sait ce que les militaires qui se cachent dans les nuages sont bien capable de penser de la discrétion et des techniques qui manquent d'honneur ? « Ce que je crois avec certitude, cependant, c'est que tu devrais mieux cacher ton journal intime, les poches de tes anciens vestons c'est une cachette déplorable. » Mes traits retrouvent des allures plus carnassières tandis que je fixe la Kaptajn pour attendre les effets de cette dernière révélation sur elle.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
« Est-ce que je rêve ou bien la Kaptajn s'intéresserait à mon avis sur les rumeurs la dépréciant ? » Mes yeux se soulèvent vers le ciel pluvieux, dans une fausse exaspération. Une courte seconde, avant que le vert se fasse plus moqueur, lorsque les iris se reposent sur le militaire. Je l’ai déjà établi dans ma tête : je me fous de son avis. Sauf que je lui ai demandé. Par habitude, pour entretenir cette conversation d’avant-bagarre, parce que j’ai peut-être été intriguée, très brièvement, par ce qu’il pouvait bien penser de cette situation. Pas que je m’en soucie. On se préoccupe de l’avis des proches, des potes : on se fout de l’avis de ceux qui ne comptent pas et qui ne compteront jamais. « Je ne pensais pas avoir autant d'importance dans ta vie Arsinoe. C'est fort appréciable. Je suis sûr que c'est la nourriture partagée la dernière fois. C'est le genre de choses qui resserre les liens. »   Sa voix est moqueuse et je me laisse porter par cette joie enfantine, dont j’ai besoin en cet instant. Un sourire espiègle s’étire sur mes lèvres, sincère. Je n’ai jamais été une adepte des attitudes dramatiques dans les campements et les champs de bataille : prendre un air grave, simplement parce que c’est de circonstance. J’ai toujours fait des blagues dans les moments les moins appropriés, je ne me suis jamais retenue de rire, même quand j’aurais dû pleurer. La légèreté est une toison d’or, une armure solide face aux fantômes et aux morts.

Je l’observe tracer une large et lente courbe autour de moi, entrecroisant les pieds. Je ne bronche pas, appréciant simplement son attitude annonciatrice du combat à venir. « Comme nous sommes devenus si proches amis, je vais te répondre sincèrement. J'ai pas pour habitude de croire les conneries de ceux qui pratiquent les mutineries pour palier à leurs manques de discernement. Sans chercher à t'offenser, t'as peut-être une réputation de monstre sanguinaire, mais t'as pas tellement l'attitude qui va avec. Ca te toucherait pas autant si c'était vrai. Je dis pas pour le Isaksen un poil trop insolent, j'te trouve même plutôt légère dans la punition. Mais ses cousins, en revanche, des civils qui plus est, auraient pas fini dans un aussi sale état si ça venait pas foutre des coups de couteau dans le fond ta culpabilité qu'on vienne te dire que t'as laisser mourir tes potes pour le plaisir des récompenses. Après j'dis pas que t'es toute blanche, contrairement à ta louve - très charmant par ailleurs, on est tous amené à prendre des décisions entre deux options dégueulasses sur un champ de bataille. J'm'en fou de savoir pourquoi t'es la seule à avoir survécu. Ce qui me fait chier, en revanche, c'est que d'autre utilises nos natures monstrueuses sanguinaires soit disant comparables pour mettre en doute le travail précis mis en œuvre de ma carrière. » On m’a toujours dit que mes yeux sont trop expressifs. Contrôle mieux tes émotions et tes expressions, Arsinoe. Je n’ai jamais voulu le faire. J’assume totalement mon côté explosif, mes traits qui en dévoilent trop. Ce qui importe, ce n’est pas ce que murmurent mes yeux, mais plutôt ce que hurlent mes poings. Et ces billes claires ont été excessivement bavardes, pendant le laïus du Løjtnant : reflets d’agacement quand il a insinué que la situation me touchait et qu’il a parlé de ma culpabilité, reflets d’approbation quand il a parlé des décisions à prendre, entre deux options dégueulasses. Je ne suis pas certaine d’apprécier le fait que nous soyons d’un