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Batten down the hatches • Arsinoe
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Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


La douleur est un élément que je maîtrise bien. Depuis longtemps, depuis les premières transformation. Depuis cette première nuit à hurler sous la cassure des os dans ma chambre d'enfant. De cette nuit-là, j'ai le souvenir vif des éclairs blancs de la douleur qui transperçaient mon corps de part en part. Des cris incontrôlables, de la sensation nette et fracassante de mourir à chaque pulsations cardiaques. Du feu qui embrassait mes nerfs et de l'absence totale de personne pour soutenir mon âme. Pour me dire que tout allait bien se passer, que la mort n'était qu'une impression mais qu'il n'en n'était rien. Que le corps de l'enfant subirait les traumatismes, mettrait des jours à s'en remettre et des mois à dissiper la terreur de la douleur à venir. Jusqu'à parvenir à l'apprécier, et l'attendre, un goût de fer sur la langue à force de se mordre pour ne plus hurler. La douleur est mon quotidien, tous les mois. La douleur est mon quotidien, presque tous les jours, depuis que j'ai rejoins l'armée. La douleur des entraînements, des poids trop lourds portés à bout de bras, des jours entiers passés dans l'eau à tenir des cordes à mains nues sans avoir l'autorisation de relâcher la tension, des nuits à hurler sur des ponts détrempés des ordres qui ne font plus tellement de sens tant le manque de sommeil rend la position debout compliquée, des semaines entières à trembler dans la boue sous les feux ennemis. Oui, la douleur est un élément que je maîtrise bien. Je suis même assez doué pour la mettre de côté. Pour la rendre insignifiante, même quand la souffrance est mentale. Aussi pointue et perçante que le départ d'un petit-frère.
Pourtant quand je sens l'effet du coup renvoyé contre ma cuisse blessée, la douleur se fait rouge du sang qui éclate dans tous les sens sous la pression de l'os qui cède entièrement. Son rire grince dans mes oreilles en même temps que l'afflux sanguin qui déchire mes poumons que le froid rend toujours proche de l'asphyxie. Les yeux cillent plusieurs fois, Bølga gronde sans pour autant réagir. Ce combat est le mien, pas le sien, et s'il désapprouve ma dernière réaction il n'en reste pas à moins à sa place sans entamer le moindre mouvement pour me sortir de la fin qui s'annonce. « Une prisonnière qui rêve du prince charmant. Tout à fait une description exacte de ma personnalité. » Un court souffle rauque de ricanement s'échappe de ma gorge mêlée d'un grognement d'une souffrance. Si l'os promet d'être bel et bien cassé cette fois, je suis loin de m'avouer vaincu, et encore largement apte à me battre. Entièrement reposé sur l'appui droit intact, je darde un regard narquois dans ses yeux qui papillonnent eux aussi. Les coups ont été rude, je connais ma force, je la sens pulser dans ma propre cuisse, et je ne peux qu'apprécier l'idée qu'elle doit se faire cruellement sentir dans la mâchoire de la Kaptajn. « Les princesses charmantes sont moins chiantes. Simple goût personnel. Mais t'as le droit, toi, de rêver surtout du prince. » J'aurais pu le prévoir, qu'elle relancerait les provocations au vu de ma réaction. Je n'ai pas cogné sa gueule assez fort. Mes fibres gorgés d'adrénaline ne se soucient plus d'avoir l'air d'être en contrôle, mon nez se retrousse de rage et je secoue la tête d'un agacement net. Le corps veut fondre sur le sien, trouver sa gorge, écraser les cordes vocales, faire taire cette voix qui ose raconter un tel jugement hâtif. Nos deux corps s'élancent en même temps, l'un contre l'autre, mais ma jambe ploie en première sous le poids du corps dans un nouveau éclair blanc de douleur fulgurant. Les grognements se font plus durs, tout vibre dans mes fibres, les tissus gelés de l'intérieur se déchirent un peu plus sous l'accélération du rythme cardiaque qui ne parvient plus à trouver le calme suffisant pour limiter les dégâts. Quand je sens les bras d'Arsinoe se refermer sur les miens pour me faire pivoter je sais que j'ai perdu ce prochain round. Sa force lutte contre la mienne, mon dos craque avec le tronc qui heurte ma colonne vertébrale. Nouvelle décharge de douleur blanche qui court jusqu'au cerveau. « ...pourquoi tout ce que vous me reflétez quand vous m’en parler, c’est de la honte. La honte d’y penser. » Je secoue ma tête, encore, pour chasser le souvenir que le cerveau débloque dans un grésillement nerveux. La douleur inhibe les blocages, désolidarise les barrières, fracture les serrures rouillées. Un frisson redescend du crâne vers le bas du dos meurtri. La respiration sifflante induite par les poumons gelé est accentuée par la pression contre la trachée. Le manque d'oxygène commence à se faire sentir. L'engourdissement de mes doigts, l'esprit qui s'embrume créant des sons et des images qui n'existent pas, la sensation cotonneuse des bruits extérieurs qui s'estompent, me laissant seul avec ces pensées que je parviens, encore un peu, à réfuter. « Un véritable danger pour toi, Løjtnant, c’est la mort ou la souffrance ? Ce ne sont que des risques, inévitables parce qu’on les rencontrera un jour et l’autre. Pas de quoi se casser le crâne. »  Sa voix me parvient de loin, comme le murmure d'un écho du large porté par des vents tournants. Un cri d'oiseaux de mer, plaintif et criard à la fois. Doux et exécrable. La mort ou la souffrance. J'aurais accepté qu'elle souffre, tous les mois, comme nous. J'aurais accepté qu'elle regrette, qu'elle se désole du choix, de sa condition. Qu'elle sombre dans la souffrance mentale de ceux qui, comme Nyx, ne comprenne pas et n'accepte pas. J'aurais accepté qu'elle se détourne de la meute, même. De moi. Comme Sebastian. J'aurais accepté qu'elle ferme sa porte et me tourne le dos pour ne plus jamais me laisser la regarder se maquiller dans le silence doux de sa chambre. J'aurais accepté qu'elle se regarde avec dégoût, ou qu'elle choisisse de souffrir en silence, résignée, sombrant peu à peu dans l'obscurité d'une âme devenue ombre. J'aurais accepté toutes ces souffrances, j'aurais chéri toutes ses souffrances, en échange de sa mort.

Quand la pression du bras libère les voies respiratoires, l'air s'engouffre dans une large goulée qui déchire un peu plus les fibres des poumons dans un râle de douleur qui va en s'accentuant quand je sens la baguette posée sur la morsure. Ma lucidité et proche du néant, Bølga a disparu dans un nuage de particules, mes points de prise avec la réalité sont infimes, pourtant je lutte encore. Sans chercher à me défaire du prochain sortilège qu'elle compte lancer, ma main se coule le plus doucement possible pour se faire invisible, vers l'étui de ma propre baguette. Les doigts s'enroulent autour du bois chaud et trempé quand je sens le froid s'extirper magiquement de mes cellules. Je connais le sortilège qu'elle m'avait imposé et que j'avais gardé en moi dans un objectif de combat d'entrainement. Je connais les dangers d'une levée de malice rapide quand le corps est aussi atteint que le mien. Je ne redoute pas la douleur qui viendra, je l'imagine déjà trop complexe à gérer. La souffrance des poumons à chaque respiration suffit à me faire comprendre que mon cerveau risque de vouloir se protéger plutôt que de me laisser subir la douleur qui en résultera. Repousser la Kaptajn maintenant ne servirait plus à rien. S'il y a bien une chose qu'on nous apprend chez les marines, et j'imagine facilement dans tous les corps de l'armée, c'est à mourir. A reconnaître le moment où le combat bascule à votre désavantage, et où lutter pour sa survie ne sert plus à rien. Où il vaut bien mieux mobiliser ses dernières forces pour emporter son adversaire avec soi dans les limbes de l'outre-monde. Je ne suis pas en train de mourir, mais prétendre que je peux encore gagner ce combat serait foutrement stupide et serait manquer de discernement. L'égo boudera plus tard. Les yeux se ferment, les mâchoires se crispent sous la douleur, le râle gronde dans mes entrailles, je peux presque sentir chaque alvéoles de mes poumons se gonfler sous l’afflux soudain et trop rapide d'oxygène, dilatant les vaisseaux  sanguins, éclatant les fibres. Le sort s'échappe de chaque blessure ouverte dans un fracas sourd du corps qui éclate de partout. Mes yeux s'ouvrent, brûlant de douleur, pour se fixer en vibrant dans son regard. Je parviens à forcer mes lèvres qui esquissent un sourire joyeux, avant de sentir mes jambes flancher pour de bon. L'esprit vacille, le poignet parvient à trouver les côtes d'Arsinoe, et dans un sursaut de concentration profonde, toute la magie que j'ai rassemblée précédemment, se projette en avant dans une double sort. Je lance un repulso silencieux qui vient frapper son abdomen, avant d'enchaîner en une fraction de seconde sur l'hameçon magique qui part se replacer dans sa chair, au même endroit qu'au début du combat.

Mes genoux heurtent la boue dans un son mat. Ma baguette vibre, le sortilège résiste, j'imagine qu'il a eu l'effet escompté, mais mes yeux devenus noirs ne distinguent plus aucune forme dans le brouillard de la perte de connaissance. Je sens à peine le filet de sang rouge qui coule le long de mon menton. Je goutte en revanche le fer abondant qui noie ma langue. Les poumons n'ont pas entièrement supporté la levé du sortilège glacial qui avait entravé ses fibres. C'est la seule pensée nette qui parvient à traverser le brouillard avant que mon visage ne trouve la boue à son tour, un sourire toujours narquois sur les lèvres tandis qu'une dernière pensée filtre dans un doux murmure lointain : Pourtant, la douleur est un élément que je maîtrise bien.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
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La victoire ou la défaite m’importent moins dans un combat que sa qualité. Il n’y a aucune gloire à remporter une bataille contre des types qui croient qu’il suffit d’avoir la capacité de frapper pour bien se battre. Aucun plaisir, aussi, à lutter contre de tels débiles.

