Février 2022 -
On lui a parlé d’un coma long de deux mois.
On lui a parlé d’un accident, de son corps abandonné dans la rue, en piteux état.
On lui a parlé d’une vengeance probable, parce que les ennemis, ça ne te manque pas.
On lui a parlé beaucoup, surtout lorsqu’on a constaté ses lacunes.
Ses oublis, ceux qu’il fallait absolument cacher et combler.
On lui a parlé de la famille, des exigences, des règles, des convenances, du sang, ce fichu sang, ce putain de sang. On lui a parlé de son prénom, de son caractère, de ses actions, des espoirs mis en lui, de ses rêves et des ambitions.
On lui a parlé pour rétablir un passé qui méritait de mourir.
On lui a parlé pour réanimer un homme qui aurait dû souffrir.
On lui a parlé pour le convaincre de ce qu’il devait être et absolument redevenir.

Il a écouté. Il a hoché la tête, il a fait des promesses, il a juré. Il est revenu dans la demeure familiale, celle qui aurait dû lui rappeler tant de souvenirs, mais qui ne lui évoquait qu’une enfance lointaine. Une demeure qui sent la mort. Une demeure qui ne semble pas la sienne.

Il se nomme Frieddrikke. Il est hautain, méprisant, hargneux, un peu dingue, imposant, ambitieux, froid, déterminé. Il est de ceux qui éliminent les autres sur son passage – littéralement – et qui ne redoute personne. Il est de ceux qui se font passer d’abord, qui crache sur les inférieurs et qui aime entendre les pleurs. Il est de ceux qui sont nés pour être forts et puissants. Tu as bien compris? qu’on lui a dit, après ce résumé glorieux, ce résumé écoeurant. Il a dit oui. Il a pris le temps d’absorber les informations trop nombreuses, sans savoir quoi en faire.

Il est trop tôt pour qu’il sache qui il est et ce qu’il veut être. Mais ce qu’il sait, c’est que ce type qu’on veut lui vendre comme un rêve est un taré et qu’il laissera son souvenir dans cette ruelle où il aurait dû crever.


Mars
Tw : Violence, sadisme, mention de blessures corporelles dans presque tous les extraits de journal.  

Journal:

Il n’a pas tout lu dès les premiers jours. Il n’a trouvé son journal qu’au cours du deuxième mois. Il l’a feuilleté pour comprendre, pour retrouver son identité. Il a compris rapidement qu’une dissociation s’est créée entre ce cinglé et cette personnalité vierge, si prête à être remplie, qui est la sienne.

Ce je, ce n’est pas lui.
C’est un autre homme, un ennemi. Quelqu’un qu’il haï de plus en plus à chaque page tournée, et qu’il ne peut éliminer. Car il la sent trop bien, cette violence commune entre lui et ce type. Il a l’explosion au bord des lèvres, pour un rien et pour un tout. Il a les insultes sur la langue et le goût arsenic des mots trop tendres. Il a ces réflexes meurtriers qu’il ne comprend pas, ses goûts de sang et de chair qu’il maîtrise avec violence. Une part de lui veut faire souffrir ; l’autre part veut soulager et abhorre ceux qui attaquent. Il ne sait plus qui il est, ce qu’il veut et ne veut plus. Il ne sait plus ce qu’il aime, ce qu’il déteste. Il se cherche, sans vouloir se retrouver, et se reconstruit, fragment par fragment.  Tout ce qu’il sait, c’est qu’il ne sera pas cet homme. Ce n’est pas lui, non, ce n’est pas lui.

Avril

Journal :

Il range le journal froissé au fond de son sac, avec son uniforme et ses vêtements de rechange. Il aimerait retrouver cette F. et s'excuser d'avoir été abject. Il est écoeuré, comme à chaque fois qu’il parcoure une nouvelle section des mots de ce débile. A-t-il eu un moment de bonté dans son passé? Un instant de remords, de conscience? A-t-il toujours été aussi égocentrique, aussi imbu de lui-même, aussi cruel, aussi dérangé? L’attitude de son entourage, à la fois déférente, effrayée, rageuse ou désabusée, lui confirme que oui.

Certaines personnes au boulot ont relevé les changements dans sa personnalité et il ne sait comment agir. Feindre d’être l’autre? C’est poursuivre le cercle vicieux, c’est éterniser une boucle qui devrait être rompue. Manifester clairement qu’il n’est plus le même? C’est risquer de perdre le peu dont il est certain, c’est nuire à une famille dont il ne se soucie que partiellement, c’est enterrer la crainte et la violence qui entoure son prénom, une crainte qui tient certains de ses adversaires à distance. Et n’a-t-il pas besoin de cette distance pour le moment, tant qu’il ne s’est pas formé un nouveau je, tant qu’il est cet adulte qui a l’affreuse impression de ne plus rien connaître de la vie qui l’entoure? Il a besoin de temps, avant de pouvoir accepter de rompre un équilibre fragile, même si cela l’oblige à acter auprès de ses collègues et de ceux qui affirment être ses proches.

Même si cela implique de traîner chaque jour avec lui le passé d’un inconnu, alors qu’il erre dans les rues.

