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Ieri ero quiete perché oggi sarò la tempesta (fredrikke)
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Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
cittàgazze - novembre 2023
@Fredrikke Mørk

L’archéomage tortille nerveusement une mèche de cheveux orange vif entre ses doigts. Il est en retard. Il le fait probablement exprès, il aurait dû se douter que Fredrikke chercherait à le déstabiliser. De tous les tireurs d'élite qu'on aurait pu lui envoyer pour l'escorter à travers la brèche, il a fallu que ça tombe sur celui-là.
Il avait failli renoncer, en espérant qu'on lui envoie quelqu'un d'autre la prochaine fois. Mais il se voyait mal expliquer au directeur du musée et à celui du département de la défense pourquoi il a moins peur des créatures qu’il pourrait rencontrer de l’autre côté que de celui qui est censé l’en protéger.

Il a un mouvement de recul, malgré lui, en le voyant enfin arriver. Il essaye de camoufler son malaise du mieux qu’il peut derrière une moue particulièrement dédaigneuse, mais il a les mains moites et le cœur qui bat tellement vite qu’il s’attend à tomber dans les pommes d’une seconde à l’autre.
Heureusement qu’Andromaque est à ses côtés. Il se concentre sur la sensation rassurante de son pelage contre sa jambe et, machinalement, il serre dans sa paume la minuscule sphère bleutée qui pend au bout d’une chaîne à son cou. Est-ce qu’elle fonctionnerait de l’autre côté d’une brèche ? Est-ce que Magni pourrait le percevoir, si jamais… Il secoue la tête, comme si ça pouvait chasser de son esprit ces éventualités auxquelles il ne veut pas réfléchir. Il n’en a pas besoin, parce qu’il ne va rien lui arriver, n’est-ce pas ?
C'est la première fois qu'il se retrouve à nouveau confronté à son cousin par alliance, depuis leur dernière entrevue au musée. Il paraît qu'il est redevenu comme avant. Ozymandias frissonne. Il ne peut pas s'empêcher de se demander si c'est de sa faute. Est-ce qu'il a déclenché quelque chose en forçant son souvenir dans son esprit ? Est-ce qu'il risque de vouloir se venger ? Il serre les poings, inconsciemment, et sa fylgia lève un regard inquiet vers lui, avant de tourner aussitôt la tête vers l'autre homme. Un grognement roule tout bas derrière ses babines frémissantes. Un avertissement.

Devant eux se dresse la brèche, immense colonne de lumière où dansent une multitude de rayons chatoyants. Il en émane un bourdonnement grave, à peine audible pour des oreilles humaines. Une nouvelle fois, Ozymandias éprouve l’inexplicable certitude que cette voix, ce murmure, les appelle, les exhorte à franchir le seuil et plonger dans l'inconnu.
« Toi d'abord. » Marmonne-t-il, les dents serrées, sans quitter Fredrikke des yeux.


all your faith, all your rage, all your pain, it ain't over now /// it's the cruel beast that you feed, it's your burning, yearning, need to bleed through the spillways of your soul.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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« Respire. » Un nouveau haut-le-cœur le soulève et l’oblige à se pencher vers la cuvette. « Ça ira, Fredrikke. Je suis là. » Il la sent à ses côtés. Elle s’est enroulée autour de son bras tatoué, peau glaciale contre peau brûlante. Il se concentre sur cette présence, évoquant des souvenirs doux, à lesquels il ne devrait pas vouloir accéder ; Ashes, sous sa forme de koala, sur son torse ; Ashes, qui rigole avec lui dans son appartement ; Ashes, en tant que serpent, qui le soutient après qu’il ait retrouvé la mémoire. Il ne devrait pas y songer, non, parce qu’avoir besoin d’un soutient, c’est digne de l’autre, pas de lui ; sauf que l’autre, même s’il était trop doux, c’est aussi lui.

