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Scars have the strange power to remind us that our past is real | Fred (fb)
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Magni Hammarskjöld
hekseri
muggler
Gif :
Âge : 40 ans (08/08/83)
Statut de sang : Pur
Statut civil : Trop attaché, pour prétendre le contraire. Le cœur baigné dans deux eaux profondes.
Occupation : Auror
Fylgia : Mjöll (Mjöllnir), lézard bleu de Gorgona fouineur et têtu. Il prend la forme d'un ours polaire quand il est auprès de son enfant. Nouvellement il prend la forme d'un chat-tigre nébuleux de façon plus quotidienne
Alignement : Enfant de Völuspá
Allégeance : Clan Styrke et allégeance profonde à Thor
Particularité : Legilimens | se déplace majoritairement à moto, affublé de lunettes de soleil
Pseudo : Artchie
Serment le : 30/11/2022
Parchemins : 1169
Noises : 3841
Gallions : 0
TW : Deuil, deuil périnatal, blessures, insultes
Double : Peter Gadiot
Crédits : (c) true north
Multi-comptes : Alfhild Mørk - Sol Yoonir
Sujets : Magmar - Ozy - Jin - Seb - Jasper - Vigga - The Big M - Helga - Oubliette - Fred - Kai
- titre
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@Fredrikke Mørk | 04 mars 2023 - Petit matin
Le réveil n'avait pas été aussi satisfaisant qu'il aurait dû. Premièrement parce que les douleurs étaient toujours là, et parce qu'Andres ne m'avait pas laissé le temps de prendre un café avant de me transplaner à l'hôpital, insensible à mes protestations. Rapidement pris en charge par un médicomage spécialisé dans les blessures par maléfice, je suis encore en train de me refaire le détail de la soirée d'hier dans la tête incapable de remettre tous les bons éléments au bon endroit et de combler les vides de ma mémoire. Ce qui est sensiblement très désagréable. Je déteste ne pas être en contrôle total de mes souvenirs. Tout ce qui touche aux pensées est un sujet extrêmement délicat pour moi, sans doute à cause de mon don de legilimancie. J'ai toujours été sensible à cette question, je prends soin de conserver les souvenirs les plus importants, pas tant pas peur de les perdre, que par conscience de pouvoir les retrouver facilement. La mémoire comme un livre ouvert où puiser des éléments précis. Une source fiable entre toutes, pour retracer des choses passées. Et je déteste ne pas être en maîtrise complète de la mienne. Cela me renvoie irrémédiablement à Alva, à ce que j'ai fais, au crime commis sous la pression d'un tiers. Et à Gacha. Aux trop nombreuses soirées devenues floues sous l'exercice de son don vampirique pour perturber mes souvenirs de ses actes répréhensibles. Un frisson dresse les poils de mon cou tandis que je sens la magie, chaleur désagréable, qui travaille dans mon dos. Malgré tous les efforts d'Andres pour endiguer la blessure, il n'est pas parvenu à stopper l’hémorragie. La magie qui s'écoule du tatouage réagi mal au sortilège reçu, je l'ai vite compris. Il ne faut pas être un sorcier de haute intelligence pour deviner l'origine de la magie qui a marqué la peau de ces deux mains serrées. Je serre les dents sous la douleur qui irradie depuis la blessure pour remonter le fil des nerfs. En rond contre mon cœur Mjöll presse ses pattes contre moi avec une nervosité sensible. Il s'est replongé dans le mutisme de ces derniers jours et je sens seulement sa lutte acharné contre la douleur et contre l'ensemble des angoisses que les questionnements agitent en nous. Qui est à l'origine ce cette attaque en fourbe ? Qui est derrière cette marque, significative, qui déchire le tatouage de la Mano Mara en deux ? Une rupture nette que je connais pour l'avoir déjà vue sur d'autres à l'époque. Un avertissement cuisant pour le porteur, d'une rupture de confiance du gang envers lui. Un signe distinctif tout aussi clair pour les autres membres quant à la position de la personne dans l'organisation. La deuxième conséquence me dérange bien moins que la première. Est-ce que Manolo qui a envoyé quelqu'un ? Est-ce qu'il m'a retrouvé jusqu'ici ? Ou bien est-ce quelqu'un d'autre ? Et c'est à Javier que je songe en pensant à cet autre. Javier qui a voulu prendre les commandes du gang ces dernières années d'après ce que j'ai vu et appris lors de ma dernière excursion en Colombie en janvier. A choisir, je préfèrerais que ce soit lui plutôt que Gacha. Parce que ce dernier à une gestion des traitres trop passionnelle. Et que s'il venait à découvrir ma vraie identité, ce serait toute la famille qui serait sous le feux de sa vengeance. Il va sans dire qu'une telle perspective grêle mon âme d'une angoisse mortelle. Je n'ose même pas songer à Aren. Aux conséquences pour sa propre sécurité. Mes poings se serrent, réagissant tant bien à la douleur qu'aux rages qui embrasent mon être. Et je peux même pas en parler à Markus. « Monsieur Hammarskjöld, j'ai réussi à limiter l'infection mais je vais être forcé de vous garder en observation. J'attends également les résultats d'analyses pour votre commotion. Vous allez devoir prendre votre journée. » Je grogne avant de faire rouler mon dos dans une sensation désagréable de tiraillement diverse. Je savais que venir à l'hôpital serait un traquenard plus qu'autre chose. Sauf que j'ai besoin de tout sauf de trop de temps seul avec mes pensées en ce moment. Parce que ces dernières ne sont guère joyeuses et prennent trop de place dans un crâne qui ne trouve pas d'échappatoire à une situation qui prend de plus en plus des allures de catastrophe. Cela ne fait qu'une grosse semaine, et pourtant, j'ai l'impression que tout va de pire en pire entre Markus et moi. Des faux sourires, des évitements de plus en plus nets, un masque de mascarade qui me fait lentement sentir que rien ne sera jamais plus comme avant. Lentement, pierre après pierre, l'avalanche a commencé sa lente destruction de notre amitié. « Je vous transfert en chambre immédiatement. On se revoit vite. » La médicomage m'adresse un sourire qui se veut rassurant, bienveillant peut-être même, malheureusement elle n'a le droit qu'à un regard électrique en réponse. Je déteste être là, encore plus avec la sentence de devoir rester pour quelques heures, à minima, au lieu d'aller travailler. En plus de tout cela j'ai perdu mon balai, et je suis sûr que personne n'a songé à récupérer les morceaux de l'objet brisé sur le lieu de l'intervention. Un allié de si longue date délaissé sur un bout de lande, abandonné, trahis. Un vrai gâchis.
Je me laisse conduire dans les couloirs, avec la sensation de cette foutue tête qui cogne contre mon crâne qui parle d'elle-même concernant le traumatisme qu'elle a subit. J'écoute à peine l'infirmier qui me parle des potions à prendre et des soins que l'on viendra me faire dans les prochaines heures. J'entends très bien, en revanche, le manque de place et l'obligation qu'ils ont de me mettre en chambre partagée pour le moment. Malgré tout le respect qu'ils ont pour moi, ma fonction et mon nom. Foutaises.« Pas de chambre seule ? Marica ! Juepucha...» L'orage électrise ma voix d'un grondement sombre qui fait légèrement refermer les traits de l'infirmier qui me conduit jusqu'à une chambre. Je sais mes humeurs, et je plains sincèrement la personne qui se trouve déjà dans la pièce pour les prochaines heures. Et je crois bien, à regarder l'expression du sorcier qui tourne la poignée, qu'on est deux à le faire. Les rideaux tirés, ne laissent pour l'instant apercevoir que l'ombre d'un lit dans l'obscurité de la pièce. Il est visiblement toujours très tôt, à en déduire par la luminosité très basse maintenue dans la chambre et je souffle du nez, énervé de constater le décalage entre ma propre énergie de feu et l'atmosphère endormie de la chambre. Vraiment quelle idée d'Andres de venir me faire bouger jusqu'ici à une heure aussi matinale. Ca ne pouvait sérieusement pas attendre quelques heures de plus et au moins trois tasses de café ? « Je vous laisse vous installer Monsieur, je repasse dans quelques minutes pour vous apporter vos potions pour les maux de tête. En attendant merci de respecter le sommeil de l'autre patient. » Sa voix est ferme, et il hausse un sourcil d'un air entendu qui me fait froncer des sourcils, nullement impressionné par le ton qu'il essaye de prendre avec moi. D'un geste lourd je m'assois sur le lit avant de maugréer sans prendre la peine de murmurer comme l'infirmier l'avait fait juste avant. « Apportez-moi au moins un café, un vrai par un jus de chaussette à l'eau, et je considèrerais l'idée avec intérêt. » Le ton vibre, lourd, d'une menace non voilée et du sérieux de ma demande. En temps normal, je pourrais faire réellement attention au patient d'à côté. Mais Magni blessé et pris au piège entre les murs d'un hôpital n'a nullement envie de faire les efforts nécessaire pour paraître aimable quand il n'a qu'une envie : foutre le camp et retourner oublier Gacha, Javier et Markus dans une pile de rapport à faire. Parce que j'en ai des choses à écrire sur la mission d'hier soir. A commencer par cette attaque en douce dont personne ne semble avoir remarqué l'existence, à part moi. Évidemment. Sans un mot mais dans un soupire exaspéré, le sorcier quitte la chambre et referme la porte sur le silence endormi qui régnait avant mon entrée tumultueuse dans la pièce. Je serre les dents, avant de m'installer un peu plus confortablement dans le lit tout en veillant à ne pas poser trop de poids contre la blessure que je sens toujours pulser désagréablement dans mon dos. Les bras croisés, mes yeux se posent sur Mjöll qui est allé s'allonger sur les draps en face de moi. Je sens son regard sur moi et les sentiments qu'il déverse dans mes nerfs me font resserrer un peu plus la pression dans mes muscles qui se contractent. Je voudrais qu'il arrête de m'envoyer sa rancœur à longueur de journée. Qu'il arrête de m'envoyer sa tristesse profonde et la blessure qui déchire mon âme. Qu'il arrête d'attendre quelque chose que je ne peux pas faire. Dans un souffle énervé je me repousse en arrière, tant pis pour la douleur du dos, et ferme les yeux dans une désagréable sensation de tournis qui ne veut pas cesser malgré tous les soins apportés par le médicomage et Andres avant lui. Dans la pénombre de la chambre, sous les paupières closes, le cerveau rejoue la chute, vertigineuse, depuis les hauteurs du balai. Par Thor, cela faisait longtemps que je n'étais pas tombé d'aussi haut. J'avais bien ralenti ma chute à l'aide d'un sort, sinon je ne serai sans doute même pas en état de maugréer aujourd'hui, mais cela n'avait pas entièrement suffit à empêcher le choc. Le vent, la pluie de sorts, l'acharnement de celui qui m'attaquait, un mélange explosif à n'en pas douter. Le genre de mission qui finit dans les bilans mitigés. D'ailleurs, à ce sujet, est-ce que j'ai pensé à prévenir quelqu'un ? L'idée s'illumine dans mon crâne alors que j'ouvre les yeux en même temps que l'infirmier ouvre la porte, un plateau de potions devant lui. La question s'envole immédiatement tandis que je pose un regard soulagé sur la tasse fumante perdue au milieu de fiole. « La potion mauve est à prendre immédiatement, avant le café. » Il murmure toujours, dans une volonté subtile de m'induire à faire la même chose, mais je me contente de lui rendre son haussement de sourcil avec une énergie mauvaise qui ne le fait pas réagir cette fois. Dans un soupire, j'attrape le contenant qu'il me tend, ne pouvant retenir une expression de dégoût de tordre mes lèvres quand je les pose sur le contenant. Une autre des raisons qui me fait fuir l'hôpital dès que je peux m'économiser un passage ici, leur amour des potions. Et ma propre aversion pour ces breuvages. Dans un frisson, j'avale le contenu mauve, avant de tendre une main impérieuse vers la tasse de café tant attendue. « Voilà votre café, maintenant je dois examiner votre blessure pour voir si la magie de votre tatouage a déjà rejeté le sort de soin ou non. » Je grogne à nouveau, sans faire le moindre geste, si ce n'est approcher la tasse de mes lèvres et en savourer une première gorgée, beaucoup trop chaude. Toujours le même café peu exceptionnel de l'hôpital. Ils prendront donc jamais les mesures nécessaire en ce sens...L'infirmier s'approche, ferme, et je soupire avant de décaler mon dos du dossier dans un froncement de douleur qui me laisse supposer que cette fameuse magie est bien en train de rejeter le sort de soin qu'on tente de lui imposer. Le contact des mains de l'homme sur ma peau est désagréable, je devine que cette partie-là restera sensible un bon bout de temps, même après la cicatrisation. Si elle parvient à se faire un jour. Et cela me fait déjà chier par avance. « Bon, c'est pas joli, c'est une magie bien récalcitrante que vous avez-là monsieur. Quelqu'un repassera dans quelques temps pour suivre l'évolution. » Je connais trop bien la magie utilisée par Gacha pour savoir, en effet, qu'elle n'est pas jolie. A peine fait-il retomber la tunique sur mon dos que je m'empresse de revenir le caler sur les oreillers en dépit de la douleur. « Pensez à lui dire de me ramener du café. C'est pas avec votre mini tasse que je vais tenir la journée ici. » Un semblant de sourire passe sur ses lèvres tandis qu'il s'apprête à sortir et je m'empresse de l'arrêter en reprenant la parole, oubliant de chuchoter. « Et quand est-ce qu'on aura le droit à plus de lumière ? Et le petit-déjeuner ? Et apportez moi du papier et une plume, que je m'occupe un peu l'esprit si vous voulez pas que je réveille l'autre à côté. » J'ai vaguement conscience d'avoir l'amabilité d'un ours au réveil d'une hibernation difficile. Mais tout ça c'est de la faute d'Andres, il aura qu'à aller se plaindre auprès du grand-frère. S'il m'avait écouté, je serai chez lui à comater tranquillement ma commotion au lieu de m'énerver à ronger ma frustration sur tout ce qui bouge.
Fredrikke Mørk
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Âge : 31 ans, selon les registres officiels.
Statut de sang : Pur
Occupation : Tireur d’élite chiant dans la Brigade des Valkyries.
Fylgia : Taïpan du désert et Phascolarctos cinereus (un koala, quoi.)
Alignement : Enfant de Völuspá
Particularité : Atteint d’amnésie rétrograde, qui n’a pas touché sa mémoire procédurale. Il a oublié qu’il était un gros con, mais il sait encore se servir de sa baguette.
Pseudo : Cappuccino
Serment le : 11/07/2022
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TW : Violence physique et psychologique
Double : Rob Raco
Crédits : Chosen one
Multi-comptes : Dax, Markus et Angelo
Mes paupières fermées tressaillent, lorsque j’entends la porte s’ouvrir. Mes doigts glissent distraitement sur le bandage qui entoure mon crâne, retenant prisonniers mes cheveux longs. Comme dans les quatre dernières heures sans sommeil, je continue de me repasser le fil de la soirée d’avant, en cherchant ce que j’aurais pu faire différemment. Tout et rien, certainement.
J’ai fait de mon mieux, pourtant.
Quand on m’a annoncé que j’étais un connard, que je devais continuer de jouer ce rôle en public, j’ai fait de mon mieux. Quand j’ai compris que j’étais bien plus détraqué que salaud, j’ai tenté de rattrapé le coup, j’ai fait de mieux. Quand j’ai appris à quel point j’ai fait souffrir des gens, j’ai voulu ne pas les blesser davantage, j’ai fait de mon mieux.
Mais ça n’a pas été assez et ne le sera probablement jamais. Mon mieux, ce n’est qu’une version édulcorée du pire. Une image qui rappelle aux autres des souvenirs exécrables, une voix qui éveille des sentiments désagréables. Je provoque l’agressivité chez les autres, pas la douceur. Je leur insuffle la colère et le venin de la rancune, alors que je ne voudrais que leur faire du bien. Hier soir, mon sourire a blessé quelqu’un. Sans que je ne sache pourquoi, sans qu’on me donne la moindre explication. Je n’en ai pas vraiment besoin, de toute façon : j’ai compris dès les premiers sorts, lancés dans une ruelle, que c’était lié à lui. À quelque chose d’hideux qu’il a fait dans le passé, encore. Ils étaient deux, j’étais seul. Un classique, qui ne serait pas un problème normalement : je suis aisément capable de me défaire de deux sorciers. J’ai côtoyé pire, au boulot. Mais je n’étais plus en état de me défendre correctement. J’étais trop amorti par mes blessures des dernières semaines, par les potions anti-douleurs prises et par…Un autre type de potion, commandé sur un marché non-officiel, supposé atténuer les pulsions agressives. J’ai levé ma baguette pour contrer l’un des sorts, mais elle a été propulsée plus loin, par un expelliarmus prononcé d’une voix pâteuse. Mon échec était si prodigieux, si absurde, que j’aurais presque pu en rire. Mais j’étais trop fatigué pour rire. Trop las pour lever les poings. Trop écœuré de devoir encore affronter la hargne des autres. Même l’optimisme peut s’éteindre.