Le combat d’aujourd’hui, aussi agaçant puisse-t-il être en ce qui concerne certains dialogues, est stimulant. Ce n’est pas une véritable surprise : j’aurais été agacée du contraire. Et j’avais des attentes hautes, qui n’ont pas été déçues. Le Løjtnant est capable de donner des coups efficaces, mais aussi d’en recevoir, ce qui est peut-être le plus important dans notre profession. Être capable de tenir sous la douleur, ne pas se morfondre, ne pas se plaindre, et continuer de se battre, qu’importe les circonstances.  Mais même les plus résistants ont leurs limites, celle du corps : je comprends que le militaire a atteint les siennes, lorsque j'entends son râle de douleur et lorsque je constate la disparition de sa fylgia, dans un nuage de particules. Je n’ai pas pitié. On savait dans quoi on s’engageait, ce qui risquait d’arriver. C’était moi ou lui, et même si je privilégie la qualité d’un combat à sa victoire, j’aime tout de même gagner. Je l'observe fermer kes yeux, les mâchoires crispées, sans noter les doigts enroulés autour de sa baguette. Mon regard soutient le sien lorsqu'il rouvre les paupières, la douleur palpable. Il sait souffrir convenablement. Et peut-être qu'à cet infime moment, où je le vois sourire, où je devine à retardement qu'il est de ceux qui s'éteignent bruyamment, j'éprouve quelque chose à son égard qui ressemble à du respect.

Il chute au même moment où ses sorts m'atteignent. L'hameçon magique revient se planter à sa place initiale, alors que mon corps est projeté vers l'arrière. La ligne invisible tire, tire, les côtes résistent et la douleur éclate, me rappelant cette fois où un militaire adversaire avait enfoncé brutalement ses bottes dans mon abdomen, jusqu’à ce qu’un craquement se fasse entendre. Un voile noir glisse derrière mon regard sans entièrement le recouvrir, alors que mon dos heurte la terre boueuse. Ma main gauche se plaque contre ma côte blessée, toujours sous tension, tandis que la droite approche la pointe de la baguette. Les doigts tremblent, les paupières oscillent sur le choix à faire. D’un sortilège informulé, je sectionne la ligne invisible. Le relâchement soudain de la tension n’améliore que partiellement la situation, ce qui me fait deviner l’état des côtes impliquées. Sans quitter ma position, je murmure un nouveau contre-sort, cette fois pour décrocher l’hameçon. Je n’entends plus le Løjtnant et je ne peux qu’en déduire qu’il a perdu connaissance, après un dernier soubresaut magique. Bien joué. La pluie s’écrase sur mon visage orienté vers le ciel et un son facilement identifiable m’indique que Røyk est en train de s’approcher de moi. Elle laisse tomber une forme lourde sur mes jambes, que j’identifie comme étant mon sac, avant de donner un coup de langue joyeux sur ma joue. Elle ne dit et ne fait rien de plus ; ma fylgia, excessivement moqueuse et joueuse, n’est pas bavarde.

Une main toujours plaquée contre mes côtes, je me redresse lentement. L’habitude de veiller à la sécurité de mes hommes me pousse à chercher d’abord du regard Amundsen ; je fronce légèrement les sourcils en notant la position de son corps, orienté vers la boue. Il n’aurait pas pu s’évanouir dans un angle plus commode… ? Je lance un sort de stabilisation, pour que le mouvement soit initié de façon aussi précautionneuse que s’il était fait manuellement, avant d’enchaîner par un autre sort, qui le fait lentement pivoter, afin qu’il se retrouve de côté, les narines et la bouche dégagées, en position latérale de sécurité.

Je n’ai pas la charité de m’occuper de lui en premier. On apprend tôt dans l’armée qu’il vaut mieux veiller à ses fesses d’abord, pour être en mesure de défendre celles de l’autre. Et j’ai des priorités. Si la situation avait été inversée, je ne crois pas qu’il se serait précipité vers moi, sans s’occuper de ses blessures les plus importantes d’abord. Je me concentre donc sur ma côte, que je devine fêlée, ou cassée, au vu de ma respiration plus pénible. J’y lance un sortilège de soins basique, ainsi qu’un second sort, pour que la pression exercée par ma main, et qui atténue les pulsations de douleur, soit permanente en attendant que je m’y attarde davantage. Je retire ensuite ma main, jetant un court coup d’œil à mes bras ensanglantés, sans m’y attarder. Ça, ce n’est pas urgent. Je me redresse lentement, faisant glisser la courroie de mon sac sur mon épaule lacérée. Ma baguette, lourdement mise à contribution, tapote ma mâchoire pour lui redonner la bonne position, tandis que je me dirige vers le Løjtnant. Les conséquences des plaies sur ma peau se font davantage sentir, maintenant que l’adrénaline descend. Mes dents se serrent, alors que je me laisse tomber à côté d’Amundsen, dans la boue. Vu l’état général de nos vêtements, ça ne change pas grand-chose. À ce stade, j’en oublie presque qui il est et nos conversations : il n’est, temporairement, qu’un patient, comme en intervention. D’un sort, je radiographie le haut de son abdomen, pour vérifier l’état de ses organes et les urgences potentielles. Je relève une légère hémorragie des poumons, qui ne m’arrache aucun regret ou froncement de sourcils. On a combattu. Ce sont des choses qui arrivent – et je l’avais prévenu, que j’étais effectivement fourbe. Pas de remords, donc. Ni d’inquiétude particulière : il est dans un état plutôt moche, tout comme moi, mais tant que je gère le problème principal, ce n’est pas cette bataille qui le mènera dans un bateau funéraire.

Plusieurs minutes se sont écoulées, lorsque je termine enfin d’endiguer l’hémorragie. Je ne saurais dire si le sang sur le torse de l’homme à mes cotés est le sien, ou le mien. Mes blessures non-soignées continuent de m’élancer, mélange crasseux de boue, d’eau et de filets rougeâtres. Amundsen aura de quoi s’occuper de ce côté, si j’en juge l’entaille sur son flanc. Mes iris curieux, maintenant que la situation est moins pressante, s’attardent sur la trace de morsure qui y est visible. Est-ce ainsi qu’ils règlent les choses entre eux, dans la meute ? Peut-être bien. Je relève aussi avec intérêt les nombreuses traces de griffure, qui sont comme les croquis du passé du Løjtnant. Ou du présent. Dans tous les cas, c’est intéressant.

Røyk pousse un rugiment peu discret, me signalant que je pourrai être curieuse plus tard, et qu’il serait peut-être temps de m’occuper plus convenablement de mon propre corps. Je lève les yeux vers le ciel, faussement blasée, la pluie roulant toujours sur ma peau. Mes doigts glissent dans mon sac, jusqu’à mon étui à potion : j’en sors une fiole verdâtre, utile pour les pertes de conscience, que j’ouvre et agite sous le nez du militaire quelques secondes, avant de la ranger. Autant avoir de la compagnie, pendant cette partie si peu palpitante d’un combat : « Debout, c'est l'heure d'arrêter de glander. J’fais pas de soins à domicile, faut que tu gères tes blessures. » Je ne précise pas que j’en ai déjà géré une partie. Je suis occupée à retirer mon débardeur boueux, qui me colle désagréablement à la peau, en songeant avec un peu trop d’enthousiasme à l’eau qui est dans le coin, et qui pourrait être utile pour nettoyer ; si on oublie l’effet agréable du sel sur des blessures ouvertes.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


La première sensation qui revient, c'est l'odeur de la forêt humide baignée d'une forte odeur d'embruns et entrecoupée de celle du sang frais. Une odeur délicieuse, qui mêle tout ce que j'aime. Une odeur qui titille l'instinct primaire avant même l'éveil complet de la conscience qui s'extrait avec une première lenteur pâteuse. « Debout, c'est l'heure d'arrêter de glander. J’fais pas de soins à domicile, faut que tu gères tes blessures. » La voix me parcourt de part en part réveillant entièrement mon cerveau dans un sursaut. Les yeux s'ouvrent en grand avant de se refermer rapidement sous la goutte de pluie qui tombe en plein milieu de l'iris. Nouveau frisson de vie qui secoue mon échine. Je déteste être allongé, encore moins perdre connaissance, pire encore, sentir la position de sécurité dans laquelle je me trouve. Sur le côté, lisiblement mis dans cette position ridicule à propos. Je gronde avant de me redresser d'un coup sur mes pieds, un genou au sol et l'autre relevé, prêt à bondir. Mon échine s'ébroue d'elle-même tandis que les diverses informations sensorielles se connectent aux synapses de mon cerveau. Un rapide état des lieux fait le compte : douleur thoracique mais supportable, respiration correcte, cuisse lancinante et inconfortable, flanc brûlant d'une douleur rouge et pulsatile, épaule sensible. Les larges respirations raclent dans les poumons étonnamment malléables, je force, inspire profondément, expire dans une quinte de toux sèche qui me fait cracher trois filets de bave d'un rouge de plus en plus clair. J'ai pourtant le souvenir du sang qui remontait des poumons pour inonder ma gorge, j'en déduis donc que l'hémorragie a été stoppée. Une moue agacée passe sur mes traits avant d'être chassée par le revers de main qui essuie mes lèvres. Mon regard légèrement acéré file vers la Adelsköld qui semble déjà avoir entamé sa phase de réparation personnelle. J'imagine, en l'observant, qu'elle a pris le temps de s'occuper de ses propres blessures prioritaires avant de venir me sortir de ma torpeur. Tant mieux, elle aurait baissé définitivement dans mon estime si ça n'avait pas été le cas. C'est déjà assez humiliant comme ça d'avoir perdu, et d'avoir été soignée par elle en étant inconscient. Ça l'aurait été beaucoup trop si elle s'était permise de soigner mes blessures après les avoir infligées. J'aurais été capable de relancer immédiatement le combat.

Je tourne la tête à la recherche de ma baguette tombée à quelques centimètres de moi et me déplace d'un bond sur le côté pour l'attraper. L'éclair de douleur qui traverse ma cuisse me rappelle douloureusement le résultat de mon coup de poing dans sa mâchoire et un rictus amusé vient se lover sur mes lèvres. « Est-ce que j'ai réussi ma dernière combinaison de sort ? » Une première question articulée d'une voix rauque encore encombrée des résidu de fluides diverses qui avaient noyés ma gorge après le retrait de son sort de froid. Le ton est néanmoins joyeux presque enfantin, et je crois ne pase tromper en pensant qu'elle aurait la fierté d'être honnête. Si j'ai une certaine amertume d'avoir perdu le combat, je n'ai pas la certitude d'avoir visé juste pour ma dernière attaque sous l'aveuglement de ma perte de conscience, et je n'ai nullement honte de le reconnaître. Après tout, c'était un combat proche d'un entraînement et non un duel à mort. Ma baguette pointée sur ma cuisse je lance un premier sort de soin qui me fait légèrement serrer les dents sous la douleur des os qui bougent pour se remettre en place. Une fracture donc, non complète. Tant mieux, ça m'évitera de boiter lisiblement demain pour la reprise.