avis plutôt similaire, sur certains aspects de la vie militaire. Sa façon de penser, en général, me plaît. Et ça m'agace. Je note la flamme plus sauvage qui s’allume dans son regard à la mention de sa carrière, et l’insistance mise sur ce mot. Ça se comprend, que ça l’emmerde. Nos réputations suffisamment difficiles à bâtir, sans devoir en plus se coltiner des associations hasardeuses. « Pour ce qui est de ta technique de lâche et de fourbe en combat, j'espère avoir une démonstration très prochainement de tes meilleurs coups en traitre. » Son rire résonne de nouveau, auquel je réponds par un sourire moqueur. Est-ce que ça me rassure, qu’il ne semble pas croire toutes les conneries colportées à mon sujet ? Oui, mais ça ne devrait pas me rassurer, parce que ce serait lui accorder de l’estime. « Ce que je crois avec certitude, cependant, c'est que tu devrais mieux cacher ton journal intime, les poches de tes anciens vestons c'est une cachette déplorable. » Mon sourire se fige, passant de moqueur à glacial. Mes yeux ne se détachent pas du Løjtnant, mais ils se font beaucoup plus violents. Mon poing s’est serré si étroitement contre ma baguette que les ongles ont pénétré dans ma chair, sans m’arracher le moindre frisson de douleur. Mon journal…? Mes lèvres se tordent en un rictus qui ressemble presque au sourire carnasier d’un loup, alors que je rétorque : « Le carnet est au seul endroit où il doit être : dans un uniforme qui ne sert plus. » Et il n’aurait jamais dû être extirpé de cet endroit. Je ne doute pas, pas même une seule seconde, qu’Amundsen n’est pas celui qui l’a pris. Le coupable, forcément, doit être un des deux Isaksen. En a-t-il dévoilé le contenu à tout le monde…? Ce ne serait pas dramatique. Les pages les plus cruciales, celles qui appartiennent à une époque insensée, ont été déchirées et brûlées. Le principe d’un tel vol, même si probablement remis en place, m’emmerde néanmoins prodigieusement. Je préfère les attaques directes, les coups auxquels je peux répondre avec la même violence. User d’un tel moyen, pénétrer dans une pièce qui m’est réservée, est exécrable.

Je n’approfondis pas immédiatement le sujet. J’ai besoin d’assimiler l’information, de la traiter en vitesse, de gérer les sentiments agressifs qu’elle m’inspire. Le commentaire de l’Amundsen n’est pas anodin : il est probablement poussé par la curiosité de me voir réagir, pas par le désir de me faire connaître le crime d’un autre militaire. Je reprends, le ton plus espiègle :   « La nourriture crée des liens éternels. Imagine si on allait en plus courir ensemble, on serait si proches ensuite que j'en viendrais peut-être à te demander ton avis. » Je sais, au moment où je prononce ces mots, que je camoufle derrière l’ironie une demie-vérité ou un désir à moitié avoué. Courir avec un loup-garou… L’expérience doit être intéressante et enthousiasmante. Un mélange d’adrénaline, de liberté et de cet appel commun de la nature. Mais est-ce que je le proposerais réellement au Løjtnant ? Non, j’ai trop d’orgueil et je n’ai besoin de personne. Il se paierait probablement ma gueule et refuserait l’invitation qui, de toute façon, sonnerait beaucoup trop amicale. Mes doigts relâchent légèrement leur pression, mes ongles quittant ma peau, après y avoir laissé des marques en demi-lune. Je poursuis : « Je pourrais intervenir, pour ce qui est des rumeurs qui touchent à ta carrière. » Comme lui, j’insiste sur le déterminant possessif. « Mais pas sûre que ça jouerait tant en ta faveur. Et j'te crois capable de te démerder seul. Te proposer sérieusement de faire quelque chose pour protéger ton cul serait une insulte à tes compétences, que je ne te ferai pas. » Cette fois, je suis sincère. Et je suis quasi certaine qu’il ne voudrait pas non plus que j’intervienne. La situation l’a peut-être fait chier, mais je ne crois pas qu’il a énoncé ce mécontentement pour obtenir quoi que ce soit de moi à ce niveau. Il perdrait probablement un peu de mon respect, si c’était le cas.

