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Batten down the hatches • Arsinoe
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Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


L'effet est immédiat, et forcément savoureux. Son sourire se fige, ses muscles du bras nus qui tient la baguette se contractent plus durement et j'imagine que ses ongles ont dû trouver la chair de la paume. Peut-être même que ses griffes se sont déjà allongées ? La petite victoire est mienne et rafraîchit un peu plus l'humeur joviale qui camoufle les autres que j'ai relégué de côté pour le moment. « Le carnet est au seul endroit où il doit être : dans un uniforme qui ne sert plus. » J'avais demandé au gars, si c'était un veston de son ancien escadron, justement. Il avait eu l'audace d'en avoir aucune idée et avait eu la bêtise de ne même pas avoir la curiosité de vérifier cette information qui aurait pourtant été comme la cerise sur un gâteau. Je peux aisément penser que oui, qu'il doit s'agir d'une veste à laquelle elle tient suffisamment pour la garder dans sa penderie. Le genre d'objet matériel qui ont pris de la valeur que pour son propriétaire. Le genre de chose qui ne m'intéresse pas, qui ne me parlent pas. Les objets n'ont pas de valeur. Pas de souvenirs accrochés, ni de sentiments attachés. Ceux que je garde, comme les pinceaux de maman, ne sont que des outils pratiques. Leur balance est exemplaire pour dessiner des traits délicats sur mes ongles. Ils tiennent bien entre mes doigts, ni trop épais ni trop fins, et je les connais si bien qu'ils sont toujours les plus faciles à utiliser pour les dessins les plus délicats. Rien que de la praticité. La Kaptajn, en revanche, je la soupçonne fortement de faire dans le sentimental et de tomber dans ce genre de travers matérialiste. Oui, je pense qu'il doit s'agir d'un vieux veston qu'elle devait porter au moment de son Spokelse.  « La nourriture crée des liens éternels. Imagine si on allait en plus courir ensemble, on serait si proches ensuite que j'en viendrais peut-être à te demander ton avis. » Courir ensemble ? Une idée fantastique, bien évidemment, qui fait monter une envie mêlée de joie dans mon regard. Je n'aurais pas songé à le lui proposer aussi frontalement, mais après tout, si l'idée vient d'elle, c'est que la Adelsköld pourrait être réellement intéressée par l'idée, non ? J'aime passer la pleine lune avec d'autres loups et d'autres animaux, ce n'a jamais été un secret. Cela a même parfois été un point de discorde avec Li-Zhu, et il en a fait tout à l'heure un point de rappel pour souligner mes obligations envers la meute. Si jamais la proposition d'Arsinoe devait se concrétiser, il serait peut-être sage de ne pas en parler immédiatement à Père, il pourrait le voir comme un autre signe clair du choix qu'il supposé être le mien. Il pourrait avoir l'idée de remettre en branle les démarches auprès des Adelsköld. Très mauvaise idée.  « Je pourrais intervenir, pour ce qui est des rumeurs qui touchent à ta carrière. Mais pas sûre que ça jouerait tant en ta faveur. Et j'te crois capable de te démerder seul. Te proposer sérieusement de faire quelque chose pour protéger ton cul serait une insulte à tes compétences, que je ne te ferai pas. » Tant de marques d'estime envers moi commencent sérieusement à me faire penser que la Kaptajn est moins insensible à mon incroyable charisme que ce qu'elle laissait sous-entendre durant toutes ces longues et ennuyeuses soirées des Douze. Ça m'amuse beaucoup de l'entendre exprimer un souhait de ménager ma propre sensibilité. Surtout qu'elle n'a pas tort, ça me ferait effectivement chier qu'elle se permette de « prendre ma défense » auprès des autres. Je n'en n'ai certainement pas besoin, ce serait risible de sa part et les autres n'hésiteraient pas à se moquer d'elle, et de moi aussi. Ce ne serait rien d'irrémédiable, mais j'ai autre chose à faire de mes journées que remettre des cons à leurs places. « Je ne te demanderai pas de quel Isaksen tu tiens cette information sur le carnet. À moins qu'il ne soit allé à l'hôpital après avoir remarqué son erreur, il doit être à l’infirmerie de la base à l'heure qu'il est, en train de couiner comme un môme. Il paraît que les enchantements qui provoquent la nécrose de la peau sont particulièrement douloureux. » Je lève un sourcil, avant de me redresser légèrement tout en arrêtant ma lente courbe autour d'elle, dans une moue de déception. Ainsi elle avait piégé son carnet. Un effet à retardement sans doute, parce que le Isaksen s'était fendu d'un laïus sur la simplicité avec laquelle il avait mis la main sur ce qu'il considérait comme un élément important et compromettant. Pour moi, ça avait été juste l'indice de l'inutilité de ce carnet et de ce qu'il contient. Mais mon système de pensée avait eu du mal à suivre les raisonnements que le gars jugeait, lui, logiques, hier soir. Je ne suis pas déçu de savoir que le militaire a été puni autrement de sa stupidité, je suis déçu de potentiellement voir ma propre vengeance me passer sous le nez. « J’espère pour toi que ce n’est pas le frère dont tu voulais te venger, parce qu’il vient de signer l’arrêt de sa carrière. Fouiller les appartements d'un Kaptajn et lire ses notes est un crime militaire, qui devra être jugé en cour martiale. » La moue s'accentue à la mention de la cour martiale dans un froncement de nez déçu, mais néanmoins amusé. Je l'observe rouler des épaules et grimacer de douleur, laissant une nouvelle fois mes yeux couler le long de ses blessures récentes. Lorsqu'elle pointe sa baguette sur ses poings, je devine l'effet du sortilège sans en être tout à fait certain. Un geste compréhensible, qui ne fait qu'ajouter un peu de saveur d'adrénaline dans mes veines. J'aime quand mon adversaire est ingénieux et utilise toutes les ressources à sa disposition pour tenter de s'assurer une victoire, et gommer le désavantage physique qui existe génétiquement entre nous. Lentement, je reprends mes pas croisés, reprenant ma propre préparation au combat.  « Je te laisse commencer. Et à titre informatif…Je suis effectivement fourbe, en combat, si être fourbe signifie prendre tous les moyens à notre disposition. Un sens de l’honneur trop strict crée des cadavres, pas des survivants. » Mon rire file, rieur et narquois à la fois avant de mourir dans un grognement joyeusement enthousiaste quand le premier sort file vers elle. Ligne droite, souple, silencieuse et presque invisible qui vient glisser juste entre ses côtes dans une probable infime sensation d'éraflure. Un coup de poignet, lancé avec une précision tranchante, qui n'a l'air de rien. En apparence. Je ne sais pas si elle a connaissance de nos tactiques de marines, la plupart sont bien gardées, dans ses soucis évidents d'efficacité et de secret défense, mais je ne peux exclure qu'elle ait eu vent de quelques-uns de nos meilleurs coups. « Profiter de ses avantages et savoir s'en donner, n'est pas la description de la fourberie Kaptajn. Ensorceler ses affaires avec des sorts à retardement, l'est déjà plus. Les Isaksen risquent d'être définitivement convaincus de ta culpabilité. » Mon ton s'est fait plus calme suivant le rythme cardiaque imposé par le contrôle qui s'est déployé comme un réseau de fil tendu et ingénieusement placé. Enchaînant les gestes et mes paroles pour ne pas lui laisser trop le temps de réagir - ce que je ne doute pas qu'elle finira par faire - je tire d'un geste sec sur ma baguette, toujours relevée, et attachée au sort invisible. L'action est immédiate, un sourire entendu coule sur mes lèvres quand je sens la résistance se faire de l'autre côté de l'hameçon magique qui ripe contre la côte d'en face. Un sort basique, qui s'ancre dans la chair sans en avoir l'air, et qui peut causer de gros dégâts quand celui d'en face résiste trop à l'impulsion donnée. En l'occurrence ici, je force la ligne pour lui proposer en toute amicalité, de se rapprocher de moi, tout en reprenant la parole : « Dommage pour la cour martiale. Je comptais vraiment m'amuser avec lui. Peut-être que tu pourrais lui proposer un autre type de punition pour t'éviter une nouvelle vendetta Isaksen sur le dos. Si tu me laisses faire, il pourrait même t'être utile pour régler ton problème de réputation auprès de tes soldats. » C'est une véritable proposition, qu'elle ne prendra probablement pas. Si elle est capable de reconnaître mes qualités, je ne la juge pas encore capable d'accepter de passer des marchés sur des sujets aussi importants avec moi. D’un deuxième coup plus sec je ire plus fortement sur la ligne. La pression se fait plus dure et doit être plus douloureuse en face. Simultanément je bondis vers l’avant, avalant la distance qui nous séparait d’un mouvement rapide et assuré. La ligne devenue lâche retrouve rapidement sa tension initiale quand le sort se rétracte suivant les injonctions mentales que j’impose à la magie qui s’en échappe. Le poignet impose une nouvelle secousse à l’hameçon magique tandis que je lance au premier coup de pied rotatif qui veut frapper à hauteur de torse mais qui n’a d’autre but que d’être esquiver par Arsinoe, au risque de la faire tirer sur la ligne à laquelle elle est toujours accrochée. Un enchaînement qui a été rapide, précis et témoin d’une habitude trop souvent exécutée. Ce n’est qu’une première entrée en matière, une page de garde qui n’est même pas encore le prologue du combat qui se profile. Profitant de notre nouvelle proximité, je glisse dans un dernier souffle calme : « Je ne dis jamais non à une course sous la lune avec d'autres personnes capables de me suivre. » Je conclue par un clin d’œil moqueur tout en rompant d’un nouveau geste sec le sortilège qui se détache de sa côte comme on retire une écharde d’un doigt.


I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
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Un rire narquois puis un grognement enthousiaste, avant que le premier coup de poignet ne soit donné. Geste rapide, suivi infime, suivi d'une sensation d'éraflure au niveau des côtes, que j'attribue à une coïncidence. Si le militaire avait réellement lancé un sort, je doute que ça aurait été aussi doux. Il a donc dû s'étirer simplement le poignet ou alors, il s'est planté. Je ne crois pas en la seconde option, la première m'apparaît donc plus probable. « Profiter de ses avantages et savoir s'en donner, n'est pas la description de la fourberie Kaptajn. Ensorceler ses affaires avec des sorts à retardement, l'est déjà plus. Les Isaksen risquent d'être définitivement convaincus de ta culpabilité. » Je dirais plutôt que c’est de la stratégie, mais chacun ses définitions. Quant au fait que les Isaksen risquent d’être totalement convaincus de ma culpabilité, je m’en balance. Ils n’ont pas besoin de la moindre preuve pour conserver leurs certitudes.

Je ne comprends qu’à cet instant que le militaire ne s’est pas étiré le poignet, précédemment. Il tire d'un geste sec sur sa baguette, provoquant aussitôt une légère douleur contre ma côte, comme si elle était tirée vers l'avant. Un sourire s'étire sur mes lèvres, alors que je comprends - de façon plus vague que détaillée - ce qu'il a fait. Les autres gradés des marines sont assez secrets, sur leurs techniques spéciales. Tout comme l'armée de l'air, ils partagent peu leurs meilleures tactiques. Ça se comprend. Je n’apprécierais pas que ceux sous mes ordres manient les sorts fétiches des autres armées, plutôt que les nôtres. Et puis, il y a le principe du secret : moins les gens savent quelque chose, plus l’information est facile à garder. J’avance d’un pas, sans trop résister, bien plus amusée qu’agacée. L’adrénaline vient remplacer la frustration précédente de l’annonce sur le carnet, et cette sensation si familière m’emplit d’une douce chaleur. « Dommage pour la cour martiale. Je comptais vraiment m'amuser avec lui. Peut-être que tu pourrais lui proposer un autre type de punition pour t'éviter une nouvelle vendetta Isaksen sur le dos. Si tu me laisses faire, il pourrait même t'être utile pour régler ton problème de réputation auprès de tes soldats. » Je réponds par un simple rictus ironique, qui dévoile des réflexions qu’il peut bien deviner. Je n’accepterais jamais une telle proposition. D’abord, parce que je ne laisse jamais quiconque faire quoi que ce soit à ma place – sauf coudre ma vareuse et m’amener à manger – ensuite parce que je me fous complètement de ce que les Isakens pourraient faire. À l’exception de mon ancien collègue, ils sont clairement une famille de lâches et de pleutres, qui se battent comme de vieilles godasses.