Pour tester la résistance de ma première réparation physique, je me redresse enfin debout sur mes pieds. Je croise alors le regard de Bølga qui trottine gaiement sur les rochers, comme si ma douleur ne dérangeait nullement son enthousiasme grandissant pour la baignade qu'il devine. Il boîte, lui, néanmoins et je ne peux retenir un rapide clin d'œil amusé. « Je vais me baigner pour laver le reste. La boue c'est bien mais j'ai pas envie de me taper une infection. Il y a une minuscule crique par là si tu veux. » Coup de menton vers la droite en direction de l'endroit en question que Bølga a déjà probablement rejoint. Je sens l'excitation qui roule dans mes nerfs, il ne va pas m'attendre pour aller nager, le fourbe. Mon regard revient de poser sur la militaire qui a retiré son haut dévoilant les traces du combat précédent. C'est assez plaisant de constater qu'elle a subi des dégâts assez conséquents de son côté aussi. Ça fait descendre très légèrement l'agacement amer d'avoir perdu face à elle. « Il y aura une revanche Kaptajn. » Le constat claque comme une promesse joyeuse avant que je ne détourne le regard bien peu intéressé par le spectacle qu'elle donne à voir en sous-vêtements, sans même réfléchir trois secondes à l'utilité que je pourrais d'avoir l'air intéressé. Roulant des épaules pour détendre les muscles endoloris sous la descente fulgurante d'adrénaline qui éveille les points de tension, je marche résolument, la main gauche massant énergiquement la cuisse encore bien douloureuse, vers la crique et la promesse d'une baignade d'eau fraîche, et piquante.

Le vent fait mugir les vagues qui se fracassent avec force sur les rochers escarpés qui entourent l'îlot. Le petit trou desservi par une grève de gros galets est peu accueillante et n'a de crique que la forme sans le moindre signe plaisant de plage. A peine six mètres de pierres luisantes d'écume et de vagues furieuses que la pluie continue de marteler allègrement. J'aurais pu attendre que l'averse nettoie les plaies, mais je n'ai pas cette patience. D'un coup de baguette je leste mes chaussures inadaptées à l'environnement pour entrer dans l'eau jusqu'à mi-cuisse, le regard perce vers le large et la silhouette invisible de Bølga très probablement en loutre de mer, qui profite à sa façon de la tempête marine pour rouler dans les vagues en riant. Accroupi dans l'eau, je rince d'abord mon visage, puis mes bras dans un soupir enthousiaste.



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Je regarde l'homme s’éveiller avec un intérêt partiel. La professionnelle veut s’assurer que le réveil se passe bien, que je ne suis pas passée à côté d’une blessure majeure. La militaire s’en tape un peu plus. Maintenant que j’ai fait ce que je devais faire, son état ne me concerne plus. Je le vois se redresse, puis cracher, trois filets de plus en plus clairs. Sort réussi, donc. Là s’arrête mon observation. Je reporte mon attention sur mon propre corps, qui aura clairement besoin d’une baignade. Je n’ai rien contre la boue, mais ce n’est pas optimal, pour les plaies et les infections. Et ce n’est pas forcément confortable, aussi.  « Est-ce que j'ai réussi ma dernière combinaison de sort ? » Je ne réponds pas immédiatement à sa question, me contentant d’ébaucher un léger sourire. Je glisse ma main contre le bas de mon abdomen, pour écarter la terre et le sang, et mieux voir l’état de cette blessure. Moche, sale – une branche, même taillée, n’est pas exemplaire en termes de propreté – mais pas catastrophique. Mes bras me poussent au même constat. Je jette un sortilège pour endiguer les saignements et accélérer la coagulation, tandis que le Løtjnant reprend la parole, sa fylgia trottinant sur les rochers : « Je vais me baigner pour laver le reste. La boue c'est bien mais j'ai pas envie de me taper une infection. Il y a une minuscule crique par là si tu veux. » J’hoche la tête dans un signe d’approbation, après avoir noté l’emplacement qu’il a pointé. Mon enthousiasme se reflète dans mes yeux brillants, qui contrastent avec l’éclat probablement plus terne de ma peau. « Il y aura une revanche Kaptajn. » Le regard du militaire, qui s’était posé sur moi, très brièvement, se détourne. Je n’ai aucune pudeur particulière, pas avec mes semblables. Ou pas en général, tout court. Quand on est envoyé au front et qu’on côtoie d’autres personnes au quotidien, du coucher du soleil jusqu’au lever du jour, quand on dort serré pour se réchauffer dans les nuits les plus laborieuses, on ne s’embarrasse pas des conventions. Les spøkelse connaissaient les moindres lignes de mon corps, tout comme je connaissais les leurs. Pratique, pour reconnaître une silhouette dans un sale état sur un champ de bataille. À long terme, on en était venu à s’en foutre pas mal, de la nudité des autres. Un corps était un corps, rien de plus. La brièveté du regard du militaire ne m’étonne donc pas, pour deux raisons différentes. L’habitude, déjà. Je ne doute pas que lui aussi, de son côté, a connu une ambiance similaire auprès de son régiment. Pas identique, mais probablement semblable au niveau de la pudeur. Et puis, si la théorie que j’ai commencé à amorcer pendant le combat est vrai…

L’homme s’éloigne après avoir roulé des épaules, sûrement en direction de la fameuse crique. Je prends le temps de consolider mes sorts de soin au niveau de mes côtes, puis de fouiller de nouveau dans mon étui à potions. Je n’ai rien contre la souffrance, mais je ne suis pas maso ; j’attrape une minuscule fiole, dont j’avale le contenu, et qui sert à atténuer l’effet du sel sur les plaies. Une façon de bénéficier du pouvoir nettoyeur de l’eau, qu’importe sans provenance. Je range mes affaires, avant de me redresser à mon tour. Mes membres sont endoloris par le combat et la fatigue, douce et presque apaisante, se fait sentir. Les blessures brûlent, la machoîre élance encore, mais c’est gérable. Debout, j’attrape mon sac dont je fais glisser la courroie sur mon épaule la moins amochée, avant de suspendre mon haut à une branche. Je le nettoie d’un sortilège, puis le laisse en place, sans en avoir besoin immédiatement. Mon sens des priorités me pousse à passer là où se trouvait précédemment le sac et où Ying avait déposé la bouteille. J’attrape l’objet, que j’amène avec moi à la crique.

Røyk me suit avec enthousiasme. La lionne, imitant le tigre, gambade à son tour et j’ai une seconde d’inquiétude : j’espère qu’elle ne poussera pas la joie et la moquerie jusqu’à se transformer en poule. Je m'arrête à proximité du militaire qui s'est déjà enfoncé dans l'eau jusqu'à mi-cuisse, sa fylgia n'étant plus visible. Les vagues sont agitées, les rochers ne sont pas accueillants et l'endroit n'est clairement pas celui que la plupart des gens choisiraient pour une baignade. Mes iris s’animent un peu plus, joyeusement. Le lieu me rappelle le pire et le meilleur. Les baignades en solitaire après des nuits où les cris entendus n’étaient pas les miens, ces baignades où je voulais effacer le sang sur mes membres sans que mes compagnons ne le remarquent. Mais aussi les autres baignades, ceux avec les membres de mon escadron, dont des conditions météorologiques souvent exécrables, qui nous faisaient sentir incroyablement vivants. « J'aurais été déçue que tu ne veuilles pas de revanche.» Ma voix est moqueuse, mais sincère. Le contraire m’aurait étonné et m’aurait presque semblé indigne du militaire. Je dépose le sac et la bouteille sur les gros galets, avant de retirer mes chaussures noires. Je retire ensuite mon pantalon, indifférente au fait d’exposer les effets sur mes cuisses de ce sort semblable à de l’acide que je me suis pris à l’auberge lors de mon combat contre Ilhami. Je déteste nager habillée et les cicatrices, c’est quelque d’aussi normal que de respirer. « Ta dernière combinaison de sorts était parfaite, vu les circonstances. Une bonne dernière attaque. » Je n’ai pas l’orgueil de ne pas vouloir l’admettre. Reconnaître les bons coups de nos semblables m’a toujours semblé nécessaire, même si nous sommes la personne qui en a fait les frais : les bonnes tactiques et les enchaînement réussis doivent être relevés.

La pluie glisse sur ma peau alors que je m’enfonce à mon tour dans l’eau, jusqu’aux fesses. Røyk a changé de forme, mais m’a épargné la poule : le geai bleu s’élève au-dessus de nous, joyeusement, tache bleue dans un ciel gris. « Tu combats bien, Løtjnant. Je m'étais pas trompé à ton sujet : y'a du potentiel. » Commentaire neutre, qui est presque celui de la Kaptajn, plutôt que celui d’Arsinoe. C’est aussi notre boulot : repérer les bons éléments. Et je ne doute pas qu’Amundsen fait pareil, avec ceux de son régiment. Il doit aussi remarquer ceux qui se détachent du lot, et ceux qui ne parviendront jamais à se tailler une place adéquate.   « Les gradés de l’armée de l’air qui ne vont plus sur le terrain ont le défaut de ne pas être assez créatifs. Ça donne des entraînements très…fades. » Le mépris glisse dans ma voix, alors que je m’enfonce plus franchement dans l’eau. Mes blessures se font nettement sentir, douloureuses, mais le froid qui ankylose mes membres a un effet non-négligeable. J’évite malgré tout de faire des mouvements trop brusques, frottant mes mains contre mes bras, un léger rictus aux lèvres, pour effacer les traces de boue et de sang. « T’as pas oublié ce que tu me dois, vu que j’ai gagné ? » Le contraire m’étonnerait.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