Le tireur d’élite se redresse, passant un tissu humide contre ses tempes. Les derniers mois se sont écoulés lentement. Il a cherché son équilibre sur une balance qui ne savait que mesurer trop ou pas assez. La culpabilité, même si moins accaparante qu’au cours de son amnésie, n’est jamais totalement partie. Elle continue d’errer trop fréquemment dans ses pensées, de faire battre son cœur plus rapidement que jadis. Derrière ces manifestations de plus d’une année écoulée sans souvenirs, il y aussi toutes celles qui lui sont revenues ; les années constituées de cris, de supplices, de sanglots, de passions malsaines et de rires tordus. Elles ne l’enthousiasment plus. Elles ne le plongent pas dans la dévastation, dans une prostration ou une passivité liée aux remords ; il se situe quelque part entre les deux, dans une terre inconnue, sur laquelle il n’a jamais avancée. Mais l’écoeurement, face aux actes de son passé, jaillit trop souvent. Et c’est à cause de cet écoeurement qu’il constate avec agacement ses huit minutes de retard, alors qu’il regarde sa montre. On lui a donné son affectation et son ordre de mission la veille : accompagner Ozymandias dans une brèche. Il a accepté sans sourciller, sans serrer les lèvres, sans protester. Un simple hochement de tête, qui ne trahissait rien des émotions qu’il maîtrisait.

Ou qu’il ne maîtrise pas du tout, au vu de sa réaction quelques minutes avant son départ. Il s’apprêtait à franchir la porte de son appartement pour atteindre le lieu du rendez-vous ; il n’a même pas eu le temps de toucher la poignée. Penser à Ozymandias, qu’il devait rejoindre, a aussitôt éveillé tout le reste, dans un joyeux bordel. Ce qu’il lui a infligé, de son point de vue, mais aussi celui de l’archéomage, à travers le souvenir transmis dans son bureau. Sa détresse, sa propre jouissance, sa peur, versus son excitation. Il ne l’a pas revu, depuis ce fameux jour au musée. Mais cet instant, superposé à l’autre, désormais tout aussi net dans sa mémoire, a provoqué une nausée intolérable. Comme deux choses qui tournoient ensemble, ne devraient pas s’assembler, mais persistent à tenter de se lier. Il ne peut plus songer à Ozymandias sans ressentir, dans sa chair comme dans sa conscience éveillée, une brûlante culpabilité.

Il y songe alors qu’il transplane finalement, avec environ dix minutes de retard. Il n’a pas mis de veste, il a besoin de sentir la piqûre froide de l’hiver qui débute, tant pour chasser d’éventuelles nausées que pour s’ancrer dans une réalité qui est trop tachée de fantômes. Ashes n’a pas quitté son bras ; sa tête repose paisiblement sur son épaule, alors qu’il arrive à proximité du lieu où il doit rejoindre Ozymandias. Il l’apperçoit plus loin ; son cœur recommence à battre trop fort, sa peau déjà blême achève de perdre toutes ses couleurs. Une réaction de faible. Il déteste cet héritage de couard hérité de tous ces mois passés à se soucier des autres. Et en même temps, il s’haï d’éprouver un tel mépris.  

Il ne sourit pas, alors qu’il parvient finalement à la hauteur de son cousin par alliance. Il l’observe en silence, un silence trop bavard, où ses yeux d’un bleu doux glissent sur la panthère aux babines frémissantes, qui grogne tout bas. Il a perçu son mouvement de recul, juste avant son arrivée, lorsqu’il l’a vu. Le geste ne lui a fait éprouver aucune satisfaction, aucune jouissance, rien de positif. Un seul sentiment a jailli, devant cette manifestation claire d’un traumatisme : la tristesse. Lourde, glaciale, encombrante. Elle luit encore dans l’océan de son regard, avant qu’il en efface les traces. Il se remémore leurs dernières lettres échangées, plus tôt en septembre. Je verrai bien si jamais je me décide à ouvrir un jour ce pot. Je suis pas certain de vouloir quoi que ce soit qui vienne de toi. Des mots clairs, précis, mérités. Il lui a offert la seule chose qu’il pouvait lui offrir, en lui envoyant cette pommade. C’était insuffisant. Ce le sera toujours. Il devrait s’en foutre ; il ne s’en fout pas. Et Ashes le sent, que ses émotions s’enflamment plus qu’il ne le voudrait. Elle resserre ses anneaux contre son bras, tandis qu’il salue l’archéomage d’un simple signe de tête. Le mieux, c’est probablement qu’ils ne bavardent pas. Qu’ils fassent leur mission, sans interagir, et qu’ils retournent dans leur vie respective comme si leurs réalités ne s’étaient pas de nouveau heurtées, en cette journée de novembre. « Toi d'abord. » Un rictus se peint sur les lèvres du tireur d’élite. Amer. La nausée est toujours là, trop proche ; il lui suffit d’observer trop longuement Ozymandias pour que les souvenirs noient son esprit déjà perturbé. Il les repousse, nausées et souvenirs, dans un ricanement qui sonne faux : « Bonjour à toi aussi. » Personne, à l’époque où il agissait avec indifférence, ne lui avait dit que les remords goûtent à ce point la bile. Son ricanement s’éteint et lentement, il extirpe sa baguette de son étui : il est venu pour protéger l’archéomage dans la brèche, après tout. Il contrôle néanmoins, avec autant d’exactitude qu’il calculait autrefois comment faire mal à quelqu’un, son geste. La baguette est retirée de son fourreau à la verticale, en pointant toujours le sol. Pour qu’Ozymandias, dans la mesure du possible, ou plutôt de l’impossible, vive cette situation d'une façon peu douloureuse.