Il y eut d’autres sorts. Des coups. Des paroles, je crois. Ce sont celles-là, dont je ne parviens pas à me rappeler. Comme d’habitude, en somme. L’infirmier m’a dit qu’on m’a amené ici vers vingt heures. Inconscient. Ou trop conscient, plutôt, de ce qui ne devait pas être fait. Il paraît que j’ai supplié le médicomage de ne pas toucher à ma tête, de le laisser loin de mes proches et de moi. Il a fait des recherches dans mes dossiers antérieurs, forcément, et a découvert mon état. Entre deux soins, il m’a fait passer des examens pour voir si le contact répété de mon crâne contre le bitume, joint aux sorts que je me suis pris joyeusement à la gueule, a changé quelque chose à mon amnésie. J’espère que non.
La voix de l’infirmier m’extirpe de mes tentatives de reconstituer le fil des événements et la toile de ma culpabilité. Mais celle qui capte vraiment mon attention, c’est celle que je reconnais : Hammarskjöld. Je ne sais pas si je devrais rire de sa présence ici ou m’exaspérer. Foutue coïncidence merdique, tout de même. Ce n’est certainement pas le meilleur moment pour nous réunir ensemble, lui et moi. Autant pour l’un que pour l’autre. D’autant plus qu’il semble d’une humeur charmante.
Ashes, sous sa forme de koala, se niche plus confortablement contre mon torse. J’apprécie que la tension entre nous se soit apaisée. Surtout actuellement. J’ai mal, j’en ai marre qu’on me tape dessus et je n’ai aucune envie de devoir passer les prochaines heures à me faire redire à quel point je suis un sale type. Je le sais déjà. Je ne remue pas, jusqu’à ce que la porte se rouvre de nouveau. L’homme qui m’a accueilli bien des heures plus tôt murmure et je capte vaguement la plupart de ses mots, trop éveillé pour ne pas percevoir ce qui perce le silence. Il parle de potion mauve et de café à mon nouveau partenaire de chambre, tout en parlant de tatouage et de magie. Je fronce les sourcils, intrigué malgré moi. Pourquoi un tatouage nécessiterait un sortilège de soin ? Est-ce la raison de sa présence ici? Un court silence m’indique que le professionnel doit examiner la blessure en question, qu'il qualifie ensuite de pas joli. Le koala lève vers moi ses yeux verts, avec un air tout aussi curieux. Les miens trahissent peut-être un fragment d’inquiétude ; foutue habitude de me soucier des autres. Même quand ils rêvent de me mettre en prison. « Pensez à lui dire de me ramener du café. C'est pas avec votre mini tasse que je vais tenir la journée ici. » Un rictus moqueur s’étire sur mes lèvres. Il s’agit bien de l’auror, sans aucun doute. « Et quand est-ce qu'on aura le droit à plus de lumière ? Et le petit-déjeuner ? Et apportez moi du papier et une plume, que je m'occupe un peu l'esprit si vous voulez pas que je réveille l'autre à côté. » Qui le fera probablement encore plus râler, quand il saura mon identité. Autant maintenant que plus tard, ça ne changera pas grand-chose. Je rétorque : « L’autre à côté est déjà réveillé et occuper à observer ta prodigieuse patience envers le personnel médical, Hammarskjöld. » Ma voix moqueuse perce à travers les rideaux. Je ne doute pas de ses capacités à l’identifier, lui aussi. Vu à quel point il m’adore, il doit être en mesure de me reconnaître rapidement. Je poursuis en m’adressant à l’infirmier, dont j’aperçois l’ombre proche de la porte : « Vous pouvez ouvrir la lumière. Me voir le distraira, peut-être même qu’il vous parlera doucement après. » Est-ce qu’un sourire a étiré les lèvres du professionnel ? Je l’ignore, mais la lumière s’est allumée, en même temps que la porte s’est refermée. Sans lui. J’attrape ma baguette, que celui qui m’a amené a vraisemblablement emporté ici, et lance un sort pour ouvrir les rideaux. Un coup d’œil me certifie ce que je savais déjà : je partage la chambre de l’auror. Charmant. Je retiens tous les jeux de mots qui m’effleure, affirmant simplement avec un léger sourire : « T’es vraiment chiant comme malade. » Et il doit le savoir. Je l’observe, cherchant à faire le lien avec ce que l’infirmier a dit et son état, avant de poursuivre : « Tu t’es fait tatouer par un sorcier qui ne savait pas comment faire…? » Est-ce que je m’attends à une sympathique réponse ? Non. Mais moi, je n’ai eu droit à aucune mini tasse de café : je n’ai que ma tête, et elle est trop pleine.
Magni Hammarskjöld
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@Fredrikke Mørk | 04 mars 2023 - Petit matin
« L’autre à côté est déjà réveillé et occuper à observer ta prodigieuse patience envers le personnel médical, Hammarskjöld. » Une voix résonne de l'autre côté des rideaux et ce qu'il me restait de bonne volonté s'évapore aussitôt dans une montée fulgurante de la température. Mon humeur exécrable dépasse tous les seuils, embrasant un regard déjà chargé d'incendies. Sur les draps Mjöll sursaute, s'évapore dans une brume d'or, la silhouette d'un ours transparaît avant de disparaitre sans prendre forme. La brume vrille, s'enroule, tâtonne et mes poings se serrent contre ma poitrine. Marica Mjöll tu fais chier toi aussi. Quand il se stabilise à nouveau, il est toujours lézard au sang froid. Placide. Imperturbable. Seule la douleur de ses émotions me parvient, intense, profonde. Je détourne les yeux tandis que la voix reprend, moqueuse. « Vous pouvez ouvrir la lumière. Me voir le distraira, peut-être même qu’il vous parlera doucement après. » Je tremble presque de fureur sur le lit. Le sang qui pulse avec une nouvelle énergie s'écrase en marteaux vibrant contre mon crâne malmené, et le feu de la blessure qui coule du tatouage redevient d'un acide vif qui m'oblige à serrer les dents. Mørk. De tous les sorciers du royaume il faut que ce soit lui qui se trouve sur ce putain de lit derrière ce foutu rideau, aujourd'hui. Son identité de ne fait aucun doute. Sa voix trop souvent entendue, acerbe parfois, mauvaise, moqueuse, froide souvent. Cette voix qui a travaillé mes journées dernièrement alors que je tentais de retranscrire les bribes de conversation que l'enregistreur avait gardé en mémoire malgré l'état lamentable dans lequel il avait fini, écrasé dans ma poche. Cette putain de voix de lâche. La lumière de la chambre se fait plus vive sous les doigts de l'infirmier qui referme enfin la porte derrière lui. Par Thor, pourquoi Fredrikke Mørk ?.
Le rideau s'écarte et je résiste à l'envie de le regarder et de lui jeter le regard assassin qui brûle mes iris. Obstiné, le visage fermé, je fixe le mur en face, aussi immobile que Mjöll sur ses foutus draps blancs. « T’es vraiment chiant comme malade. » Je n'ai pas besoin de le regarder pour sentir l'amusement narquois qui perce dans sa phrase et la mienne file entre mes dents serrées comme le sifflement sec d'un fouet. « Cállate ! » Un souffle si contrit qu'il doit arriver difficilement jusqu'aux oreilles du sorcier sur l'autre lit. Peut m'importe qu'il comprenne ou non. Peut m'importe qu'il entende ou non, j'ai envie de parler à personne. Surtout pas à lui. La rage gronde dans mes entrailles. Aux souvenirs d'hier se mêlent ceux de notre dernier entrainement, de tout ce qui a suivis, de mon poignet cassé, les entrainements de Quidditich manqués par sa faute, la mission, Markus, Ina, l'interrogatoire des anciens collègues. Foutu mois de février. Juepucha. « Tu t’es fait tatouer par un sorcier qui ne savait pas comment faire…? » Il a donc entendu, et écouté, les remarques de l'infirmier. Hijueputa d'infirmier. Hijueputa de chambre partagée. Cela aurait été n'importe quel autre sorcier lambda je me serai royalement foutu de savoir qu'il aurait entendu cette information. Même n'importe quel collègue, mais pas Fredrikke Mørk. La moindre miette, c'est déjà trop pour ce vautour des bas fonds. Quand bien même il avait semblé si différent il y a quinze jours lors de notre entrainement. Quand bien même il avait l'air sincère et presque sympathique dans son comportement. Dans son manque de réponse à mes coups et sortilèges. Dans ses discours étranges, et trop volubiles. Depuis il y a eu les révélations des Markus concernant Ina et lui. La possibilité non négligeable que le Mørk se soit rapproché d'elle pour mieux atteindre mon meilleur ami. Dans un but tout sauf amical et bienveillant. La même appréhension qui avait soulevé mon âme quand je l'avais vu auprès d'Aren. Un foutu asado qui mérite de se retrouver les fesses vissées dans ce lit d'hôpital. « Ta gueule Mørk. » Trois pulsations viennent contracter ma mâchoire qui a réussi à se décrocher le temps de laisser passer une voix de tonnerre acide et menaçante. Le sang qui tambourine toujours dans me crâne me donne une nouvelle vague de nausée qui me fait pincer les narines et fermer les paupières pour endiguer l'amer goût de café qui a soudain envie de retourner dans sa tasse. Que Gonorrea ! Foutue commotion. Sous l'ombrage des cils, un éclair de mémoire jaillit, fulgurant. Je revois la mission d'hier soir, le vent salé qui me collait avec force et tentait de me rabattre contre la paroi rocheuse de la falaise. L'élancement dans les airs à la poursuite d'un suspect en fuite. Et surtout, surtout le souvenir éclatant de haine, du poignet gauche qui manque de souplesse dans la direction du manche du balai, et le sort que je ne parviens à pas éviter à temps à cause de ce foutu poignet. Les battements cardiaques s'accélèrent. Comment j'ai pu oublier ce détail ? Probablement à cause de l'enchaînement de tout le reste, la chute, le sort pour me ralentir, et le choc contre le sol angulaire. En toute autre occasion cela serait resté de l'ordre du détail, chiant, mais accepté. Mais dans mon humeur noire, installé à côté du responsable directe de ce manque de souplesse, la rage flambe un peu plus. Les paupières s'entre-ouvrent pour laisser passer un filet de regard brûlant en coin vers le Mørk. Je distingue rapidement son visage, son sourire suffisant, ses bandages et sa sale gueule. Il a pas été épargné lui non plus. Entre sa mâchoire façonnée par mes soins, les coups de Markus après, et ses blessures d'aujourd'hui. Un beau duo de bras cassés. Ce serait presque drôle si c'était pas Fredrikke et moi. Je fixe à nouveau mon regard droit devant moi, paupières grandes ouvertes et bras toujours croisés sur mon torse. Je sens dans mon dos la désagréable sensation d'un liquide qui coule. Déjà. Je voudrais croire qu'il ne s'agit que de sueurs, mais je ne suis pas certain que me bercer d'illusions soit nécessaire. Le silence se gonfle à nouveau tandis que la vague de nausée s'estompe et que je parvienne à finir ma tasse de café d'une longue gorgée. Le goût est toujours aussi décevant, même après les années et ma consommation régulière du breuvage ici. Je laisse une infime ombre de grimace percer sur mes lèvres avec un : « Terrible » marmonner entre mes dents, qui est rapidement suivis d'un un autre grognement lourd : « T'as une sale gueule Mørk. » Tout en me gardant de le regarder de face. Je ne lui offre qu'un autre demi regard en coin, pupilles incandescentes de rage, de ressentiments, et de douleur. « Tu t'es arrangé sur ton temps libre ou on risque de voir débarquer tes adorables collègues de mission soucieux de ton état de santé dans quelques heures ? » Autant dire que la perspective de voir des gens comme Tvet entrer dans cette chambre m'enchante énormément. Mieux vaut que je me prépare à cette éventualité dès maintenant. En parlant de collègues soucieux, je songe à nouveau à mes propres partenaires de mission. Le front se plisse légèrement sous la réflexion, sans parvenir à me rappeler si j'ai, ou non, pensé et envoyé un hibou lorsque j'étais chez Andres. Insupportable cette mémoire floue. Un frisson coule dans ma nuque, réminiscence d'angoisses et de sensations d'autres souvenirs flous.
Fredrikke Mørk
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« Ta gueule Mørk. » Le tonnerre me laisse indifférent, depuis que j'ai été trop souvent foudroyé. La hargne ne me serre plus autant le cœur, le mépris m’attriste moins. En théorie. En pratique, tous les sentiments négatifs que j’inspire aux autres ont ébréché, lame contre larmes, mon âme. J’accuse ses mots de la même façon que j’ai accueilli ceux de cette soirée : en silence. Je ne tressaille pas, je ne rétorque pas, j’abandonne même l’idée de lancer une énième moquerie. Pas assez d’énergie. Pas assez de patience. Plus assez de bienveillance envers moi-même, pour être capable de digérer encore l’écœurement d’autrui, sans m’écrouler. Encore. « Ta gueule Mørk. » La douleur à l’arrière de mon crâne, extrêmement ténue, se superpose aux paroles qui veulent émerger. Des souvenirs récents oubliés. C’est presque marrant, à quel point le présent devient vite le passé. Ce qui est moins marrant, c’est que tout son passé constitue mon présent. « Ta gueule. » Je ferme mes paupières, abandonnant l’auror, que j’ai vu vaguement fixer le mur, et son besoin de silence. Il peut fixer son mur aussi longtemps qu’il le veut. Il peut tirer la tronche à tous les infirmiers de l’hôpital, si ça lui plaît. Ça le concerne. « Ta.gueule. » Dans les brumes de l’esprit fiévreux, les images se reconstruisent, une à une. J’ai demandé pourquoi aux types. Même si je savais que je n’étais pas en état d’apprendre une énième atrocité, même si je sentais mon mental se fissurer, proche de l’écroulement. Je voulais ne pas être lâche, ne pas me planquer derrière un c’est trop difficile d’être moi, alors que toutes les victimes de Fredrikke ont bien plus souffert. Je leur dois, à tous, de me tenir debout pour recevoir les coups. De ne pas refuser leurs récits, par crainte d’en être bouleversé. Mais ce soir, j’ai craqué. Ou cette nuit. Vingt heure, c’était cette nuit ou ce soir ? Le ciel était noir, sans étoiles. J’ai demandé pourquoi, et après…? Ou plutôt, pendant ? Pendant, il y avait mon sang. Sur ma langue, entre mes dents, qui s’écoulaient lentement. Un goût de fer, de fiel, de fierté avortée. « Terrible » Terrible quoi ? Cette scène ? Elle n’avait rien de terrible. Elle n’était que terriblement habituelle. Monotone. Grise. Éreintante. Mais je sais que bien que ce n’est pas à ça que l’autre occupant fait référence. Je manque simplement de motivation pour vérifier à quoi il fait allusion. « T'as une sale gueule Mørk. » Ashes, avec des gestes précautionneux auxquels elle n’est pas habituée, appuie doucement son museau contre mon menton. J’ouvre les paupières pour la fixer, avant de jeter un regard à celui qui ne m'offre qu'un regard en coin. J’aurais dû garder mes paupières fermées. Je réalise, face au ressentiment et à la rage que je lis dans ses pupilles, que je n’ai plus la force de me prendre quoi que ce soit à la tronche. Pas maintenant. Plus tard, peut-être. « Tu t'es arrangé sur ton temps libre ou on risque de voir débarquer tes adorables collègues de mission soucieux de ton état de santé dans quelques heures ? » Un rictus cynique s’étire sur mes lèvres craquelées, sans que je ne réponde immédiatement. À quoi pouvais-je bien m’attendre, en lançant les premières répliques ? À rien. Tu mens. À de l’espoir, peut-être. Je ne sais pas. Peu importe à quoi j’aurais pu m’attendre dans un instant d’égarement, c’était débile.
