((21 ans)) Juin 1988 – Kai reste silencieux, un peu trop longtemps. Pendant ces quelques secondes, Maxwell a le temps de redescendre un peu, de se rendre compte de tout ce qu’il a pu dire. Et encore une fois, il est content que Kai ne puisse pas clairement distinguer les traits de son visage, tellement il doit être rouge. « Je– je sais pas… Je sais pas si je suis prêt pour ça. » Finit par dire Kai, et le cœur de Max se serre un peu. Il a l’impression que toutes ses émotions sont désormais coincées quelque part entre sa gorge et son cœur, et d’un coup, il a peur. Peur d’avoir tout gâché, peur que Kai soit mal à l’aise désormais, peur qu’il ne veuille plus le voir. Mais ça n’a pas l’air d’être le cas. De nombreuses fois, il s’était imaginé que Kai le repousse, lui dise que ce n’était pas normal. Mais ce n’est pas le problème. Sa main est toujours dans la sienne. Il le serre même encore plus fort, si c’est possible. Alors Max referme un peu plus les doigts sur les siens, pour lui signifier qu’il est là pour lui. Qu’il ne le lâchera pas, s’il n’en a pas envie. Il se sent un peu égoïste, d’un coup. Tout ce à quoi il a pensé, c’est sa situation à lui, en réalité. Ses sentiments. Mais il comprend. Il comprend, parce que lorsqu’il s’est rendu compte que son coeur battait pour un autre homme, il a eu peur. Peur des réactions des autres, surtout. Il voudrait pouvoir vivre au grand jour, sans avoir à se cacher au fond de l’observatoire pour être sûr de ne croiser absolument personne. Et s’il apprécie énormément cet endroit, il apprécierait également de se sentir en sécurité en tenant la main de Kai en plein jour.
« Je tiens trop à toi pour risquer de gâcher les choses entre nous. » Ajoute-t-il, avant de retirer ses lunettes, essuyant quelques larmes que Max n’a pas le temps de voir. « Je crois que j’ai besoin de temps. » Max hoche simplement la tête, sans oser retirer sa main de celle de Kai, mais sans non plus savoir si ce contact le gêne désormais. Il a envie de le rassurer, il a envie de lui dire que tout ira bien, mais ce ne serait pas la vérité. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il n’aime pas le voir comme ça, surtout alors qu’il a l’impression que c’est de sa faute.
« Okay, t’en fais pas. Hey, c’est pas grave. » Dit-il doucement, essayant de croiser son regard. Il ne peut pas dire qu’il n’a pas mal, qu’il n’espérait pas autre chose. Il a la gorge serrée, il a peur de se mettre à pleurer lui aussi, mais il ne lui en veut pas. Il en est incapable de toute façon. « Je comprends. Je… veux pas te forcer à quoi que ce soit. Si t’es pas prêt. » Il a envie de lui dire qu’il ne peut rien gâcher, qu’il irait à son rythme. Il a envie de lui dire qu’il peut l’attendre, aussi longtemps que possible. Mais il ne veut pas avoir l’air d’insister. Il se sentirait bien trop mal de lui mettre la pression comme ça, et il ne se le pardonnerait pas. « Je… J’espère juste que c’est pas moi qui ait tout gâché. » Ajoute-t-il en baissant les yeux, sentant une larme couler sur sa joue, qu’il vient essuyer rapidement. Il a peur que Kai le regarde bizarrement, désormais, qu’il y ait toujours le spectre de sa confession entre eux. « Je suis… Je suis juste… T’es quelqu’un d’important pour moi. Et je suis là pour toi. Je… Dis-moi si y a… quoi que ce soit. » Il s’embrouille, parce qu’il ne sait pas vraiment comment réagir. Kai lui a dit non, mais il ne l’a pas non plus repoussé. Il n’est pas prêt, mais il n’arrive pas à le lâcher. Et Max a juste envie de lui dire, de tout lui raconter, ses sentiments se bousculent dans sa tête, des mots qu’il n’est pas prêt de prononcer. Il a envie d’être là pour lui, il a envie de le voir heureux, il a envie de poser la tête contre son épaule et de se perdre dans ses yeux, il a envie de vivre les choses dont toutes ces foutues chansons parlent sans arrêt. Mais il ne peut pas le dire. Il faut qu’il le garde pour lui, et il ne sait pas ce qui est le plus difficile, en réalité. Tout ce qu’il veut, c’est que Kai ne le rejette pas. Tout ce qu’il veut, c’est vivre à  ses côtés, juste un peu. Il veut que sa vie se fasse en parallèle de la sienne, même s’ils ne font pas tout le chemin ensemble.