Et sans plus attendre, l’homme franchit la brèche. Il n’aime pas les traverser ; ces lieux lui rappellent trop le bordel dans sa propre tête. Lorsque ses yeux s’adaptent enfin au nouveau paysage et reconnaissent les différentes formes, il retient un frisson. Ozymandias parvient de son côté au même moment, alors que sa main se resserre contre sa baguette à la vision des tombes. « Le plan c’est que je te laisse fouiller, tout en guettant tes arrières, c’est bien ça ? Pas besoin d’être très proches l’un de l’autre, du coup. T’as qu’à faire ce que t’es venu faire, je vais surveiller. » Il ne rajoute pas un tu peux compter sur moi, même s’il le songe avec une sincérité qui fait blanchir ses jointures. Il ne pourra jamais dire une telle phrase à Ozymandias.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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cittàgazze - novembre 2023
@Fredrikke Mørk

Il est… pâle. Terriblement pâle. Presque plus que lui, c’est dire. Il a l’air à deux doigts de vomir. Un éclat de colère illumine brièvement les yeux sombres de l’archéomage, éclair furtif sur ciel d’orage. Si sa simple vue le dégoûte à ce point, il aurait pu faire l’effort de trouver une excuse pour décliner la mission et leur éviter à tous les deux cette situation particulièrement inconfortable. Mais non, évidemment, il est venu quand même. Évidemment, il lui impose encore sa présence.
« Bonjour à toi aussi. » Rictus sarcastique au coin des lèvres, Fredrikke s’avance vers lui. Sa voix fait courir un frisson désagréable le long de sa colonne vertébrale, plus mordant encore que la brise froide qui souffle sur eux. Il ne répond rien. Pourquoi est-ce qu’il saluerait quelqu’un qu’il n’a pas envie de voir ?
Il ne peut pas s’empêcher de se tendre, le cœur battant douloureusement contre ses côtes, lorsque le tireur d’élite sort sa baguette de son étui. Andromaque suit du regard le moindre de ses mouvements, grognant plus fort, pupilles dilatées alternant entre l’homme et le serpent enroulé autour de son bras.

Il le regarde disparaître à travers la fente lumineuse avec l’espoir inavoué qu’elle se referme derrière lui, qu’elle l’emporte au loin, lui et toute la douleur qui glisse dans son sillage comme une ombre.
Il traverse la brèche à son tour, lentement, prudemment, Andromaque flanquée à ses côtés. Le bourdonnement s'intensifie jusqu'à envahir complètement son esprit, comme s’il venait de l'intérieur de lui plutôt que tout autour. La lumière se referme sur lui, noyé dans les rayons irisés il ferme les yeux. Il a l’impression de sentir quelque chose pénétrer dans sa poitrine et tirer sur un fil invisible, juste sous son plexus solaire.

Lorsqu’il rouvre les yeux, le paysage a changé. Une brise glacée porte jusqu’à lui des odeurs d’embruns et de résine de sapin et pousse des montagnes de nuages gris à l’horizon. Et devant eux, dévorés par la végétation, se dressent des monuments funéraires épars. Chapelle en ruine, caveaux au toit défoncé, pierres tombales recouvertes de mousse et statues effondrées affleurent dans l’océan des hautes herbes comme autant de récifs abandonnés aux affres du temps.
Ozymandias déglutit silencieusement. Il n’a vu que peu de choses de cet endroit, de cet autre monde, quel qu’il soit. Et pourtant, il ne peut s’empêcher de trouver qu’il s’en dégage une étrange mélancolie, un vide menaçant.
« Le plan c’est que je te laisse fouiller, tout en guettant tes arrières, c’est bien ça ? Pas besoin d’être très proches l’un de l’autre, du coup. T’as qu’à faire ce que t’es venu faire, je vais surveiller. »
L’archéomage frissonne à nouveau. Pour toute réponse, il hoche la tête. Qui a-t-il de plus à dire ? Il n’a pas envie de s’attarder, encore moins de lui faire la conversation. Il s’éloigne sans vraiment regarder où il va, gardant toujours un œil méfiant sur son ‘protecteur’. Les feuilles mortes et les aiguilles de pin craquent à chacun de ses pas hésitants. Soudain, un craquement plus fort que les autres retentit, une secousse lui fait perdre l’équilibre. Et le sol s’ouvre sous ses pieds.