L'eau froide enserre mes jambes avec la force du courant marin qui voudrait me ramener vers la plage. La joie de Bølga vibre dans mes fibres, ma fylgia aime la tempête plus que moi peut-être, jouant à plonger dans les profondeurs pour s'extraire des écumes et du creux des vagues et nager à contre-courant avec les poissons immobiles. L'envie de la rejoindre est puissant, impérieux, rien ne vaut une bonne baignade à lutter contre les éléments marins pour se remettre d'un beau combat, et d'une défaite honorable. L'eau ruisselle dans mon cou, le sel mord la blessure ouverte dans un frisson électrique qui me fait revivre inévitablement la douleur des crocs de la louve dans ma chair. Un sourire lumineux sur les lèvres, j'entends la vois d'Arsinoe traverser le vent pour venir jusqu'à moi d'un ton moqueur : « J'aurais été déçue que tu ne veuilles pas de revanche.» Cette simple phrase me rassure sur la personnalité de la Kaptajn. J'avais peu de doutes, mais la perspective de la savoir du genre à apprécier les combats et espérer une suite à un premier contact me fait croire qu'elle a peut-être bien d'autres intérêts que son seul nom d'Adelsköld et sa forme de louve. Quant à la savoir déçue si je n'avais pas proposer de revanche... Est-ce qu'elle serait en train de légèrement changer d'opinion sur moi ? De personne qu'elle ne pouvait pas voir de loin sans marquer des signes d'agacement, je jugerai presque qu'elle en vient à tolérer ma présence. Je sens Bølga effleurer mes jambes sous l'eau avant de repartir toujours invisible, sous la surface de l'eau. Il m'appelle, me tente, titille mon envie de nager avec toute la malice dont il est capable.  « Ta dernière combinaison de sorts était parfaite, vu les circonstances. Une bonne dernière attaque. » Mon sourire se fait immédiatement plus joyeux, vainqueur, immanquablement. J'ai donc réussi, une fois de plus, cette combinaison de sorts. L'orgueil ajoute sans honte cette nouvelle victoire à la liste de toutes les autres, comptant le score jusqu'à présent presque parfait de la série.

J'entends Arsinoe entrer dans l'eau à son tour. Continuant de frotter les traces de sang et de boue mêlée sur mon corps, je glisse un regard en coin vers elle notant qu'elle a également retiré son pantalon dévoilant des marques plus intriguante encore sur ses cuisses. Anciennes traces d'une guerre, ou combat personnel plus récent ? Dans l'obscurité de la nuit sombre il est difficile d'analyser entièrement l'ancienneté de ces marques. Je n'ai de toute façon pas envie de m'y attarder, des cicatrices on en a tous, moi-même n'étant pas épargné. Que ce soit des conséquences de sortilèges mal cicatrisés, ou des morsures punitives de la meute, je sais qu'il y a de quoi regarder, cela ne l'a jamais dérangé. Comme tous les militaires, et les marines peut-être plus encore, la proximité des corps et des conditions souvent spartiates de nos couchettes ont gommé depuis longtemps toute trace de pudeur. Tout comme les corps morts ne sont que des amas de muscles et de tendons, ceux vivants ne sont rien d'autre que des membres et des chairs chaudes. En théorie. La pratique parfois, dans certaines conditions, embrouille certains de ces principes, mais la question n'est pas là pour le moment.  « Tu combats bien, Løtjnant. Je m'étais pas trompé à ton sujet : y'a du potentiel. » Deux compliments à la suite ? C'est presque trop demandé. Trop facilement, le cerveau malléable se jette sur ce constat pour transformer la défaite du combat en victoire sociale sur la Kaptajn et diminuer le sel acide de la défaite. Ça valait presque 'e coup de perdre pour s'entendre ainsi être remonté dans son estime, ou du moins être valorisé par mes capacités militaires. Cela a bien plus de valeur à mes yeux que d'être mis en avant pour tout autre chose. Je n'ai aucune honte à reconnaître chercher la validation des gradés, quand même bien même ils viennent d'un corps différents. C'es une juste récompense pour mes efforts de discipline, je serai con d'être trop humble pour les recevoir comme une récompense bien méritée.

Parfaitement ancré sur les galets grâce à mes chaussures lestées je ne ressens que faiblement le mouvement de la marée contre mon pantalon. Habitué à me baigner en tenue, avec tout mon équipement sur le dos, je ne ressens aucune gêne occasionnée par le tissu contre ma peau. Je ne fais souvent même plus la différence, et j'avance doucement dans l'eau, jusqu'aux hanches, dans un éclat de douleur presque soulagé quand les vagues viennent gicler contre l'entaille ouverte du flanc. Je reporte mon attention sur Arsinoe quand elle reprend la parole : « Les gradés de l’armée de l’air qui ne vont plus sur le terrain ont le défaut de ne pas être assez créatifs. Ça donne des entraînements très…fades. » L'avis méprisant est largement partagé, il suffit de voir la réaction du Kommandør face à notre incroyable réussite de manœuvre. Il aurait pu saluer notre créativité pour contourner le problème de précision dûe au milieu aquatique, au lieu de ça il n'avait fait qu'essayer de prouver qu'on avait contourné les règles - sans succès - avant de nous punir pour notre audace. Et notre clair désir d'humiliation, il faut le reconnaître. Mes yeux suivent la silhouette de la Kaptajn qui s'enfonce plus en avant dans l'onde sombre et mes propres désirs de baignade explosent en même temps que Bølga revient de faufiler entre mes jambes, tournant à plusieurs reprises autour de moi avant de remonter rapidement à la surface dans mon dos pour prendre sa respiration. « T’as pas oublié ce que tu me dois, vu que j’ai gagné ? » Évidemment que non, je n'ai pas oublié. Un rictus boudeur filtre sur mes lèvres tandis que je profite de l'éclat de sa voix pour disparaître sous la surface de l'eau dans un mouvement silencieux. L'eau glacée engourdi mon crâne, le sel darde mille aiguilles dans les blessures ouvertes mais le mouvement de l'eau apaise en simultané les douleurs des fibres. La loutre m'accueille sous les vagues dans une vrille trop heureuse. D'un geste de baguette, je défais le sortilège qui lestait mes chaussures, avant de me propulser vers l'avant d'un coup de pied expert. L'obscurité est presque totale sous la surface, et je me laisse guider par la patte que ma fylgia a posé sur moi pour remonter 'le courant jusqu'à l'ombre de la Kaptajn. Sous l'eau, je suis moins sujet aux pressions des vagues qui me renvoient vers la grève, mais le courant est plus musclé et mes bras encore endoloris par le combat tient avec force sur mes réserves. Heureusement elle n'était pas partie trop loin encore. Je me fonds un peu plus profondément pour attraper sa cheville tandis que Bølga se place sur mon dos. D'un seul geste je me redresse, la cheville d'Arsinoe en main pour lui faire perdre l'équilibre et faire plonger sa tête dans l'eau tandis que le tigre reprend forme, s'appuie de mon dos, et saute en l'air dans une vague tentative d'attraper le geai bleu en plein vol. Ses mâchoires claquent sur le vide et il retombe dans la mer agitée dans une large éclaboussure avant de changer de forme sous l'eau et de repartir au loin dans un éclat de rire qui se répercute dans mes côtes. Je ris avec lui, trop fier de mon coup avant de replacer mes cheveux trempés d'un geste de main, dégageant les yeux sur lesquels ils étaient venus se plaquer. « J'ai pas oublié, c'était quoi déjà ? Une promesse de te faire vivre une misère en compensation de la défaite ? » Je ricane, clairement moqueur, une moue légèrement amère et pleine de promesses sur les lèvres. « Je suis mauvais perdant, mais j'ai l'honneur de ma parole engagée Kaptajn. Et faut reconnaître que tu te bats bien, pour une fille de l'air qui s'entraîne avec ses gradés molassons. J'imagine que dans ta nouvelle affectation les occasions d'entrainements musclés sont moins fréquents qu'avant ? » L'escadron d'intervention de soin doit savoir se défendre, et attaquer, inévitablement. Mais les entraînements avec ses subordonnés doivent être moins intenses qu'ils devaient l'être quand elle était dans les forces d'attaques sur le terrain. M'allongeant à nouveau, je fais quelques brasses dans l'eau glacée, replongeant sous les vagues quelques secondes avant d'émerger à nouveau dans un grognement de plaisir et de reprendre la parole en me redressant, observant intrigué mon flanc qui s'est remis a saigner plus abondement sous l'action de l'eau. « J'ai rien contre l'idée d'enchaîner les revanches contre toi. Je trouve ça même franchement enthousiasmant après le combat qu'on vient de faire. Mais de ta part cela me surprend légèrement, est-ce qu'Arsinoe Adelsköld se laisserait apprivoiser par ma compagnie ? » Un large sourire amusé se devine malgré l'obscurité de la nuit qui manque d'être englouti par une vague plus haute que les autres qui claque contre mon dos dans un rugissement de tempête et qui m'oblige à plonger quelques secondes la tête sous l'eau, Bølga nageant en rond autour de mes épaules entièrement submergées. Sa joie à lui est toujours à son paroxysme, si bien qu'il ne fait plus tellement attention à rester entièrement invisible même pour les yeux de la Kaptajn. Engourdie par l'eau froide, libérée du poids de mon corps, ma cuisse me semble même n'être plus qu'une blessure secondaire, et si ce n'est l'infime couleur bleuté que mes lèvres commencent à prendre, je pourrais entièrement considérer l'idée de rester encore une heure à nager avec ma fylgia.