Un deuxième coup se fait sentir plus douloureusement. La pression est plus intense, plus pénible, et m'arrache un sourire. Ce sortilège est génial. J'en vois les débouchés possibles, et l'utilité qu'il peut avoir. Si on l'utilisait en vol, ce serait...Un carnage, probablement. Mais je n'ai pas le temps d'approfondir ma réflexion : mon adversaire bondit vers l'avant, se rapprochant définitivement de moi. Une nouvelle secousse allonge légèrement mes canines sous l’impulsion douloureuse, alors qu'un coup de pied rotatif m'oblige à intervenir. J'esquive vers la droite, dans un geste qui accentue la tension sur la ligne invisible et augmente l'impression que quelqu'un, avec de bons outils, est en train de tirer sur ma côte. La souffrance ne m'arrache ni froncement de sourcil ni rictus, mais elle fait disparaître temporairement mon sourire, sous la concentration. « Je ne dis jamais non à une course sous la lune avec d'autres personnes capables de me suivre. » Un clin d’œil moqueur et la sensation sur ma côte qui disparaît enfin, signe qu’il a probablement relâché le sortilège. Je note qu’il n’a pas refusé, qu’il ne s’est pas non plus moquer. Je ne cherche pas à retenir le nouveau sourire qui vient naître sur mes lèvres, trop enthousiaste. Mes yeux pétillent comme ceux d’une gosse, même si l’expérimentation n’avait rien d’agréable : « Ce sort est génial. » Et il doit le savoir. Mes techniques préférées, moi, sont en vol. Je me débrouille aussi sur la terre ferme, forcément, mais j’ai toujours privilégié tout ce qui impliquait un balai. Avec le temps et la pratique, j’ai pu développer des manœuvres dont je suis fière. Pour combattre, mais aussi pour secourir rapidement. Des manœuvres qui, actuellement, ne me seraient pas trop utiles.

J’amorce un mouvement circulaire, de la même façon qu’il l’a lui-même précédemment fait, sans attaquer franchement. : « Cette réputation m’agace seulement pour les questions qu’elle provoque et le temps qu’elle me fait perdre. Et je préfère que mes soldats me voient comme quelqu’un qui marche sur les cadavres de ses coéquipiers que comme une faible. Je ne crains pas non plus une nouvelle vendetta des Isaksen. Ils ne sont ni la première ni la dernière famille à choisir les mauvais moyens, tant pis pour eux. » Mes yeux l’englobent de façon globale : je fixe son visage, tout en gardant un œil sur sa baguette. La mienne roule entre mes doigts, attendant son heure. Je reprends : « Si j'avais pu, je t'aurais laissé faire, pas pour que tu règles mon problème, mais parce que je t'ai dit que tu pourrais en faire ce que tu veux. Sauf que l’acte est trop grave et Bjørnstad…je veux dire, le Major Hoff connaît mes techniques. Il doit déjà avoir été informé de l’incident et attendre mon rapport. » L’avantage et le désavantage, quand un de nos supérieurs est aussi un pote. Je suis persuadée qu’à l’heure actuelle, Bjørnstad est en train de se bidonner dans son bureau, convaincu que j’y débarquerai bientôt en furie. Il s’oppose rarement à mes propositions de punitions, quand je ne les applique pas directement.

Mon sort a fusé, sans être formulé, mais en étant clairement orienté : j’ai visé l’épaule du militaire, avant autant de subtilité et de délicatesse qu’un éléphant sur un bateau. Sans surprise, mon sortilège est bloqué. J’y comptais – et Amundsen aurait bien mérité de se prendre ce sort de chatouille digne d’un première année, s’il n’avait pas été en mesure de le dévier. J’enchaîne aussitôt, et bien plus subtilement, par le second. Un infime mouvement du poignet, à peine une inclinaison, en direction de ses jambes. Celles-ci s’écartent aussi, chacune dans une direction différente, comme si le Løjtnant s’apprêtait à faire le grand écart. Je m’élance au même moment, souple et habituée aux positions inhabituelles, glissant entre les jambes du militaire, pour me retrouver de l’autre côté, rapidement debout. Mes gestes sont vifs, rapides, entraînés : mes jointures ensorcelées heurtent violemment les vertèbres du bas et du milieu du dos, dans une succession de trois coups, avant que je ne me recule : «  Je retiens, pour la course sous la lune. » Le sort, de nature très brève, est déjà levé. J’ai le sourire d’une gamine de douze ans, dans le corps d’une trentenaire trop espiègle, qui ne trouve son plaisir et son apaisement que dans les combats bien menés.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Elle n'a eu aucun mal à esquiver mon coup de pied, comme je m'y attendais. Le contraire aurait été déstabilisant et franchement décevant. Du moins sans être couplé par un enchaînement de coups ou de sortilèges pour répondre à l'attaque. Se laisser atteindre en premier pour mieux réagir fait partie de mes techniques de corps à corps, mais là ce n'était clairement pas le but de la Kaptajn. « Ce sort est génial. » Je trouve aussi, et encore, je ne lui en ai montré qu'une infime partie. Un préambule d'une simplicité enfantine. Le sortilège est bien plus complexe qu'il ne le laisse supposer au premier abord, mais je préfère garder quelques secrets pour moi. Ne lui montrer que la face émergée de l'iceberg, celle qui permet de déployer encore par la suite une succession de surprises désagréables et me garantir des réussites sur leurs réalisations. Bien que pour le moment je ne sois pas enclin à en dévoiler plus, si jamais le combat s'y prêtait, je pourrais reconsidérer la question. Dans l'excitation d'un duel complet et agressif, qui sait si je n'aurais pas l'habitude d'utiliser mes sorts fétiche de terrain. Le poignet roule d'un geste vif, faisant siffler le bois de la baguette dans l'air dans un geste résiduel de préparation physique quand Arsinoe commence à décrire le même type de courbe circulaire que la mienne. Le combat est officiellement lancé dans une nouvelle montée d'adrénaline. La pluie goutte dans mon col le long des cheveux humides, le vent plaque un peu plus le tissu humide de ma chemise contre mes côtes, l'odeur des humidités est partout autour de nous, mêlée de nos odeurs animales qui excitent l'instinct de chasse qui frémit dans mes fibres. Sa réaction à mon sort précédent e me fait qu'imaginer que le combat promet d'être joyeux, intense, et plus enrichissant que je ne m'y étais attendu. Elle est singulière cette Kaptajn, je peux lui accorder ça. Au-delà de ses défauts, elle montre quelques qualités qui pourraient faire peser quelques considérations dans la balance de la sympathie qui a commencé à se faire plus nette dans mon esprit à son sujet. « Cette réputation m’agace seulement pour les questions qu’elle provoque et le temps qu’elle me fait perdre. Et je préfère que mes soldats me voient comme quelqu’un qui marche sur les cadavres de ses coéquipiers que comme une faible. Je ne crains pas non plus une nouvelle vendetta des Isaksen. Ils ne sont ni la première ni la dernière famille à choisir les mauvais moyens, tant pis pour eux. » J'écoute, tout en restant entièrement concentré sur ses gestes. L’œil expert et attentif surveille la baguette qui roule dans sa paume, ses yeux qui me fixent, et j'attends avec une forme d'impatience l'attaque qu'elle prépare dans son crâne. Je mise pour une première visée magique au vu de la position de ses mains, mais espère secrètement me tromper. Je suis curieux de savoir ce qu'elle a fait précédemment à ses phalanges, et la curiosité me pousse à vouloir en sentir le poing contre mes os le plus rapidement possible. L'appel sauvage de mes iris se fait plus carnassier, brûlant de cette envie de chaos orchestré quie me serre les entrailles. « Si j'avais pu, je t'aurais laissé faire, pas pour que tu règles mon problème, mais parce que je t'ai dit que tu pourrais en faire ce que tu veux. Sauf que l’acte est trop grave et Bjørnstad…je veux dire, le Major Hoff connaît mes techniques. Il doit déjà avoir été informé de l’incident et attendre mon rapport. » Mon sourire s'étire en coin, notant dans un coin de ma tête que la Kaptajn et son supérieur sont suffisamment proches pour qu'elle se permette de l'appeler par son prénom naturellement. Toute information est bonne à prendre pour agrémenter nos discussions futures. La situation d'Isaksen, en revanche, commence déjà à me désintéresser. Cible potentielle de ma propre vengeance pour laver l'insulte faite contre moi, il était digne d'attirer mon attention. Élément condamné par sa propre connerie, il n'est plus que le simple soldat en sursit qui ne vaut pas la peine de se pencher plus longtemps sur sa situation. Comme je m'y attendais, la Adelsköld ne compte pas profiter de la situation pour retourner toute la situation à son avantage. Du moins pas de cette manière, ce que je comprends tout à fait. Elle juge l'acte comme une haute trahison, il est logique qu'il soit puni en conséquences. Si quelqu'un c'était permis de fouiller ma chambre à la base pendant que j'y suis assigné, j'aurais sans doute refuser de délayer ma réaction pour un travail sur du long terme.

Tout en laissant une partie de mon cerveau dérouler ces considérations, je reste focalisé sur elle et contre le premier sort destiné à mon épaule avec la facilité d'une page que l'on déchire. L'orgueil se gonfle face à la première déduction qui avait été la bonne : Arsinoe a choisit la magie comme première attaque. Le deuxième sortilège est plus subtile et je n'ai pas le temps de le voir s'échapper vers mes jambes qui s'écartent immédiatement sous la force magique. Un large sourire conquis dévoile les canines quand je la vois fondre sous le l'écart qu'elle a créé pour se retrouver dans mon dos. Un joli tour de passe-passe qui ne laisse aucune amertume dans mon âme d'avoir manqué de discernement pour le contrer. Je ne compte pas bloquer tous les coups qu'elle me destinera, ce serait inutile. Savoir prendre une partie des attaques est nécessaire pour pouvoir riposter avec le bon ton. Les trois coups de poing qui heurtent mon dos coupent le souffle momentanément par la force d'acier qu'ils craquent contre ma colonne vertébrale qui se tord. C'était donc ça, son sortilège de tout à l'heure. Habile, et parfaitement adapté. Je ricane doucement sous l'effet de la douleur que ses coups font pulser dans mon dos. « Je retiens, pour la course sous la lune. » J'entends à sa voix qu'elle s'est reculée, sa voix n'est pas proche de mon oreille, j'estime qu'elle s'est mise hors de portée d'un coup de poing, pas plus. Profitant de la position en apparence peu avantageuse de mes jambes que je n'ai pas encore pris le temps de regrouper malgré la disparition du sortilège qui ne presse plus contre mes muscles, je réplique. Ma jambe droite se fléchit rapidement, la main libre se pose au sol pour prendre appui et lancer l'autre jambe d'une large courbe armée au ras du sol en direction de ses chevilles. Le coup est suffisamment long pour l'atteindre, mon pied passe derrière, et bien que je n'ai pas mes bottes de militaire mes muscles suffisamment entrainés tapent avec force sur le point sensible des tendons qui impose une décharge dans la jambe touchée. Enchainant les mouvements je me repousse de la main et sol et de la jambe droite qui se tend comme un ressort. Mon épaule heurte son estomac, mon bras armé de la baguette s'enroule autour de son coude blessé dans une clé d'entrave qui me permet de me glisser momentanément dans son dos pour y glisser un : « vous êtes bien trop habitués à votre petit confort de luxe pour juger une intrusion dans vos chambres comme des crimes passables de cour martiale »moqueur qui n'est destiné qu'à la faire chier. Cependant je le pense sincèrement, pour un marine qui partage plus souvent sa couchette avec tout un régiment qu'il ne profite du luxe d'une cabine personnelle, le châtiment me paraît légèrement disproportionné. Cependant je n'irai pas défendre le soldat mis en cause. C'est sa chambre, sa base, ses règles. Je ne cherche qu'à exciter un peu plus son agressivité pour le bien de notre combat. Le dernier mot est glissé contre son cou avant que mon bras ne relâche l'entrave pour mieux frapper d'un coup de coude contre la côte que mon sort précédent avait blessé. Mes pieds glissent sur le sol, rapides et précis, pour revenir sur une position de défense face à son dos. « Pourquoi ça te fait autant chier de répondre aux questions sur ton ancien escadron ? T'as peur qu'on découvre quoi ? Qu'au lieu de marcher sur le corps des autres, tu te cachais en-dessous pour survivre ? Ou t'as peur de salir leur mémoire en révélant des crimes de guerre que vous avez commis ? » Mes questions orientées pour trancher ses pensées avec l'amertume du poignard, cherchent à placer d'autres hameçons, imagés ceux-là, dans les fibres de son être, et exhorter la bête en elle à sortir ses griffes.  


