Trust begets accomplishment

@Ina Falkenberg   | Mardi 16 mai 2023 - Soirée
 


La clameur est éclatante autour de nous, bien que nos matchs n'aient aucune valeur officielle dans la compétition professionnelle, les clubs de loisirs ont toujours eu, malgré tout, le petit succès. Les rencontres de fin de saison voient souvent un public plus important investir les gradins, la chaleur des soirs d'un printemps qui tire vers l'été n'est pas étrangère à cette présence relativement massive de supporters, mais ce n'est pas l'unique enjeu. Un véritable intérêt pour la tête du classement de la compétition, même symbolique, s'est développé au cours des années. Et cette année nous sommes plusieurs équipes à se disputer les places avec une véhémence qui rend cette victoire du jour encore plus belle. Un écart de point écrasant qui nous assure une large conquête d'au moins la troisième place si jamais l'équipe qui nous talonne prend elle aussi son envol lors de son propre match de jeudi soir. Des statistiques et tout un pronostique à revoir et réadapter pour notre prochain entrainement et notre futur dernier match que l'on disputera fin juin. De belles promesses et une perspective qui fait vibrer mon âme avec un enthousiasme qui chasse, momentanément, toute la lourdeur de mon quotidien actuel. Même Mjöll a l'air particulièrement jovial ce soir. Sans doute que la perspective de se replonger dans des lignes de calculs bien nets et précis l'émoustille tout autant que l'adrénaline qui pulse encore dans nos veines. Ce soir, tout va bien. J'ai même entendu le son de sa voix, destinée à d'autre, certes, mais cela m'avait suffit, sur le moment, pour rajouter un peu d'allégresse à mes pensées. Notre relation d'avant me manque aussi, à lui et moi. Nos discussions sans filtre, sans barrage, sans non-dit. Son silence me pèse durement, avec la même douleur acide que les mots vides de profondeur que Markus me lance de temps en temps quand on se croise.

Je serre les dents, refusant de replonger immédiatement dans l'obscurité de ces jours sans lui. Sans son amitié rayonnante. Sans le contact de sa peau et la chaleur de sa voix dans mes oreilles.

Accoudé au barrière qui longe le terrain, encore vêtu de ma tenue de Quidditch, j'observe un court instant le reste de l'équipe qui vibre aux sons des cris de victoire, de félicitations, et des rires bruyants qui résonnent de toute part. Les joueurs adverses sont les premiers à claquer des tapes amicales sur nos épaules. C'était une belle rencontre, on avait eu beaucoup de chance, et de talents ne soyons pas que modestes, et la victoire est loin d'être volée. Personne n'a démérité, et à ce titre, aucune rage ne ronge les cœurs de nos adversaires. A ce titre, j'apostrophe le capitaine qui porte fièrement ses couleurs violettes et grises de son club de Bergen. « Eh ! Esben ! Vous restez boire un coup après ? J'ai vu ta magnifique passe de Sabryn. Je pensais pas que t'étais encore capable de faire un tel exploit. » Nos bras se claquent l'un contre l'autre dans un geste amical. Un lointain cousin par alliance avec qui je m'entends relativement bien malgré la distance et le manque d'occasion de se croiser. Mais un ancien adversaire de Durmstrang dont le fameux vol de Sabryn était légendaire, à l'époque. Et qui, s'il a perdu en souplesse au fil des années, est toujours remarquable à observer pour un joueur de loisir. Il rit, avant frapper mon épaule d'un coup de poing tout en enchainant sur une rapide conversation sur nos différentes tactiques déployées lors de la rencontre de ce soir. C'est tout ce qu'il me faut pour me laisser aller à quelques sentiments de joie profonde, véritable. Juste de quoi recharger mon réservoir à émotions pour feindre, pour les jours à venir, cette bonne humeur factice que je m'évertue à donner à lire à tout le monde. Tout le temps. Même à Markus. Parce que c'est bien ce qu'il veut ? Non ? Qu'on reprenne notre amitié comme avant ? Comme si nos aveux n'avaient rien changé. Comme si cette dernière nuit passée ensemble, en harmonie complète, dans un parfum d'évidence, n'était rien qu'un doux souvenir à conserver. Et non une porte ouverte sur une nécessité pour vivre.

Esben repart, appelé par ses coéquipiers, et je laisse ma tête tomber légèrement en arrière, sourire apaisé sur les lèvres. Entre mes yeux entrouverts j'aperçois les gradins qui se vident peu à peu et mon esprit s'évade vers eux. Je reconnais en coin la silhouette d'un des recruteurs que j'ai fais venir, en secret, et je redresse mon visage pour le regarder un peu plus directement. Ses traits ont l'air d'être satisfait si bien que mon enthousiasme remonte en flèche. Est-ce que la prestation d'Ina de ce soir était à la hauteur de ce que je leur avait vendu pour les faire venir jusqu'ici ? J'espère. Instinctivement, je cherche la sorcière dans la foule qui gorge encore le terrain, mais ne l'aperçois pas. Je l'avais observée pendant le match, volant avec la même aptitude rapide et précise dont elle a l'habitude. Avait-elle fait des fautes ce soir ? Je ne suis pas sûr, pas quand je regardais en tout cas. Comment réagira-t-elle quand elle apprendra que j'ai fait jouer mes anciens contacts pour faire venir quelques décideurs de clubs professionnels pour elle ce soir ? Est-ce qu'elle le sait déjà d'ailleurs ? Une première pensée nerveuse s'infiltre et mes yeux la cherchent avec plus d'empressement, toujours sans distinguer son visage parmi les autres joueurs. Cette fois mon front se plisse pour de bon sous un froncement de sourcils. L'inquiétude que l'un d'eux ce soit montré désobligeant envers elle tinte avec amertume. Ils sont pas méchants, d'ordinaire, mais ils n'ont pas tous le tact nécessaire pour ménager la sensibilité des joueurs prétendants à une sélection plus officielle. Mon dos se détache de la barrière, il faudrait peut-être que j'aille faire un tour dans les vestiaires pour vérifier qu'elle n'est pas en train de déchirer mes affaires en hurlant sous la douche. Non pas que ce serait le genre de choses qu'elle serait capable de faire. Quoi que. On ne sait jamais. Elle serait en droit de prendre très mal ma décision de faire venir des gens pour elle sans l'en avertir au préalable. Dans l'inquiétude je fais quelques pas vers les autres, attrape une épaule au hasard et compose un sourire fier sans trop avoir à me forcer. « Tu sais où est Ina ? » Un signe négatif de tête me répond. Mierda. Un clin d'oeil et quelques exclamations de félicitations plus tard, je ressors du groupe, toujours à la recherche de la jeune sorcière, sans parvenir à la trouver. Je retourne à la barrière pour récupérer mon balai posé tout contre, déjà que lui en moi on apprend à se connaître petit à petit, si en plus je l'abandonne à la portée de tous il risque de finir par me jeter par terre au prochain match.