La pluie continue de rouler sur ma peau. Elle n’apaise pas sa chaleur, elle n’apaise pas la douce colère qui gronde dans mes veines et qui n’a fait que s’exacerber, de minute en minute. Sur mes bras, les cicatrices me narguent. Elles me rappellent cette soirée de merde passée à l’auberge, les coups pris à la tête et leurs conséquences, auxquelles je refuse de penser, dans un déni tout autant parfait qu’à l’accoutumée. La vengeance que je tiens n’est pas satisfaisante et ma voix est neutre lorsque je rajoute :   « Je ne te demanderai pas de quel Isaksen tu tiens cette information sur le carnet. À moins qu'il ne soit aller à l'hôpital après avoir remarqué son erreur, il doit être à l’infirmerie de la base à l'heure qu'il est, en train de couiner comme un môme. Il paraît que les enchantements qui provoquent la nécrose de la peau sont particulièrement douloureux.» Il ne m’aurait sûrement pas donné cette information gratuitement, de toute façon. Mes traits sont détachés, comme si je parlais d’aller prendre un verre après. Insensible à la douleur que le traître peut éprouver, sans regrets pour ce qu’il a provoqué lui-même. Je calcule en vitesse selon les données obtenues : la date de la rébellion d’Isaksen, et celle de la permission du Løjtnant. Le sortilège de protection sur le carnet n’est pas fait pour s’activer immédiatement : il laisse un faux sentiment de victoire aux coupables, pour le confondre sur les sources de leur mal. Si mes calculs sont exacts, sans aucun doute, ce connard est bien à l’infirmerie ce soir. J’espère que le responsable des soins l’aura laissé chialer un peu, avant de commencer à lui administrer un traitement. On utilisait pas mal cet enchantement, moi et les spøkelses, à l’époque. C’est l’un de nos supérieurs qui l’avait élaboré, après le vol d’un schéma de vol. Indétectable, lorsqu’on ne se méfie pas, il est doublement pratique : il marquait clairement les traîtres et il nous vengeait, dans les cas où le scélérat prenait la fuite avant d’être retrouvé. Je continue, un rictus sans joie s’étirant sur mes lèvres : « J’espère pour toi que ce n’est pas le frère dont tu voulais te venger, parce qu’il vient de signer l’arrêt de sa carrière. Fouiller les appartements d'un Kaptajn et lire ses notes est un crime militaire, qui devra être jugé en cour martiale. » Je n’aime pas retirer ma parole. Je lui ai dit qu’il pourrait en faire ce qu’il voulait, et j’espère sincèrement que le frère dont il veut se venger n’est pas le même que du carnet, même si cette option est la plus probable.

Je fais rouler mes épaules restées trop longtemps inactives, étirant les bras vers l’arrière, en retenant la grimace qui s’échappe presque sur mes lèvres, alors qu’un éclair de douleur s’éveille dans ma chair. Mes incisives se plantent dans ma joue, alors que je ramène mes bras vers l’avant. Je pose le bout de ma baguette sur chacune de mes jointures, tour à tour. Le sortilège informulé vient durcir leur surface, à la façon d’un poing américain, qui aurait été fondu à même les os. Un sourire joueur vient illuminer mes traits, alors que je reporte mon attention sur le militaire, me plaçant cette fois définitivement en position de combat : « Je te laisse commencer. Et à titre informatif…Je suis effectivement fourbe, en combat, si être fourbe signifie prendre tous les moyens à notre disposition. Un sens de l’honneur trop strict crée des cadavres, pas des survivants. » Trop strict, pas inexistant. Je crois en l’honneur, mais je ne le crois pas applicable à toutes les situations. Il faut savoir se détacher parfois des normes et des règles mentales, imposées par des codes rigoureux qui se foutent des réalités sanglantes. S’en tenir à ces règles et à l’honneur, quand celui d’en face tient une baguette sous ta gorge, c’est signe son arrêt de mort pour des absurdités qui ne nous conduiront pas au Valhalla. Fourbe, oui, je le suis peut-être, quand le contexte l’exige. Mais lâche ? J’ai toujours repoussé de toutes mes forces ce qualificatif, peut-être parce que j’ai toujours su à quel point il peut bien s’appliquer à certains de mes gestes, dans une époque que je veux oublier.
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