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Arsinoe Adelsköld
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Tw : Descriptions graphiques et plutôt gores de blessures.

Le militaire réagit rapidement et je ne peux qu'apprécier l'efficacité de ses coups. Sa jambe décrit une courbe, trop rapidement pour que j'esquive à temps. Le pied heurte les tendons, m'arrachant un rictus de douleur, alors qu'une décharge significative me fait faire un très léger bond de côté. Insuffisant : l'homme se redresse d'un coup, son épaule heurtant mon estomac dans un choc qui me coupe momentanément le souffre, tandis que son bras s'enroule autant de mon coude. J’apprécie sa vitesse, sa réactivité et sa façon d’utiliser le contexte à son avantage. De bons points, qui confirment ce dont je me doutais déjà : c’est un militaire doué. Il se glisse dans mon dos, tandis que je reprends le contrôle de ma respiration. « Vous êtes bien trop habitués à votre petit confort de luxe pour juger une intrusion dans vos chambres comme des crimes passables de cour martiale ». Absurde. La réplique m’arrache un haussement de sourcil, même si je l’attribue à la simple provocation. Il ne peut pas réellement penser que je suis habituée au confort ? Ni m’associer vraiment aux autres gradés, qui mettent davantage le pied dans un bureau que sur un terrain ? Je rétorque par un simple grondement, à peine menaçant, seulement à moitié vexé. Pour moi le confort, ce n’est pas une chambre privée ou un appartement. C’est m’endormir dans une tente ou sous un arbre, serrée contre les hommes de mon escadron, en entendant la pluie marteler le sol. C’est humer l’humidité de la terre, entendre le bruissement des feuilles et le ronflement des camarades trop claqués de leur journée, c’est sentir l’odeur acide des corps froissés et rassemblés ensemble, c’est chercher la chaleur dans cette proximité, plutôt qu’avec une couverture. Il n’y a pas d’autre vrai confort et le crime n’est pas de pénétrer dans mon antre, dans lequel je vais moi-même très peu, mais d’oser le faire. C’est plus que désobéir à un ordre, plus fourbe que se rebeller ouvertement. C’est agir en douce contre un supérieur, dans un cas anodin, qui aurait pu ne pas l’être.

Le dernier mot a été glissé contre ma peau, juste avant qu'un coup de coude contre ma côte éveille la douleur du sort précédent. Efficace, le Løjtnant.  La curiosité est peut-être davantage mon point faible dans ce combat que les blessures issues des luttes précédentes. Je suis décidément trop intriguée de découvrir ce qu’il a en réserve. « Pourquoi ça te fait autant chier de répondre aux questions sur ton ancien escadron ? T'as peur qu'on découvre quoi ? Qu'au lieu de marcher sur le corps des autres, tu te cachais en-dessous pour survivre ? Ou t'as peur de salir leur mémoire en révélant des crimes de guerre que vous avez commis ? » Il mérite au moins trois points pour ses capacités de provocation. Un ricanement s’échappe de mes lèvres, à moitié-aigre, à moitié-amusé. La phrase m’agace, mais je sais apprécier les bonnes répliques, tout aussi bien placée que les coups. « Ils n’ont commis aucun crime de guerre. » Eux. Je me retourne brutalement pour lui faire face, retenant ma main libre, qui voudrait masser impulsivement la côte touchée. Mes yeux d’un vert apaisé, qui contrastent avec la moue cynique de mes lèvres, glissent sur les traits de mon adversaires, tandis que mes doigts se resserrent sur ma baguette. « La mort, c’est moche, Løjtnant Amundsen. Tu le sais bien. Les os sortis qui donnent au corps une forme étrange, les viscères, le sang, les membres calcinées… On s’adapte, on apprend à s’en foutre. Un corps est un corps. » Un amas de chair, de muscles, de nerfs. Rien d’autres. D’un geste infime, j’ensorcelle deux roches de la grosseur d’un ballon, qui se précipitent aussitôt vers le cible. Dos à l’Amundsen, les objets heurtent l’arrière de ses jambes, au niveau de ses genoux. Je profite de l’impact pour lancer aussitôt mon prochain sort, en espérant qu’il passe inaperçu ; la baguette pointe respectivement deux branches, l’une à droite, l’autre à gauche, dans un geste rapide en demi-lune, qui pointe au passage les poignets du Løjtnant. J’enchaîne aussitôt par un coup direct, pour faire distraction au cas où il aurait remarqué ma manœuvre ; mon poing vise son abdomen et est esquivé, sans surprise. Je recule de deux pas, un sourire sans joie, mais sans peine, s’étirant sur mes lèvres, alors que je poursuis comme si nous étions en train de mener une discussion normale : « Mais ces souvenirs sont à moi, et si je veux songer à Tomsen en train de fanfaronner sur son balai, plutôt qu’en deux parties sur un champ de bataille, crevé pitoyablement sans gloire, ça m’appartient. » Ça n’appartiendra jamais aux familles. Je ne leur dois pas ces récits. Je n’ai pas envie de les extirper de ma mémoire et je ne compte pas le faire.

D’un geste brusque, je redresse ma baguette. Les branches ensorcellées se redressent aussi, tendues magiquement, actionnant la suite du sort. Deux cordes magiques, enroulées autour des poignets de l’homme précédemment, puis liées aux branches, écartent soudainement ses bras, dans une position typique utilisée dans des situations bien moins plaisantes. Une nouvelle impulsion de ma baguette resserre les liens, suffisamment fort pour que la douleur puisse se faire sentir. « Ça ne leur apportera aucun repos, de connaître les circonstances exactes de leurs morts. Les civils ne sont pas faits pour gérer ça, pas sans faire des drames. »   Ils ne savent pas gérer et comprendre la violence et sa nécessité, dans certaines situations. Ils ne savent imaginer le pire qu’à la hauteur de leur imagination, qui est parfois bien faible, en comparaison de la réalité. Je me rapproche d’un pas, puis de deux, tout en gardant un œil sur les jambes du militaire, toujours potentiellement dangereuses. Le sort informulé qui jaillit de ma baguette n’a aucune subtilité ; une brume glacée s’étire en un long filament, qui s’infiltre dans le nez de l’homme, comme une couleuvre, pour lui insuffler un souffle glacial à intensité modérée, dont le but est de ralentir l’organisme. Une façon, un peu pernicieuse, de ramener à égalité des forces qui sont peut-être accentuées par l’instinct du loup. D’un geste sec, je relâche le sort initial, les liens se détachant eux-mêmes des poignets du militaire, sans reculer immédiatement. Trop curieuse, et peut-être trop enthousiaste de découvrir la suite.
Ying Yue Amundsen
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@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Je vois autant que j'entends que mes questions ont touché leur cible. Le coin des lèvres frémit dans un rictus ravi de son effet, victorieux. Le genre de sourire en coin capable de faire dégoupiller une personne adverse. Le genre de sourire qui déplaît au paternel quand je cède à l'envie de le laisser filer sur mes lèvres en dépit de ses nombreuses remontrances sur la question. Le genre de sourire de gamin, qui à l'air de tout prendre comme un jeu. Parce que ce tout n'est qu'un foutu jeu. « Ils n’ont commis aucun crime de guerre. » La Kaptajn se retourne d'un geste sec, moue cynique et regard calme qui jurent l'un avec l'autre. Je note qu'elle ne s'inclue pas dans les autres sans en éprouver la moindre émotion. Des crimes de guerre, ce que les civils appellent comme ça, j'en ai vu pas mal de mes propres yeux. J'ai appuyé sur les épaules des ceux qui subissaient les actes qui entrent dans cette catégorie. J'ai regardé, imperturbable et inaccessible, droits dans les yeux des implorants. J'ai tiré les corps inconscients hors des zones d'interrogatoire sous les ordres de supérieurs occupés à envoyer une urgence des missives avec les informations récoltées. Je connais la noirceur de la guerre, les zones grises entre les habilitations, les ordres, et les noms de codes. Je n'ai pas la naïveté de croire que les marines sont les seuls à faire des prisonniers dans un but précis. C'est une réalité qui ne me questionne pas, qui m'amuse pour la réaction qu'elle provoque chez la Kaptajn, que j'utilise comme tout le reste, pour me foutre de la gueule des autres et titiller leurs égos. La culpabilité, les remords, la bonne conscience sont des choses qui ne me parlent pas quand on parle de ces choses-là. Ça m'empêchera pas de dormir, parce que je sais qu'en face ils font pareil. Qu'on est pas meilleur qu'un autre, qu'on veut tous la même chose : gagner, qu'importe les moyens. Les âmes brisées sont comptent pas plus que les corps morts. Ce ne sont que des mécanismes, des rouages. Des putains de rivets qui se remplacent quand ils sont cassés. Les armées sont faites pour ça, s'entre-tuer. Parfois ça déborde sur les civils, ça ne devrait pas, c'est moche, la vie est injuste et c'est pas moi qui en fixe les règles. En théorie. En pratique, parfois, les choses sont légèrement différentes. « La mort, c’est moche, Løjtnant Amundsen. Tu le sais bien. Les os sortis qui donnent au corps une forme étrange, les viscères, le sang, les membres calcinées… On s’adapte, on apprend à s’en foutre. Un corps est un corps. » Je ne peux qu'approuver ce discours bien que je ne vois pas tellement où elle veut en venir. Quoi que non, je ne suis pas d'accord avec tout. Est-ce que c'est moche, la mort ? Pas plus qu'autre chose. Ça sent l'odeur du sang frais, ou ça pue la chair en décomposition. Ça suinte, mais ça éclate aussi en lignes blanches des os sur le sable rouge. Des couleurs vives, bouillonnantes qui tranchent avec les décors sauvages. Ou qui se fondent dans la mélasse d'une boue que les bottes ont rendus insipides à force de la piétiner. Il y a de tout dans la mort. Des corps entiers, des morceaux, des absences parfois, même. Des trucs à se raconter, des anecdotes dégueulasses à se lancer dessus comme des bouteilles d'alcool, pour se rappeler à quel point ce n'est rien d'autre que des os, des membres, de la chair et des lambeaux. Rien d'autre.