Résultat du lancer de dé:
Fredrikke Mørk
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Il n’aime pas traverser des brèches. S’il le peut, il s’arrange pour esquiver les missions qui le conduisent ici. Il ne saurait pas dire exactement pourquoi. L’ambiance étrange et les lieux lui semblent trop déséquilibrés et il redoute tout ce qui peut l’entraîner loin d’un équilibre qu’il n’est toujours pas parvenu à atteindre.

L’homme qu’il accompagne hoche la tête, sans rien dire, probablement tout aussi pressé que lui d’en finir. La mâchoire du tireur d’élite se contracte, alors que ses yeux parcourent les environs, pour un repérage visuel plus approfondi. Ruines, pierres tombales, vie verte abandonnée en terrain hostile. De mémoire, et elle n’est pas complète, il n’a jamais aimé les cimetières. Il les évitait autant qu’il le pouvait, méprisant le don des Hemskökt. Danger. C’est le mot qui a toujours rimé pour lui avec ce genre d’endroit. Il ne sait pas pourquoi. Ou plutôt, il ne le sait plus. Les raisons de cette crainte, de ce dégoût et ce recul instinctif, sont camouflées avec le reste de ses souvenirs, qui ne sont pas pressés de revenir. Il a l’habitude, de toute façon, de surmonter ce type de malaise ; il l’écarte mentalement avec agressivité, en s’insultant sans nuance, resserrant ses doigts contre sa baguette.

Autour de lui, tout est calme. Aucun signe de présence inhabituelle – s’il fait abstraction du fait que tout est inhabituel, ici. Il emboîte le pas à celui qu'il doit protéger, en conservant entre eux une distance qu'il juge raisonnable, tant pour intervenir que pour ne pas lui imposer sa proximité. Il guette les sons et les environs, aux aguets. Le froid pique doucement sa peau, sans redonner des couleurs à ses joues. Elles se teintent néanmoins d’un coup sous l’adrénaline, lorsqu’un craquement retentit. Ses yeux durcissent, son cœur s’affole.

Le sol s’ouvre sous les pieds de l’archéomage, Trop rapidement pour lui permettre d’intervenir. « Ozymandias ! » Le cri est celui d’un gosse effrayé.  Et c’est ce qu’il est, pendant une infime seconde. Cette seconde où l’homme qu’il est censé protéger chute, cette seconde où il imagine le pire, cette seconde où l’inquiétude serre tellement sa machoîre qu’elle en devient presque douloureuse. Sa gorge se serre, ses mains tremblent, sa bouche s’assèche. Il se précipite vers le trou qui s’est formé, en s’efforçant de reprendre le contrôle ; il est un foutu tireur d’élite, il est Fredrikke Mørk, pas un enfant. Il a déjà vu mourir des collègues, dans le passé. Ça ne l’a jamais embêté, ça l’a parfois même fait marrer. Mais il sent avec intensité que tout est différent, maintenant. L’idée qu’il ait pu arriver quelque chose à cet homme, celui-là en particulier, qui a trop souffert déjà sous sa main, lui est complètement intolérable. Il s’arrête à un mètre de la circonférence du trou ; baguette levée, il lance un premier sort pour stabiliser le sol et s’assurer qu’il peut avancer sans que tout s’effondre sous ses pieds. Prudemment, il s’avance. Ses mains se sont calmées, mais le nœud dans son cœur ne s’est pas dénoué. Ses yeux scrutent les profondeurs du trou, qu’il éclaire d’un lumos, jusqu’à ce qu’il repère une forme plus bas de plusieurs mètres, accrochée à la paroi. Il jure de soulagement, tout en tâchant de voir mieux. « Bordel Mørk, t’aurais pu trouver un moyen plus simple pour me fuir. » La réplique lui échappe, grognement nerveux entre des dents trop serrées. Saigne-t-il ? À cette distance, il n’est pas en mesure de le déterminer. Mais il vit, c’est tout ce qui importe.

En théorie.