« Okay, t’en fais pas. Hey, c’est pas grave. » Kai renifle, essaye tant bien que mal de retenir les larmes qui continuent d’affluer au coin de ses yeux. Il n’est pas tout à fait convaincu que ça ne soit pas grave.
Parce que Max est important pour lui, beaucoup trop important pour qu’il veuille courir le moindre risque de le perdre.
« Je comprends. Je… veux pas te forcer à quoi que ce soit. Si t’es pas prêt. Je… J’espère juste que c’est pas moi qui aie tout gâché. » Il serre un peu plus fort la main de son ami dans la sienne.
« Je suis… Je suis juste… T’es quelqu’un d’important pour moi. Et je suis là pour toi. Je… Dis-moi si y a… quoi que ce soit. » Il baisse à nouveau les yeux, honteux. Il sait qu’il ne devrait pas, mais il se sent terriblement coupable de ne pas pouvoir lui rendre tout ce que Max veut lui donner.
Être prêt, c’est vague. Il ne sait pas combien de temps ça va lui prendre. Des jours, des mois. Peut-être même des années ? Et puis, comment on le sait quand on est prêt ? Il se sentirait beaucoup trop mal que Max attende après lui pendant tout ce temps.
« Non, non, bien sûr que non ! C’est pas toi, c’est.. c’est moi. » C’est moi le souci. Trop hésitant, trop compliqué, trop lâche, pense-t-il.
Et ça a beau le ronger de l’intérieur toutes ces pensées qui tournent en boucle dans son esprit, il est incapable d’y mettre un terme, de mettre des mots dessus à voix haute, d’assumer une bonne fois pour toute. Ça le consume et il se hait d’être beaucoup trop terrorisé pour y changer quoi que ce soit.
« Je suis désolé, souffle-t-il, désemparé. J’aurais voulu être… Je sais pas, moins compliqué. » Et un peu plus courageux.
En sept ans de cours à Poudlard, ce n’est pas quelque chose qu’on leur a appris. Comment démêler ses sentiments, comment assumer qui l’on est, comment faire la paix avec soi-même. Et il doute que ce soit au programme de sa formation d’auror.
Sans vraiment réfléchir, il vient poser sa tête sur l’épaule de Max. Pourquoi faut-il toujours que tout soit aussi difficile et confus dans son esprit. S’il s’écoutait, il avalerait le restant de la bouteille de whisky. Ça ne résoudrait rien, mais ça aurait au moins le mérite de lui faire oublier momentanément tout ça.

((21 ans)) Juin 1988 – Il s’en veut, un peu. Et surtout, il a peur. Peur d’avoir brisé quelque chose entre eux, que leur entente soit à tout jamais changée par ses révélations. Peur que le lendemain, ils ne s’échangent qu’un sourire maladroit, et qu’ils n’osent plus se parler, qu’ils n’osent plus être proches comme ils l’ont toujours été. Il s’était attendu à un non catégorique, ou peut être un assentiment timide. Il ne s’était pas attendu à ce que Kai soit aussi… perdu ? Il a toujours eu l’impression que son ami était quelqu’un de sûr de lui, mais apparemment pas sur tous les sujets. Et il peut le comprendre, Merlin, qu’il peut le comprendre. Il se souvient de ses sentiments conflictuels, lorsqu’il était plus jeune, à peine entré dans l’adolescence. Mais au fil des années, il a fait la paix avec lui-même, au prix de douloureux et longs efforts. Et il comprend parfaitement que Kai ne soit pas prêt. Il aimerait pouvoir le convaincre, une partie de lui a désespérément envie de se raccrocher à ce petit fil d’espoir qu’il a l’impression de sentir non loin, mais il sait que ce ne serait pas correct. Il ne veut pas que Kai se sente forcé, il s’en voudrait beaucoup trop s’il avait le sentiment d’essayer de lui forcer la main. Il n’est pas comme ça. Si Kai ne veut pas, alors ce n’est pas à lui d’essayer de lui faire dire le contraire. Peu importe à quel point il a envie de l’embrasser à ce moment précis, peu importe à quel point sa main semble avoir été faite parfaitement pour tenir dans la sienne.