Je plisse rapidement les yeux quand son poignet frémit. Une riposte, j'imagine, qui tardait à venir. Les deux coups durs qui creusent mes genoux m'arrachent une exclamation grave amusée. La douleur irradie les nerfs, lance dans la cuisse avec un éclat joyeusement sauvage dans mes iris. Les jambes fléchies par la force des pierres, je fais un pas en avant pour garder l'équilibre avant d'esquiver aisément le poing qui cherchait  « Mais ces souvenirs sont à moi, et si je veux songer à Tomsen en train de fanfaronner sur son balai, plutôt qu’en deux parties sur un champ de bataille, crevé pitoyablement sans gloire, ça m’appartient. » Je hausse les épaules, rapidement, avant de passer ma langue sur une de mes canines. A dire vrai, je ne suis pas sûr de comprendre son raisonnement et où elle veut aller avec ses idées, mais ce n'est plus tellement le plus important dans l'immédiat. J'ai senti les cordes s'enrouler autour de mes poignets, pourtant je n'avais rien tenté, préférant attendre et voir où elle comptait aller. Lorsqu'elle fait claquer sa baguette dans l'air humide et que les cordes se rendent, mes mains s'agrippent immédiatement aux liens dans un réflexe instinctif. Les nœuds se serrent, mordant la chair dans une succession de picotements de brûlures qui me rappellent celles que l'on expérimente souvent quand nos doigts retiennent des bouts que les tempêtes emportent. Un sourire carnassier se plaque immédiatement sur mes lèvres. La position bien qu'inconfortable ne le dérange pas. Mes doigts remontent un peu plus sur les cordes, tirant en réponse à la pression exercée, obligeant les branches à s'incliner de quelques millimètres, juste de quoi prendre appui en cas de besoin pour lancer un coup de pied dans son estomac si l'occasion devait se présenter.  « Ça ne leur apportera aucun repos, de connaître les circonstances exactes de leurs morts. Les civils ne sont pas faits pour gérer ça, pas sans faire des drames. » Je ne suis pas d'accord, avec cette conclusion de pensée. Peut-être un défaut de considération pour la sensibilité des civils. J'en sais rien, mais je ne considère pas que leur épargner les récits - même détaillés - des morts de leurs proches soit pertinent. J'estime même que quand on tient à quelqu'un, on a le droit de connaître la façon dont il a finit..aussi salement que cette mort ait été. Une forme de dernier honneur rendu à la mémoire du gars qui a laissé ses tripes tremper au milieu d'une crique.
Arsinoe s'approche, pas assez pour qu'un coup de pied puisse trouver ses côtes, mes doigts resserrent néanmoins leurs prises sur les cordes, prêt à me soulever à la moindre occasion. Mais la Kaptajn lève déjà sa baguette, n'hésite une fraction de seconde avant de garder ma position, préférant tenter les pieds plutôt que de relâcher ma prise pour libérer ma baguette. Le sort est de toute façon déjà lancé de son côté, souffle glacé qui s'enroule dans mes narines. L'air froid s'insinue dans la gorge, bouffée fraîche qui me rappelle la neige piquante des températures négatives du Svalbard à l'aube grise. Un long frisson parcourt mon échine tandis que je sens la température corporelle chuter à toute vitesse. Je serre les dents, retenant les claquement nerveux qui voudraient s'imprimer dans la mâchoire, le ventre se creuse dans une respiration plus lente, les poumons trouve le souffle brûlant du gel et un sourire sardonique succède au carnassier. Le froid est un élément devenu ami à force de travail et de lutte acharnée lors des entraînements. Plongés dans l'eau, enchaînés aux autres marines, radeaux humains brassés par les vagues froides de l'océan. Les journées, les nuits entières passées, humides sous le vent glacé du large qui ne cesse jamais à veiller, droit et immobile, la ligne d'un horizon invisible. Le froid qui fait craquer le bois, fendre les coques, capable de couper des doigts mal préparés. Le froid est un mal que le corps connaît bien, pourtant le sort est pernicieux. Il s'infiltre directement dans les organes sans éprouver l'épiderme en préparation. Trop rapide et soudain, la respiration met quelques secondes de trop à s'adapter. Ça me fait chier. Plus que le sortilège en lui-même, c'est la lenteur de mon adaptation physique qui m'arrache un durcissement du regard. Je ricane pourtant quand les cordes disparaissent, relâchant mes muscles dans une rapidité presque décevante. Je ricane, expirant des volutes de condensation à chaque souffle rieur. « Habile, mais pas suffisant. Les températures extrêmes, c'est notre spécialité. » Ma voix est moins forte, les cordes vocales froides ont dû mal à porter le son avec la même vivacité. Un simple détail sans importance. Jouant immédiatement sur sa même longueur, je profite de l'environnement local, ensorcelle une branche pour la lui jeter au visage, grossière attaque de diversion qu'elle n'a pas de mal à repousser et qui précède à un sort plus subtil destiné à son élément : la baguette effleure d'un rapide mouvement de poignet la direction du ciel, profitant d'un hurlement de vent dans les branches nues des arbres autour de nous pour transformer les gifles de pluie en lames tranchantes de glaces. La bourrasque qui se rabat sur elle, jette une armée de gouttelettes écharpées contre son épiderme nu. « C'est ton choix, pour tes potes. Je le partage pas. Ça me ferait chier aussi si quelqu'un refusait de me dire comment est mort mon frère sous prétexte que sa petite sensibilité veut pas se rappeler qu'il a crevé l'estomac à l'air. Mais je suis pas un civil. Et j'ai eu la truffe dans des boyaux à l'air depuis que je suis gamin. » J'ai conscience que c'est une sauvagerie qui m'appartient et qui déplaît souvent à d'autres. Qui les dérange. La jonction entre la bête et l'humain qui les met mal à l'aise, mais qui leur convient bien aussi pour me refiler les sales boulots, comme aller chercher les identifications des cadavres pour les ramener à leurs familles. Après l'averse de glace proche d'une cascade de verre pilé, j'ai repris ma lente courbe autour d'elle tout en parlant d'une voix que le froid rend toujours faible. Le cœur a adapté son rythme, je le sens pulser lentement sous une respiration en dix temps parfaitement contrôlée qui me permet de diriger mes forces vers les gestes rapides que je prévois. Les yeux fixent soudain un point derrière elle, baguette tendue comme pour lancer une nouvelle attaque, tandis que les pieds trouvent la souche repérée précédemment. La chaussure plate glisse légèrement sur le bois humide, ma prise est loin d'être parfaite, tant pis, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même d'avoir voulu lui m'accorder un infime malus. D'une pulsion malgré tout efficace je parviens à sauter - moins haut que voulu - poing en avant pour frapper initialement sa mâchoire. Mais le pied glissant m'empêche de décrire la courbe souhaitée et le poing droit trouve la clavicule avant de nous envoyer rouler tous les deux lourdement dans la terre détrempée. Le souffle froid est court, trop court, dans ma poitrine qui me brûle les poumons à chaque respiration. Le froid engourdi mes réflexes une fraction de seconde de trop m'empêchant d'enchaîner immédiatement sur une prise au sol. Mon genoux glisse dans la boue qui s'est formée sous les piétinement précédent et je grogne malgré moi avant de parvenir à coincer une de ses jambes sous la mienne pour l'empêcher de se relever. « Je crois surtout que ça t'as brisé un truc tous ces morts. Et que raconter leurs histoires ce serait prendre le risque de perdre le fil des raisons qui te font rester dans l'armée sans tout cramer. » Ma voix n'est plus qu'un murmure glacé qui se plaque contre son oreille tandis que j'appuie de tout mon poids contre son torse tout en resserrant la contraction des muscles autour de sa cuisse malgré l'engourdissement qui s'empare une nouvelle fois de mes nerfs. Mes yeux cillent plusieurs fois et mon nez se fronce légèrement tandis que je reprends lentement le contrôle de ma respiration en dix temps.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
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  « Habile, mais pas suffisant. Les températures extrêmes, c'est notre spécialité. » J’hausse les épaules, tout en appréciant le son moins fort de sa voix, qui me prouve que le sortilège a bien fonctionné. Mon but n’était pas de le foutre en hypothermie : simplement d’équilibrer un peu nos forces. Avec les copains, ce sort était souvent joint à un enchaînement plus brutal. C’était celui de base, qui précédait les autres coups, jusqu’à l’apothéose. Ce n’est pas mon plan, aujourd’hui. Je n’en ai pas vraiment. Je me laisse porter par mes idées du moment.

Ma baguette se redresse pour repousser la branche jetée à mon visage, geste simple, qui me retarde des deux secondes qui m'auraient été utiles pour remarquer son autre mouvement. La pluie de glace m’atteint sans que j’aie le temps de la repousser. Les pointes les plus acérées s’enfoncent dans l’épiderme mal cicatrisé de mes bras, traçant des lignes sanglantes sur mes tatouages. Mes épaules m’élancent et ma nuque brûle, comme sous l’impact d’objets tranchants, m’indiquant qu’elles ont aussi été touchées. La douleur vive agrandit que mes iris, alors que mon regard se fait plus sauvage, davantage proche du loup que de l’humain. Røyk, sans quitter sa position ni même relever la tête, enfonce légèrement ses griffes dans le sol, tandis que j’essuie avec nonchalance un filet rougeâtre qui coule de mon front jusqu’à ma joue. « C'est ton choix, pour tes potes. Je le partage pas. Ça me ferait chier aussi si quelqu'un refusait de me dire comment est mort mon frère sous prétexte que sa petite sensibilité veut pas se rappeler qu'il a crevé l'estomac à l'air. Mais je suis pas un civil. Et j'ai eu la truffe dans des boyaux à l'air depuis que je suis gamin. » Je me fous éperdument qu’il ne partage pas mes choix. Il a quoi, vingt-neuf ans ? Trente ? Il croit avoir tout vu, dans l’armée ? Sa participation à la guerre de 2018 lui donne l’assurance d’avoir vécu le pire ? Assez d’assurance pour critiquer ma décision de pas servir de foutue source d’informations à des proches endeuillés qui ne comprendront jamais, non jamais bordel, tout ce par quoi on est passé là-bas ? « On ne retournera jamais à la maison, Noe. » Je n’ai pas une petite sensibilité. Et ce n’est pas une histoire de simplement refuser de me rappeler comment ils sont décédés. Chaque récit va plus loin qu’un simple récit de mort. Chaque récit est constitué de plusieurs autres, de l’histoire d’une amitié, d’un attachement, de bons et de moins bons moments. Comment ils ont tous crevés, un à un, c’est que le dernier maillon de la chaîne.Chaque récit fait mal. Chaque récit est une plaie vive, qui ne s’est jamais refermée, sur lequel j’ai mis un pansement sommaire.

En 2013, avant que nos rangs ne soient comblés par d’autres recrues, nous étions trente-cinq qui formaient l’escadron spøkelse d’origine.  Trente-cinq récits, trente-cinq blessures invisibles, trente-cinq fractures. Il y avait Maïa, dite la Valkyrie. Maïa et ses rêves si doux, Maïa et ses coups si nets, Maïa et son amour des sucreries, des belles courbes et des nuits à deux. Maïa, la gorge sectionnée, avec son sang qui coulait par intermittence, comme un coucher de soleil écarlate. Il y avait Bjøll, le gros ours. Bjøll qui n’avait pas son pareil pour dénicher les meilleurs emplacements de campement, Bjøll qui nous parlait de sa fille et de sa femme, laissées au pays. Bjøll qui m’a protégée d’un sort de suffocation, un jour, et qui est mort torturé par l’ennemi, troué aux deux poumons.

Et il y avait les cinq derniers, cette dernière nuit avant mon extraction en urgence. Cette nuit qui a peut-être failli me faire plonger dans la folie, cette nuit où j’aurais répandu aux quatre coins du champ de bataille les membres sectionnés, à coups de crocs, du commando responsables de leur mort, si on ne m’avait pas arrêtée. Cette nuit à laquelle je refuse de penser, bien plus que toutes les autres, cette nuit dont je porte encore la nette stigmate, sous la forme d'un trait horizontal et blanchâtre sur mon cou. Je regrette, encore aujourd’hui, de ne pas avoir pu mettre mon plan entièrement à exécution.