En pratique, pendant un minuscule moment, qui dure à peine trois ou quatre secondes, il imagine tout ce qu’il aurait fait dans le passé, dans une situation semblable. Comment il en aurait profité et ce qu’il aurait inventé. Il aurait pu brûler ses doigts, un à un, et voir à quel moment il aurait lâché prise…Ashes, toujours contre ses bras, resserre ses anneaux contre sa peau. Il frisonne, alors que la nausée le reprend avec plus de violence que précédemment. Dégoût. De lui-même. C’est lui qui devrait être dans ce foutu trou, pas Ozymandias. Sa baguette pointe l’homme en contrebas et il lance un sort de locomotion informulé ; le bois d’orme grésille, sans ramener vers lui l’archéomage. Il se crispe, avant de répéter le même sort à voix haute : le résultat est tout aussi inexistant. Combien de secondes se sont écoulées ? Dix ? C’est déjà trop. Il passe aussitôt au plan suivant, sans chercher à s’expliquer le phénomène. D’un nouveau sort, en espérant qu’il fonctionne, Fredrikke fait apparaître une longue corde épaisse et translucide. L’une des extrémités descend s’enrouler autour d’Ozymandias, tandis que la seconde s’enroule autour de deux tombes, qui lui semblent plutôt solides. «  T’es blessé ? T’es en mesure de grimper jusqu’à moi ? Sinon, je descends te chercher. » C’est le seule option qui lui semble envisageable dans l’immédiat, à défaut de pouvoir le faire léviter jusqu’à lui. Hors de question de le hisser à la surface à l’aide de ses bras, s’il n’est pas en mesure d’escalader ; le corps de l’homme râperait contre les aspérités intérieures du trou. Cette idée, qui aurait été jouissante dans le passé, lui semble infiniment dégueulasse et douloureuse. Sa machoîre se resserre, ses muscles se serrent et pour ne pas perdre de temps, il entreprend immédiatement de faire apparaître une seconde corde, qui s’enroule aussi autour de pierre tombales, tandis que l’extrémité se noue autour de lui à la façon d'un harnais. Mission de merde, vraiment.
Ozymandias Mørk
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cittàgazze - novembre 2023
@Fredrikke Mørk

« Ozymandias ! » Il ne sait qui de son cousin ou de sa fylgia vient de hurler son nom. Il a la tête qui tourne et le cœur qui cogne douloureusement dans sa poitrine. Il entend des pas précipités au dessus de lui et les miaulements rauques affolés d’Andromaque qui, pour la première fois depuis son apparition, se retrouve incapable de protéger son sorcier.
« Bordel Mørk, t’aurais pu trouver un moyen plus simple pour me fuir. » Il aurait presque pu en rire. S’il n’était pas présentement en train de se balancer dangereusement au-dessus du vide. Il entend Fredrikke essayer de lancer un sort de locomotion. Une fois, deux fois. Rien. Évidemment, il fallait que ça arrive maintenant. Iels avaient eu de la chance lors de leur précédente expédition dans une brèche, iels n’avaient rencontré aucune menace, aucun souci. Il aurait dû se méfier.
La corde translucide qui glisse jusqu’à lui et s’enroule autour de ses hanches comme un serpent lui arrache un frisson de dégoût. Il s’y accroche néanmoins avec toute la force de ses bras fatigués.
« T’es blessé ? T’es en mesure de grimper jusqu’à moi ? Sinon, je descends te chercher. »
Il n’aurait jamais cru qu’un jour la perspective que Fredrikke vienne le chercher puisse le rassurer. Il a toujours un doute, d’ailleurs. Est-ce que ce ne serait pas plus simple d’aller s’écraser au fond du gouffre, finalement ? Non ?
« Je me suis pris une pierre. » Grogne l’archéomage en relevant la tête vers le haut de la cavité, où il aperçoit la silhouette de sa fylgia qui ne cesse de faire des allers-retour paniqués au bord, incapable de l’atteindre.
Au vu de la sensation poisseuse et humide qu’il sent couler le long de sa pommette gauche, jusque dans son cou, il n’a pas de doute sur le fait qu’il saigne. Et pas qu’un peu. Étrangement, il n’a pas vraiment mal, pour l’instant. Il est trop concentré sur le fait de s’accrocher au lierre de toutes ses forces, d’empêcher ses muscles tendus jusqu’à la rupture de lâcher prise.
Agrippé à la corde d’une main et au lierre de l’autre, il parvient difficilement à remonter d’un bon mètre. Avant de réaliser que la plante à laquelle il doit son salut s’arrête là.
« J’ai plus aucune prise. » Il lâche un juron entre ses dents, les mâchoires douloureusement serrées par l’effort.