Je dévisage brièvement l’homme, rétorquant d’un ton moqueur : « La tienne est pas mal aussi. » Un simple retour de politesse. Mais derrière toute ma lassitude, derrière mon amertume et tout le bordel, il y a des flammes soucieuses, inappropriées. Mes iris reflètent brièvement cette inquiétude, avant que je fixe moi aussi mon attention sur le mur. Ce qui a conduit l’auror à l’hôpital ne me concerne pas. J’espère, malgré tout, que ce n’est pas trop grave. J’imagine que de son côté, il souhaite le contraire à mon sujet. Cette pensée, normalement, serait rapidement écartée. Je refuserais de m’y arrêter, de m’enfoncer dans une mélancolie que je n’ai pas le droit d’avoir. Mais je ne parviens pas à l’occulter, actuellement. J’ai un tel besoin de ne pas me sentir seul présentement que j’aurais peut-être accueilli avec joie mes enfoirés de collègues. Je rétorque d’un ton neutre : « C’était sur mon temps libre, personne n’envahira ta chambre. La seule raison qui pourrait pousser mes collègues à venir ici, ce serait la tentation d’achever le boulot. » L’amertume se glisse dans mes derniers mots. J’aimerais n’être que Fred Mørk, un tireur d’élite de vingt-neuf ans sympathique, normal. Un type digne d’être côtoyé. Un type digne d’avoir des visiteurs. Quelqu’un qui aime les gens, et que les gens aiment. Sauf que la vérité, c’est que je suis Fredrikke Mørk, un enfoiré. Si on mettait bout à bout toutes les vies que j’ai saccagées, on dépasserait le compte de mes propres années.
La porte s’ouvre délicatement. Ma tête m’élance légèrement alors que je la tourne, mais rien de bien dérangeant. Si je me fie au froncement de sourcils du médicomage qui vient d’entrer, et qui fixe mon pansement du côté exposé, je devrais ressentir bien plus de douleur. J’en déduis que j’ai reçu un bon mélange de potions, pendant que j’étais inconscient. « Mork ? Nous avons les résultats de… » Mon médicomage s’interrompt. Il jette un coup à Hammarskjöld, à qui il adresse un simple signe de tête, tout en relevant sa présence. Le genre de signe de tête qui signifie un je ne suis pas votre médicomage actuellement, mais je vais avoir la décence de ne pas vous ignorer. Un truc dans le genre. Je m’en fous pas mal, en fait. Tout ce qui m’importe, c’est qu’il m’annonce que ces foutus résultats ne sont pas bons. Je ne veux pas, absolument pas, que quoi que ce soit ait bougé dans ma tête. J’en oublie presque la présence de mon voisin ; alerte, je me suis légèrement redressé, obligeant Ashes à se déplacer jusqu’à mes pieds. Je ne songe pas à replacer la couverture sur mon torse pour couvrir les ecchymoses qui s’y étendent. Je reste suspendu aux lèvres du médicomage, qui tire les rideaux derrière lui après s’être approché de mon lit, pour établir une intimité factice.
Il parle beaucoup et trop vite. Comme s’il pouvait ainsi se débarrasser d’un sujet encombrant. Je l’écoute attentivement, ne notant finalement que les mots qui m’intéressent, ceux qu’il prononce sans la moindre discrétion : « …l’amnésie ne semble pas s’être résorbée… » Il mentionne des termes médicaux, auxquels je ne comprends rien. Tout ce qui importe, c’est que Fredrikke ne reviendra pas. Pas aujourd’hui. Au hasard, du monologue, je capte d’autres termes qui résonnent bien trop fortement : « …aucun changement au niveau mémoriel… » Je suis soulagé. L’anxiété s’apaise ; le cœur bat un peu moins vite. Pas de changement. Rien d’autre ne compte. « …il est possible que vous soyez encore un peu…confus, par moment ». Je réponds en hochant la tête. Il ne me sert plus à rien. Il m’a appris la seule chose que je devais savoir, le reste m’est secondaire. « L’infirmier reviendra faire vos pansements. » je fronce les sourcils à cette réplique, qui me ramène à la conversation: « Ça vaut pas la peine. Qu’il prenne soin des autres patients, moi c’est pas urgent. » Même Hammarskjöld me semble plus prioritaire. Je n’ai quasi pas mal, de toute façon. Et je ne changerais pas d’avis, mais si je voyais l’auréole sanglant qui s’étire sur le bandage blanc, prenant de l’ampleur au fil des minutes. Le médicomage ne répond rien ; il enverra de toute façon l’infirmier et de son côté, il a fait son boulot. Il m’a tout dit. Il ramène les rideaux vers l’arrière, pour libérer de nouveau mon lit, afin que je puisse voir l’auror. Il devait croire que je sympathisais avec mon voisin. Je ne me donne pas la peine de le détromper.
Mes yeux d’un bleu trop tendre glisse sur ma fylgia. Le koala quitte sa position pour retourner se positionner sur mon torse, là où elle était précédemment. La porte claque, signe que le professionnel est sorti, mais je ne m’en préoccupe déjà plus. Mon bras se niche contre la fourrure d’Ashes, qui appuie sa tête contre mon cou. « Fred…? » Mes lèvres se pincent. Le moment de réconfort a été de courte durée. Je sais ce qu’elle me dira ; qu’elle regrette que Fredrikke ne soit pas revenu, qu’elle aurait espéré un verdict différent. « Je sais. Tu es déçue. » De moi. De ne pas l’avoir retrouvé, lui. Elle pose ses iris sur moi, avec amitié, et je penche légèrement ma tête pour l’appuyer contre la sienne. « Non. » C’est tout ce que je voulais entendre. J’en oublie la présence de l’auror, dans le lit d’à côté. J’ai besoin de l’oublier, de ne pas songer tout de suite à ce qu’il a pu entendre. De ne pas envisager la hargne qui m’attend encore, les répliques à donner, le mépris que je ne suis pas en état d’endurer. J’ai besoin d’un moment de chaleur, de douceur. Même si ce n’est que quelques secondes. Je ne veux pas qu’on me reflète qui je suis, encore. Plus tard, je me relèverai. J’avancerai, je me prendrai d’autres coups. Mais ici et maintenant, brièvement, avec ma fylgia dans le creux de mes bras, je me permets d’être Fred. Juste Fred. Un gosse épuisé.
Magni Hammarskjöld
hekseri
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Âge : 40 ans (08/08/83)
Statut de sang : Pur
Statut civil : Trop attaché, pour prétendre le contraire. Le cœur baigné dans deux eaux profondes.
Occupation : Auror
Fylgia : Mjöll (Mjöllnir), lézard bleu de Gorgona fouineur et têtu. Il prend la forme d'un ours polaire quand il est auprès de son enfant. Nouvellement il prend la forme d'un chat-tigre nébuleux de façon plus quotidienne
Alignement : Enfant de Völuspá
Allégeance : Clan Styrke et allégeance profonde à Thor
Particularité : Legilimens | se déplace majoritairement à moto, affublé de lunettes de soleil
Pseudo : Artchie
Serment le : 30/11/2022
Parchemins : 1169
Noises : 3841
Gallions : 0
TW : Deuil, deuil périnatal, blessures, insultes
Double : Peter Gadiot
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Sujets : Magmar - Ozy - Jin - Seb - Jasper - Vigga - The Big M - Helga - Oubliette - Fred - Kai
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@Fredrikke Mørk | 04 mars 2023 - Petit matin
« La tienne est pas mal aussi. » La réponse était prévisible tellement elle doit être juste. Je ne me suis pas regardé dans un miroir depuis la fin de la mission d'hier soir mais je ne doute pas une seconde que je dois donner à voir ma meilleure gueule des meilleurs jours. Celle qui fait fuir tous les collègues de l'open-space et ricaner Markus. L'évocation mentale de mon meilleur ami resserre un peu plus les plis de mon front. Juepucha. J'inspire dans un gonflement d'épaule, bloquant l'air dans le haut de ma cage thoracique pour calmer l'amertume acide qui coule dans mes veines. La douleur fulgurante qui déchire mon dos est bienvenue pour me faire oublier celle mentale associée au Falkenberg. Je serre les dents, Mjöll tressaille sur les draps, et la voix de Fredrikke achève de me replonger dans mon humeur maussade. « C’était sur mon temps libre, personne n’envahira ta chambre. La seule raison qui pourrait pousser mes collègues à venir ici, ce serait la tentation d’achever le boulot. » L'amertume flagrante qui transparaît dans ses derniers mots me fait souffler du nez dans un léger mépris avant de relâcher entièrement le souffle contenu dans mes poumons d'un soupire pincé. Pourquoi déjà je me retrouve dans la même chambre que le Mørk ? Ah oui, ce hijueputa de manque de place . Au moins je peux me rassurer sur le fait qu'aucun autre tireur d'élite ne passera cette porte dans les prochaines heures et qu'on n'aura pas à faire la conversation à des connards. Même s'ils ne le sont pas tous, mon envie de voir des collègues mais charmants débarquer est proche d'un niveau négatif alarmant. Même si Prince passait cette porte dans les prochaines minutes il est probable que mon esprit écorché le gratifierait du même adjectif injuste.
Le goût du café racle encore contre le fond ma gorge, mais les sensations de tournis s'estompent peu à peu dans un soulagement certain. Les potions contre la commotion doivent faire effet, de même que les potions anti-douleurs. Je devrais m'en réjouir, mais cela ne fait qu'accentuer l'éveil de mon cerveau qui tourne en rond sur les évènements d'hier soir. Surtout sur les trous de mémoire et l'angoisse froide qui en résulte. Les secondes passent dans le silence édifiant que je ne compte pas rompre. Je ne souhaite pas faire la conversation avec le tireur d'élite, quand bien même son état est vraiment déplorable et que malgré mon ressenti envers lui, ça me fait chier de constater qu'un collègue s'est joliment fait refaire le portrait dans un coin de rue en pleine nuit. Ça semble lui arriver souvent, et même s'il le mérite probablement, cela ne m'empêche pas d'en être désagréablement soucieux. La tête plus au clair qu'avant, je retrouve un semblant d'éclaircie qui me fait songer inévitablement à notre dernière rencontre, chez lui, dans sa cour. Au début de cet échange entre deux eaux, à lui, Fredrikke Mørk au milieu d'un patio emplit de plantes et de pots de fleurs, qui avait presque l'air de vouloir proposer une bière sous couvert d'un humour incisif. Ce même type, qui tire une gueule cassée aux reflets épuisés de l'autre côté de la chambre.
Le regard en coin glissé vers Fredrikke saute sur la porte qui s'ouvre sur la stature assurée d'un médicomage qui commence déjà à parler avant même d'être entièrement entré dans la pièce. Ce n'est que lorsqu'il m'avise qu'il s'interrompt dans un léger signe de tête. Je réponds d'un hochement trop sec et rapide, il n'est pas là pour moi et c'est tant mieux pour lui. Mes yeux suivent néanmoins ses mouvements jusqu'au lit du Mørk. Je ne réalise ce fait que lorsque je tombe sur sa silhouette redressée, défaite de ses couvertures, et son épiderme coloré de nombreuses ecchymoses. Trop nombreuses ecchymoses. Dans un sursaut de conscience je détourne le regard et les rideaux tirés viennent fermer ce simulacre d'intimité qui ne fait aucun sens. Si au moins ils songeaient à établir des sortilèges d'insonorisation, ce serait autre chose. Mais faut croire que l'idée leur paraît superflue. Dans un nouveau soupire, je cherche Mjöll du regard pour focaliser mes pensées sur lui et fermer le plus possible mes oreilles aux mots du médicomage. Mais dans le silence oppressant de la chambre d'hôpital les mots se découpent avec une netteté écharpée. Peut-être que si le professionnel n'avait parlé que de côtes cassées et de dommages corporels mon attention n'aurait pas été aussi sournoisement captée. Mais les termes médicaux employés font froidement écho à mes propres angoisses si bien que malgré tous mes efforts je m'accroche aux phrases, entend les significations derrière la discussion tronquée qui résulte d'un suivi plus ancien entre le médicomage et son patient. Un diagnostic qui me fait resserrer les mâchoires et froncer les sourcils plus soucieux que jamais. Une amnésie qui éclair ce fameux entraînement sous un nouveau jour tout en soulevant des interrogations de nouvelles ombres. « Ça vaut pas la peine. Qu’il prenne soin des autres patients, moi c’est pas urgent. » Ça me fait chier de le reconnaître, mais cette dernière phrase me fait mal. Elle contient tellement de lassitude et de résignation qu'elle laisse entrevoir cette âme dont il avait déjà fait preuve en février. Ce soucis des autres qui avait brûlé mes pensées quand j'avais été chercher à la source des siennes l'information vitale concernant Aren. Des mouvements sur ma gauche m'indiquent que la consultation est terminée, le rideau tirée à nouveau retire la fine particule d'intimité qui existait entre Fredrikke et moi, mais cette fois je ne regarde pas. Résigné à lui laisser son espace autant que notre proximité le permet, je ne cherche même pas à croiser le regard du médicomage qui ressort. Mes yeux rivés sur le fond vide de ma tasse de café, je fais rouler la dernière goutte brunâtre dans un cercle distrait. La matinée va être longue, très longue, mais je reste résolu à ne pas relancer une conversation qui risque de ne mener nulle part. Je n'ai rien à raconter au Mørk en temps normal, j'en ai encore moins à dire à un sorcier amnésique qui peut réellement se cacher derrière la médecine pour échapper à ses crimes. J'entends la question de la fylgia, et les réponses qui s'en suivent sans chercher à en comprendre le sens. Les discussions entre sorciers et fylgjur sont encore plus intimes à mon sens que celles entre professionnels et patients et me regardent encore moins.
Dans mon crâne, les tambours sont moins percutants, la nausée s'est définitivement estompée et je parviens à me refaire mentalement les dernières heures presque sans hésiter sur le moindre geste et la moindre parole prononcée. Les potions sont dégueulasses, mais elles sont foutrement efficaces. Dans l'étrange silence qui émane du lit du Mørk, je me laisse aller à quelques réminiscences de souvenirs. Aux images de ma chute de la nuit dernière se superposent celles bien plus lointaines de ma première chute sérieuse en plein match de Quidditch à Durmstrang. Je me souviens surtout le visage de Markus penché sur moi, sa main qui n'avait pas lâché la mienne même pas pour retourner sur le terrain. Cette foutue main entremêlée de la mienne. Je ne m'étais jamais focalisé sur ce détail avec autant d'ardeur avant aujourd'hui. Et tout revêt un goût de sel amer dans ma gorge. Il me manque, dans ses silences comblés de fausses discussions, dans son refus de l'autre jour. Est-ce que j'aurais jamais le droit de rattraper cette main, un jour ?
Je me suis levé d'un bond incapable de supporter le fil de mes pensées, ni l'immobilité silencieuse induite par la chambre d'hôpital. Mes regrets, mon égoïsme et de mes erreurs envers Markus sont trop lourds à regarder dans cette douloureuse attente. Et derrière la souffrance, il y a cet amour, immense, brûlant, si fort qu'il me tient éveillé la nuit et consomme mes entrailles. Je savais que venir ici était une foutue mauvaise idée. Le lézard devenu étonnamment instable oscille entre forme physique et brume dorée. Je le sens qui change de forme sans se fixer sur quelque chose d'identifiable jusqu'à ce que je vois nettement la forme brumeuse qui étire celle minuscule du lézard habituel. Et même s'il ne concrétise jamais sa transformation, la vision même flottante d'un chat suffit à transpercer mon âme de mille aiguilles. Faisant-fi de la gêne marquée qui dégouline de mon dos je sors de la chambre dans un claquement de porte sec, la tête de pioche qui me sert de Fylgia sur les talons. Éclair bleu sur le sol blanc.
La chemise prêtée par Andres me colle le dos et je sais que je devrais avoir bien plus mal que ça n'est le cas grâce aux potions. Je profite de l'heure matinale et du silence encore tenu des couloirs pour me faufiler sans rencontrer de soignants alertes jusqu'aux distributeurs de boissons. Soyons réalistes, je ne crains pas réellement de croiser quelqu'un sur ma route. Je connais ces couloirs par cœur, et inversement. Distraitement ma main frotte le tissu contre la coulée humide qui me chatouille le bas du dos. Probablement que l'infirmier va râler que je ne l'ai pas fait appeler plus tôt. Tant pis. En attendant que ma commande soit prête, je reporte mon attention sur Mjöll qui s'est installé contre mon poignet. Lentement je lève celui-ci jusqu'à mes yeux, lui dardant un regard orageux plein de menaces chargées de pluie. « Il me manque aussi Mjöllnir tête de marteau. Foutrement. Mais s'il te plaît, t'avise pas de prendre une des formes de Drøm. Ça va pas nous aider. » Le murmure gronde et se termine sous le tintement de clochette du minuteur du distributeur de boissons. Contre mon épiderme sa peau froide frémit avant que la fylgia n'aille se réfugier sur ma poitrine. Cercle tendre, muet, mais infiniment présent.