Mai

Journal :

Depuis plusieurs semaines, il est convaincu de quelque chose : le mieux pour l’humanité, pour la société sorcière et le monde moldu, ça aurait été qu’il crève dans cette foutue ruelle. Il ne mérite pas de vivre, il ne mérite pas de respirer, il ne mérite pas le pardon de qui que ce soit. Il a été une ordure, un connard, un enfoiré, un meurtrier. Il a été dingue, abject, sardonique. Et s’il veut pouvoir avancer dans l’avenir, s’il veut faire amende honorable et rattraper ses torts, il doit se dissocier de cet être machiavélique. Il ne doit rester qu’un je, le sien. Il avancera pas à pas, stratégiquement, pour ne pas foutre le bordel dans la famille, pour ne pas que ses ennemis se déchaînent trop vite. Il est encore impulsif, capable de réagir au quart de tour ; il se sait capable d’être violent et cruel, de cette violence endormie qu’il ne peut pas ignorer en permanence. Mais il le dompte, ce défaut dont il ne veut pas. Il la contrôle, cette pulsion qui n’est pas véritablement la sienne. Il est décidé à se construire un nouveau futur, un futur où il n’y est pas, un futur où il pourra croiser les regards des gens sans se demander ce qu’il a bien pu leur faire subir. Il n’a qu’une crainte : que les souvenirs reviennent.

Juin
Tw: Bébé, propos horribles sur le sujet.

Journal :

« Vous êtes bon jeune homme. »

Un pâle sourire se peint sur les lèvres serrées. Il hoche la tête, sans contredire la vieille femme qui lui offre le soleil de ses traits et l’amitié de sa vieillesse. Depuis quelques semaines, il fait du bénévolat là où on a besoin de lui. Anonymement. Il ne révèle ni son nom ni son prénom et tente de demeurer discret. Il fait ce qu’il peut, tout en sachant que ce ne sera jamais suffisant.

« Vous devez être marié…?
-Pas encore. Vous êtes intéressée?
-Charmeur. À quatre-vingts ans, je ne songe plus à ces choses.
- Vous pourriez. Vous séduisez tous les bénévoles du coin avec vos cheveux argentés et votre répartie.»

Elle rit. Elle a un rire charmant et il l’écoute, apaisé par ce son de bonheur. Il aime savoir qu’il peut provoquer d’autres sensations que la douleur. Un pas à la fois. Il froisse dans sa poche le journal dédaigné, celui qu’il ne parvient pas à brûler. Il a obtenu ce matin le nom de la veuve, il sait qu’elle est ici, à l’hôpital, avec son bébé prématuré. Il devrait s’en tenir loin, mais il a besoin de la voir, il a besoin de s’assurer que le passé ne se réveillera pas, il a besoin de constater que les prédictions funestes de ce type ne se sont pas réalisées.

La rencontre est-elle nécessairement vouée à mal se terminer? Probablement. Sauf qu’il ne sait pas quoi faire pour se faire pardonner, il ne sait pas quoi faire pour effacer l’horreur de mots qui ne devraient jamais être prononcés. Il aimerait tabasser le connard qui les a énoncés ; il ne peut rien faire, bloqué dans un corps qui n’a pas voulu mourir au bon moment.

Il a salué la vieille dame et a fait quelques détours. Il vient les mains vides, trop conscient que des fleurs seraient absurdes. Il glisse dans les couloirs tel un spectre, jusqu’à la chambre qu’on lui a indiquée précédemment. Il ne rentre pas. Il observe, à travers la porte entrouverte, la silhouette voûtée de la mère assise dans un fauteuil. Ses sources lui ont révélé le nécessaire sur la situation : l’enfant est né dernièrement, plus tôt que prévu, avec des faiblesses respiratoires. Un contrecoup du choc subit en décembre et du stress ressenti ensuite? Peut-être. Ou la vie, tout simplement, implacable dans son déroulement.

Ses pupilles d’un bleu vitreux s’attardent sur l’enfant, relié à trop de tubulures. Son cœur se serre à la vision de la peau frêle et translucide, à la vision de cette peau bleutée par des ecchymoses qui ne devraient pas y être. Un impur. Que veut dire ce mot? Rien, strictement rien, et il est empoigné par une colère féroce à l’égard de ceux qui sont prêts à tout pour préserver leur sang.

La femme aux joues lavées par les larmes lève les yeux vers lui. Son visage passe de la détresse à la panique, de la panique à la peur, de la peur à la hargne.  Il se détourne et s’éloigne précipitamment, pris de tremblements. Il a honte, tellement honte. Et il réalise que toute sa vie sera remplie d’une succession de noms qu’il ne connaît pas, des noms ébréchés, des visages qui le hait. Il aurait voulu pouvoir changer à jamais ses traits.

à propos de ta fiche .................. ouais bon ça va il est un peu cute maintenant quand même je le tolère
j'ai bien hâte de voir ce que tu vas en faire rebienvenue

bienvenue dans le groupe GÖTEBORG Ton personnage fait officiellement partie des sujets du Royaume de Scandinavie sorcière, étudiant.e, professeur.e ou résident.e de Göteborg, il ne lui reste plus qu'à honorer sa nouvelle couleur et son alignement. Tu trouveras ci-dessous des liens qui te seront utiles au cours de la suite de ton aventure sur Doomsday. Bon jeu !