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
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Je ne le vois pas disparaître sous l'eau. Son geste me prend efficacement par surprise, et je sens les doigts contre ma cheville en même temps que la pression exercée ; ma tête plonge sous l’eau, juste au moment où un tigre – la fylgia d’Amundsen, qui n’avait assurément pas cette forme précédemment – s’élance vers Røyk. Je sens son plaisir espiègle résonner sous mon crâne, alors que je crève de nouveau la surface, ma toux rauque se mélangeant à un rire sincèrement moqueur.   Je suis trop gamine pour ne pas apprécier ce genre de gestes, qui tient davantage du jeu que d’autre chose. Ça aussi, ça me rappelle de bons souvenirs, avec mes Spøkelse. Je ne devrais peut-être pas y songer, ni même les évoquer. Il n’y a aucune similitude entre eux et Amundsen. Aucune entre lui et Svendsen. Aucune, si ce n’est la grande gueule, la capacité à m’énerver rapidement, cet amour des combats et cette compétence particulière pour me provoquer et me répondre. Quasi rien, comme similitudes. Aucun risque de l’apprécier. « J'ai pas oublié, c'était quoi déjà ? Une promesse de te faire vivre une misère en compensation de la défaite ? » Mes bonnes résolutions s’effacent en un éclat moqueur, qui répond à la phrase du Løtjnant. Je ne crois pas nécessaire de réitérer les termes du marché effectué avant notre combat. Je n’ai aucun intérêt de toute façon, du moins dans l’immédiat, pour ce qui était prévu pour le gagnant. Je verrai plus tard. « Je suis mauvais perdant, mais j'ai l'honneur de ma parole engagée Kaptajn. Et faut reconnaître que tu te bats bien, pour une fille de l'air qui s'entraîne avec ses gradés molassons. J'imagine que dans ta nouvelle affectation les occasions d'entrainements musclés sont moins fréquents qu'avant ? » Mon sourire se change en grimace, autant provoqué par la fin de sa phrase que par un éclat de douleur plus dérangeant que les autres, lorsqu’une vague vient chatouiller férocement mon cou. Les occasions d’entrainement musclés sont effectivement moins fréquents. On doit combattre, dans la brigade de soins, mais beaucoup moins que les autres : ce n’est normalement pas l’objectif principal. Et je me mentirais, si je niais que ça me manque, les combats violents dans le ciel et sur la terre, qui se terminent dans le sang, les blessures et la satisfaction. Les entraînements sur la base, loin de ceux qu’on faisaient à l’extérieur, demeurent trop doux pour quelqu’un comme moi, habituée à pire.

L'homme s'allonge puis replonge, tandis que je repousse une mèche bouclée derrière mon oreille, me contentant de profiter de l'effet des vagues agitées, qui me repoussent toujours dans une direction. Le militaire émerge de nouveau dans un grognement de plaisir qui m’arrache un sourire. Il est clairement dans son élément.   « J'ai rien contre l'idée d'enchaîner les revanches contre toi. Je trouve ça même franchement enthousiasmant après le combat qu'on vient de faire. Mais de ta part cela me surprend légèrement, est-ce qu'Arsinoe Adelsköld se laisserait apprivoiser par ma compagnie ? » Je roule des yeux d’un air faussement excédé, même s’il ne voit probablement pas mon expression, alors qu’une vague un peu plus haute me pousse à plonger moi aussi ma tête sous l’eau ; lorsqu’elle perce de nouveau la surface, j’aperçois la forme qui nage autour des épaules submergées du Løjtnant : une loutre. Je retiens à moitié mon sourire, rétorquant :   « Rêve pas. J’suis impossible à apprivoiser. » Mon ton est moqueur, mes iris sont trop joyeux. Je sais que ce que je dis est faux, même si j’aimerais bien que ce soit vrai. J’évite de m’attacher, depuis les Spøkelse, mais je n’ai jamais été un modèle d’insensibilité. Je reprends : « J’ai la permission de parfois rejoindre l’unité des combattants, pour les entraîner. Mais c’est pas la même chose, aussi réussi un entraînement sur la base puisse-t-il être, ça équivaudra jamais la violence des coups échangés en pleine nature. » Comme ce soir. Ce type de combat, libre de règles, je ne peux pas le mener avec n’importe qui. Trop de militaires, même endurcis, se plaindraient de certains sortilèges. Et il y a une bonne marge, entre s’habituer aux pires conditions, parce que c’est notre boulot, et apprécier de combattre dans des milieux hostiles. Ma voix se fait encore plus espiègle, alors que je rajoute : « Après, faut voir si t’as ce qu’il faut pour enchaîner plusieurs revanches sans perdre connaissance à chaque fois. » Ça aurait pu être moi, je n’en doute pas. Il a bien combattu et dans ce genre de situation, il suffit souvent d’un seul sort, pour tout faire basculer.

Une nouvelle vague me fait plonger, et j’en profiter pour faire quelques brasses sous l’eau, luttant contre la force du courant. Mes bras me rappellent à l’ordre : la douleur se fait plus nette, presque incisive et je remonte, en sachant que la baignade est bientôt terminée, de mon côté. Je peux retarder certains soins, mais pas indéfiniment. Je me laisse glisser sur le dos, battant des pieds en direction du Løjtnant pour l’asperger, avec autant de maturité qu’une gamine, tout en m’éloignant. Les yeux fixés vers le ciel sombre, la pluie roulant sur mon visage, j’affirme : « J’en déduis que c’était ta fylgia que tu câlinais, la dernière fois ? Étonnant, que tu sois associé à une forme aussi…mignonne. Un peu moins surprenant pour le côté joueur. » Un gloussement de volatile dodu m’indique que quelqu’un a décidé de me faire payer cette phrase, en changeant de forme. Je me remets à l’horizontal, l’eau m’arrivant désormais à la moitié du torse : « Si j’étais toi, je me moquerais pas trop de la forme de sa fylgia, Noe. Y’aurait beaucoup à dire sur la tienne. » Le poulet blanc, sur les gros galets, agite ses plumes sous la pluie d’un air moqueur, qui me donne assurément l’air d’une incroyable combattante extrêmement crédible.
Ying Yue Amundsen
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@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


« Rêve pas. J’suis impossible à apprivoiser. » Je ricane face à sa réponse immédiate qui me parvient assez clairement malgré les différentes sources de bruit alentour. Le froid s’infiltre de plus en plus loin dans mes nerfs, creusant les blessures ouvertes pour en extirper peu à peu le feu d’une souffrance qui va bientôt finir par devenir trop désagréable. Je n’ai pas oublié ma récente perte de connaissance, n’importe quel médicomage consciencieux m’aurait sans doute déjà exhorté de sortir de là pour aller me sécher et soigner correctement mes blessures. J’y songe tout en reprenant le massage sensible de ma cuisse. Il va s’en dire que je ne crois pas un mot de ce que vient de me lancer la Kaptajn. Y croit-elle elle-même ? Ce serait possible, nos égos ont l’air de savoir faire pas mal de choses en commun quand il s’agit de se convaincre de certaines choses.   « J’ai la permission de parfois rejoindre l’unité des combattants, pour les entraîner. Mais c’est pas la même chose, aussi réussi un entraînement sur la base puisse-t-il être, ça équivaudra jamais la violence des coups échangés en pleine nature. » En effet. Rien n’a jamais supplanté cette violence sauvage qu’on ne peut s’autoriser que dans la nature, porté par la ferveur des éléments et les odeurs exaltantes de la vie sauvage qui y palpite. Depuis tout petit j’ai pris l’habitude de ce genre de combat. Fraternel, amical, familial, puis professionnel. L’armée, les entraînements et les conflits réglés par les coups font partie de ma vie de famille. Les Amundsen se sont toujours canalisés de cette façon, aussi. La violence de la meute régie par des règlements des affrontements qui permettent de maintenir les liens de hiérarchie solidement ancrés. Je ne supporterais pas des combats de façade entre deux militaires qui ne font que s’amuser doucement à se chahuter. Avec le Sjøbjørn on s’entraîne le plus souvent dans des lieux que beaucoup jugeraient hostiles. Comme cette crique aux rochers hachés qui menacent de vous déchirer les côtes au gré d’un courant mal pris. Nous ne sommes pas les seuls à le faire, bien évidemment. Mais d’autres régiments préfèrent se montrer moins créatifs dans leurs choix de terrain. Dommage pour eux.   « Après, faut voir si t’as ce qu’il faut pour enchaîner plusieurs revanches sans perdre connaissance à chaque fois. » Je ricane d’un rire mauvais avant de replonger sous l’eau pour quelques brasses rapides afin de maintenir active ma circulation sanguine. Dans mes chaussures, mes orteils ne sont presque plus sensibles et la loutre se colle, humide et pourtant si chaude, contre mes côtes. Douceur poilues contre un corps meurtri qui n’a aucune honte à connaître ses limites déjà atteintes une fois aujourd’hui. Je remonte à la surface pratiquement en même temps que la Adlesköld qui s’était fendue elle aussi de quelques brasses sous-marine. L’immobilité est la plus grande menace dans ces eaux tumultueuses de l’hiver scandinave. Même pour des militaires surentraînés comme nous. « J’en déduis que c’était ta fylgia que tu câlinais, la dernière fois ? Étonnant, que tu sois associé à une forme aussi…mignonne. Un peu moins surprenant pour le côté joueur. » La réaction de la loutre est immédiate, la fylgia concernée plonge plus en profondeur, largement boudeuse de s’être laissée aller à se faire voir sous cette forme mignonne comme l’a dit Arsinoe, et mon rire s’échappe, narquois, en direction de Bølga. Je suis le premier à me moquer de cette forme qu’il a rapidement pris en alternance avec le tigre, parce que la personnalité qui ressort le plus de ma fylgia à ce moment-là est risible. Même pour moi. Et de mémoire, la Kaptajn n’a pas tellement son mot à dire sur l’animal poilue et adorable qui nage désormais un peu plus loin. J’ai encore le net souvenir de son poulet ridicule en tête. Poulet qui d’ailleurs à l’air de penser la même chose que moi et dont je devine la forme blanche sur les galets un peu plus loin quand elle apostrophe sa sorcière d’une voix railleuse : « Si j’étais toi, je me moquerais pas trop de la forme de sa fylgia, Noe. Y’aurait beaucoup à dire sur la tienne. » Joyeusement, je plonge une nouvelle fois, plus profondément, nageant à l’aveugle dans les étaux glacés de l’onde marine. Rapidement rejoint par la loutre, cependant, je la sens nager tout autour de moi, me guidant à sa façon à travers les récifs qui deviennent plus conséquents au fur et à mesure que je m’éloigne de la plage de galets. Une nage plus rude, plus sauvage elle aussi, je sens les courants lutter contre mes muscles raides, la piqûre du sol se transforme en feu brûlant, redistribuant les sensations de température dans mes cellules. Je ne crève la surface des vagues plus sombres que pour prendre ma respiration, presque trop au large, pris dans un premier courant contraire qui voudrait m’attirer plus loin, avant de replonger dans l’autre sens. Les bras m’arrachent aux coulées d’eau pour revenir difficilement vers les galets, ma cuisse ankylosée me fait serrer des dents à chaque battement de pieds, la loutre s’agite un peu plus sentant que je tire trop sur mes dernières forces après un combat déjà rude. Pourquoi ? L’envie de nager, de sentir la violence de la nature disposer de mon être, et sentir ma propre force lutter pour sa survie. Sauvage et libre, incapable de vouloir se limiter à une simple trempette. Un dernier effort pour chasser entièrement les résidus de dialogues qui continuent d’affluer dans ma tête au gré des souvenirs de la journée.