Le chemin retour est aussi tranquille que l'aller, et lorsque je pousse la porte de notre chambre double d'un coup de pied, il ne s'est écoulé que quelques minutes. Mon regard tombe immédiatement sur mon colocataire de la matinée, la tête toujours aussi sombre et épuisée qu'un gamin après une trop longue journée de travail sans repos. Le sang séché en plus. D'un pas résigné j'avance jusqu'à lui sans prendre la précaution de lui poser la question de son consentement à mon entrée dans sa zone d'intimité relative. D'un geste que la douleur latente rend légèrement raide, je dépose un des deux gobelets fumants qui me brûle les doigts. Un simple regard vibrant de mes propres douleurs plus que de rage, cette fois, et je retourne m'asseoir sur mon lit sans me soucier de lui offrir en retour la charmante couleur écarlate de la chemise à contempler. Chemise qui commence à coller trop sérieusement la plaie rouverte, je sens le tissu qui tire la chair quand je bouge et ce n'est jamais bon signe. Après avoir déposé mon propre gobelet entre mes jambes, je décide de retirer le vêtement devenu inutile dans un grognement de douleur. « C'est un chocolat chaud. De mémoire ils sont meilleurs que leur café. T'es visiblement assez mal en point pour avoir besoin d'être empoisonné par leur jus de pied. » Je lève mon propre gobelet plein de cette mélasse amer avec un regard entre résignation et dégoût. « J'imagine que les personnes qui t'ont fait ça avait de bonnes raisons...Mais ça reste con de les laisser te mettre une raclée. Ceci-dit je comprends mieux notre entraînement de l'autre jour. » Ma voix n'est pas plus légère qu'avant, mais elle est sans aucun doute moins piquante de haine. Les problèmes de mémoire, les défaillances des souvenirs, les amnesies diverses et variées me touchent de trop près pour que je sois capable d'y être entièrement insensible. Et ça me fait chier d'éprouver une certaine lueur de compassion pour un connard comme lui. Ce serait si simple, que ces exactions se soient effacées en même temps que sa mémoire. Malheureusement ce n'est pas le cas. Ce ne sera jamais le cas. « Je veux même pas imaginer ce que tu auras envie de faire à ceux qui t'ont mis dans cet état cette nuit, quand ton cerveau retrouvera le chemin de tes souvenirs. » Une idée qui me traverse l'esprit et qui se meurt dans la gorgée de café chaud que j'avale. Toujours aussi peu satisfaisant, mais j'ai remarqué qu'après la cinquième tasse, mon palais commence à s'habituer. D'un geste lourd je me relève pour contourner à nouveau mon lit et déposer ma tasse sur ma table de chevet. Distraitement je regarde celle-ci d'un air vide tout en cherchant ce que j'avais demandé en plus du café que l'infirmier ne m'a pas apporté tout à l'heure. J'oublie quelque chose, je le sens, et c'est horriblement désagréable. Sans doute moins cela dit qu'une amnésie plus large et complète.
Fredrikke Mørk
hekseri
muggler
Gif :
Âge : 31 ans, selon les registres officiels.
Statut de sang : Pur
Occupation : Tireur d’élite chiant dans la Brigade des Valkyries.
Fylgia : Taïpan du désert et Phascolarctos cinereus (un koala, quoi.)
Alignement : Enfant de Völuspá
Particularité : Atteint d’amnésie rétrograde, qui n’a pas touché sa mémoire procédurale. Il a oublié qu’il était un gros con, mais il sait encore se servir de sa baguette.
Pseudo : Cappuccino
Serment le : 11/07/2022
Parchemins : 590
Noises : 3831
Gallions : 1
TW : Violence physique et psychologique
Double : Rob Raco
Crédits : Chosen one
Multi-comptes : Dax, Markus et Angelo
J’ai fermé les yeux. Encore. Comme un gamin qui ne veut pas voir la tempête, comme un gosse prêt à se boucher les oreilles pour ne pas entendre des vérités désagréables. Je réalise avec trop d’acuité que la moindre parole hargneuse, méprisante ou dégoûtée, ébranlerait mes digues de sable. Je n’ai plus de résistance, plus de protection, plus de capacités à être optimiste. Et je suis effroyablement trop prêt de craquer. Lâche, je conserve donc mes paupières closes, même lorsque j’entends l’auror se lever. Des pas résonnent et la porte claque. Le son est sec, et se répercute dans mon obscurité. Est-il parti pour demander à l’infirmier de le changer de chambre ? Peut-être. A-t-il plutôt décidé d’aller voir mon médicomage, pour lui poser des questions sur mon état et profiter de ma faiblesse pour m’extirper des réponses et m’arrêter à ma sortie d’ici ? Tout est possible et en même temps, rien ne l’est. À ce stade, tout me va.
Je ne vois aucune issue à tout ce bordel. Je ne parviens pas, cette nuit, à croire à une potentielle rédemption. Je ne parviens même plus à me convaincre que j’ai raison de continuer, d’avancer, de lutter pour apaiser les peines de ceux qu’il a blessé. Je ne suis pas un foutu baume, je suis le poison. Bleu, le poison de mes yeux, aconit toujours prêt à faire des ravages. Rouge, le poison de mon sang, que je ne transmettrai jamais. Incolore, le poison de mes mains, qui ont commis tellement d’atrocités muettes. Un poison, oui, même maintenant. Je l’ai été et je le serai toujours.
Entre les cauchemars derrière mes paupières closes, trop réels, et ceux dans la réalité, je ne sais lesquels choisir. J’aimerais me laisser simplement engourdir, cesser de réfléchir, pendant quelques heures, ou même juste quelques minutes. Ne plus penser à lui, à moi, à nous, qui ne veut rien dire. Je suis lui. Il est moi. Nous ne sommes qu’une seule personne. Et pourtant, je voudrais, même pour un court moment, n’être que moi. J’ai oublié tant de choses. Ne pourrais-je pas oublier aussi, brièvement ou éternellement, que je suis lui ? Ne pourrais-je pas évincer son existence, espérer voir des amis passer la porte plus tard, songer avec douceur aux proches à avertir ? Me duper, et penser, avec tendresse, que des gens qui m’aiment viendront me visiter dans quelques heures, s’inquiéteront pour moi…Imaginer ce que c’est, que de ressentir qu’on peut gagner la confiance de quelqu’un, plutôt que d’être condamné à son dédain perpétuel. Croire, dans cette illusion, que l’ami inexistant serrera doucement ma main dans la sienne, me dira que ça ira, que je dois continuer de lutter, que j’ai une belle personnalité, n’importe quelle connerie qui est plus réconfortante qu’un t’es un salaud. Penser que je vaux quelque chose. Penser que je peux connaître la douceur, un jour. La partager, moi aussi. Rêver à un avenir sans lui, où je pourrais distribuer des sourires sans me retrouver à l’hôpital, où des bras chauds m’attendraient, où mon cœur cesserait de battre contre un mur de glace, qu’il ne parvient pas à déloger.
Une utopie. Je suis Fredrikke Mørk, personne d’autre. Il y a bien ma sœur, mais je lui demande trop, déjà. Lâche et faible. Incapable de lui donner le meilleur, même si je le veux. « Ta gueule Mørk. » Les souvenirs ont toujours été accaparants. Ceux du passé, ceux du présents. Ceux qui s’accrochent avec ténacité, pour se joindre à la ronde des châtiments que je me suis mérités. Pourquoi ceux des dernières heures reviennent sans cesse ? De quoi dois-je absolument me rappeler ? Pas l’écoeurement des deux types, pas leur hargne. Elle n’avait rien de nouvelle. La douleur, quand ils ont lancé les premiers sorts ? Le choc électrique dans mon tête, lorsqu’elle a heurté le sol à répétition ? Là encore, ce n’est pas exceptionnel. Ce qui l’est cependant, et dont je me souviens de plus en plus, c’est la frayeur que j’ai éprouvée à l’idée que ces chocs pourraient le faire revenir lui. Que ça pourrait être aussi con que ça ; quelques coups, et le retour de l’horreur. Je me suis toujours dis que j’aurai le temps d’agir, avant son retour ; que si les souvenirs revenaient de plus en plus, je pourrais faire quelque chose. Contre lui, contre moi. Mais si ça arrive brutalement ? Si ça survient bêtement, entre deux gestes hargneux, sans que je puisse faire quoi que ce soit ? Je suis l’hôte indésirable d’un corps qui, un jour ou l’autre, m’en chassera.
J’entends la porte qui se rouvre. Pendant trois ou quatre seconde, je reste plongé dans mes chimères. Je m’y terre avec acharnement, même si mes illusions ne sont pas bien mieux que la réalité. J’imagine : Hammarskjöld n’est pas un type qui me hait. Il est un ami, venu me visiter. Il s’approchera de mon lit, demandera de mes nouvelles, parlera de l’ambiance dans le bureau des aurors, s’informera de celle chez les tireurs. J’invente : il m’aura amené un truc réconfortant, tout bête, tout con, tout tendre, une boisson chaude, qu’il me donnera l’air de rien. Un simple geste, qui signale que je compte. Que j’existe, pas seulement à travers lui. Un rêve idiot. Mon imagination, aujourd’hui, est trop fertile. Elle ne concocte pas des plans de torture ; elle fabrique des scènes d’amitié. Je rouvre les yeux brutalement, chassant les dernières bribes de ma chimère. Je dois ciller à plusieurs reprises lorsque je le vois déposer près de moi l’un des deux gobelets ; suis-je encore en train d’imaginer ? Ai-je reçu de tels impacts sur la tête, pour rêver même les yeux ouverts ? La perplexité se lit sur tous mes traits, alors que l’autre retourne vers son lit. J’observe la chemise écarlate qui colle à sa chair, et qui ne figurait pas dans mon invention. Il la retire après avoir déposé son propre contenant, dans un grognement de douleur. C’est réel. Très réel. « C'est un chocolat chaud. De mémoire ils sont meilleurs que leur café. T'es visiblement assez mal en point pour avoir besoin d'être empoisonné par leur jus de pied. » J’ai rapidement et instinctivement appris comment camoufler mes émotions. Mais en cet instant de bonheur trop intense, je ne contrôle plus rien. Objectivement, ma réaction est absurde et rendrait probablement Fredrikke méprisant. Mais rien n’est objectif actuellement, dans ma tête. Je suis plongé dans l’instant présent, cet instant vrai, où quelqu’un m’a amené quelque chose, à moi. Quelqu’un qui me déteste. Mes yeux s’écarquillent légèrement, alors que mes iris se font beaucoup trop joyeux. La reconnaissance, la surprise, la tendresse, transparaît dans tous mes traits. Comme un enfant dont la joie rayonne à des kilomètres à la ronde, la mienne n’a rien de subtile.
Je ne remercie pas l’homme verbalement. Mais tout mon être lui murmure ce merci, qui dépasse la simple reconnaissance pour un chocolat chaud. Je ne saurais pas dire moi-même, si je parlais, de quoi je le remercie. Pour cet instant où il me fait sentir humain, peut-être, plutôt que monstrueux. Qu’importe si c’est court. Je serais prêt à continuer de me battre contre Fredrikke pendant des mois, pour de tels moments. « J'imagine que les personnes qui t'ont fait ça avait de bonnes raisons...Mais ça reste con de les laisser te mettre une raclée. Ceci-dit je comprends mieux notre entraînement de l'autre jour. » Sa dernière phrase dit en sourdine ce qu’il n’affirme pas explicitement, et dont je doutais peu : il a compris les paroles du médicomage. Peut-être pas toutes, mais suffisamment pour avoir saisi. Et fait les liens nécessaires. Compte-t-il en profiter ? Retourner la situation contre moi ? Il pourrait. Et cette nuit, où je ne parviens pas encore à surmonter la grisaille de mon âme, il serait facile de me briser. D’achever mon optimisme mourant, d’écraser mes espoirs, d’anéantir mes rêves de tendresse, de possibilités de faire mieux. De me ramener, encore, à ce que je suis sans l’être : un connard, un criminel. « Je veux même pas imaginer ce que tu auras envie de faire à ceux qui t'ont mis dans cet état cette nuit, quand ton cerveau retrouvera le chemin de tes souvenirs. » La joie enfantine, qui avait déjà commencé à quitter mes iris, s’éteint totalement. Mes traits se crispent et mes yeux, très brièvement, reflètent la terreur et le dégoût que l’idée m’inspire. Je détourne le regard, alors que la douleur se rappelle à moi à l’arrière de mon crâne, sous une pulsation atténuée. « On est deux à ne pas vouloir l’imaginer. » Je n’essaie pas de le détromper. Je ne tente pas de lui dire que cette histoire de souvenirs, ce n’est pas ce qu’il croit. Je n’ai ni envie de lutter, ni de nier. Je me laisse aller aux vérités que le présent apporte, sans m’y opposer. Trop las. Le chocolat chaud, est-ce pour me mettre momentanément en confiance et obtenir de moi des confidences, pour me faire arrêter ? J’ai un tel besoin de bonté, de chaleur, que je me dirigerais quand même vers ce chemin, sans changer quoi que ce soit aux dernières minutes, seulement pour ressentir encore ce doux réconfort. Ma main se tend pour prendre le gobelet, et je gratifie l’homme d’un hochement de tête, comme pour le remercier. Mes yeux se sont de nouveau dirigés vers lui, alors que je reprends d’une voix fatiguée : « Je les ai pas laissés me mettre une raclée. J’étais trop lâche pour supporter l’idée de me faire tabasser encore. J’ai essayé d’intervenir…Sauf que mes réflexes étaient ralentis. » Une précision qui n’était pas nécessaire. Mais je ne veux pas, sans savoir pourquoi, qu’il croit que je les ai juste laissés me tabasser comme ça, comme si j’avais abandonné. C’est plus complexe. Ce soir, je ne voulais pas souffrir. Je n’en avais plus le courage. J’ai même sorti ma baguette ; en vain. Un ensemble de facteurs m’ont conduit à ce moment, à cette souffrance, à cet instant où ma tête a cessé de m’appartenir, pour ne faire qu’un avec la surface qu’elle heurtait. Sans cette potion pour l’agressivité, sans cette lassitude, j’aurais probablement été plus vif. Potion que j’ai été cherchée trois jours après notre combat ; les souvenirs, répétitifs, de ce que j’ai fait avec les clous m’horrifiait au point où je ne parvenais plus à dormir.
Est-ce que je dois des explications à l’auror ? Non. Il ne m’en a même pas demandé. Et pourtant, je poursuis : « J’approuve aucun de ses gestes, aucune de ses pensées, aucune de ses foutues paroles. Je le hais jusqu’à l’écoeurement. Sauf que j’suis cet homme. C’est un beau bordel. J’sais pas comment protéger adéquatement ces gens de lui. De moi. Tout ce que je tente pour les aider, pour faire mieux…ça sert à rien. » Je suis revenu au il naturellement, comme je le fais si souvent. Maintenant qu’il sait, je ne cherche pas à me censurer. Qu’est-ce que je cherche à obtenir de ce type ? Son respect ? Je ne l’obtiendrai pas. Je ne suis pas assez crédule pour l’envisager. Sa pitié ? La pitié n’est jamais vraiment une bonne chose et je ne la mérite pas davantage. Je ne sais pas, non, pourquoi je continue de parler. Peut-être pour retenir, dans une poignée lumineuse, cet instant où j’ai senti qu’il ne me détestait pas entièrement. Peut-être pour me tenir éloigné de la hargne et du mépris pendant encore quelques secondes. Un soupir glisse entre mes lèvres sèches, alors que je détourne de nouveau le regard : « Ne me parle pas de prison ce soir Hammarskjöld. L’idée ne m’a pas quitté depuis notre dernière entraînement. » Est-ce une demande ou une supplication ? Ma voix m’échappe comme un château de cartes qui s’écroule. Je glisse ma main libre comme mes tempes bandées, poursuivant : « Mais cette nuit…j’peux pas y penser. Demain, peut-être, mais cette nuit…Non. J’peux pas. J’peux pas…J’peux plus, j’veux juste quelques heures de répit. » Je continue de simplement garder le gobelet chaud entre mes doigts, sans le porter à mes lèvres, comme si je pouvais retenir et intérioriser sa chaleur avant qu’elle ne disparaisse. Un sourire morne m’échappe, sans acrimonie : « Et si tu veux aussi me ramener à la tronche à quel point il était…À quel point j’suis une enflure, vaut mieux aussi que tu te taises. » Supplication. C’est une supplication, pas une demande. Me voilà fixé. J’en suis à ce stade, où j’ai peur que mes murs s’écroulent. Mes dents pincent mes lèvres, ma main presse davantage ma tempe, mes doigts tremblent sur le gobelet. Ashes se renfonce encore plus sur mon torse, comme si elle pouvait ne faire qu’un avec moi. Les mots m’échappent sans que je puisse les retenir, véridiques, dans leur lumière qui n’éclaire rien : « J’suis trop fatigué. Trop fatigué de savoir à quel point c’est vrai. Trop fatigué de me traîner son foutu nom et sa tronche, et de craindre qu’il revienne un jour. » Fatigué de me battre. Fatigué d’être moi, d’être lui. Fatigué d’espérer, sans que rien ne concrétise ces espoirs. J’ai besoin de temps, d’un jour ou deux, pour remettre des fondations plus solides sur ces ruines bâties sur la vie des autres. Écoeurantes ruines.