Non, le Løjtnant ne peut pas comprendre. Juger les réactions des autres, à partir de notre propre passif et de nos propres habitudes, c’est se limiter dans le champ des possibilités. C’est aussi oublier quelque chose : on ne se connaît jamais autant qu’on le croit. Ma baguette se dresse pour riposter à une attaque que je crois être magique ; elle ne l'est pas. Le corps s'écarte au dernier moment, pas assez rapidement, lorsque celui de l'Amundsen s'élance et son poing heurte ma clavicule, avant que nos membres heurtent durement le sol, dans une roulade où je tente trop faiblement de prendre l’ascendant, encore occupée à gérer l’impact précédent. Mes dents se serrent, tant sous la doulour que sous la pulsion électrique qui vient secouer mes membres atteints. Ma tête, traîtresse, se rappelle à moi par la même occasion. Elle tourne davantage, même si elle n’a pas cogné le sol, et un grognement bestial s’échappe de mes lèvres, alors que l'homme coince l'une de mes jambes sous la sienne. Je reprends mon propre souffle, plus laborieusement, alors que la pluie fait glisser lentement sur ma peau le sang qui continue de gâcher les dessins qui y sont encrés.   « Je crois surtout que ça t'as brisé un truc tous ces morts. Et que raconter leurs histoires ce serait prendre le risque de perdre le fil des raisons qui te font rester dans l'armée sans tout cramer. » Sa voix, murmure glacé son mon oreille, m'arrache un rire guttural. « T’as rien compris à mon fonctionnement, Amundsen, et aux raisons qui me font rester dans l’armée. »   Ce n’est pas de la frime, je suis sincère. Il croit vraiment que ce sont les morts de mes potes, qui m’ont le plus atteinte ? Ce sont plutôt leur putain de vie. Ce sont leurs sourires, leurs voix, leurs rêves. Ce sont ces soirées à se tenir tous unis, les épaules serrées les unes autres, ce sont ces moments d’émotions partagées, gâchés. Ce sont les regards de certains, quand ils ont compris ce que j’ai fait. Compréhension, pour plusieurs, dégoût, pour d’autres, dont Daegan.

Et puis, c’est tout le reste. Ce foutu reste. Toute cette merde que je veux enterrer, que je veux garder sous mon crâne, dans autant de couches de déni que nécessaire. Cette boîte de pandore que je hais, ce passé qui me colle à la peau, littéralement. Svendsen avait bien résumé toute ce bordel, lors de l’un des derniers soirs passés ensemble avant mon extraction. Ceux qui restaient, autour du feu, discutaient de ce qu’ils feraient lorsqu’ils retourneraient chez eux. Kolbein parlait de fêtes, de chaleur, d’une dizaine de nuit à dormir sans interruption. Søren voulait embrasser sa mère. Rien de plus. Sven, la tête appuyée contre mon épaule, m’avait murmuré sans rancœur : « On ne retournera jamais à la maison, Noe. On en a trop vu, ils pourraient pas se permettre…» C’était pas l’aveu d’une déception. C’était une simple constatation. La suite logique de l’enfer dans lequel on nous avait plongé depuis plusieurs mois, parce qu’on avait trop bien réussi en 2015. Sven avait aussi dit, ce soir-là, qu’il valait probablement mieux qu’on soit tout décimés et que si l’un d’entre nous survivait, nos supérieurs d’ici lui feraient payer. Il n’avait pas entièrement tort.

Ma jambe, sous celle du Løjtnant, remue à peine, comme si je ne tentais que mollement de me défaire de sa prise. « On a tous quelque chose de brisé, un jour ou l’autre.  La différence, c’est que les faibles restent au sol et que les forts se relèvent. » Je profite de sa proximité à mon oreille pour soulever légèrement ma tête jusqu’à son cou :   « Méfie-toi, moi j’suis pas insensible à ce genre de position. » Simple provocation moqueuse, qui vise à faire deux pierres d’un coup. J’ai peut-être une théorie à ce sujet, à lequel j’ai réfléchi l’autre soir, en rentrant chez moi. Au vu de ses réactions de la dernière fois, je suis plutôt certaine que je n’ai pas ce qu’il faut, pour que ce genre de position lui soit agréable. Je ne lui laisse néanmoins pas le temps d’y réfléchir ; mes lèvres se posent aussitôt contre son cou, en même temps que mes canines, qui se sont allongées. La morsure, contrôlée, mais assez violente pour déstabiliser, est celle de la louve. Je ne m’attarde pas sur le goût métallique du sang sur ma langue, enchaînant immédiatement en glissant ma main libre, qui tient ma baguette, à la hauteur de la jambe qui coince la mienne : le sort informulé fait raisonner un son de craquement satisfaisant, qui ne m’arrache aucun remord. J’en profite pour me dégager avec plus de vigueur, le repoussant, tout en roulant sur le côté. Je me remets sur pied aussitôt, un peu plus lentement qu’à l’accoutumée. La fatigue et l’effet des blessures accumulées se font légèrement sentir, malgré l’adrénaline. Je glisse ma langue contre ma canine, par habitude, sans être écoeurée par le goût qui ne s’est pas estompé. Il me semble tout aussi naturel que le reste, lors de mes promenades en forêt. « C’est pas par sensibilité, que je refuse de leur parler. J’suis pas un livre de contes. S’ils veulent des récits, qu’ils demandent à l’armée. J’aime pas qu’ils croient tous pouvoir me dicter mon devoir, comme si ma tête leur appartenait. Je ne leur dois rien. » Pas à eux. Et puis, certaines histoires appartiennent à l’armée, pas à moi. Je sais qu’ils en ont trafiqué quelques-unes, celles sur lesquelles ils ne pouvaient pas donner les vrais éléments. On a pas eu besoin de me demander de me taire. Ça m’arrange beaucoup trop, de le faire, et je n’ai aucun souci de justice ou de rétablissement de la vérité sur ces éléments. Ils n’importent pas.

D’un mouvement sec du poignet, je sectionne en deux la branche que le Løjtnant m’a précédemment balancé dessus. L’enchaînement est rapide ; le morceau le plus solide s’associe à l’une des roches que j’ai utilisée, formant un objet qui ressemble à un marteau. Je trace un triangle, minuscule, dans les airs : l’autre morceau s’affile et devient acéré, à la façon d’une petite dague. Le sang, mélangé à la pluie, continue de couler sur ma peau, roulant à mon poignet jusqu’à mes doigts, avant de se fondre dans le sol. Les deux objets s’élèvent, alors que j’affirme en souriant : « Mais si t’aime obéir docilement à tous les civils qui croient pouvoir te poser toutes les questions qu’ils veulent, juste parce que t’es vivant, libre à toi. » Moi je serais capable de m’opposer à leurs interrogations seulement parce que ça me fait chier, quand on essaie de s’octroyer des droits sur moi. D’un geste ample, je lance un dernier sort. Le marteau de fortune et son acolyte s’élance, chacun d’un côté différent du militaire, comme pour forcer à faire un choix.
Ying Yue Amundsen
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Tw : description de blessures et d'intérieurs humains visibles crus

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


« T’as rien compris à mon fonctionnement, Amundsen, et aux raisons qui me font rester dans l’armée. »   Elle rigole et je ricane à mon tour. C'est vrai, je n'ai probablement rien compris d'elle, parce qu'en réalité je m'en fou largement. Je me fou de ce qu'elle a traversé, vu, fait, souffert, gardé pour elle, raté ou exécuté en haïssant les ordres, ou en les appréciant. Son expérience dans l'armée ne m'intéresse pas foncièrement, je me sers de ce qui se dit sur elle, que ce que j'entends et j'apprends. Comme ce doux récit fait par Isaksen hier soir. Je m'en sers des on-dits contre les autres. Pour titiller leurs égos et leurs sensibilités. Pour faire luire les lueurs de rage dans leurs yeux, pour échauffer leurs sentiments jusqu'au chaos. Jusqu'à la victoire de les voir sortir de leurs gongs, jugulaires palpitantes et pupilles dilatées. J'aime provoquer les emotions les plus intenses et les tirer vers le haut. Briser les masques et les années de pratique de contrôles et de patience. La réalité derrière les histoires que j'utilise contre les autres n'a rien d'intéressante. Parce que la vie des autres ne m'intéresse pas. En théorie. Qu'est-ce que ça pourrait bien changer à la mienne de savoir que la Kaptajn reste dans l'armée parce qu'elle aime torturer des connards en toute impunité, ou bien parce qu'elle a l'impression qu'elle serait bonne à rien d'autre dans le monde civil. Ou pour toute autre raison qui lui appartient. Mais m'amuser à essayer de faire flamber sa rage en supposant toutes sortes de choses liées à ce que je considère comme des faiblesses, est un exercice que j'aime bien pratiquer. C'était un truc que je maîtrisais déjà à l'époque de Durmstrang et qui avait le don d'exaspérer notre enseignant : ma capacité à trouver les points de mes adversaires sur lesquels appuyés pour leurs faire perdre pied. Gagner en brisant leur mental, une passion mauvaise mais si amusante. « On a tous quelque chose de brisé, un jour ou l’autre.  La différence, c’est que les faibles restent au sol et que les forts se relèvent. » Je me suis déjà brisé des os, mais j'imagine que ce n'est pas à cela qu'elle fait référence. Un frisson glacé qui n'a rien à voir avec le froid qui engourdi mes muscles de l'intérieur, court le long de mon échine quand elle glisse sa tête vers mon cou, son souffle effleurant l'épiderme. La réaction de rejet est intense et je ne lutte qu'avec difficulté contre l'instinct de recul qui s'imprime dans ma chair. « Méfie-toi, moi j’suis pas insensible à ce genre de position. » Je me force à ricaner pour endiguer la pulsion de fuite qui tire sur mes nerfs. Je ne bouge pas plus quand elle pose ses lèvres puis ses crocs dans la partie sensible du cou. Une morsure sèche sur laquelle je me focalise pour oublier le malaise qui griffe mes entrailles. Une morsure qui fait bondir le loup en moi et manque de déclencher la même réaction en réponse. Les mâchoires claquent dans le vide, les ongles se serrent dans les poings fermés, le grondement qui ronfle dans ma gorge est celui de la bête enthousiaste qui se débat de ne pouvoir jouer avec les mêmes armes. J'ai l'habitude de résister à l'appel de la morsure, de ne pas planter mes propres griffes dans la chair de ceux qui taillades la mienne. Les exercices de contrôle avaient commencé tôt. Avant même ma première transformation. Lutter contre l'instinct déjà présent, inné, de griffer et mordre quand la frustration ne trouvait d'autres moyens de s'exprimer. La nature lupine éveillé, les entraînements avaient plus durs encore, des heures entières parfois, passées à subir les attaques d'un Père, d'une cousine, d'un oncle. Tous ces Amundsen pour qui les coups de crocs involontaires ne représentaient pas le moindre risque mortel. Vivre avec son instinct, tout en retenant le plus primaire de ceux-ci pour nous autoriser une vie au milieu des autres sans craindre de se prendre le ministère sur le dos. Une rigueur d'apprentissage que la vie de militaire rend parfois complexe quand l'adrénaline prend trop de place. Ou quand un autre loup, non garou, plante ses crocs dans mon cou.