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Fredrikke Mørk
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La fylgia de l'homme de l'archéomage est agitée. C'est compréhensible, mais ça l'agace. Il essaie de ne pas se laisser déconcentrer par ses allers-retours, tandis qu'il lance de nouveaux sorts sur les cordes et les pierres tombales, pour mettre en place un système plus adapté à la descente et à la montée qu’il s’apprête à faire. « Je me suis pris une pierre. » La machoîre du tireur d’élite, déjà énormément crispée, se serre davantage. L’adrénaline glisse dans ses veines et contracte ses muscles. La vipère délaisse son bras et rejoint le sol, en prenant la forme du koala. Presque timidement, la fylgia s’approche d’Andromaque. Ashes ne se risque pas à lui dire quoi que ce soit, mais il ressent que si lui s’inquiète pour Ozymandias, elle s’inquiète pour la panthère.

Il les ignore tous les deux, achevant de vérifier la solidité de son harnais de fortune. Du bruit en contrebas lui signale que l'homme essaie de grimper : il voit sa silhouette parcourir un mètre, puis s'arrêter. Un éclat rubis, trop abondant, semble luire sur sa peau. « J’ai plus aucune prise. » Il jure en même temps que l’archéomage, sur qui il lance un nouveau sort, sans songer à le prévenir : la corde enroulée autour de lui s’étire et se sépare, de façon à l’entourer lui aussi d’un harnais. « J’arrive, bouge plus. Si t’es blessé, vaut mieux que tu ne forces pas trop. » Il n’est pas un expert en escalade ; il connaît vaguement quelques principes, sans plus. En situation de danger, il s’est toujours démerdé à sa façon. Une technique douteuse, mais fonctionnelle. Il lance un dernier sort sur la paroi du trou ; des aspérités apparaissent, circulaires, minuscules prises qui sont supposées l’aider à remonter. Il n’attend pas davantage, n’hésite pas, n’essaie pas de trouver un meilleur plan : le seul qui convienne, c’est de sortir Ozymandias le plus vite possible de là.

Il se faufile à l’intérieur du trou, descendant aisément en rappel jusqu’à son cousin. Ses yeux glissent sur le sang qui coule jusqu'à son cou et pendant une brève seconde, ses iris s’assombrissent. Vieux instincts, vieille envie, qui provoque une vive nausée aussitôt qu’elle est éveillée : il se mord la joue pour se concentrer sur la remontée à effectuer. « J’ai peur que tu râcles contre la pierre, si j’essaie de te hisser vers le haut, et je connais pas les techniques de secours en rappel. Faudrait que tu montes sur mon dos et que tu t’accroches à mon cou. Le harnais que tu portes devrait absorber une partie de ton poids, pour le reste, je peux gérer. » C’est un plan merdique et des experts de la brigade de sauvetage en situations critiques remettraient très certainement en question sa tactique. Mais il n’a jamais été un expert en sauvetage ; c’est plutôt l’inverse, même. Pendant une brève seconde, il tend la main vers l’archéomage, comme pour l’aider à se positionner. Il cesse son geste à mi-chemin, la machoîre serrée : « Je te toucherai pas sans ton consentement Ozymandias. » Même dans un moment comme celui-ci. Il ne rajoutera pas un traumatisme à un autre. Un rictus s’étire néanmoins sur ses lèvres, alors qu’il rajoute : « Mais ça m’arrangerait si tu me le donnais rapidement, parce qu’il est hors de question que je te laisse t’écraser dans ce trou. » Et qu’il ne sait pas précisément combien de temps ses sorts vont tenir, dans un tel lieu.
Ozymandias Mørk
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@Fredrikke Mørk