Magni Hammarskjöld
hekseri
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Âge : 40 ans (08/08/83)
Statut de sang : Pur
Statut civil : Trop attaché, pour prétendre le contraire. Le cœur baigné dans deux eaux profondes.
Occupation : Auror
Fylgia : Mjöll (Mjöllnir), lézard bleu de Gorgona fouineur et têtu. Il prend la forme d'un ours polaire quand il est auprès de son enfant. Nouvellement il prend la forme d'un chat-tigre nébuleux de façon plus quotidienne
Alignement : Enfant de Völuspá
Allégeance : Clan Styrke et allégeance profonde à Thor
Particularité : Legilimens | se déplace majoritairement à moto, affublé de lunettes de soleil
Pseudo : Artchie
Serment le : 30/11/2022
Parchemins : 1169
Noises : 3841
Gallions : 0
TW : Deuil, deuil périnatal, blessures, insultes
Double : Peter Gadiot
Crédits : (c) true north
Multi-comptes : Alfhild Mørk - Sol Yoonir
Sujets : Magmar - Ozy - Jin - Seb - Jasper - Vigga - The Big M - Helga - Oubliette - Fred - Kai
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@Fredrikke Mørk | 04 mars 2023 - Petit matin
Pensif devant ma table de chevet, je ne parviens pas à retrouver l'entièreté de ma clarté mentale. Malgré les potions, il devient évident que ma commotion à bel et bien ravi certains de mes souvenirs immédiats de cette nuit. Je serre les dents, tout en écoutant Fredrikke Mørk qui répond à ma phrase précédente d'une voix qui renforce la contraction des mâchoires, dessinant des contours plus durs à mes traits tirés. « On est deux à ne pas vouloir l’imaginer. » J'imagine facilement que nous sommes bien plus que deux à ne pas vouloir l'imaginer. Entendre la lassitude de sa voix plisse le front de nouvelles rides soucieuses. Il avait eu l'air si heureux quand je lui avais déposé son gobelet de chocolat chaud sur sa table de chevet. Je revois la joie, pure et enfantine, qui avait éclairée ses yeux froids d'un feu doux. Une émotion si vive qu'elle en avait été touchante. Peut-être que j'avais rapidement détourné le regard pour fuir ce sentiment trop fort qui avait jaillit en moi en réponse. Nullement besoin d'être legilimens pour ressentir l'explosion qui avait animé tout son être blessé. Ou peut-être que si. Peut-être que mes facultés légèrement mises à mal par ma chute avait relâchées leur emprise sur la magie laissant mon don se faire sensible. Le mal de tête, absorbé par les potions, ne m'indique rien sur cette éventualité, mais je me connais bien pour savoir que c'est probable. Un foutu mélange de trop de choses qui me font fermer les paupières sous la pression de doigts qui cherchent à enrailler une succession de sensations écorchées. Vivement que je rentre chez moi oublier tout ça. Dans un soupir las, je reporte un regard sombre vers le jeune homme qui attrape son chocolat chaud dans un signe de tête qui vaut comme un remerciement que je n'attendais pas. « Je les ai pas laissés me mettre une raclée. J’étais trop lâche pour supporter l’idée de me faire tabasser encore. J’ai essayé d’intervenir…Sauf que mes réflexes étaient ralentis. » Mon visage se ferme un peu plus, je le sens sans chercher à cacher tout ce qui me dérange dans ses mots. Le fait, simple, qu'il semble avoir besoin de se justifier face à moi, inutile et inhabituel, son appellation de lâcheté pour un réflexe humain de se défendre, et enfin, la mention de ses réflexes ralentis. Un dernier point en particulier qui me fait plisser des yeux et darder des iris de plus sombres sur lui. Les pourquoi tournoient, nombreux, dans une nouvelle sensation de vertige qui m'indiquent que mon cerveau est encore meurtri par un coup qui rend les réflexions plus difficiles qu'en temps normal. La première réponse qui me vient en tête, vu les éléments en ma possession, met en cause l'alcool. Une soirée arrosée de quelques verres de trop qui aurait restreint ses compétences ? Probable, logique, valide. Inutile de chercher plus loin, ça ou autre chose, de toute façon l'information n'est pas essentielle. Je ne devrais pas m'inquiéter des facultés du tireur d'élite. Quand bien même c'est un collègue dont les compétences professionnelles sont importantes pour le bien être des autres collègues, je devrais me foutre de savoir pourquoi ses réflexes étaient moins excellents cette nuit. Comme tout ce qui touche le Mørk que je connais.
Sauf que force est de constater, que ce n'est pas celui-ci que j'ai devant les yeux. Celui-là serre son gobelet de chocolat chaud comme un grimpeur s'agrippe à sa ligne de vie pour ne pas tomber en contre-bas. Mjöll toujours en cercle contre mon palpitant presse doucement ses pattes collantes contre mon épiderme, une infime caresse qui ne passe pas inaperçu malgré la légèreté de son corps de lézard. Je ne sais pas s'il tente d'endiguer la compassion qui cherche à se frayer un chemin dans la mélasse de haine que le visage de l'homme m'inspire à chaque coup d'œil. Ou si, au contraire, il appuie sur le cœur pour en faire ressortir le meilleur de moi. « J’approuve aucun de ses gestes, aucune de ses pensées, aucune de ses foutues paroles. Je le hais jusqu’à l’écœurement. Sauf que j’suis cet homme. C’est un beau bordel. J’sais pas comment protéger adéquatement ces gens de lui. De moi. Tout ce que je tente pour les aider, pour faire mieux…ça sert à rien. » Comment ne pas noter la dissociation qu'il opère avec un naturel qui insinue qu'il à pris l'habitude de le faire. Je compte mentalement les mois, plus d'une année entière, à vivre dans cette tête vide de souvenirs de Fredrikke Mørk. Cela doit faire un paquet de nuits blanches à se retourner l'âme dans tous les sens. Je pourrais mettre en doute ses paroles, et une pointe de moi continue de le faire, mais une fois de plus, je m'accroche aux émotions qui perlent sur lui comme une pluie grise. Aucune clarté de glace dans les mouvements des yeux, la façon qu'il a de détourner son regard, ses doigts crispés sur le gobelet chaud, l’écœurement lisible quand il a parlé de lui, de l'autre. Ce ne sont pas des sentiments feints, peints avec délicatesse et précision. C'est le brouillard neutre et sans relief d'une âme qui se laisse glisser vers le large. « Ne me parle pas de prison ce soir Hammarskjöld. L’idée ne m’a pas quitté depuis notre dernière entraînement. Mais cette nuit…j’peux pas y penser. Demain, peut-être, mais cette nuit…Non. J’peux pas. J’peux pas…J’peux plus, j’veux juste quelques heures de répit. Et si tu veux aussi me ramener à la tronche à quel point il était…À quel point j’suis une enflure, vaut mieux aussi que tu te taises. » Presque en réponse à son rappel de notre dernier entraînement, mes bras se croisent sur mon torse dans un lancement douloureux des chairs abîmées du dos. J'en ai même oublié le café qui refroidi tranquillement sur la table à mes côtés. Si le mal de tête brille par son absence, je sens néanmoins les efforts que je dois faire pour rester hermétique aux émotions du Mørk qui vibrent dans toute la pièce avec une netteté plus aveuglante que la lumière basse de la chambre d'hôpital. J'ai toujours considéré mon don comme une chance, pour cette empathie induite qu'il a ancré dans mon être en même temps que sa magie singulière. Pourtant ce matin elle m'agace, cette empathie-là. Elle m'emmerde. Haïr ce Mørk c'est plus simple que lui trouver une âme humaine aussi fragilisée dans une chambre d'hôpital. Je préférai encore ma rencontre avec les clous rouillés de sa cour, que la détresse qui écorche mes sentiments négatifs envers lui. « J’suis trop fatigué. Trop fatigué de savoir à quel point c’est vrai. Trop fatigué de me traîner son foutu nom et sa tronche, et de craindre qu’il revienne un jour. » De tous les sorciers du royaume, je suis l'un des moins bien placés pour avoir envie de lui accorder le moindre répits. Je pourrais peut-être même être plus précis et dire de tous les aurors, mais Markus occupe peut-être déjà cette place. Comment ne pas songer à ces inconnus attaqués en pleine rue par envie. Comment oublier Prince, et comment passer outre Ozymandias ? Sans parler d'Ina. Une liste de noms trop longue, trop proche, pour être balayée par un simple regard épuisé et une gueule cassée. Je ne sais pas comment, et pourtant les dents se serrent, incapable de réfréner entièrement la compassion qui grossit de plus en plus nettement dans ma poitrine face à ce gamin lové contre son koala, qui me supplie de ne pas enfoncer le clou, à mon tour.
Le silence s'étire sans que je ne le rompe, le regard toujours ardent rivé sur Fredrikke et sa fylgia. D'un geste las de plusieurs fatigues cumulées, je plonge mon visage entre mes mains, frottant des cendres d'épuisement entre les plis soucieux de mes traits, tout en poussant un nouveau et long soupir. Mes doigts retrouvent ensuite le gobelet de café qui est porté à mes lèvres tout en essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées toujours craquelées. Des mémoires effacées j'en ai croisé beaucoup, j'ai même été l'instrument de l'une d'elles. Un frisson froid court dans mon échine à cette idée. Si je me refuse à faire des parallèles qui n'ont pas lieu d'être, je suis forcé de constater que mes propres actions et la culpabilité qui en découlent me rendent d'autant plus réceptif au mal être du Mørk du lit d'à côté. Marica. Toujours en silence, j'avale une deuxième gorgée du prétendu café. J'ai souvent eu du mal a accepter quand un jugement était réduit ou même mis de côté quand la perte de mémoire du coupable était un fait avéré. Ces jugements injustes pour les victimes. Et pourtant, face à Fredrikke, face à tout ce foutu bordel, je saisi toute la complexité qui se cache derrière. Le gobelet retrouve la table de chevet et je change de position, une nouvelle fois, toujours incapable de rester en place. Contournant le lit je reviens m'asseoir face à mon colocataire du jour. « Que gonnorea Mørk. Un foutu merdier. Je veux bien rien te parler de tout ça, mais on aura pas grand chose à se dire. Tu as bien vu la dernière fois, on est plutôt sur le registre de la haine mutuelle qu'une entente modérée. » L'ombre d'un rictus narquois filtre sur mes lèvres déchirant un court instant le voile de brumes fatiguées. « J'espère que ton rhododendron a survécu. » Le flash mental du pot de plante brisé sur le sol me reviens en mémoire et sur le moment, c'est le seul sujet qui me vient à l'esprit qui ne traite ni de prison ni du caractère de connard de Fredrikke. Je m'apprête à rouvrir la bouche quand trois coups rapides se font entendre contre la porte de la chambre me stoppant net dans mon élan. Le médicomage qui entre se tourne immédiatement vers moi, cette fois, et je crois bien reconnaître vaguement celui qui s'est occupé de moi plus tôt. « Impossible d'avoir la paix plus de cinq minutes ici. » Le grognement s'échappe en même temps que ma mauvaise humeur ressurgi. Orage soudain et lourd qui craque d'impatience. « En effet Monsieur Hammarskjöld, mais si j'en crois l'état de votre blessure c'est une bonne chose que je sois déjà revenu vous transmettre vos résultats d'analyses. » Un souffle de nez clairement agacé traduit mes pensées mieux qu'aucun mot tandis que l'homme tire le rideau inutile qui sépare les deux parties de la chambre. « Vois avez de la chance, votre commotion n'est que légère. Les symptômes devraient se résorbés d'eux-mêmes d'ici à demain. S'ils persistent plus de trois jours, revenez me voir. » J'écoute ses recommandations d'une oreille distraite, les bras à nouveau croisés sur mon torse, le regard plus sombre que jamais. Je ne lui donne que des signes de tête en guise de réponse à ses questions muettes, avant qu'il ne pose ses doigts près de la blessure suintante. Mon corps se raidit sous le contact désagréable qui fait fourmiller milles pattes acides le long de mon épiderme. « Pour ça j'ai pris contact avec un collègue spécialisé dans ces maléfices spécifiques. Il m'a transmis un onguent qui devrait être efficace. Je vais vous en administrer immédiatement, il est possible que ce soit douloureux. » Le corps se redresse, les épaules roulent, l'idée est aussi déplaisante qu'elle en à l'air. Si le tatouage n'était pas si mal placé, j'aurais probablement demandé à le faire moi-même et espérer en finir le plus vite possible.
La pommade brûle la peau comme un incendie m'arrachant un grognement de douleur. Le cataplasme posé est plus douloureux que ne l'était la blessure en elle-même et je sens la magie qui lutte, réagi, hurle sous ma peau. « Marica ça a intérêt à être efficace votre connerie. » Ma voix siffle entre les dents serrées sous le regard minutieux du soignant qui surveille les effets immédiats. « A première vue c'est concluant. J'ai lu aussi dans votre dossier que vous aviez eu le poignet cassé il y a quinze jours, vous permettez que je le vérifie. » Je ne répond que par un signe de menton avant de lui tendre le poignet en question. Le fameux poignet qui a heurté une brique d'un peu trop près, sous les bons soins du Mørk qui partage cette agréable chambre. Les doigts de l'homme font rouler l'articulation, teste la flexibilité, rencontre la très légère raideur résiduelle, avant de revenir consulter mon dos. Rapide et efficace, faut bien lui reconnaître cela. « Je reviendrai vous faire une deuxième application dans trois heures. D'ici-là, évitez de vous appuyer dessus. Pour le poignet, poursuivez vos exercices et essayer de limiter son utilisation. » La suite des ses conseils n'est que le discours habituel et je n'écoute que distraitement. Après avoir repoussé le rideau entre nos deux lits le médicomage fini par se diriger vers la sortie mais je l'arrête d'un « Attendez. » qui résonne comme un coup de tonnerre. « Faites passer le message à l'accueil que je ne souhaite pas recevoir de visite. De personne. Merci. » Il hoche la tête avant de refermer le battant derrière lui, nous laissant seuls, une fois de plus. « Je commence à en avoir foutrement marre de leurs allers-retours. » Je grogne pour moi-même, et un peu pour Mjöll qui se terre dans son mutisme éloquent. Dans mon dos, la sensation de brûlure à légèrement diminuée, même si la douleur est toujours présente, ce qui ne fait qu'accroître ma bonne humeur générale. Non vraiment Mørk, t'as pas choisi ton bon jour pour venir chercher du réconfort. La pensée est presque risible tant elle est incongrue, je relève la tête pour observer le tireur d'élite qui a probablement tout entendu comme précédemment, et qui n'a pas d'autre choix que de supporter ma compagnie pour les trois prochaines heures, au minimum. Et pourtant, malgré la situation, j'ai tout de même cherché à l'épargner, un peu. A ma façon. Peut-être qu'il le comprendra même pas et que ma seule mauvaise humeur suffira à justifier à ses yeux ma demande express auprès du médicomage. En réalité, vu son état, je ne souhaite pas lui imposer la visite des collègues. Je n'ose même pas imaginer où irait sauter le curseur de tension si Markus venait prendre de mes nouvelles en passant cette porte dans les prochaines heures. La probabilité pour qu'il le fasse est grande, il a rarement manqué un de mes passages aux urgences, encore moins après une mission. A moins que cette fois. Peut-être. Peut-être qu'il esquiverait. Une hypothèse aussi douloureuse que la rivière de feu qui trouve son épicentre dans les lacérations du dos. La brume argenté de Mjöll s'engouffre dans la faille que creuse cette réflexion. Cette instabilité d'une fylgia qui ne montre jamais d'ordinaire une telle fragilité achève d'ensevelir le reste de miettes de positivité que le café avait fait surgir. Dans tous les cas, que ce soit le meilleur ami ou un autre, la présence de Fredrikke Mørk dans la même pièce ne serait qu'un moment désagréable pour tout le monde. Soudain, éclair blanc dans l'orage, la question revient frapper mon crâne. Est-ce que j'ai prévenu ces dits collègues ? C'était bien ça qu'il me manquait toute à l'heure, ma demande de papier pour envoyer un hibou au ministère et commencer mon rapport. Foutue mémoire hachée. J'inspire, longuement, redressant le dos, les épaules trop lourdes, cherchant à trouver un sens aux dernières heures sans en trouver un de convainquant. « Foutu merdier » Revenu sur mes pieds, je m'avance dans la chambre, attrape une chaise coincée dans un coin, ma tasse de café, et m'installe à mi-chemin entre mon lit et celui de Fredrikke. Assis sur la chaise à l'envers, le dossier contre mon torse, la tête appuyée dans la paume d'une main, je pose un regard intense sur le tireur d'élite tout en cherchant le sien. « Ecoute Fredrikke, je suis pas la bonne personne pour avoir une conversation détachée avec toi. vraiment pas. Mais je suis bloqué là pour quelques heures encore et je suis incapable de rester assis sur mon lit en silence sans finir par exploser et ça se passerait mal pour toi. Tu t'en prendrais forcément plein la gueule. En revanche, maintenant que je comprends mieux certaines choses, dis-moi, pourquoi cet entrainement la dernière fois ? Pourquoi tu tenais tant à ce qu'on se casse la gueule si tu te souvenais même pas de notre douce amitié pleine de douceurs ? » Le ton deviens narquois alors qu'un rictus prend peu à peu place sur mes lèvres. « J'ai pas oublié que tu m'as parlé de vouloir contrôler tes pulsions. Je visualise mieux l'idée derrière, mais je comprends pas pourquoi tu tenais tant à provoquer ma rage. Si c'est ta mémoire que tu veux malmener il y a des façons sans doute plus efficaces que te faire cogner sur le crâne pour la réveiller. Ou l'enterrer définitivement. » Distraitement, je fais rouler le café restant dans le gobelet en petits cercles bruns. « Vous avez l'air de mieux vous entendre tous les deux. » D'un geste de gobelet, je désigne le koala dont l'attitude calme et compatissante envers son sorcier tranche avec les répliques acerbes qu'ils s'échangeaient avant. « J'imagine que ça veut dire que vous êtes plus en phase l'un et l'autre ? Tant mieux pour vous, ça te fait un soutien dans tout ça. » Et par Thor ce que ça fait mal de sentir sa fylgia se fermer à soi. Comme si Mjöllnir se sentait soudain concerné, il reprend forme et s'enroule autour de mon poignet anciennement blessé. Légère provocation, ou hasard de circonstance, avec lui, tout est possible. « Est-ce que ta fylgia se souvient, elle ? » La question issue d'une soudain curiosité intriguée filtre entre mes lèvres avec un voix basse, presque douce, dans cette volonté étrange de tenter l'impensable, une discussion délestée de rancœur envers Fredrikke Mørk.