« Non, non, bien sûr que non ! C’est pas toi, c’est.. c’est moi. » Max secoue la tête en réponse, faiblement. Il lève un regard grave, et un peu triste, vers Kai. Ça lui serre le coeur, de l’entendre dire ça, de penser qu’il est fautif. En vérité, aucun des deux ne le sont, en faute. C’est juste bien trop compliqué. Ce n’est pas le bon moment. Et peut-être que le bon moment n’arrivera jamais. Max le sait, même si son coeur n’est pas prêt à accepter cette éventualité. « Je suis désolé. J’aurais voulu être… Je sais pas, moins compliqué. » Il s’apprête à protester, quand Kai pose doucement sa tête contre son épaule, ce qui le prend presque par surprise. Il a du mal à comprendre, il a l’impression que les signaux que lui envoient Kai sont conflictuels. Il aimerait le serrer contre lui, lui répéter que ce n’est pas grave, mais il ne veut pas que ses gestes soient mal interprétés. Et puis, finalement, il se dit qu’il réfléchit trop. Il pose à son tour sa tête contre le crâne de son ami.
« Moi, je ne veux pas que tu sois différent. Je t’en veux pas, » murmure-t-il. Ça lui semble être une évidence, mais peut-être que Kai a quand même besoin de l’entendre. « Vraiment, c’est… c’est pas grave. Je suis content de t’avoir dans ma vie, dans tous les cas. » Il est content que l’obscurité ne permette pas à Kai de voir à quel point il rougit. « … J’espère que c’est pas trop bizarre à dire. Je voudrais pas que tu sois mal à l’aise en ma présence. Je voulais juste que tu saches, mais… » Mais quoi ? Il ne saurait même pas l’expliquer. Il ne veut juste pas que Kai le repousse. Il veut juste pouvoir rester à ses côtés. Il lui a ouvert son coeur, et même si ça lui fait mal que Kai n’ait pas fait de même, il se rend compte qu’il ne peut pas lui en vouloir. Mais il ne sait pas comment l’expliquer, avec des mots. « Désolé, je suis perdu aussi, » laisse-t-il échapper avec un petit rire. Il aimerait que ce soit socialement acceptable de dire à ses amis qu’on les aime. Profondément. Parce qu’il n’ose pas le faire. Pourtant, c’est ce qu’il meurt d’envie de lui dire, sans que ce soit forcément de façon romantique. Mais il en est incapable. Est-ce que ça rendrait les choses plus simples, ou encore plus compliquées ? Il n’en a aucune idée, et il est fatigué de réfléchir. Il aimerait juste pouvoir prononcer ces quelques mots, qui semblent peser si lourd sur son coeur et son esprit. Je t’aime, Kai.

« « Moi, je ne veux pas que tu sois différent. Je t’en veux pas, lui murmure Max, l’air un peu perplexe. Vraiment, c’est… c’est pas grave. Je suis content de t’avoir dans ma vie, dans tous les cas. »
Le Serdaigle ferme à nouveau les yeux, essaye de rassembler toute sa volonté pour ne pas se mettre à pleurer pour de bon. Il lui arrive parfois de se dire qu’il ne mérite vraiment pas son meilleur ami.
Max est toujours tellement gentil avec lui, tellement patient et compréhensif. Et lui, tout ce qu’il arrive à faire, c’est être confus et lui faire de la peine. Parce qu’il n’est pas fichu  de mettre des mots sur ce qu’il ressent, et encore moins d’assumer ces sentiments.
« … J’espère que c’est pas trop bizarre à dire. Je voudrais pas que tu sois mal à l’aise en ma présence. Je voulais juste que tu saches, mais… »
Kai se contente de secouer la tête pour démentir, pour le rassurer. Il n’est pas mal à l’aise. Pas à cause de Max. Ce sont ses propres désirs et ses peurs qui le mettent mal à l’aise et lui donnent l’impression de s’embourber de plus en plus.
« Désolé, je suis perdu aussi, » Max laisse échapper un petit rire, visiblement gêné. Et Kai ne peut pas s’empêcher de s’en vouloir. Parce que c’est leur dernière soirée ensemble au château, et qu’il l’a probablement gâchée en compliquant tout.
« Non, c’est pas bizarre. Ou alors on est bizarres tous les deux, souffle-t-il avec un sourire triste. Je veux pas te perdre. Je sais pas ce que je ferais si t’étais plus là. »
L’idée que Max puisse un jour ne plus faire partie de sa vie le terrorise, il ne veut même pas y penser. Le simple fait qu’ils ne soient plus ensemble l’année prochaine l’angoisse déjà bien assez.
Il ne doute pas que sa formation d’auror va lui prendre beaucoup de temps et d’énergie, et ils ne pourront se voir qu’occasionnellement, pendant les vacances. Si le temps et la distance finissaient par les éloigner l’un de l’autre pour de bon, il en serait malade.