Andromaque sursaute en voyant du coin de l'œil le koala de Fredrikke s’approcher d’elle. Elle lui adresse un grognement peu engageant, mais son attention se reporte immédiatement sur Ozymandias. Il essaye toujours de regagner la surface, sans succès, malgré les cordes ensorcelées qui s’accrochent à lui.
« J’arrive, bouge plus. Si t’es blessé, vaut mieux que tu ne forces pas trop. »
Enfin une solution sensée, pense-t-elle, tout en le regardant descendre en rappel jusqu’au niveau de son sorcier.
« J’ai peur que tu râcles contre la pierre, si j’essaie de te hisser vers le haut, et je connais pas les techniques de secours en rappel. Faudrait que tu montes sur mon dos et que tu t’accroches à mon cou. Le harnais que tu portes devrait absorber une partie de ton poids, pour le reste, je peux gérer. »
Un éclair de panique illumine brièvement ses yeux. La perspective de la douleur mordante de sa peau déchirée par les aspérités rocheuses ne lui semble soudain pas si terrible, comparé à l’alternative.
« Je te toucherai pas sans ton consentement Ozymandias, continue le tireur d’élite. Mais ça m’arrangerait si tu me le donnais rapidement, parce qu’il est hors de question que je te laisse t’écraser dans ce trou. »
Il se fige, malgré lui, incapable de faire quoi que ce soit d’autre que de fixer avec effarement la main qu’il lui tend. Et s’il en profitait pour le laisser tomber ? Pour le jeter dans le vide ? Des souvenirs et des sensations se superposent à sa vision et sa vue se brouille.
« Ozymandias, gronde la panthère, le ramenant brusquement à la réalité, laisse-le faire, c’est la seule solution. » Elle n’aime pas plus que lui l’idée que Fredrikke s’approche de son sorcier, encore moins qu’il le touche. Mais l’archéomage ne parviendra pas à sortir de là tout seul, c’est un fait. Et s’il venait à perdre connaissance à cause de sa blessure, les cordes ne suffiraient pas à le retenir.
« Très bien. » Il finit par s’avouer vaincu, malgré la peur qui lui noue les entrailles.
Les dents serrées, Ozymandias saisit la main tendue pour se positionner correctement. Ses doigts tremblants agrippent les épaules de son cousin avec l’énergie du désespoir, alors que son torse vient s’écraser contre son dos. Il a l’impression que son cœur va lui remonter dans la gorge à force de battre si fort. Chaque parcelle de son corps qui touche le sien le brûle comme s’il étreignait des braises. Il ne sait pas ce qu’il craint le plus entre la présence de Fredrikke aussi proche de lui et l’abîme qui s’ouvre sous ses pieds, prêt à l'engloutir.


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Fredrikke Mørk
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Il voit ses yeux qui fixent avec effarement sa main. Il peut presque deviner ses pensées, ses craintes, ses récalcitrances. L’abandonnerait-il ici, s’il n’était pas en mesure de la toucher, même pour sauver sa vie ? Non. Mais la situation serait très compliquée. Il ne sait pas encore où se positionner, n’ayant pas été confronté jusqu’à maintenant à ce genre de moment. Comment respecter les limites de l’autre, tout en préservant son existence ? Il n’avait pas ce genre de dilemme, avant. Il l’aurait laissé crever, tout simplement. Il aurait ensuite feint d’avoir tout tenté pour le sauver. Maintenant, cette possibilité le dégoûte.   « Ozymandias, laisse-le faire, c’est la seule solution. » Ashes, toujours en haut, ne prend pas la parole, mais il sent qu’elle approuve le discours de la panthère. Il aimerait que l’archéomage se décide rapidement : il n’a pas confiance en cet endroit et son effet sur sa magie. « Très bien. » Il peut sentir combien accepter sa proposition lui coûte. Il aurait voulu éloigner de lui cette épreuve, mais il ne le peut pas. Et son impuissance se manifeste dans ses yeux bleutés, éclairés brièvement d’une lueur triste. Ozymandias est sur le point de se confronter à un contact qu’il abhorre, et il ne peut pas lui épargner cette difficulté. Tout ce qu’il peut faire, c’est le sortir de ce foutu trou.

L'homme saisit sa main pour se positionner,  ses doigts s'agrippant à ses épaules. Il peut les sentir trembler contre ses deltoïdes. Ses dents se serrent, son cœur s’agite. Avant la dernière année, il n’avait pas l’habitude de se détester. Pas de remords, pas de regrets. Maintenant…Ce qu’il éprouve envers lui-même en cet instant, où il sent contre son corps les conséquences de ses actes, est pire que du mépris. « Je suis sincèrement désolé que tu aies à supporter une telle proximité. » Ses dents ne se sont pas desserrées. Un désolé, ça ne vaut rien, et le mot lui brûle les lèvres tant il y est peu habitué. Il ne peut rien faire de plus. Le seul moyen d’aider l’archéomage et de briser ce contact indésirable, c’est de le ramener vers le haut. « Je ne t’abandonnerai pas Ozymandias. Tu vas atteindre cette foutue surface. » Il s’y emploie aussitôt ; ses muscles se bandent, alors qu’il entreprend son ascension. Le poids du corps de l’archéomage, combiné au sien, ne lui facilite pas la tâche. La grimpe, ce n’est pas son truc. Ses mains s’accrochent difficilement aux aspérités qu’il a fait apparaître sur la paroi ; sans les cordes, il serait déjà tombé. Il persévère. C’est plus facile de vouloir enlever une vie que d’en sauver une. Et celle-là, il est hors de question qu’il l’abandonne. La simple perspective d’échouer est révoltante. Pas pour lui, mais pour Ozymandias. Il a déjà affronté trop de choses, à cause de lui.