Fredrikke Mørk
hekseri
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Âge : 31 ans, selon les registres officiels.
Statut de sang : Pur
Occupation : Tireur d’élite chiant dans la Brigade des Valkyries.
Fylgia : Taïpan du désert et Phascolarctos cinereus (un koala, quoi.)
Alignement : Enfant de Völuspá
Particularité : Atteint d’amnésie rétrograde, qui n’a pas touché sa mémoire procédurale. Il a oublié qu’il était un gros con, mais il sait encore se servir de sa baguette.
Pseudo : Cappuccino
Serment le : 11/07/2022
Parchemins : 590
Noises : 3831
Gallions : 1
TW : Violence physique et psychologique
Double : Rob Raco
Crédits : Chosen one
Multi-comptes : Dax, Markus et Angelo
Le silence s’installe, seulement réchauffé par le gobelet que je tiens toujours entre mes doigts. À l’exception d’Alfhild – et principalement par lettres – je ne parle jamais aussi librement de lui. De moi. De ma fatigue, de mon insuffisance. J’ai essayé dans les derniers mois d’étouffer toutes mes émotions, toutes mes appréhensions et mes besoins de chaleur, par respect pour ses victimes. Les miennes. Elles méritent toutes que je ne m’effondre pas, que je demeure solide pour me prendre les coups mérités, que mes yeux demeurent secs et mes lèvres détendues, afin de ne pas leur voler une détresse qui n’appartient qu’à eux, et que je n’ai pas le droit de partager. Sauf que je n’ai pas sa force, à lui. Je n’ai ni sa dureté, ni son indifférence, ni son manque d’empathie. J’ai descendu au fil des semaines, à genoux, marche par marche, l’escalier du piédestal où il s’était lui-même placé. Et la dernière chute, trop brutale, m’empêche de croire que je parviendrai un jour à me mettre sur mes pieds sans honte.
J'observe l'homme qui dépose son gobelet sur la table de chevet, avant de contourner le lit et revenir s'asseoir face à moi. Mon corps, ce traître trop habitué à la douleur des derniers mois, a un réflexe débile : mes muscles se tendent, mes épaules tressaillent et les côtes saillent davantage, alors que toute la chair semble vouloir se ramener en un seul point central, comme un être qui se met en position fœtale, ultime protection vaine. Je maîtrise l’impulsion en trois secondes, peut-être quatre : j’inspire, obligeant mes membres à se détendre et à relâcher leur vigilance. La mienne, pourtant, est loin d’être éteinte. Veut-il profiter de cette situation pour se venger ? Pour venger tous les autres ? M’a-t-il donné ce chocolat chaud pour me mettre en confiance, avant de me cogner ? J’envisage rapidement toutes les possibilités, moins trois. J’ai peur. J’ai de l’espoir. J’ai envie de fuir. J’ai envie de rester. Je voudrais boucher mes oreilles, comme un gosse. Je voudrais les ouvrir, en grand, dans l’espoir qu’il ne me dira rien de méchant. Je n’ai plus trente ans. Je suis un enfant. Plongé dans un tel bordel d’émotions qu’il m’est impossible de savoir laquelle prédomine. Ça fait horriblement mal, d’espérer. Mais c’est encore plus douloureux de ne voir que des impasses, sans perles de bonheur. « Que gonnorea Mørk. Un foutu merdier. Je veux bien rien te parler de tout ça, mais on aura pas grand chose à se dire. Tu as bien vu la dernière fois, on est plutôt sur le registre de la haine mutuelle qu'une entente modérée. » Rien de méchant. Pas d’accusations, pas de critiques justifiées. Mon cœur, qui se fout de la prudence élémentaire, s’agite de douceur. Mes yeux, trop sensibles cette nuit, cillent plusieurs fois. Mes iris bleus sont suspendus à ses paroles. À la suite. Je n’essaie même pas de camoufler mon appréhension ; je ne cherche pas à cacher mon espoir. Je ne contrôle rien, tout m’échappe, dans un malström tranquille. « J'espère que ton rhododendron a survécu. » J’hoche simplement la tête. Un mouvement minime, qui me tire à peine un rictus de douleur. Elle revient graduellement alors que les secondes s’écoulent, me signalant qu’elle peut exister et que les potions, même en dose massives, ont une fin. Il a survécu, contre toute-attente, principalement grâce à la réparation de l’auror. J’aimerais qu’on puisse réparer tout aussi aisément les gens.
La porte se rouvre, faisant râler mon colocataire d’infortune. Un nouvel intermède. J'entends les paroles du professionnel, avant qu'il ne tire le rideau qui ne couvre aucun bruit. Ces types devraient apprendre à utiliser le sortilège d'insonorisation. Je ne cherche pas à écouter leur conversation. Je profite plutôt de ce moment, probablement trop court, où le rideau me coupe d’un autre être qui me déteste, mais qui m’a surpris par un geste trop bon ; j’incline la tête, malgré l’élancement, pour effleurer le pelage d’Ashes. Je sens la chaleur qui émane de son corps, et qui réchauffe à peine le mien. Mes doigts sont froids ; le gobelet que je tiens encore ne suffit pas à leur insuffler la chaleur qui m’a déserté. À côté, le médicomage parle de maléfices spécifiques, et je me demande lesquels peuvent provoquer une telle blessure, sur le dos de l’auror. Une interrogation très brève, momentanée. Ça ne me concerne pas.
Un grognement de douleur retentit, suivi de la voix d'Hammarskjöld. Je ferme de nouveau les yeux, comme si je pouvais endiguer l’inquiétude qui s’est agitée sous ma peau. J’ai découvert au fil des mois que ce réflexe, davantage issu de moi que de Fredrikke, est tout aussi vif que ses anciennes pulsions : l’inquiétude revient dès que je vois les traits de quelqu’un se tordent sous la douleur, elle fait son apparition aussitôt qu’un collègue est blessé, ou qu’une personne est perturbée. À ce sentiment qui n’a rien de mauvais, néanmoins, se greffent les autres ; l’envie malsaine d’appuyer pour faire plus mal, la jouissance devant les grognements, les larmes. C’est contradictoire. Ça ne devrait pas aller ensemble, cohabiter au même moment. Et pourtant… Jusqu’à maintenant, c’est toujours l’inquiétude qui a gagné. Et le dégoût de moi-même. Un dégoût gigantesque, de ceux qui rampent dans les veines, crispent les muscles, provoquent des haut-le-cœur.
Mes yeux se rouvrent à la mention du poignet cassé. Ils cillent à peine et demeurent exagéramment grands. Ils piquent. L’auror doit encore supporter les conséquences de notre duel..? Est-ce en raison de cette blessure qu’il se retrouve ici, cette nuit ? Est-ce que je l’ai empêché de bien se défendre ? Suis-je responsable, encore, moi, Fred, pas Fredrikke, moi l’homme qui voulait faire mieux, mais qui ne fait peut-être que pire ? La nausée me soulève, mes yeux s’agrandissent davantage ; la marée monte doucement, s’agitant proche des billes bleues. Connard. Je ne suis que ça, rien de plus. Les recommandations du médicomage au sujet du poignet sans confirmer mes craintes, m’assurent que l’homme se tape encore les conséquences de ce qui ne devait être qu’un entraînement. Mes lèvres se pincent, et je jette un nouveau coup d’œil au chocolat chaud, tandis que les rideaux sont de nouveau tirés en sens inverse. Je n’en suis pas digne. Je ne devrais pas avoir droit à quelque chose d’aussi gentil. Je ne devrais même pas l’espérer.
Je ne me dis pas que mes réactions sont exagérées par la fatigue, la lassitude, la douleur. Je réfléchis trop, mais mal. La gorge serrée, la nuque trop raide, je tends le bras pour déposer le gobelet sur ma table de chevet. Le geste me fait très légèrement grimacer, alors que l’auror demande à ne recevoir aucune visite. Je fronce les sourcils ; pourquoi ? Pour avoir tout le loisir d’enquêter auprès de moi, de profiter de notre intimité pour m’arracher des réponses ? Il n’y a rien à arracher actuellement, de toute façon. Mon âme est si fractionnée, dans une telle recherche de tendresse, d’affection ou de gestes doux, qu’elle tendrait d’elle-même tous les morceaux demandés, dussé-je y perdre ma liberté. Mon esprit ne l’est pas, de toute façon.
La porte se ferme, l’homme grogne et mes paupières chassent toutes les émotions qui s’y étaient logées pendant cette brève accalmie. Je jette un coup d’œil à Ashes qui me gratifie d’un regard infiniment tendre. J’y lis un encouragement qu’elle ne formulera pas à voix haute, mais qui m’apaise. « Foutu merdier » Effectivement. Je tourne légèrement la tête, l'observant attraper une chaise et s'installer entre nos deux lits, le torse contre le dossier. Le regard intense qui cherche le mien le trouve aisément. Mes yeux, qui trahissent tout le bordel émotionnel de cette nuit, ne cherche aucun échappatoire. J’ignore tout de ses intentions. Mais ce que je sais, c’est que je serais prêt à tout approuver. Lâchement. Pour connaître autre chose que la hargne et déposer un fardeau trop lourd, que je mérite de porter sur mon dos. « Ecoute Fredrikke, je suis pas la bonne personne pour avoir une conversation détachée avec toi. vraiment pas. Mais je suis bloqué là pour quelques heures encore et je suis incapable de rester assis sur mon lit en silence sans finir par exploser et ça se passerait mal pour toi. Tu t'en prendrais forcément plein la gueule. En revanche, maintenant que je comprends mieux certaines choses, dis-moi, pourquoi cet entrainement la dernière fois ? Pourquoi tu tenais tant à ce qu'on se casse la gueule si tu te souvenais même pas de notre douce amitié pleine de douceurs ? » . Malgré moi, les premières phrases m’ont arraché des tremblements d’appréhension. Frissons réflexes, d’un corp sur lequel on a trop tapé et qui redoute que l’esprit, encore, lui impose de continuer à supporter l’insupportable. Je les maîtrise, comme je les ai toujours fait, mais une seconde trop tard. Dans mes yeux, une supplication est passée, silencieuse. L’enfant en moi voudrait rester dans un cocon de douceur, où rien ne peut lui arriver. Sauf que je suis un homme, un foutu homme, et pas n’importe lequel. Ses questions sont légitimes et parce qu’elles n’inclinent, pour l’instant, vers rien de trop rude, me rassurent. J’en suis à ce stade lamentable où un rien m’effraie. « J'ai pas oublié que tu m'as parlé de vouloir contrôler tes pulsions. Je visualise mieux l'idée derrière, mais je comprends pas pourquoi tu tenais tant à provoquer ma rage. Si c'est ta mémoire que tu veux malmener il y a des façons sans doute plus efficaces que te faire cogner sur le crâne pour la réveiller. Ou l'enterrer définitivement. » La réveiller. L’horreur, nette, incisive, transparaît dans chaque fibre de mon être ; mes muscles se tendent, mes yeux s’agrandissent, ma respiration s’accélère. Comme si cette saloperie pouvait vraiment revenir, seulement en l’évoquant. Ashes, qui a senti ma tension, tend sa tête pour m’en donner un léger coup affectueux sur le menton. Je m’accroche aux autres mots ; ceux qui questionnent sans le faire totalement, mais qui ne trahissent aucune intention hargneuse. « Vous avez l'air de mieux vous entendre tous les deux. » Je perçois le mouvement de son gobelet, comprenant qu’il parle de ma fylgia. Elle ne bronche pas, mais j’hoche légèrement la tête, avant qu’elle ne rejoigne celle d’Ashes. J’enfouis mon front dans son doux pelage grisâtre, ignorant la douleur. Je ne pense pas à la drôle d’image, trop enfantine, que je dois projeter actuellement ; il n’est plus nécessaire, en face de l’auror, de faire semblant d’être Fredrikke. Et en cet instant, j’ai incroyablement besoin de cette tendresse, cette chaleur, cet amour, que je sens de ma fylgia. C’est nouveau. Et incroyablement apaisant. « J'imagine que ça veut dire que vous êtes plus en phase l'un et l'autre ? Tant mieux pour vous, ça te fait un soutien dans tout ça. » Est-ce de la moquerie ? Cherche-t-il à vérifier où frapper, pour m’atteindre le mieux ? Ou trouve-t-il réellement que c’est tant mieux, que j’aie un soutient dans tout ça ? Je relève la tête, mes yeux glissant sur sa fylgia qui s’enroule autour du poignet que j’ai abimé. Un rictus sans joie s’étire sur mes lèvres, plein d’amertume. « Est-ce que ta fylgia se souvient, elle ? » Je ne cherche pas le regard d’Ashes avant de répondre. Ma voix s’échappe, trop douce, trop pleine de regrets : « Oui. » Contre mon torse, je sens le koala qui tressaille. Ce oui a provoqué tellement de problèmes, dans ma relation avec Ashes. Tellement d’incompréhensions entre nous, d’ajustements. Tout aurait probablement été plus simple dès le début s’il n’y avait eu qu’elle et moi, sans fantôme entre nous. Si elle n’était pas une partie de lui, aussi. Elle n’a découvert sa seconde forme qu’avec moi.