Les secondes passées à maîtriser mon envie de mordre sa chair plutôt que la pluie me font rater sa baguette posée sur ma jambe qui craque dans une douleur blanche. La douleur me fait grogner avant de rouler sur le côté quand la militaire me repousse. J'apprécie son style de combat, sa capacité à jouer avec le corps des autres sans se soucier des limites attise mon envie de rendre ce combat plus âpre. L'odeur du sang se mêle à celui des embruns et des arbres. La morsure tire les muscles, le liquide vermillon coule le long de mon torse teintant la chemise de rigoles rouges. A présent accroupi, ma main libre tâte la cuisse blessée pour évaluer rapidement les dégâts. La position est inconfortable, mais je ne la bouge pas, cherchant toujours à rassembler mes forces pour palier au sortilège qui glace toujours mes entrailles. « C’est pas par sensibilité, que je refuse de leur parler. J’suis pas un livre de contes. S’ils veulent des récits, qu’ils demandent à l’armée. J’aime pas qu’ils croient tous pouvoir me dicter mon devoir, comme si ma tête leur appartenait. Je ne leur dois rien. » La dessus, je suis plutôt d'accord avec ce qu'elle raconte. Mes yeux suivent les mouvements de sa baguette et mes doigts s'activent rapidement pour défaire les boutons de ma chemise. Collée par la pluie oui, collée de sang elle est beaucoup moins agréable. Vu son état, elle risque de me desservir plus qu'autre chose désormais. Toujours accroupi, les épaules roules dans un éclair de douleur. La cuisse brûle toujours, l'os n'est pas cassé, sans quoi je ne pourrais pas garder la position. Fêlé, sans doute. Ou une micro-fracture. Suffisant pour dessiner une courbe amusée sur mes lèvres tandis qu'elle reprend la parole : « Mais si t’aime obéir docilement à tous les civils qui croient pouvoir te poser toutes les questions qu’ils veulent, juste parce que t’es vivant, libre à toi. » Docilement. Bien entendu. C'est exactement ce que j'ai dit sans aucune déformation de mes propos. Un rapide soupir forme une buée fraîche devant mes lèvres tandis que les yeux observent les deux objets enchantés qui se jettent sur moi. Marteau ou poignard, le choix est vite fait. L'esprit visualise trois enchaînements possibles en une fraction de seconde avant d'en sélectionner un, sans dire un mot. La baguette siffle pour envoyer le marteau droit sur la lionne allongée un peu plus loin, laissant la dague trouver le côté des côtes que je tourne au dernier moment. La dague ripe sur la chemise, tranche la peau allègrement, glisse sur l'os avant d'être attrapée par mes doigts qui la relance immédiatement avec toute la force dont je suis capable, couplée au reste de son élan précédent. Un jet net, rapide, flèche armée dirigée droit vers le ventre de la Kaptajn. Sans prendre le temps de vérifier si elle a touché sa cible ou non, j'enchaîne sur un sortilège de ma collection personnelle, simple, assez basique, mais qui m'avait permis de faire des ravages lors d'une des batailles pour gagner une des plages lors d'une précédente guerre que l'on a en commun. Profitant de la pluie toujours torrentielles et des flaques de boues formées par notre combat, je vise celle-ci, la transformant en serpents rapides, invisibles, lianes torves qui trouvent rapidement ses chevilles pour s'enrouler jusqu'à ses cuisses en une fraction de seconde. Un geste de poignet et les anneaux se resserrent, de plus en plus, d'un coup sec de prime abord, puis lentement, garrots serrés qui risquent de finir par engourdir entièrement ses jambes tandis que je prends à mon tour la parole : « T’as raison, j'te comprends pas. Et en réalité ça m'intéresse pas tellement de savoir pourquoi tu gardes ça pour toi. Je cherche juste à te provoquer. Enfin, si, ça m'intéresse un tout petit peu, rapport aux potentielles conséquences que ça aurait sur ma propre réputation. Mais même ça, toi et moi, on sait, qu'au final, je pourrais le retourner contre-toi pour justifier les ruptures des démarches de fiançailles. » Toute la question est de savoir si cet argument doit venir demain, ou dans un an et nous laisser un peu de répis auprès de nos paternels réciproques. Pendant ce temps la boue s'est enroulée autour de son torse jusqu'à trouver ses épaules. Dans un combat à mort, l'autre serait déjà condamné, pour elle j'hésite encore. La tension contre ses cuisses se fait plus intense, compressant l'artère fémorale avec de plus en plus de force. Marquant mon hésitation, le serpent sombre hésite, s'enroule autour du cou sans marquer d'étreinte pour l'instant. « Je suis pas du genre à me laisser commander par des civils. Je pense que tu es assez futée pour t'en douter. Mais j'aime bien faire chier les autres. Et certaines morts sont particulièrement drôles à raconter à quelqu'un de concerné. C'est tout ce que je dis. Après, mes hommes savent majoritairement rester en vie. » Nouvelle provocation, lancée sur un ton neutre, faussement détaché, dans un brûlant éclair amusé, tout en tournant ma baguette qui ordonne cette fois au serpent de serrer le cou. Celui-là même où l'instinct aurait envie de planter au coup de croc vengeur. Dent pour dent.

Boitant et fronçant du nez sous la douleur, d'une rapide enjambée je me retrouve une fois de plus proche de la Kaptajn, tournant autour de son corps entravé, avant de glisser ma propre tête dans sa nuque, souffle froid qui effleure la peau mêlée de boue, de pluie et de sang frais. « J'suis peut-être pas intéressé de base, mais je ne suis qu'un loup-garou très à l'écoute de ses instincts. J'éviterai de recommencer de me mordre à ta place, sauf si t'es prête à prendre des risques aussi importants. » A elle de juger de quels risques je parle, un empoisonnement par morsure, ou bien une envie plus de rapports plus intimes qu'elle pourrait éveiller. Me concernant il ne fait aucun doute que la deuxième option serait forcée, et non incontrôlée, mais elle n'est pas dans mes pensées. N'est-ce pas ? Après avoir fait le tour dans son dos, boitant toujours dans un nez froncé de douleur, je reviens me placer face à elle, un coin de lèvres largement remonté sur la large canine que laquelle je viens glisser une langue clairement provocatrice, attendant avec une certaine forme d'impatience quel sort elle va imaginer pour se sortir de cette jolie statue de boue qu'elle offre à voir.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
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Les choix m'amusent. J’ai toujours eu une prédilection pour ceux effectués à la dernière seconde, quand réfléchir n’est plus possible, et qui dévoilent plus clairement la personnalité et les vraies préférences des gens que les réflexions approfondies. Quand la logique se mêle trop longuement aux décisions, l'instinct est relégué vers l’arrière. Je suis donc véritablement curieuse de voir ce qu'Amundsen choisira, entre éviter la hache de fortune ou la dague de pacotille. Le marteau est envoyé vers Røyk, qui ricane dans un sifflement narquois en changeant de forme, prenant celle du geai bleu. Elle évite l’impact et en profite probablement pour s’étirer les ailes : je ne m’attarde pas sur ses actions, occupée à ne pas me prendre en plein ventre l’arme de fortune qui a tranché la peau du Løtjnant. Déconcentrée par la fylgia, j’ai réagis une seconde trop tard : la branche acérée s’enfonce de quelques centimètres dans le bas de mon abdomen, empêchée d’aller plus moins par mes doigts qui s’y sont fermement agrippés. Je l’extirpe en serrant simplement les dents, dans une crispation de la mâchoire qui ne laisse échapper aucune plainte. La douleur, vive, se rajoute au reste et je ne me donne pas la peine de baisser les yeux pour observer le résultat. C’est déjà clair de toute façon, que mon haut est fichu.

Je jette la branche au sol au moment où un autre sort, en une fraction de secondes, vient entraver mes mouvements. Le désavantage de ce genre de combat, qui n’est pas en zone de guerre, est que la curiosité y prend beaucoup de place. Et c’est bien la curiosité qui abaisse mes iris sur les lianes boueuses qui enserrent bien rapidement mes jambes. Un geste du poignet du militaire vient accentuer leur prise, me signalant les conséquences probables. L’engourdissement, peu agréable, se fait déjà sentir. Inutile d’essayer de m’extirper par la force de cette position. Mais je suis intriguée : jusqu’où peut-il les faire monter ? « T’as raison, j'te comprends pas. Et en réalité ça m'intéresse pas tellement de savoir pourquoi tu gardes ça pour toi. Je cherche juste à te provoquer. Enfin, si, ça m'intéresse un tout petit peu, rapport aux potentielles conséquences que ça aurait sur ma propre réputation. Mais même ça, toi et moi, on sait, qu'au final, je pourrais le retourner contre-toi pour justifier les ruptures des démarches de fiançailles. » Ces mots, si j’avais un fonctionnement normal, devrait m’agacer. Ils ne font que me rassurer : c’est incroyablement apaisant, après toutes les foutues questions indésirables des derniers années, d’être en face de quelqu’un qui se fout de moi et des réponses que je peux lui donner. Qui ne s’en soucie pas. Les provocations, c’est bien plus dans mes cordes, et je préfère laisser les gens indifférents que l’inverse. Quant à retourner ça contre moi…Ça me paraît encore une option moins horrible que des démarches qui se concrétiseraient.

La boue a continué de monter, efficace. Si celle qui enserre mes jambes commence à devenir franchement désagréable, celle autour de mon torse a l’avantage de recouvrir la nouvelle plaie à mon abdomen et d’arrêter momentanément le saignement. Je ne cherche pas à fuir sa progression, jusqu’à mon cou, qui n’est pas encore oppressé. Je suis définitivement curieuse, d’une curiosité un peu morbide, issue de l’adrénaline des champs de bataille, et qui fait rayonner mes iris de lueurs carnassières. « Je suis pas du genre à me laisser commander par des civils. Je pense que tu es assez futée pour t'en douter. Mais j'aime bien faire chier les autres. Et certaines morts sont particulièrement drôles à raconter à quelqu'un de concerné. C'est tout ce que je dis. Après, mes hommes savent majoritairement rester en vie. » La dernière pointe est si peu subtile qu’elle m’arrache un léger rire, qui s’arrête lorsque l’étreinte à mon cou se resserre. C’est de bonne guerre. Mes yeux glissent sur la chemise teintée de l’Amundsen, aux boutons défaits, jusqu’à ce qu’il disparaisse de ma vue. Son souffle froid glisse contre ma nuque, tandis que j’essaie de prendre une profonde respiration, rendue plus ardue par les entraves. « J'suis peut-être pas intéressé de base, mais je ne suis qu'un loup-garou très à l'écoute de ses instincts. J'éviterai de recommencer de me mordre à ta place, sauf si t'es prête à prendre des risques aussi importants. » Je ne doute pas, pas même une seule seconde, qu’il fait allusion aux risques associé à une morsure. Il a été suffisamment clair la dernière fois, à sa façon, sur le fait que je ne l’intéressais pas de façon plus physique. La curiosité, d’ailleurs, m’a poussé à ensuite mieux m’informer sur son compte à ce sujet. J’ai obtenu quelques informations, rien de bien majeur, qui ont achevé de me dresser un portrait qui va dans le sens de mes doutes.

L’homme revient se poster face à moi et je note qu’il boite. C’est un beau combat. Satisfaisant, énergique, varié, qui fait presque oublié tout ce qui devrait l’être. Presque. Sa langue passe sur sa canine, provocatrice. Je ricane de nouveau, dans un son plus étouffé et difficile, qui raisonne plus faiblement. « Et moi je ne suis qu’une louve à l’écoute des miens. » Les mots s’échappent difficilement de la gorge serrée. La position est nettement désagréable et je soupçonne mes jambes de ne pas être en mesure de me soutenir, lorsque je me débarrasserai de ce sort. Pourtant, je poursuis : « Une menace de morsure, même d’un loup-garou, ne sera jamais une vraie menace, malgré le risque que ça comporterait. » Prendre des risques, c’est ma vie. Au quotidien. Je ne connais que ça, je ne vis que de ça, et on me l’a souvent reproché dans le passé. Ce n’est pas une invitation : ce n’est simplement pas une peur. Face aux morsures, aux possibilités de liberté et de violence assouvie, l’animal en moi prend toute la place. C’est par réflexe que je passe à mon tour une langue contre mes canines, qui goûtent encore le fer. Mes bras, légèrement entravés dans leur expansion, s’agitent légèrement. Un mouvement sec du poignet fait sécher en une fraction de secondes la boue qui recouvre mon corps, malgré la pluie, jusqu’à ce qu’elle craque. Des plaques sèches se détachent de ma silhouette, tombant sur le sol humide, où elles redeviennent ce qu’elles étaient à l’origine, rapidement trempée. Mon corps est poisseux, imprégné du sang et des reliquats du sort, sans que ça m’embête. J’ai vu pire, sur le terrain. La propreté, c’est mauvais signe : quand les camarades se battent, et qu’un soldat revient avec la vareuse intacte, c’est qu’il n’a rien foutu.