J’atteins enfin la page de galets, haletant, transis d’un froid devenu fiévreux. Allongé sur les pierres, je reprends péniblement ma respiration qui s’élance dans une quinte de toux de poumons qui protestent contre l’effort qu’on vient de leur imposer. Un mince filet de sang s’écume sur mes lèvres, des restes des chairs abîmés des voies respiratoires qui n’ont pas apprécié d’être à ce point malmené. « Il n’y a que toi qui me crois incapable de sensibilité et d’exprimer autre chose que de la violence. » Ma voix tremble légèrement sous le froid et la respiration encore hachée, et je reste allongé trois secondes supplémentaires avant de me redresser sur mes fesses. Je tâte délicatement mon flanc qui s’est remis à saigner abondamment, grimaçant sous l’ensemble de douleurs qui sont redevenues plus puissantes hors de l’eau. Baguette en main, j'entreprends de soigner consciencieusement la plaie ouverte tout en reprenant la parole sans prendre le temps de vérifier si elle est encore à portée de voix : « Mais merci de l’avoir vexée, encore une fois, elle qui ose jamais se montrer aux autres sous cette forme, faut que tu la ridiculises quand elle se laisse aller. » Mes traits affichent un air faussement peiné tandis que le sort de soin termine de refermer la peau dans une ligne rouge encore nettement visible. Ma magie est dans un état de forme aussi éclatant que mon teint blanc et mes lèvres trop bleues. Le sort n’est pas parfait, mais il a au moins endigué le plus gros de l'hémorragie. La pointe de la baguette sur la morsure qui dégouline aussi de rivières rosâtres, j'inspire profondément pour canaliser mes forces vers le sort de soin. La dépression magique se fait plus nette, plus fatiguée, mes paupières cillent lentement et je fronce le nez. Forcé de réagir par mon état général, je soupire, las, avant de me redresser pour me tourner vers la forêt et lancer un premier sort d'attraction vers une des branches mortes qui traine au sol. Quelques mouvements de poignets plus tard qui me tirent un bâillement que je ne me soucie pas réprimer, j'ai allumé un feu de camp sommaire sur la plage de galets pour chasser les vapeurs froides de la pluie qui continuent de tambouriner autour de nous. J'ai également remarqué qu'Arsinoe a eu la bonne idée de ramener la bouteille de gin avec elle sur la plage. Je me suis relevé, péniblement dans une grimace de douleur sous la cuisse qui appelle des soins supplémentaires, et boitant, pour aller récupérer la bouteille et la ramener près du feu. A nouveau assis, je la débouche pour en avaler une belle gorgée chaude qui roule dans ma gorge comme une armée d'aiguilles de feu. J'en savoure le goût, l'alcool, la chaleur qui se répand immédiatement dans mes veines et étourdie distraitement mes sens quelque secondes. Ma tête se secoue pour chasser les sensations de fatigue physique : « T'aurais pas apporté un truc à manger dans ton sac ? » A peine que je laisse la question filtrer entre mes lèvres, je vois le tigre sortir de l'eau dans un grognement, la gueule fermée sur un poisson encore frétillant. « Ah tient, tu as déjà fini de bouder toi ? » Mes lèvres se tordent en un rictus narquois quand il vient me donner un violent coup de tête dans les côtes lâchant sa pèche sur mes genoux que je m'empresse d'achever d'un sort rapide tout en entreprenant de le préparer pour une petite friture improvisée.


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Arsinoe Adelsköld
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Pendant une courte seconde, j’envisage de lancer le poulet dans la flotte, mais la logique me rattrape. Au mieux, Røyk changera de forme et se vengera en redevenant une poule à la moindre occasion, au pire, elle se prendra une vague et ça m’affectera. Je jette un coup d’œil au Løjtnant qui a replongé, le laissant s’amuser. Clairement un marine. Ce ne sont pas tous les membres de l’armée, qui ont une véritable passion pour l’élément associé à la faction qu’ils ont choisie. Certains optent pour l’air ou la terre simplement parce qu’ils doivent prendre une décision, sans véritable intérêt. Ils sont faciles à détecter : ils obéissent aux ordres, mais semblent s’emmerder en permanence. Je n’aurais jamais eu cette patience de demeurer si longtemps dans l’armée, si je n’y avais pas trouvé mon compte.

De mon côté, la fatigue revient avec trop de netteté, tout comme la douleur et les étourdissements. Mon corps a ses limites, et même si j’aime les frôler, j’évite de les dépasser inutilement. Je laisse donc le militaire à ses amusements, me rapprochant lentement du bord. La gravité reprend ses droits alors que je m’extirpe de l’eau, plaquant par réflexe une main contre ma côte, qui me rappelle que des soins sommaires ne valent rien, si je ne demeure pas tranquille. Je jette un regard noir à Røyk, pour la forme, me récoltant un caquètement joyeux. Ses plumes blanches sont ramenées contre son corps dodu, mouillées par la pluie qui tombe toujours. Cette fylgia est une véritable gamine. Une toux retentit, suivie d’une phrase : « Il n’y a que toi qui me crois incapable de sensibilité et d’exprimer autre chose que de la violence. » Je tourne ma tête vers l’homme désormais allongé sur les galets, et dont la voix tremble. Je note ses lèvres bleues et son flanc, qui a recommencé à saigner. J’ai le réflexe d’intervenir ; je le contrôle, détournant la tête avec un semblant d’indifférence. Il a survécu jusqu’ici et jusqu’à cet âge, dans des conditions très certainement plus difficiles. Il peut gérer seul son état de santé. Est-ce que je le crois vraiment incapable de sensibilité ? Non. Ou peut-être. Ce n’est pas quelque chose que je me suis vraiment demandé. Je crois surtout qu’il est un militaire, habitué au pire, qui a très certainement développé ses propres mécanismes de défense émotionnels.

J'attrape mon pantalon et ma baguette - cet abandon serait d'ailleurs digne d'un blâme, mais le risque me semblait moindre - tandis que le militaire, redressé, semble soigner sa blessure. « Mais merci de l’avoir vexée, encore une fois, elle qui ose jamais se montrer aux autres sous cette forme, faut que tu la ridiculises quand elle se laisse aller. » Je ricane, sans méchanceté, tout en lançant un sort de nettoyage au pantalon pour retirer la boue. Je suis apparemment douée, pour vexer sa fylgia. Je ne me donne pas la peine de sécher mon bas ; avec la pluie, le geste serait inutile. Je l’enfile directement, avec difficulté, le tissu luttant mes jambes mouillées. Un rictus douloureux s’étire sur mes lèvres lorsque je force pour lui faire passer mes cuisses, là où les cicatrices sont encore trop récentes. Je remporte néanmoins la victoire contre le vêtement récalcitrant, autour duquel j’attache ma ceinture avec l’étui de ma baguette.

L'homme poursuit ses soins en parallèle et je vois ses paupières qui cillent lentement, lorsqu'il entreprend de soigner la morsure que je lui ai infligée. Nous sommes peut-être entraînés, mais la fatigue demeure une conséquence normale des combats. Je remets mes chaussures, trempées elles aussi, alors qu’il allume un camp de sommaire. Bonne idée ; je préfère qu’elle vienne de lui que de moi. Il aurait pu croire que je l’aie fait par soucis de son état et de la couleur de ses lèvres. Boîtant, il vient récupérer la bouteille, tandis que je lance un nouveau sort sur la plaie dans le bas de mon abdomen, qui n’a pas apprécié la baignade. « T'aurais pas apporté un truc à manger dans ton sac ? » J’hoche la tête d’un signe positif, attrapant le dit sac, alors que la fylgia sort de l’eau avec quelque chose qui s’apparente assurément à un repas. Røyk semble trouver l’idée excellente ; je la vois secouer ses plumes avec excitation, très probablement tentée de faire pareil, mais encore trop décidée à m’emmerder pour se changer immédiatement. « Ah tient, tu as déjà fini de bouder toi ? » La réplique m’arrache un sourire et je me rapproche du militaire, qui a entrepris de préparer la pêche fructueuse de sa fylgia. Je la pointe du menton : « Elle voudrait pas apprendre à Røyk de pas oser aussi…?  Je préfèrerais que la mienne soit mignonne. Là elle est juste…ridicule. » J’insiste sur le dernier mot, un éclat moqueur dans le regard. Promptement, le poulet change d’apparence pour retrouver celle de la lionne, qui se précipite vers moi pour me faire tomber. J’esquive à moitié son geste, en laissant ma main frôler sa crinière humide. Elle la secoue avec une fausse rage, rugissant pour la forme, avant de s’éloigner en direction de l’eau. Mon sourire s’élargit,  et je me laisse tomber à proximité du militaire, croisant les jambes sous moi. La position n'est pas agréable ; foutue côte. Foutus bras, aussi. Et foutue tête, pendant que j’y suis. Je reprends ma baguette, et d’un mouvement circulaire, j’établis une petite zone vouée à demeurer sèche, englobant nous et le feu, comme une minuscule bulle. J’adore la pluie, mais l’hypothermie demeure un danger, surtout quand les corps sont déjà fatigués. Ce n’est pas non plus génial, pour les soins. Je sèche d’un autre sort mon pantalon et mes bottes, avant de ranger ma baguette. « Je vous crois hyper sensible Løjtnant. Du genre à camoufler toutes vos émotions derrière des couches de roches. » Mon ton est espiègle. Dans les faits, je ne blague pas entièrement. Je crois que les pires d’entre nous camouflons souvent ce que nous ressentons, tant pour se protéger que parce que c’est nécessaire, pour avancer et survivre.