Normalement, elle n’aurait rien rajouté. Dans le passé, elle aurait peut-être même manifesté à quel point elle regrette cette période. Cette fois, elle tourne la tête. Elle ne quitte pas sa position, mais s’adresse directement à l’homme, alors qu’elle a tendance à éviter de parler aux autres : « Seulement les souvenirs des événements vécus avec Fredrikke. Nous n’avons pas longtemps été ensemble ; il a été attaqué peu de temps après mon apparition. » Sa voix est neutre, ne manifeste aucun regret. Ma main, pourtant, se presse contre son pelage. Je me fous de ce qui est arrivé à Fredrikke ; de ce qui m’est arrivé. Je me fous moins de ce qu’elle peut ressentir, elle, qui adorait la forme qu’elle prenait pendant cette période. Ma tête se détourne, alors que je jette un coup d’œil au mur opposé. Je n’ai pas l’habitude de fuir le regard des autres, mais cette nuit…Cette nuit, tout est bouleversé, et je ne contrôle plus grand-chose. Est-ce que je crains les sentiments que je pourrais lire dans son regard, lorsque je répondrai à ses questions, ou est-ce que je redoute ceux qui pousseraient passer dans le mien ? Les deux. Je ne veux pas lire son mépris, son dégoût, sa hargne. Je veux me fixer sur cette image utopique, douce, apaisante et attendrissante, du type qui me déteste et qui m’amène quand même un chocolat chaud. « La dernière fois…j’avais besoin de cet entrainement. J’ai encore ses pulsions, ses envies. C’est écoeurant. J’ai passé la dernière année à tenter de les contrôler, à les retourner seulement contre d’autres enfoirés, même si c’est pas l’idéal. Mais dernièrement…C’était encore plus difficile. » L’une de mes mains, distraitement, s’égare sur la couverture, pliée à la hauteur de ma ceinture. J’observe à peine les ecchymoses qui dessinent des cartes de souvenirs sur mon torse, sur les parties qui ne sont pas recouvertes par Ashes, peintures aimables des émotions positives que je provoque chez les autres. « Je me rappelle de rien à ton sujet. Mais après notre altercation dans la ruelle, c’était assez clair que j’avais pas à craindre de te blesser si je m’emportais. Je voulais juste…Abaisser la tension. » Les images reviennent, lentement. Je songe à cette soirée, à ce que j’ai ressenti quand j’ai compris ce que j’ai fait, aux paroles qui sont revenues se greffer à ma mémoire… Mon corps tressaille, mes lèvres se pincent. « Mon plan a changé quand tu m’as vaguement raconté ce que j’ai fait à ce type…Je me suis souvenu. » La dernière phrase sonne comme une condamnation à mort. C’est presque le cas. Les souvenirs, ce sont la faux qui tombe, le guillotine qui s’abaisse, le feu qui refuse de s’apaiser. Je les hais, je les redoute, je les gère très mal. Je reprends : « J’en voulais terriblement à Fredrikke. J’aurais voulu qu’il paie. Je pensais que si je te provoquais, tu m’attaquerais plus fort et qu’il…que je…Je pensais parvenir à supporter, sans contre-attaquer violemment. » Mes mots se cherchent, comme s’ils étaient dans un labyrinthe sans trouver la sortie. Ils se heurtent aux images, au mépris que j’éprouve, à ma peur, ma fatigue. Ma voix est faible, comme si elle était bloquée dans ma gorge. J’inspire, trop bruyamment, resserrant mes doigts sur la couverture. Sur le bandage blanc qui entoure le haut de ma tête, l’auréole rouge continue de s’étirer, sans que je le remarque. Je laisse mes yeux filer vers l’auror, absurdement craintif. Ils s’abaissent vers son poignet, et j’affirme d’un ton hésitant : « J’suis vraiment désolé, pour ton poignet. J’voulais pas…Je m’en suis tellement voulu…C’est pas facile de… » La phrase meurt dans un sanglot ravalé. Foutu faible. Foutu lâche. J’inspire une nouvelle fois avant de reprendre : « J’suis pas à la hauteur, je le sais. C’est pas suffisant. Ça pourra jamais l’être. T’as pas à supporter les confidences d’un type que tu détestes Hammarskjöld. Encore moins ici, où t’as ton propre merdier à gérer. Si tu veux profiter de la situation pour te venger…fais-le. Fais pas semblant d’être…de te soucier de…Fais pas semblant que je peux être autre chose qu’un monstre. .» Il n’a pas besoin de me le redire. J’espère qu’il le comprendra. Je sais que mes excuses ne valent rien, que mes remords n’effacent aucune blessure, aucune larme. Je veux seulement m’illusionner encore quelques heures. Oublier que je suis Fredrikke, et croire que je peux avoir un avenir sans noirceur, doux, tendre et ensoleillé.
Magni Hammarskjöld
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Âge : 40 ans (08/08/83)
Statut de sang : Pur
Statut civil : Trop attaché, pour prétendre le contraire. Le cœur baigné dans deux eaux profondes.
Occupation : Auror
Fylgia : Mjöll (Mjöllnir), lézard bleu de Gorgona fouineur et têtu. Il prend la forme d'un ours polaire quand il est auprès de son enfant. Nouvellement il prend la forme d'un chat-tigre nébuleux de façon plus quotidienne
Alignement : Enfant de Völuspá
Allégeance : Clan Styrke et allégeance profonde à Thor
Particularité : Legilimens | se déplace majoritairement à moto, affublé de lunettes de soleil
Pseudo : Artchie
Serment le : 30/11/2022
Parchemins : 1169
Noises : 3841
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TW : Deuil, deuil périnatal, blessures, insultes
Double : Peter Gadiot
Crédits : (c) true north
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Sujets : Magmar - Ozy - Jin - Seb - Jasper - Vigga - The Big M - Helga - Oubliette - Fred - Kai
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@Fredrikke Mørk | 04 mars 2023 - Petit matin
Il réagit à chacune de mes phrases, océan houleux qui subit chaque nouvelle vague comme une barque à la dérive. Je vois les frissons, le dégoût, toujours plus vif, que chaque évocation même lointaine de Fredrikke Mørk du passé provoque en lui. Sa coque percée prend l'eau de toute part, sa fragilité est flagrante, touchante, palpable. Le « Oui. » qu'il souffle est chargé de cette tristesse qui flotte en écume dans ses traits. Je hoche la tête, ajoutant cette information à l'ensemble des données que je possède déjà tout en déroulant les premières déductions évidentes. Une telle fracture entre le sorcier et la fylgia n'avait pu que créer un décalage entre les deux parties d'une même âme. Leurs salves piquées d'amertume de février me paraissent soudain bien plus logique et compréhensible. Je n'ai aucun mal à me souvenir du serpent persiffleur aux remarques acides envers le Mørk et aux regards écœurés de celui-ci. Est-ce que le koala est plus proche de cette mentalité défaite des souvenirs morbides du tireur d'élite ? La question est intéressante, d'un point de vue extérieur. Du leurs, je ne peux qu'imaginer la complexité de partager des mêmes sensations tout en étant devenus soudainement si opposés. Quand la dénommée Ashes - si mes souvenirs sont corrects - tourne sa tête de peluche vers moi et mes yeux s'accrochent aux siens, légèrement surpris de l'entendre s'adresser directement à moi contrairement à ses habitudes me concernant. « Seulement les souvenirs des événements vécus avec Fredrikke. Nous n’avons pas longtemps été ensemble ; il a été attaqué peu de temps après mon apparition. » Deuxième hochement de tête compréhensif. Qu'elle ne se souvienne pas du reste est entièrement logique, mais tout à fait intéressant à savoir. Je connais quelques personnes, des chercheurs notamment, qui seraient sans doute ravis de pouvoir poser de plus amples questions à ces deux-là. Oyvind le premier. Les sourcils se froncent plus durement à cette pensée en même temps qu'une autre question fuse : est-il au courant ? Probablement que non, parce que le leader des Enfants n'aurait jamais pris le risque de garder aussi libre un homme sans mémoire ayant accès à ses réunions les plus secrètes. Ce qui place momentanément le jeune Mørk dans une situation dangereuse. Je me redresse sur ma chaise, quittant le koala des yeux pour retrouver ceux de mon colocataire de chambrée, mais celui-ci a détourné la tête. Une main passe dans mes cheveux, l'autre porte le gobelet devenu tiède à mes lèvres pour en avaler une avant dernière gorgée désabusée. Dans mon dos, la chaleur de l'incendie revient en ressac brûlant qui m'oblige à serrer les dents et contracter les muscles d'un corps que le manque de sommeil alourdi. « La dernière fois…j’avais besoin de cet entrainement. J’ai encore ses pulsions, ses envies. C’est écoeurant. J’ai passé la dernière année à tenter de les contrôler, à les retourner seulement contre d’autres enfoirés, même si c’est pas l’idéal. Mais dernièrement…C’était encore plus difficile. » Les réflexions sont embourbés dans ce cerveau qui résonne en écho contre lui-même, les plis de mon front témoignent des efforts faits pour tenter de conserver tous les fils de mes pensées serrés entre eux. Le médicomage a dit que les effets de la commotion devraient s'estomper au cours de la journée ? Mierda. Passer toute celle-ci à lutter avec mon cerveau ne me fait guère envie. Ma tête quitte le support de ma main et celle-ci s'accroche au bord du dossier de la chaise, crispation du fleuve de feu qui continue de bouillir sous l'onguent magique. « Je me rappelle de rien à ton sujet. Mais après notre altercation dans la ruelle, c’était assez clair que j’avais pas à craindre de te blesser si je m’emportais. Je voulais juste…Abaisser la tension. » Un mince rictus narquois retrousse mes lèvres à l'évocation de l'idée qui avait germé dans l'esprit du Mørk après notre altercation dans la ruelle. Celle qui avait placé Aren directement sous les mains d'un dangereux sadique. Un ancien, dangereux sadique. Les souvenirs de cette après-midi s'illuminent d'une nouvelle clarté à la lumière des révélations du tireur d'élite, et si ma méprise de la situation avait mené aux conséquences que l'on connait, je ne regrette pas le moins du monde ma réaction. « Mon plan a changé quand tu m’as vaguement raconté ce que j’ai fait à ce type…Je me suis souvenu. » Le frisson qui parcourt son être et plombe la fin de sa phrase sont deux nouvelles pierres qui viennent alourdir la barque de son âme. Qu'est-ce que cela doit faire de voir ressurgir des souvenirs perdus d'agressions dont on a été l'auteur ? Je ne sais pas, mes propres souvenirs peu reluisants n'ont jamais daignés disparaître, et si j'ai longtemps espéré qu'ils s'effacent de ma mémoire, je réalise à cet instant que je n'ai pas du tout envie de tenter l'expérience que le jeune homme traverse depuis un an. Malgré moi, mon corps se raidit à l'évocation du l'agression évoquée, des images me reviennent en tête avec cette nausée caractéristique qui prend goût dans le fond de ma palais. Une sensation bien trop physique pour n'être que mentale, cette fois et j'avale le fond de ma tasse de café pour chasser cette amertume désagréable. Ma haine et ma rage envers lui et toutes les attaques du genre me laissent un goût de fer, mémoire lointaine d'une de mes propres expériences de victime. « J’en voulais terriblement à Fredrikke. J’aurais voulu qu’il paie. Je pensais que si je te provoquais, tu m’attaquerais plus fort et qu’il…que je…Je pensais parvenir à supporter, sans contre-attaquer violemment. » Très lentement, ma tête marque un infime mouvement compréhensif. Un geste raide que les muscles serrés rend douloureux. Je ne sais toujours pas ce à quoi il s'attendait en me provoquant. Ce qu'il espérait que je fasse de lui, de eux. Le replonger dans l'oubli d'un coma infini ? Arrêtez des pensées qu'il ne pouvait supporter ? Facile, plausible, irréaliste. De mon point de vue je m'étais laissé emporter déjà trop loin avec lui, pour un simple entrainement. Pour une situation qui risquait de me mettre en difficulté professionnelle et de ruiner des années de travail. Mais je ne savais pas, alors que ce n'était plus le même Fredrikke que j'avais sous ma baguette et mes poings. Je l'aurais su, rien de tout ceci ne serait arrivé. Pour les mêmes raisons que j'avais été incapable de lui fracasser son nez gratuitement quand je le tenais entre mes mains. Pour cette foutue morale, cette équité à laquelle je m'accroche désespérément pour me donner bonne conscience sur tout le reste.
Ses yeux reviennent vers moi avant de couler immédiatement vers le poignet contre lequel Mjöll est toujours enroulé dans un calme froid. « J’suis vraiment désolé, pour ton poignet. J’voulais pas…Je m’en suis tellement voulu…C’est pas facile de… » Les vagues houleuses manquent de surpasser la barque, le sel brouille presque ses yeux d'un bleu polaire, mais il parvient à contenir la marée dans une déglutition que je peux presque sentir rouler dans sa gorge dans sa peine est sensible. Elle s'ouvre de tous les côtés, jusqu'à éclabousser mes propres émotions de quelques piqures humides. Je suis pas la bonne personne pour rassurer le jeune Mørk blessé, épuisé par des mois dans lutte contre ses démons. Mais je ne suis pas capable de rester insensible à la détresse presque enfantine qui perce dans ses gestes. Je ne suis pas la bonne personne pour rien, pas cette nuit, dans cette chambre, meurtri par mes propres réalités. Les doigts serrent plus fortement le dossier, la magie qui mène une bataille ouverte sous le cataplasme commence à couler le long de mon réseau sanguin, je sens les brûlures qui coulent, filaires, dans mes fibres. Tant et si bien que cela fini par inquiéter le lézard qui courte sa minuscule tête ovale vers moi tandis que Fredrikke reprend la parole de sa voix faible : « J’suis pas à la hauteur, je le sais. C’est pas suffisant. Ça pourra jamais l’être. T’as pas à supporter les confidences d’un type que tu détestes Hammarskjöld. Encore moins ici, où t’as ton propre merdier à gérer. Si tu veux profiter de la situation pour te venger…fais-le. Fais pas semblant d’être…de te soucier de…Fais pas semblant que je peux être autre chose qu’un monstre. » Les mots tournent dans ma tête, accentuant l'impression de tournis qui revient en filigrane, à croire que les potions parviennent moins bien à gommer les symptômes depuis que mon sang s'est mis à lutter farouchement contre l'onguent posé sur le maléfice de la Mano Mara. Je ne peux pas démentir ce qu'il vient de dire, je suis d'accord avec lui. Rien de ce qu'il pourrait faire aujourd'hui ne sera jamais à la hauteur pour adoucir les actes perpétrés dans son passé. Rien si ce n'est, peut-être, donner l'occasion à ces victimes de s'expliquer, de raconter, de valider leurs expériences devant tous. Je reste persuadé qu'un procès et une reconnaissance officielle est l'une des étapes les plus importantes dans le processus de guérison des victimes. Mais j'ai accepté de ne pas lui parler de prison en entendant ses supplications. Une nouvelle vague de douleur embrase mes fibres et cette fois Mjöll frémit contre ma peau avant de se détacher du poignet pour courir vers la zone de douleur. Mes paupières se rouvrent une fois la décharge passée, posant un regard toujours aussi sombre sur le jeune homme. « T'excuse pas pour le poignet, t'es pas le premier à casser un os en entrainement. Et je préfère que ce soit moi que tu aies choisi pour relâcher tes tensions que n'importe qui d'autre. T'avais vu juste, je suis largement capable d'encaisser tes attaques. » Même si j'avais cédé, moi aussi, en utilisant le maléfice de Gacha. J'aurais jamais du aller aussi loin, et quelque part sa réaction violente est en partie imputable à mes propres actions. Mes mâchoires se contractent, rapide série de trois pressions habituelles, avant que je ne me penche pour poser au sol le gobelet vide et déformé par la dernière vague de douleur qui a contracté mes doigts autour du pot. Je me redresse avant de reprendre d'une voix profonde, mais de moins en moins grondante : « Tes provocations étaient suffisamment efficaces pour quelqu'un qui a tout oublié me concernant. Ta réaction violente à mon dernier sortilège était justifiée. C'est une vraie saloperie, tout autant que cette mierda qui est en train de me cramer le dos. » Le ton vibre, retombe dans un orage noir, les épaules roulent pour tenter d'étirer la peau et soulager des démangeaisons qui se répercutent un peu partout dans les omoplates. Je sens Mjöllnir qui panique dans mes nerfs. Je ne sais pas ce qu'il voit, mais visiblement, ça ne lui plait pas du tout. Ses pattes courent dans mon dos, remontent vers les épaules, se glissent contre mon oreille, à sa place favorite et mon cœur s'emballe dans l'attente de son murmure. Une attente fébrile, infime, qui s'étire, retombe, s'écrase dans le mutisme suspendu de sa voix. Il ne dit rien, hésite, repart, et le noir de mes iris s'enfonce, lui aussi, dans des éclairs de rage. Pourtant je ne dis rien, ne cherche pas à attraper le fourbe lézard qui frémit à chaque vague de brûlure. J'estime que s'il ne dit rien, c'est que tout va bien. Je secoue légèrement la tête avant de reporter toute mon attention sur Fredrikke. « Je cherche pas à faire semblant de quoi que ce soit. Je hais les actions de Fredrikke Mørk, sa façon de penser et concevoir le monde et les autres. Je hais l'impunité qu'il a et qu'il se donne, sa lâcheté et son égocentrisme. Cette haine-là est trop vive pour être effacée par de la pitié. Ca me fait foutrement chier de constater qu'il a trouvé un moyen imparable de se soustraire aux conséquences de ses actes. Mais tant que ce Fredrikke là sera dans le coma, quelque part dans ton crâne, ça me servirait à quoi de me venger sur toi si ce n'est prendre la place de ce monstre qu'on déteste tous les deux ? Je vaudrais pas beaucoup plus si j'en venais à m'en prendre à un mec blessé dans son lit d'hôpital. Je pourrais profiter de la situation pour récupérer des infos sur toi, certes. Mais j'ai rien à apprendre d'intéressant sans ta mémoire. Ce qui m'intéresse pour mon enquête ce sont les crimes passés, et c'est con, mais j'ai tendance à respecter un minimum les requêtes des victimes d'agressions. » Je ne sais pas si ce que je dis est cohérent, les mots ont du mal à trouver leurs bons sens dans ce bordel mental qui est le mien. Je reprends dans un soupir : « T'as l'air déjà de subir pas mal de conséquences de ses actes vu l'état mental dans lequel tu es ce matin. Je ne peux qu'imaginer les difficultés par lesquelles vous êtes passés tous les deux et te réveillant toi sans mémoire et elle avec la sienne. Une telle dichotomie mentale ça doit être un enfer à vivre. Et figures-toi que regarder froidement souffrir des personnes c'est pas tellement mon truc. A ce sujet, tu veux que j'appelle un infirmier ? Ta tête est en train de virer au cramoisi. Tu devrais vraiment avaler ce chocolat chaud, aussi. Je sais que le côté pâleur fantomatique c'est votre délire familial, mais ma bonne humeur latente et moi on aimerait ne pas avoir a supporter toute une équipe de soignants à ton chevet parce que tu es tombé dans les vapes. » Je grogne à moitié la fin de ma réplique, de cette voix d'ours qui surgit quand la partie protectrice de mon caractère essaie de se camoufler sous une mauvaise humeur exacerbée.