Comme prévu, mes jambes ne me soutiennent pas. Trop fortement engourdie, elles cèdent sous mon poids. J’avais prévu cette conséquence et j’oriente la chute, mes genoux heurtant le sol. Une légère grimace s’étire sur mes lèvres, alors que je reporte mon attention sur le Løjtnant pendant que la circulation se rétablie : « Et je doute pas que ce soit le seul vrai risque dont tu parles, Amundsen. Certaines personnes se sentent obligés de simuler, encore plus dans l’armée. C’est probablement pas par manque de compétences, que la plupart des filles que tu fréquentes te laisse insatisfait. Ces fiançailles à moitié entamées, à moitié arrêtées, c'est peut-être meilleur pour ta réputation que l'inverse, en fait. » Provocation, simple, facile. Mes mains, dans des mouvements très peu amples, ont accompagné silencieusement mes paroles. D’un très léger cercle circulaire, ma baguette a pointé la terre. Lorsque ma phrase s’achève, trois racines solidement tressées s’en extirpent. Je coupe leurs extrémités d’un coup sec,  avant de diriger le fouet improvisé dans un mouvement horizontal vers le torse et les bras du militaire. Deux coups précis, vigoureux et trop maîtrisés, qui pourraient trahir que j’ai souvent employé ce sort. Le troisième vise ses jambes ; les racines tressées s’enroulent autour de ses chevilles, et je ramène mon bras vers moi brutalement, pour provoquer sa chute. Je me redresse au même moment, les jambes pas totalement assurées, mais maintenant capables de me maintenir debout. « Mes hommes actuels savent mourir. C’est parfois plus important que de savoir rester en vie. Mais t’as peut-être pas encore appris ça dans ta courte carrière ? » Le ton est moqueur, pas sincère. Je crois au contraire qu’il l’a sûrement appris. Mourir, c’est ce qu’on apprend le plus rapidement, dans l’armée. Je pointe ma baguette vers une branche au-dessus de lui, la sectionnant dans un geste brusque qui m’arrache un rictus de douleur. L’impact des blessures commence à se faire nettement sentir ; et c’est parfait.
Ying Yue Amundsen
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@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


Elle ricane d'un son étouffé par la pression des lianes de boue contre sa gorge et mon sourire garde ses luminosités narquoises quand Arsinoe reprend la parole : « Et moi je ne suis qu’une louve à l’écoute des miens. » La reprise de ma formulation me fait marrer, une fois de plus, même si je ne suis pas tout à fait certains de quels instincts elle parle elle-même. Les morsures ou la facilité de se laisser tenter par des rapprochements physiques plus intimes ? Qu'importe. Que m'importe réellement les intentions qu'elle place dans sa phrase ce soir. Rien ne m'intéresse plus que le combat en cours, celui qui mêle l'eau, à la boue et au sang frais.  « Une menace de morsure, même d’un loup-garou, ne sera jamais une vraie menace, malgré le risque que ça comporterait. » Pas une vraie menace ? Le léger rire qui s'échappe de ma gorge est plus animal qu'humain tant sa réponse est en-dessous de toute réalité possible. Ou trop pleine d'une ironie qui fait grésiller mes nerfs, inconsciemment. C'est bien la première personne que je rencontre, hors des Amundsen, qui me sort une connerie du genre. Que la morsure d'un loup-garou ne sera jamais une vraie menace. Soit elle en connaît bien peu sur notre quotidien, soit elle est incroyablement stupide - ce dont je doute - soit elle est - comme Li-Zhu en semble convaincu - le meilleur parti que je pourrais jamais me trouver chez les Douze. La première option me semble la plus probable, elle doit ne connaître aucune personne morte des suites d'un empoisonnement à la magie lupine. Malgré la nouvelle condition de vie son propre cousin, on aurait pu songer qu'elle considérerait les conséquences des morsures comme une menace d'intégrité sérieuse. La troisième option est légèrement probable, elle aussi, il faut bien en convenir. Elle avait eu l'air déjà intéressée la dernière fois, dans sa façon de parler de mon instinct de loup, d'envie de liberté, et d'incompatibilité avec l'envie de suivre les dictats familiaux ancestraux. Mais aussi plausible soit-elle, cette option est d'un cynisme trop ironique au vue de la conversation que j'ai eu plus tôt dans la soirée avec le paternel. Je veux bien accepter qu'elle considère son travail dans l'armée comme dangereux et risqué, mais delà à déconsidérer à ce point les risques inhérents à une morsure d'un loup-garou...
Les idées, moqueuses, tournent en boucle tandis qu'elle se défait du sortilège en asséchant la boue visqueuse qui s'enroulait autour de ses membres. En tant normal, sur le terrain, j'aurais répliqué, relançant l'humidité à l'assaut du sort adverse, pour garder les serpents en vie. Je n'aurais pas non plus laissé ses bras libres. J'aurais même depuis longtemps trouvé la bouche et les narines pour engloutir les voies respiratoires de mon adversaire. Mais ce n'est pas un champ de bataille, et mon envie d'en apprendre plus sur la Kaptajn passe presque avant l'enjeu du duel. Apprendre comment combat une autre personne, c'est en apprendre tellement plus sur leur personnalité profonde. Ca me permet de découvrir des mécanismes de défense et d'attaque utile en cas de besoin. Car on a tendance à reproduire les mêmes schémas quand il s'agit de se défendre dans une conversation ou une situation socialement inconfortable. Je ne doute pas cependant qu'elle soit dans la même optique d'analyse et d'observation que je le suis. Sinon ses sortilèges ne seraient pas suspendus aux miens, dans l'attente des suites que l'un et l'autre donnera.

Sous le poids de la sécheresse, la boue s'effrite avant de retomber en lambeaux dans la terre d'où je l'avais sortie. Monstre brièvement mené à la vie pour étouffer celle d'en face, retourner en poussière solide avant de retrouver sa forme première sous l'effet magique de l'eau qui ne cesse de devenir de plus en plus forte au-dessus de nos têtes. Contre mon flanc blessé, le tissu de la chemise frotte désagréablement et de deux coups d'épaule rapide je m'en défais pour de bon, offrant à la douce fraîcheur de l'averse, les plaies ouvertes. Les embruns mêlés à l'eau douce piquent de leur sel marin les chairs blessées, mais cela ne me dérange pas outre mesure. Ma cuisse, en revanche, me fait plus chier. Mes mouvements seront forcément limités, moins souples et nécessiteront une préparation moins hasardeuse. Quand la Kaptajn, défaite des racines solides qui la maintenaient debout, s'écroule à genoux, je jette le tissu devenu rougeâtre de ma chemise derrière moi, dans une vague direction de l'arbre où j'avais entreposé ma veste précédemment. « Et je doute pas que ce soit le seul vrai risque dont tu parles, Amundsen. Certaines personnes se sentent obligés de simuler, encore plus dans l’armée. C’est probablement pas par manque de compétences, que la plupart des filles que tu fréquentes te laisse insatisfait. Ces fiançailles à moitié entamées, à moitié arrêtées, c'est peut-être meilleur pour ta réputation que l'inverse, en fait. » Les iris s'agrandissent sous l'effet de la surprise, avant de marquer une vague floue d'incompréhension, et de finir en traits sombre sous des paupières plissées. De quoi elle parle ? Le cerveau cherche à comprendre, comprend peut-être trop bien, refuse de comprendre, et le cœur panique. « Vos envies ne disparaîtront pas simplement parce que vous le souhaitez, ou parce que vous croyez que vous ne devez pas les éprouver. » La voix du psychomage transperce l'instant présent comme une flèche pour venir se planter dans mon crâne, à l'arrière des mes yeux, et imposer un souvenir trop récent de ce rendez-vous qui n'a pas encore fini de faire vibrer mes barrières mentales. Le coeur palpite plus fort, la douleur des poumons toujours frigorifié se fait plus intense, le sang, appelé avec plus de force dans le réseau de veine coule plus vite des blessures ouvertes. Quelque part, derrière moi, Bølga émet un rapide grognement qui se perd dans le souffle rageur du vent du large qui rabat avec de plus en plus de colère, lui aussi, ses ondes sur la petite île isolée. Comme s'il cherchait à nous chasser de ce havre de paix perturbé par la stupidité de deux loups qui voulaient tester leurs forces.

Quelque chose craque, quelque part. Une branche dans le lointain, une vague contre un rocher, le sort de la Kaptajn, les lianes contre mon corps, un morceau de serrure dans mon crâne. Simuler. Le mot cogne plus fort que le sort qui déchire un peu plus les bords de la blessure infligée par la fausse dague de fortune. Est-ce que je simule vraiment ? La rage cuisante de l'insulte ne parvient pas à trouver l'échappatoire de la moquerie cynique et reste bloquée sur ce qu'Arsinoe est en train d'insinuer sous mon nez en toute impunité. Non, je ne simule pas. Ce sont les autres qui ne sont pas à la hauteur. Les lianes s'enroulent autour de mes chevilles sans parvenir à me faire totalement reconnecter avec la réalité du combat. Pas même le coup qui me tire en avant et force le poids du corps à perdre l'équilibre. Quelque chose craque. La cuisse. Eclair de douleur qui me fait pousser un grognement plus net, plus dur, plus sauvage, aussi. « Mes hommes actuels savent mourir. C’est parfois plus important que de savoir rester en vie. Mais t’as peut-être pas encore appris ça dans ta courte carrière ? » Sa voix clairement moqueuse ne parvient pas à ramener le sourire que sa tirade précédente à fait disparaître dans un frisson glacé. La respiration sifflante par le froid qui se répand toujours dans mes organes va finir par me poser problème si je ne parviens pas à retrouver mon calme, et mon pied dans la réalité. Les ongles serrés dans la terre, agrippés à celle-là même que j'avais jeté à l'assaut de son corps, je relève la tête juste à temps pour voir son geste et entendre le craquement net au-dessus de moi. Dans un troisième grognement de douleur je roule sur mon côté gauche, celui de la cuisse abîmée, froncement de nez de douleur et gifle des branches qui trouvent malgré tout mon flanc droit, blessé également. Dans mes nerfs, l'agacement du tigre se fait plus net. Il me reproche ma douleur et ma déconcentration. Il me reproche un tas d'autres choses, en sous-jacent, et je lui reproche tout autant de choses, en réponse. D'un mouvement sec je me redresse, accroupi à nouveau, la peau marbrée de boue et de sang, humide d'une eau froide qui ne parvient plus à être apaisante, et parcourut d'un long frisson qui me secoue, m'ébroue comme une bête, avant de passer à l'attaque. Regard noir, souffle court, rauque d'une chaleur que le loup a forcé pour chasser le froid qui le retenait enchainé. Le loup gronde, blessé et mis au pied d'un mur qu'il refuse. « si vous pensez n’avoir aucun mal avec ce que vous êtes, ce que vous désirez et ce que vous aimez. Mais votre technique de répétition, pour vous convaincre, semble plutôt inefficace. » A nouveau cette voix, sa voix, ce souvenir, ces frémissements mentaux, cette douleur inconsciente et ces craquements sinistres que la nervosité retrouvée pousse à son paroxysme. La bête s'ébroue, donc, range la baguette dans son étui, avant de sauter à la gorge de celle qui trouve que, une morsure, ce n'est jamais une vraie menace.