Je glisse ma main dans mon sac, en extirpant mon étui à potions. J’attrape l’une des fioles, que je reconnais davantage par la couleur que par son étiquette, dont j’avale aussitôt le contenu. Je replace la fiole vite dans la pochette, que je dépose ensuite sur le sol, proche du Løjtnant. « Tiens. C’est mon stock pour les déplacements quotidiens, je considère que choper une infection par négligence serait un peu con. Prends ce qu’il te faut. » Je ne lui ferai pas l’outrage de lui proposer directement des soins et je n’ai pas cette générosité. Il peut se gérer seul.  J’extirpe de mon sac des éléments plus conventionnels : des pommes, classique, des sachets de noix, et beaucoup trop de pâtisseries. La base d’une saine alimentation. J’avais prévu, si j’en avais l’énergie, d’aller chasser plus tard dans la soirée.  Je reprends, en pointant sa bouteille : « Pour le reste, je partage si tu partages. » Les priorités, c’est important. D’ailleurs, l’une d’elles se rappelle à moi : le sang recommence à couler sur mon ventre, malgré le sort de soin lancé précédemment. Pas suffisant, donc. Je roule des yeux, légèrement exaspérée, avant de reprendre ma baguette : d’un mouvement habitué, je recouds la peau, dont les deux côtés se lient ensemble par un fil invisible. Vachement plus facile que de coudre une vareuse. Un très léger rictus de douleur s’épanouit sur mes lèvres, alors que je redresse le fil d’un mouvement sec pour bien le serrer. Du menton, j’indique les cicatrices sur le torse de l’Amundsen: « La meute ? » Je ne camouflerai pas que le fonctionnement de sa famille m’intrigue. Peut-être que si on pouvait passer nos différents dans les coups et les morsures, ma propre famille serait plus fonctionnelle.
Ying Yue Amundsen
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Batten down the hatches

@Arsinoe Adelsköld • 07 février 2024 - 21h00


« Elle voudrait pas apprendre à Røyk de pas oser aussi…?  Je préfèrerais que la mienne soit mignonne. Là elle est juste…ridicule. » Tout en retirant consciencieusement la tête du poisson et en l’évidant dans une succession de gestes que l’habitude rends rapides, je porte un regard narquois sur le poulet désigné comme ridicule. Il est vrai que l’animal n’est pas le plus vaillant du règne, pourtant il lui va bien. Ce côté volontairement drôle et entêté du poulet, un peu provocateur et toujours à fouiller le sol à la recherche de quelques graines à se mettre dans le fond du bec. Réagissant au ton de la sorcière, sa fylgia change de forme pour s’élancer contre elle. Lionne faussement agacée qui fait semblant de tenter une bousculade. Bølga ricane doucement avant de se rapprocher du feu dans le faible espoir de sécher sa fourrure que la pluie ne cesse de détremper. Il faudrait sans doute songer à se faire un coin à l’abri, mais mon attention toute reportée sur mon poisson ne me permet pas de gérer cette priorité secondaire. Ma baguette levée fait léviter le poisson entrouvert directement au-dessus des flammes pour le griller doucement. La nourriture d’abord, le confort après.
Heureusement, la Kaptajn semble plus convaincue que moi de la nécessité de nous sécher et invoque une protection circulaire autour du feu de camp et de nos quatre fesses. J’aime la pluie, l’eau, les embruns, et le vent du large, mais je dois reconnaître que sentir le frisson de chaleur courir sur ma peau nue quand le feu parvient à trouver mon épiderme sans devoir lutter contre les assauts de la tempête, me fait du bien. Même le tigre soupire dans un ronronnement léger avant d’aller se secouer le poil un peu plus loin. Simultanément, Arsinoe sèche ses affaires et l’étincelle d’espièglerie qui arrose mon cerveau à cet instant me fait sourire joyeusement, apparemment sans raison.   « Je vous crois hyper sensible Løjtnant. Du genre à camoufler toutes vos émotions derrière des couches de roches. » Une grimace boudeuse succède au sourire. Je suis sensible, très légèrement. Pas hyper sensible. Mais mes émotions filent souvent à fleur de peau, courant sur les nerfs jusqu’à faire exploser mon cœur. Je le sais depuis tout petit, maman le répétait souvent au creux de mon oreille comme un secret. ’Garde ta sensibilité Ying Yue, elle te démarquera toujours des autres’. C’était pas forcément une bonne chose, pas pour les autres. le grand-frère s’en moque encore souvent quand il découvre ce dans quoi je l’exprime, cette foutue sensibilité. Mais je ne le nommerais jamais ainsi, surtout pas devant elle. Un intérêt pour l’art, rien de plus. Aucune émotion à camoufler sous des tonnes de roches.

D’un geste souple, je ramène le poisson vers mon nez pour en humer et en inspecter l’aspect, avant de hocher la tête et le renvoyer quelques minutes se dorer les écailles au-dessus des flammes. « Tiens. C’est mon stock pour les déplacements quotidiens, je considère que choper une infection par négligence serait un peu con. Prends ce qu’il te faut. » Sa voix et son mouvement conjoint attirent mon attention vers la pochette de fioles posée près de moi. Un léger sourcil se hausse de surprise devant ce geste et ce partage de soins non attendu. J’hésite pourtant à m’en saisir, détaillant mentalement la liste de mon état physique. L’hypothermie sera bientôt une histoire passée, ma blessure au flanc qui a recommencé à goutter légèrement devrait bientôt être solutionnée, de même pour la morsure partiellement refermée. La cuisse, qui lance toujours ses dards électriques dans ma chair, c’est une autre histoire en revanche. Je ne pourrais pas faire grand chose de plus avant d’être rentré à la base et de passer par l’infirmerie, en boitant. C’est surtout ça qui me fait chier, j’aime pas boiter. Ca me fait manquer de prestance.

Le poisson cuit vient se poser délicatement sur un des gros galets devant moi et mon regard est attiré par le son des divers ravitaillements que la militaire est en train de sortir de son sac. Un éclair gourmand traverse mes iris jusqu’à se répercuter sur mes lèvres devant les provisions qui se dévoilent devant moi. « Pour le reste, je partage si tu partages. » Je comprends qu’elle fait référence à la bouteille que je comptais, en effet, partager avec elle dans ma grande générosité. Sans répondre immédiatement, je me penche pour attraper sa pochette de secours, j'ai l'orgueil de vouloir me soigner tout seul, mais pas la stupidité de refuser des potions qui me seront utiles et économiser un passage à l'infirmerie militaire. Je n'aime pas spécifiquement l'un des infirmiers en charge des prescriptions, alors si je peux m'éviter le risque de le croiser, je ne vais pas me priver. Bølga, qui a suivi le cours de mes pensées ricane, sèchement avant de secouer la tête agacé par la réalité tronquée qui entoure un souvenir spécifique autour de l'infirmer en question. Ignorant royalement sa réaction, je fouille, intrigué, dans les différentes fioles, lisant les étiquettes avec attention avant de reposer délicatement les récipients de verre dans leurs emplacements. Mon choix s'arrête sur une potion de soin pour les os, et une deuxième de force histoire de récupérer suffisamment d'énergie magique pour refermer la plaie du flanc qui goutte de plus en plus abondamment. Je débouche la première quand la voix de la Kaptajn crève le silence que l'absence de pluie a rendu plus opaque. « La meute ? » Mes yeux filent vers elle avant de suivre le regard et le signe de tête qu'elle lance vers mon torse. J'avale la fiole d'un seul trait avant de faire courir mes doigts sur quelques-unes des cicatrices qui marbrent ma peau. De vieilles cicatrices, pour la plupart, des souvenirs étiolés de pleine lune en majorité, de réveils au petit matin, ensanglanté et d'humeur maussade. Mais des souvenirs teintés d'une forme de nostalgie douce qui dessinent un sourire amusé sur mes lèvres. « En grande majorité. Là, une partie de chasse que j'ai faite foirer parce que je voulais faire une blague à ma cousine quand j'étais gamin, ma paume glisse sur sur l'épaule droite, une morsure nette bien que peu profonde, héritée de l'oncle, Et quelques remises au point sur des sujets plus humains, il n'y a rien de tel qu'une bonne mâchoire pour rappeler la hiérarchie à un loup un peu trop expansif. » Mon ton joyeux et d'une sincérité lisible. Je n'ai aucune honte de parler de ces blessures, encore moins d'évoquer l'insubordination qui en résulte. Les gens savent en majorité que j'ai toujours été un Amundsen légèrement chaotique. Vif et fougueux, pas toujours en accord avec l'austérité habituelle. Rarement des confrontations graves, cependant, la légèreté des blessures en témoignent malgré moi. Seule, la large morsure du flanc gauche pourrait laisser sous-entendre qu'une correction aurait été plus sévère que les autres. Je n'en parlerai pas, celle-là ne la regarde pas. « Sauf celle-ci, la main quitte l'épaule pour effleurer une trace de quatre griffes en travers du torse, plus étroites que les autres, mais plus récentes. Elle me vient d'une mission. Il a été surpris de voir que sa technique d'attaque avait bien peu d'efficacité sur moi. - Il a pas vraiment eu le temps d'être surpris. - Certes, mais ses potes oui. » Un sourire carnassier fend mes lèvres appuyé par un regard où luit une violence sourde à l'évocation du souvenir particulièrement marquant de cette mission. Je peux presque encore sentir l'odeur des bêtes que la pleine lune proche rendait chaudes, mêlée à celle du sang-frais de mes hommes gisant à mes pieds. Les râles rauques des corps mourant dans les lacérations empoisonnées des ongles des loup-garous sous forme humaine. Ça avait été une formidable boucherie.