Fredrikke Mørk
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Âge : 31 ans, selon les registres officiels.
Statut de sang : Pur
Occupation : Tireur d’élite chiant dans la Brigade des Valkyries.
Fylgia : Taïpan du désert et Phascolarctos cinereus (un koala, quoi.)
Alignement : Enfant de Völuspá
Particularité : Atteint d’amnésie rétrograde, qui n’a pas touché sa mémoire procédurale. Il a oublié qu’il était un gros con, mais il sait encore se servir de sa baguette.
Pseudo : Cappuccino
Serment le : 11/07/2022
Parchemins : 590
Noises : 3831
Gallions : 1
TW : Violence physique et psychologique
Double : Rob Raco
Crédits : Chosen one
Multi-comptes : Dax, Markus et Angelo
Contre le poignet, la fylgia frémit avant de courir vers le dos de l'auror. Je suis son mouvement, en songeant qu'égoïste jusqu'au bout, je ne parle que de moi, ne songe actuellement qu'à moi, alors que l'homme est blessé. Et je suis incapable de faire autrement. Mes réserves d’empathie ne sont pas vides, mais elles sont ébréchées. Je n’ai plus assez d’énergie pour me préoccuper énormément de la douleur d’autrui ; ou plutôt, je m’en préoccupe trop, et je manque de force pour continuer de le faire. Brièvement. Ça reviendra, j’y compte. Sauf qu’en cet instant où je ne doute pas qu’il souffre lui aussi, je ne parviens pas à me taire, à m’oublier, à le faire passer avant et à ne plus me préoccuper de moi-même. Il rouvre les paupières et je soutiens son regard sombre, de mes yeux d’une douceur craintive. Si Fredrikke revenait en cet instant, s’il retrouvait la mémoire, il serait très certainement exaspéré. « T'excuse pas pour le poignet, t'es pas le premier à casser un os en entrainement. Et je préfère que ce soit moi que tu aies choisi pour relâcher tes tensions que n'importe qui d'autre. T'avais vu juste, je suis largement capable d'encaisser tes attaques. » Je ne l’aurais pas choisi si j’avais eu le moindre doute. J’aurais tout de même préféré ne pas figurer dans la liste de ceux qui ne sont pas les premiers à lui casser un os en entraînement. Ses machoîres se contractent, trois fois, alors que les miennes se détendent. Il se penche pour poser son gobelet déformé et je tourne légèrement ma tête vers le mien, sans oser le prendre. « Tes provocations étaient suffisamment efficaces pour quelqu'un qui a tout oublié me concernant. Ta réaction violente à mon dernier sortilège était justifiée. C'est une vraie saloperie, tout autant que cette mierda qui est en train de me cramer le dos. » Mes yeux se plissent avant de dériver sur son dos, que j’aperçois mal de la position où je me trouve. Y-a-t-il un lien entre son sortilège de ce jour-là et le maléfice spécifique qui l’amène probablement à l’hôpital ? Son ton vibre, ses épaules roulent et la fylgia devient parfois visible, parfois invisible, selon l'angle et l'endroit. Je le vois s'approcher de l'oreille de l'auror, avant de repartir, tandis que l'autre secoue légèrement la tête. Mon cœur s’agite un peu plus et je sens Ashes qui, délicatement, renfonce l’une de ses pattes contre mon torse, en faisant attention à ne pas m’atteindre avec ses griffes. Elle me signale mes limites : l’homme n’a pas besoin que je me soucie de lui, ni que je l’interroge sur ses blessures.
Et puis, il a tort, en affirmant que ma réaction violente était justifiée. Elle ne l’était pas. Je tolère normalement bien la douleur ; je suis habitué à l’accepter, à l’apprivoiser, à ne pas la fuir. Mais cette tolérance, graduellement, surtout dans les dernières semaines, s’est réduite. Ça a commencé par une envie de fuir, lorsqu’on m’apostrophait violemment et que je savais ce qui allait suivre. Comme un lâche. Et puis il y a eu ce dérapage, avec l’auror. Où je ne suis pas parvenu à endiguer mes pulsions, où j’ai utilisé un sortilège écoeurant plutôt qu’un sort plus adapté à la situation. Il y a ensuite eu l’altercation imprévue avec son collègue, Falkenberg. Mon corps était déjà las. Mes membres étaient trop fatiguée. Mon esprit était trop perturbé. Quatre jours après, j’ai fait quelque chose que je ne me pardonne toujours pas : j’ai poussé la lâcheté à son apogée, en fuyant un combat. On m’avait apostrophé à l’extérieur, proche du cimetière. J’aurais dû rester. Les accusations étaient claires, la suite aussi : des sorts, très certainement douloureux, ma riposte ou non, et des blessures à soigner, plus tard à l’appartement. C’était prévisible, presque mathématique. J’ai essayé de me faire violence, de me contraindre à ne pas tourner les talons ; ma baguette avait tourné entre mes doigts, mes yeux s’étaient posés sur ceux de mes assaillants, hargneux. Je devais rester. C’était la seule chose que je pouvais faire, pour eux. Je leur devais. J’ai serré les dents ; j’ai contracté mes muscles et j’ai tenté de faire taire le gosse en moi qui, de plus en plus présent, de plus en plus actif, se recroquevillait pour ne plus rien subir. Lâche. Lâche. Tellement lâche. Je n’ai pas réussi à tenir plus d’une seconde : j’ai transplané ce jour-là et je m’en suis voulu, comme si je venais encore, en fuyant, de blesser ceux à qui Fredrikke a probablement fait du mal. Ce soir, il était hors de question, qu’importe ce qui allait arriver, que je fuis encore. Même si j’en avais incroyablement envie. « Je cherche pas à faire semblant de quoi que ce soit. Je hais les actions de Fredrikke Mørk, sa façon de penser et concevoir le monde et les autres. Je hais l'impunité qu'il a et qu'il se donne, sa lâcheté et son égocentrisme. Cette haine-là est trop vive pour être effacée par de la pitié. Ca me fait foutrement chier de constater qu'il a trouvé un moyen imparable de se soustraire aux conséquences de ses actes. Mais tant que ce Fredrikke là sera dans le coma, quelque part dans ton crâne, ça me servirait à quoi de me venger sur toi si ce n'est prendre la place de ce monstre qu'on déteste tous les deux ? Je vaudrais pas beaucoup plus si j'en venais à m'en prendre à un mec blessé dans son lit d'hôpital. Je pourrais profiter de la situation pour récupérer des infos sur toi, certes. Mais j'ai rien à apprendre d'intéressant sans ta mémoire. Ce qui m'intéresse pour mon enquête ce sont les crimes passés, et c'est con, mais j'ai tendance à respecter un minimum les requêtes des victimes d'agressions. » Ses premières phrases m’ont apaisé, pour la distinction faite entre moi et lui. Dissociation théorique, nécessaire à mon équilibre. Mais ses dernières affirmations ont fait remonter les frissons d’appréhension, les pâleurs de la détresse, la respiration plus rapide de la panique. Je ne contrôle décidemment rien, cette nuit. Ni les réactions de mon corps, ni celles de mon visage, ni celles de mon esprit. Ils ont tous abandonné, dressant le pavillon blanc, dans l’espoir enfantin de gagner quelques jours de répit.
Il ne reparle pas de prison, mais elle est tout de même là, sous-jacente, immobile, seule option véritablement acceptable. Les requêtes des victimes d’agressions. Mes lèvres se pincent, mes yeux se noient, ma tête se tourne, mes épaules tressaillent et ma conscience me maudit pour ma faiblesse indigne d’un tireur d’élite. Indigne de ce que j’aurais voulu devenir : un homme meilleur. Lui reprend : « T'as l'air déjà de subir pas mal de conséquences de ses actes vu l'état mental dans lequel tu es ce matin. Je ne peux qu'imaginer les difficultés par lesquelles vous êtes passés tous les deux et te réveillant toi sans mémoire et elle avec la sienne. Une telle dichotomie mentale ça doit être un enfer à vivre. Et figures-toi que regarder froidement souffrir des personnes c'est pas tellement mon truc. A ce sujet, tu veux que j'appelle un infirmier ? Ta tête est en train de virer au cramoisi. Tu devrais vraiment avaler ce chocolat chaud, aussi. Je sais que le côté pâleur fantomatique c'est votre délire familial, mais ma bonne humeur latente et moi on aimerait ne pas avoir a supporter toute une équipe de soignants à ton chevet parce que tu es tombé dans les vapes. » La fin de sa réplique ressemble à un grognement et j’hoche légèrement la tête dans un signe négatif, alors que mon cœur, cet incroyable traître qui s’agite dans tous les sens depuis le début de la conversation, brûle presque de tendresse devant ce qui ressemble à de l’inquiétude. Ou au moins à du soucis. Il faut avoir été sevré pendant une éternité de toute manifestation de sympathie ou de sollicitude pour comprendre comment une simple parole, un mot quelconque, peut faire un bien fou. La douleur à l’arrière de mon crâne s’accentue et je l’ignore d’un rictus agacé. Mes blessures sont secondaires. Je les mérite, contrairement à tous ceux qui sont dans cet hôpital. Hors de question que je m’accapare le temps d’un infirmier qui devrait plutôt être auprès de quelqu’un qui en a vraiment besoin. Ashes, néanmoins, est en désaccord. Elle se redresse, quittant sa position pour mieux apercevoir mon crâne ; elle se déplace de biais et le coup d’œil désapprobateur qu’elle me lance est révélateur sur ce que l’homme doit apercevoir de sa position. J’ignore son regard, tendant simplement la main vers elle ; elle pousse un soupir qui ressemble davantage à un grondement, avant d’aller se nicher au creux de mon bras gauche, contre mes côtes. Je reporte mon attention sur l’auror, qui ne devrait pas perdre son temps à me parler. Et je ne devrais pas prendre le sien en lui racontant des éléments de ma vie. Sauf que j’ai ce besoin, incontrôlable, de me sentir écouté. D’avoir l’impression que j’existe, pour ce que je suis, pas seulement en tant que Fredrikke Mørk. Surtout pas en tant que Fredrikke Mørk. « Je suis fatigué Magni. » Le prénom m’échappe, malgré moi. Familiarité inconvenante, que je regrette aussitôt ; mes yeux s’écarquillent comme si j’étais pris en faute, sans que je ne cherche à rattraper l’appellation qui m’a échappée. Je serre les lèvres, avant d’expirer : « Incroyablement fatigué. » Fatigué des coups. Fatigué de la hargne, du mépris, du dégoût. Fatigué de vouloir aider, mais de toujours faire pire, par ma seule existence. Fatigué de me réveiller, sans pouvoir rêver. Fatiguer de redouter toutes les conversations, toutes les rencontres, fatigué d’avoir peur qu’il revienne, fatigué, fatigué, fatigué. Tellement fatigué.
Mes mains, sur les couvertures, s’agitent. Les doigts s’enfoncent dans la chair, comme pour contenir la douleur, qui ne vient pas de ma blessure. Aucun baume, aucun soin ne peut venir à bout de celle-là. Il me faudrait de l’amour, de la tendresse, de l’amitié, et ce n’est pas un traitement qu’on prescrit à Fredrikke Mørk. Je lève mes yeux vers l’homme, poursuivant : « T’as visé juste, avec ton sortilège. » Ce sujet me semble neutre, du moins plus que les autres. Je me sens trop dangereusement prêt de craquer. Je rajoute : « Je me maîtrise généralement bien, même si c’est difficile. Mais quand ça concerne le feu et les brûlures…L’instinct l’emporte. J’ai trouvé des potions pour calmer ce genre de réflexes, mais… Ça calme pas seulement l’instinct. » Un rictus froid m’échappe, alors que je songe au combat qui m’a conduit ici. Même cette finalité est mieux qu’une fuite. Il n’y a pas de solution idéale, de toute façon. Je dois m’endurcir, retrouver mon optimisme et cesser de geindre. Je le dois à toutes ses victimes, pour qu’elles puissent se confronter à moi. Demain. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je ne peux pas, je ne peux plus. C’est tout simplement au-delà de mes forces. La simple idée de me prendre éventuellement, et inévitablement, un autre coup, suffit à ce que ma mâchoire tremble. Deux secondes, mais deux secondes de trop, que je tente de récupérer en affirmant : Ça me fait chier aussi, qu'il soit parvenu à se soustraire aux conséquences de ses crimes. J'ai cherché pas mal d'options pour m'assurer qu'il paie, si jamais la mémoire revient...Enfin. Que je paie. » Ma voix est trop douce, trop frêle, trop ridicule. Payer. Il est toujours question de paiement, depuis mon réveil. De vengeance, de dettes, de souffrance. Jamais de bonté, malgré mon bénévolat, jamais de joie, malgré toutes mes tentatives pour provoquer ce bonheur. Au moins pour les autres, même si je rêvais de le connaître, moi aussi. Même par fragments, même à travers des petits gestes. Comme un simple chocolat chaud. Mes yeux glissent vers le gobelet qui doit tiédir, puis vers le poignet de l’auror. Les lames bleues s’affutent et s’agitent ; leur acier trempé dans l’eau laisserait presque échapper quelques gouttes, si Ashes n’avait pas appuyé son museau contre la peau de mon bras. Mon ton, à l’image de tout mon être, tremble : « Je n’ai jamais empêché personne de se venger. De me parler. Jamais. Je me protégeais au minimum, mais souvent quand ils me racontaient leur histoire…j’abaissais mes défenses. Et je le referai encore. Aussi souvent qu’il le faut, même si…même si… » Même si ça fait mal. Même si je n’en peux plus. Même si je suis épuisé de faire le compte des ecchymoses, même si toutes mes défenses craquent et s’effritent. Même si c’est insuffisant, même si ça ne sera jamais assez, même si je ne peux, pour l’instant, que leur offrir un corps à cogner et une conscience à craquer. Jamais assez. Trop peu. C’est mon quotidien, mon lendemain, le seul bonheur que je peux toucher du doigt. Celui de me dire que, peut-être, ces gens seront un peu soulagés.
Le sanglot m’échappe. Il glisse dans ma gorge, fait tressaillir mes épaules, avant de déformer mes traits. Mes yeux se ferment, ma tête se détourne encore et Ashes quittent sa position ; elle appuie la sienne contre ma joue. Tendre. Douce. La reconnaissance coule, suivit d’une seconde, devant un type qui m’abhorre. Faible. Faible. Faible. « Tu devrais l’écouter et boire Fred. » J’hoche la tête, sans obéir. J’ai l’impression d’être tout autant en train de merder que ce soir-là où j’ai fuis une confrontation en transplanant ; exposer mes émotions devant l’auror, c’est lui imposer, malgré moi. Lâche. Lâche. Lâche. Mes paupières se rouvrent sur des iris trop brillants. Mes deux bras remonte, de façon à conserver le corps du koala contre moi, comme s’il s’agissait d’une peluche contre laquelle je pouvais m’enfouir. Je n’ose même pas regarder l’homme. « Désolé. J’ai tenu un an, je veux tenir encore, pour eux. J’ai juste besoin de… » La voix s’éteint, les lèvres tremblent, les perles roulent plus vite sur mes joues émaciées. Je lâche prise. Ma tête s’incline pour rejoindre le corps duveteux d’Ashes, contre lequel je me serre, comme si nous n’étions que deux, l’âme secouée de soubresauts douloureux.
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