La première foulée est basse, presque à quatre pattes, la deuxième est plus haute les mains marbrée de terre sombre s'agrippent une nouvelle fois aux bras blessés d'Arsinoe. Les mains serrent, les doigts agrippent, les ongles, se plantent dans les blessures récentes. « Tu fais fausse route sur moi Adelsköld. J'suis pas du genre à simuler. » Comme pour le lui prouver, pour le prouver à tous, les muscles se contractent dans une douleur généralisée des membres qui se tendent avant de la projeter avec une violence qui ne s'attarde sur aucune retenue, vers le tronc le plus proche. Les griffes raclent la peau, égratignent au passage une peau à peine cicatrisée, et éclair affamé traverse mon regard quand je plonge une nouvelle fois sur elle pour la maintenir plaquée contre l'arbre. « C'pas parce que t'as pas mon type de femme que tu peux te permettre de raconter n'importe quoi sur moi pour soulager ton égo. » Les effluves de haine et de dégoût sont trop visibles sur mes traits, sans pour autant exprimer autre chose qu'un flou incertain quand à la destination de ces émotions. Un ongle glisse sur son épaule, là il s'était accroché, récupérant une goutte de sang qui y perle d'un rouge sombre. « Pas un véritable danger hum. Tu devrais demander à ton cher cousin ce qu'il en pense, lui, des morsures de loup-garou. Je suis certain qu'il t'en fera de longs éloges. Mais si ça te tente tant que ça, je vais finir par me demander, pourquoi, déjà ? Tu veux pas de ces fiançailles ? Tu pourrais y trouver ton compte finalement. Une morsure, l'instinct sauvage, la liberté, les folles courses nocturnes sous la lune, la justification à tes pulsions les plus animales. C'est peut-être toi qui simule l'indifférence et la dureté du célibat alors qu'en fait tu serais peut-être pas contre l'expérience avec la bonne personne capable de t'apporter ce que tu sembles rêver comme une prisonnière qui rêve du prince qui viendrait la délivrer de sa prison dorée. » Peu à peu, le ton a quitté ses accents sombres pour redevenir plus moqueur. Mon corps se recule d'un coup dans une crispation de douleur qui fait plier mon genou par réflexe, tout en armant mon poing gauche, le plus habile des deux, pour venir frapper allègrement sa mâchoire, comme une jolie conclusion de tout ce que pense qu'elle devrait faire avec : se la fermer pour de bon et ne plus jamais évoquer l'idée que je puisse ne pas me satisfaire des filles.  



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Je vois sa douleur, alors qu'il roule sur son côté pour éviter -partiellement - la branche cassée. Mes iris glissent sur sa peau dénudée, qui a pris la couleur de la boue et du sang. Cette teinte si particulière acquise seulement dans l’effort et la lutte, qui est bien plus belle que toutes les autres nuances. Je n’aime pas particulièrement voir les autres souffrir, mais ce n’est pas non plus quelque chose que je déteste. Quand il ne s’agit pas de mes hommes, et parfois même quand il s’agit de mes hommes, ce phénomène naturel me laisse indifférente. Ou presque. Ce qui est certain, c'est que je n'ai aucun regret en le voyant s'ébrouer, comme un loup, le souffle court et le regard noir. J'appréhende avec une excitation nerveuse, issue de l'adrénaline, sa réaction. Je suis curieuse de ce qu’il fera, de ce que cet état peut provoquer chez lui et sur ses compétences. Seront-elles amplifiées ? Aura-t-il un sursaut de rage, d’énergie, de violence ? Il range sa baguette, tandis que je glisse une main sanglante contre ma côte, par réflexe. L'homme me rejoint, ses mains terreuses s'agrippant à mes bras. Les ongles s'enfoncent dans les blessures ouvertes, la douleur s’infiltre dans mes nerfs. Éclairs vifs, nerveux, brûlants. Je ne contiens pas le rictus qui s'échappe de mes lèvres, alors que mes dents se serrent. « Tu fais fausse route sur moi Adelsköld. J'suis pas du genre à simuler. » Je ne peux que noter que c’est cette affirmation, qu’il a décidé de relever en premier. Comme par nécessité de la contredire aussitôt – et par nécessité de la contredire tout court. Il aurait pu ne pas la faire. Il aurait pu la laisser là où elle était, dans les théories et les rumeurs, en la jugeant indigne d’une réponse. Un sourire entendu remplace le rictus et reste en place brièvement, jusqu’à ce qu’il me projette avec violence vers le tronc le plus proche. La tête heurte l'écorce humide dans l'élan du geste, son mat, qui résonne avec bien plus de lourdeur sous mon crâne. Mon sourire s’évapore, mes paupières tressaillent et mes mains auraient probablement glissées contre mes tempes, si les griffes du militaire n'avaient pas raclé ma peau, alors qu'il plonge une seconde fois pour me maintenir contre l'arbre. Je sens moins cette attaque : ce que je sens bien, par contre, ce sont mes pensées qui veulent s’échapper, comme pour me signaler qu’elles en ont marre, d’être trop remuées dans les derniers jours. Je lutte pour en retrouver le fil, me concentrant sur la douleur qui continue de s’infiltrer sous ma peau, nette et incisive. « C'pas parce que t'as pas mon type de femme que tu peux te permettre de raconter n'importe quoi sur moi pour soulager ton égo. »  J’ai un égo important, je ne le nierai jamais. Mais au point de raconter des conneries, parce que je ne suis pas le type de quelqu’un ? Non. Au point, par contre, de m’intéresser de près à certaines rumeurs qui peuvent m’être utiles et qui peuvent expliquer certaines choses, quand on les rassemble toutes, ou soulever d’autres questions. Comme l'origine de cette haine et de ce dégoût, si visibles sur ses traits. Envers moi ou envers lui ? On ne se défend pas avec une telle véhémence si le sujet ne nous touche pas d'un peu trop près, si on ne craint pas qu'il soit vrai ou que quelqu'un fasse des liens trop clairs.

L’ongle de mon adversaire glisse sur mon adversaire, et je me fais la réflexion qu’un combat avec un autre loup est bien plus stimulant qu’un entraînement avec les membres de la brigade aérienne. Avec eux, sur la base, il faut respecter les règles. Celles qu’on fait semblant d’avoir, alors que je sais bien qu’elles foutent le camp à la première occasion, lors d’une guerre. Rien de sauvage, rien d’aussi stimulant. Je devrais en avoir honte, et j’éprouve parfois ce sentiment, mais cet aspect indomptable, physique et sanglant des champs de bataille me manque parfois, surtout depuis que je m’occupe du volet médical. « Pas un véritable danger hum. Tu devrais demander à ton cher cousin ce qu'il en pense, lui, des morsures de loup-garou. Je suis certain qu'il t'en fera de longs éloges. Mais si ça te tente tant que ça, je vais finir par me demander, pourquoi, déjà ? Tu veux pas de ces fiançailles ? Tu pourrais y trouver ton compte finalement. Une morsure, l'instinct sauvage, la liberté, les folles courses nocturnes sous la lune, la justification à tes pulsions les plus animales. C'est peut-être toi qui simule l'indifférence et la dureté du célibat alors qu'en fait tu serais peut-être pas contre l'expérience avec la bonne personne capable de t'apporter ce que tu sembles rêver comme une prisonnière qui rêve du prince qui viendrait la délivrer de sa prison dorée. » Mon rire éclate avec franchise, son rauque, qui entretient l’élancement de la côte. Son court, car le militaire s'est reculé, armant son poing gauche. Une brève seconde, durant laquelle je dois prendre une décision. L’esprit est habitué de choisir rapidement et s’il est ankylosé, il est encore réactif. J’opte pour la douleur plutôt que l’esquive, dans un enchaînement qui se doit d’être parfait pour être réussi. Ma baguette pointe la cuisse blessée du Løjtnant et je lance le sort informulé au moment où son poing heurte ma machoîre. Un craquement clair se faire entendre, alors qu’un voile sombre obscurcit brièvement ma vue.  Mes genoux plient sans me lâcher et un goût ferreux se répand sur ma langue. J’ai la satisfaction de savoir qu’il doit ressentir, lui aussi, la même douleur, à un endroit où il avait déjà mal : le sortilège du miroir copie l’impact d’un coup, sur le membre visé. Je compte sur cette synchronie pour gagner les quelques secondes dont j’ai besoin, pour me remettre. Mon rire reprend, haché, moqueur, sincère dans la douleur. « Une prisonnière qui rêve du prince charmant. Tout à fait une description exacte de ma personnalité. » Je ne compte pas me donner la peine de le dédire ou de relever le reste. Quiconque me connaît sait que cette définition ne me correspond pas : je n’ai d’ailleurs jamais fait l’éloge du célibat, seulement de la liberté. J’ai été en couple trop souvent, suivant les feux de paille, en sachant qu’ils ne brûleront jamais longtemps. Le bonheur sans les conséquences, le plaisir sans la crainte de perdre quelqu’un qui a de la valeur.

Je me suis redressée contre le tronc, sans le quitter. Mes paupières ont tressailli de nouveau, avant de demeurer obstinément ouvertes. Mon cœur bat contre mes tempes, dans un vacarme chiant, et mon crâne me signale clairement qu’il ne supportera pas un autre impact et que je dois m’orienter vers la fin du jeu, et la fin du combat. Je crache sur le sol un filet rougeâtre, sans grâce, et sans me préoccuper de l’être. On est entre soldats, pas dans une réception. « Les princesses charmantes sont moins chiantes. Simple goût personnel. Mais t'as le droit, toi, de rêver surtout du prince. » Ultime provocation, lancée d’un ton moqueur. Je veux vérifier s’il s’agit bien d’un terrain sensible, mais je veux aussi me donner le temps d’agir. Sans attendre, je m’élance à mon tour, après avoir rangé temporairement ma baguette. J’espère que ses blessures ralentiront ses réactions : mes mains empoignent ses bras avec une force accentuée par celle de la louve, alors que j’inverse nos positions. Le choc de son dos qui heurte le tronc à son tour se répercute dans le mien, alors que ma main retourne chercher la baguette, tandis que mon bras se plaque violemment contre sa trachée. Ma tête m’élance, ma peau aussi. Mes mots ont cette tonalité particulière des phrases prononcées plus laborieusement et mon sourire, tant que je n’aurai pas remis ma machoîre en place, est tordu: « Un véritable danger pour toi, Løjtnant, c’est la mort ou la souffrance ? Ce ne sont que des risques, inévitables parce qu’on les rencontrera un jour et l’autre. Pas de quoi se casser le crâne. » Quant à mon cousin…Être dans la même famille ne signifie pas qu’on réagit de la même façon aux événements. J’ai beaucoup de sympathie pour Nyx et je répondrai présente, sans hésiter, toutes les fois où il aura besoin de moi. Mais je n’aurais pas réagi comme lui, non. On ne peut pas se permettre de s’écrouler et de rouler dans la vase à chaque épreuve, aussi pénible et affreuse soit-elle. Surtout quand l’épreuve en question peut aussi être une bénédiction.

J’enchaîne sans attendre. Ma baguette, dans un geste rapide, est venue remplacer le bras maintenu contre le cou. La pointe chatouille la blessure de la morsure, en une fraction de secondes, suffisante pour ce que j’ai besoin de faire. Røyk a deviné mes intentions, probablement en sentant l’augmentation de mon enthousiasme, que je pourrais tout aussi bien regretter. Le geai bleu a repris sa forme de lionne, au même moment où j’ai récupéré le sort lancé au tout début du combat, celui du souffle glacial, avant de me reculer de deux pas pour observer le résultat. Une récupération qui n’a rien d’être une bonne chose et qui n’est pas de la bienveillance : retirer ce sort, selon l’état de la personne qui en est infligée, équivaut à une attaque très souffrante. Je me souviens de quelques spøkelse, plus idéalistes, qui avaient refusé de le lancer pendant l’entraînement, si leur adversaire avait reçu trop de blessures. Le sort se retire alors en empruntant toutes les brèches créées, en réactivant les douleurs infligées précédemment. Quant à moi, sur le champ de bataille, je n’ai jamais eu de remords à l’utiliser. En combat, pas le temps d’hésiter,  ni d’éprouver de la pitié.
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