La deuxième potion est débouchée pendant l'étalement de mes souvenirs, puis avalée aussi rapidement que la première avant d'être rangée, vide, dans l'étui d'Arsinoe. « Et toi ? Tes cicatrices sur tes cuisses ? Tu t'es renversé ton café bouillant dessus ou c'est un autre Isaksen qui t'a fait chier ? » Il n'y a aucun jugement dans ma voix, juste une curiosité amusée. Comme beaucoup de militaires, j'imagine, j'aime les histoires qui se cachent derrière les cicatrices. A moins que ce ne soient qu'une habitude de marines, pour passer le temps dans les dortoirs quand la mer est aussi ennuyeuse qu'une piscine. C'est le genre de passe-temps auxquels on s'adonne, se raconter nos histoires les plus sordides, parfois avec grandiloquences pour ceux qui ont l'art de la parole comme Jens, ou de façon très linéaire et factuelle pour ceux qui aiment les compte-rendu comme Fridha. Le troisième contenant que je débouchonne n'est autre que la bouteille de gin dont je bois une nouvelle gorgée dans un léger grognement satisfait avant de la refermer et de la faire rouler vers la militaire. « Tiens, j'aime bien boire de temps en temps, mais pas tout seul. Je comptais pas me l'enfiler en te regardant bouder dans ton coin. » La fin de ma phrase se perd dans un nouveau grognement, plus sourd celui-ci, sous l'effet de l'action de la potion pour les os qui s'amuse dans ma cuisse. Massant celle-ci pour mieux faire circuler le sang, et le soin, je me fais rappeler à l'ordre par mon flanc qui cette fois, se remet à saigner abondement. Vaincu par la fatigue qui menace d'engourdir mes sens, malgré la potion de force, je reprends ma baguette pour m'appliquer plus correctement à soigner l'entaille. Le sort referme la peau, mais le manque d'énergie ne parvient pas à stabiliser correctement les deux côtés si bien que je me résous à utiliser la même technique que la Kaptajn avant moi, et entreprend de consolider le tout avec un travail de couture. Je suis probablement moins habile qu'elle dans cette tâche, se recoudre soi-même est moins une habitude que de recoudre ou broder un tissu, mais le résultat reste concluant.

Profitant d'avoir ma baguette en main, je fais planer mon poisson jusqu'à moi, le coupe en deux, et entreprend d'en dévorer la chair de quelques coups de canines et d'en jeter les arrêtes au feu. Délicieux. Un léger frisson court sur ma peau, me rappelant que mon pantalon est toujours trempé. D'un air entièrement désintéressé et nonchalant, j'extirpe d'un sort toute l'eau contenu dans les fibres avant de les jeter, tout aussi nonchalamment, droit vers la tête d'Arsinoe pour l'éclabousser sans ménagement, tout en prenant un air faussement innocent. « Un morceau de poisson ? » Ma question filtre entre mes lèvres qui retiennent difficilement le rire qui se lit, espiègle, dans mon regard glissé vers elle.  



I remеmber how I'd find you, fingers tearing through the ground. Were you digging something up or did you bury something down? In your soul, I found a thirst with only salt inside your cup.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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Le militaire, après un instant d’hésitation, a finalement pris mon stock de potions pendant que j’achève mes travaux de couture. Je pose une question, puis sectionne le fil, observant le résultat. Ce n’est pas une œuvre d’art, mais c’est fonctionnel. « En grande majorité. Là, une partie de chasse que j'ai faite foirer parce que je voulais faire une blague à ma cousine quand j'étais gamin, et quelques remises au point sur des sujets plus humains, il n'y a rien de tel qu'une bonne mâchoire pour rappeler la hiérarchie à un loup un peu trop expansif. » J’observe avec curiosité les endroits mentionnés, sans m’en cacher. Je ne sais pas si l’amour des cicatrices est fréquent, dans l’armée. Je crois que ça dépend des gens ; aucun des Spøkelse ne s’en plaignaient, mais plusieurs s’en foutaient, sans y accorder d’attention particulière. Pour moi, les cicatrices sont tout autant révélatrices que des tatouages, sinon plus. Elles racontent des histoires, des moments intenses émotionnellement. Je regarde donc l’épaule droite du Løjtnant, là où il a glissé sa paume, et où une trace de morsure est bien visible. Fascinant, comme façon de régler les conflits. Et de savoir que Ying Yue Amundsen peut être un peu trop expansif, aussi. « Sauf celle-ci, elle me vient d'une mission. Il a été surpris de voir que sa technique d'attaque avait bien peu d'efficacité sur moi. » Je relève avec intérêt les traces de griffes sur le torse, dont la couleur révèle qu’elles sont plus récentes que les autres. La fylgia de l’homme souligne que l’attaquant n’a pas eu le temps d’être surpris et je relève les yeux pour observer les siens ; j’aime malgré moi la violence sourde que j’y lis. L’instinct, sur le sujet, est trop fort. Je ne suis jamais parvenue à respecter beaucoup ceux qui refusaient d’aller au bout, ceux qui critiquaient trop ouvertement les actes que nous devions commettre. Et je ne peux que me retrouver dans ce type de regard, sans secret, qui dévoile des pulsions généralement peu appréciées par les civils – et certains militaires.

Je dépose ma baguette sur le sol tandis qu’il range la seconde potion consommée. Je relève qu’il n’a pas décrit une autre de ses cicatrices, tout aussi intrigante que les autres, sur son flanc gauche. Une histoire qui ne se raconte pas, probablement. Il y en a des comme ça. Celle sur mon cou, que je préfère généralement cacher, fait partie de celles dont je ne m’enorgueilli pas. « Et toi ? Tes cicatrices sur tes cuisses ? Tu t'es renversé ton café bouillant dessus ou c'est un autre Isaksen qui t'a fait chier ? » J’hausse les épaules, sans répondre immédiatement. Le café bouillant aurait été une option plausible ; peut-être moins douloureuse. Je n’ai jamais été tentée de faire une comparaison. Je reprends mes recherches dans mon sac, qui contient le strict minimum pour les premiers soins, mais un strict minimum bien plus développé que la moyenne des gens. J’aime bien combattre, mais je n’ai jamais vu l’utilité de laisser des blessures non-soignées ou s’infecter. Ce serait même débile, dans la mesure ou des plaies non-traitées pourraient affecter mon travail. Mes doigts se referment sur un pot d’onguent, alors que le militaire fait rouler la bouteille d’alcool dans ma direction : « Tiens, j'aime bien boire de temps en temps, mais pas tout seul. Je comptais pas me l'enfiler en te regardant bouder dans ton coin. » Je ricane, déposant le pot d’onguent à côté des provisions, pour m’emparer de la bouteille. Les priorités d’abord. Je débouchonne, tandis que le Løjtnant entreprend à son tour des activités de couture non-lucratives, après que son flanc ait recommencé à saigner. Y'a pas à dire, on a quand même réussi à bien s'amocher. Vraiment génial, comme combat. Et satisfaisant. Je porte la bouteille à mes lèvres, avalant deux longues gorgées, avant de la refermer. L’alcool réchauffe tout aussi efficacement que le feu, mais je me fais la réflexion que la fatigue du combat, et des derniers jours, pourrait avoir rapidement raison de moi. Je fais à mon tour rouler la bouteille en direction de l’Amundsen, qui a coupé son poisson en deux, en dévorant une part. Mes pupilles se sont abaissées vers les pâtisseries ; j’ai une immense faiblesse pour tout ce qui est sucré. Un jet d'eau m'éclabousse, me tirant de ma contemplation de viennoiseries au chocolat. Le coupable a un air faussement innocent, qui m'arrache un sourire alors que j'essuie de la paume mon visage mouillé. « Un morceau de poisson ? » L’espièglerie est visible, m’arrachant un rire amusé. J’en oublie presque avec qui je me trouve ; j’ai toujours sauté à pieds joints dans les possibilités de m’amuser, véritable gamine quand l’occasion se présente. Du menton, je pointe sa fylgia, qui a ramené l’heureuse pêche : « Refile lui, sinon je vais encore plus me faire bouder. » Røyk, elle, est désormais absente. J’entends des sons plus loin dans mon dos, qui m’indiquent qu’elle est peut-être en train d’essayer de pêcher, elle aussi. Ça, ou elle est occupée à dévorer graduellement ses proies. J’opterais pour la seconde option.

Ignorant avec difficulté mes provisions tentatrices, je reporte mon attention sur mon pot d’onguent. Je l’ouvre, avant d’en mettre sur mes bras les plus abîmés, m’attardant principalement sur les parties tatouées. Même si les tatouages sont magiques, ils peuvent perdre de leur éclat, au fil des blessures. Je me fous de mon apparence, mais mes tatouages, c’est sacré. Je réponds à retardement : « Indirectement la faute des Isaksen. Ça date du même soir où les frères de Tomsen ont voulu me casser le crâne. J'ai utilisé la manoeuvre dolken, j’sais pas si tu connais ? » Je ne précise pas les actes qui constituent la fameuse manœuvre. À ma connaissance, ce n’est pas quelque chose typique de l’armée de l’air ; c’est même plutôt partagé à tous les corps de l’armée. Certains gradés au fil des années ont cessé de l’enseigner, parce que plusieurs militaires rechignaient trop à l’utiliser. La manœuvre, utile seulement en cas d’attaque groupée sur une personne seule, implique d’accepter de subir certains dommages, pour mieux intervenir. Et ça, certaines personnes en sont incapables. Je poursuis, sur un ton neutre : « Quand je suis retournée à ma chambre pour me laver, y'a un homme qui est entré. J'ai cru qu'ils avaient engagé quelqu'un, pour pallier à leur incompétence. J'ai attaqué et il a renchéri, plutôt bien. C'était un sortilège d'acide bien maîtrisé. » Le type était bien entraîné, je n’affirmerai pas le contraire. Et je demeure encore perplexe, sur le fait qu’il connaissait ce sortilège. Je devrai songer à le questionner, si on se revoit. Je relève mes yeux de mon bras, un sourire aux lèvres, les yeux un peu trop mutins : « Ce qui est marrant dans cette histoire, c'est qu'il était pas dans ma chambre. C'est moi qui me suis trompé, et qui était dans la sienne. » Cette partie de l’histoire m’amuse grandement, maintenant. Elle m’amusait moins, sur le coup, quand j’ai cru que les frères de Tomsen avait été assez lâches pour poursuivre leur attaque en utilisant un tier. Même si j’apprécie les combats, j’ai aussi mes moments de lassitude. Le corps a ses limites, qu’il faut respecter, ou repousser seulement dans les bonnes occasions, pour des raisons qui nous appartiennent.

Je referme le pot d’onguent, que je replace dans mon sac, tout en affirmant : « J'adorerais que dans la famille, nos désaccords se règle aussi par un coup de crocs. Mais paraît que c'est trop " sauvage" comme technique. Argumenter pendant des heures, sans obtenir de résultats, c’est tellement mieux. » L’ironie perce nettement dans ma voix, tandis que mes yeux se lèvent vers le ciel, comme pour mieux souligner l’absurdité de la chose. Parler, pour régler des différents…Une technique peut-être géniale en politique, un peu moins efficace avec quelqu’un comme moi. J’attrape deux viennoiseries, avant d’indiquer le lot au Løjtnant, dans une invitation claire à se servir.
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