Son torse frôle de trop près la paroi du trou. Il s’en fout. Il continue de monter, lentement, la machoîre contractée, tous les sens en alerte. Il est parvenu à un mètre de la surface, lorsqu’il sent que la tension du harnais s’allège. Comme si, graduellement, la corde perdait sa puissance. À quelques centimètres au-dessus de lui, là où il allait tenter de se hisser, l’aspérité qu’il avait créée précédemment pour avoir des prises disparaît. Il en sourirait presque, tellement le timing est mauvais. Il espère qu’Ozymandias n’a rien remarqué ; il craint que la nervosité l’empêcherait de bouger. Son ton se fait neutre, presque léger, alors qu’il lance : « On est quasi arrivé…T’es trop lourd pour que je me hisse. Passe d’abord. T’as qu’à mettre tes pieds sur mes épaules, ça devrait te permettre de combler le reste de la distance. » Ainsi, il sera sauf. C’est son seul objectif, en cet instant. Pour le reste, il avisera.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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cittàgazze - novembre 2023
@Fredrikke Mørk

« Je suis sincèrement désolé que tu aies à supporter une telle proximité. »
Fredrikke a les dents serrées, il peut l’entendre à la façon dont il prononce ces mots. À cause de l’effort, ou parce que ça lui coûte de s’excuser, il n’en sait rien et ça lui est égal, présentement.
« Je ne t’abandonnerai pas Ozymandias. Tu vas atteindre cette foutue surface. »
Il est content que son cousin soit dos à lui et qu'il ne puisse voir la surprise qui se peint sur son visage. Je ne t’abandonnerai pas. Des mots qu'il n'aurait jamais pensé entendre venant de lui. Pourquoi s'acharne-t-il autant à le maintenir en vie maintenant ? Il n’a aucun doute sur le fait que Fredrikke l’aurait tué s'il avait pu, ce soir-là, dans son appartement.
La colère explose à nouveau dans sa poitrine, répand sa brûlure acide dans ses veines alors qu'il resserre inconsciemment sa prise sur ses épaules, enfonçant ses ongles dans le tissu fin de sa chemise.
« On est quasi arrivé… T’es trop lourd pour que je me hisse. Passe d’abord. T’as qu’à mettre tes pieds sur mes épaules, ça devrait te permettre de combler le reste de la distance. »
Les cordes qui les retiennent tous les deux faiblissent rapidement, son corps pèse de plus en plus contre celui de Fredrikke. Rassemblant le peu de forces qu'il lui reste, Ozymandias se hisse tant bien que mal par-dessus les épaules du tireur d’élite. Les quelques centimètres qui le séparent encore de la surface lui semblent si loin... Et puis, enfin, il aperçoit sa fylgia penchée au-dessus de lui, il sent ses crocs agripper sa veste.
La terre ferme à peine atteinte, il rampe précipitamment à l'écart du trou, immédiatement rejoint par Andromaque. Le souffle court, il demeure ainsi de longues secondes, à fixer l'abîme ouvert devant lui. Et soudain, la réalisation le frappe.
Il pourrait le laisser là. Il pourrait le pousser, débarrasser le monde une fois pour toute de sa noirceur, de la douleur qu'il sème dans les cœurs de toustes celleux qui croisent sa route. Ce serait si facile. Il est si vulnérable, à cet instant.
Est-ce que ça le soulagerait ? De savoir qu'il ne risquerait plus de le croiser, qu'il n'aurait plus à craindre de souffrir par sa main, de lui rendre au centuple toute la violence et la haine qu'il leur a infligées, à lui et à toustes les autres.
Il croise le regard d’Andromaque, et il sent qu'elle devine à quoi il pense. Aurait-il le courage de vivre avec le fait d’avoir éteint une vie, avec ce secret sur la conscience ? Est-ce que ça le rongerait de l'intérieur ? Comme la honte et la culpabilité qui lui dévorent encore le cœur, deux ans après.
Alfhild ne s’en remettrait probablement pas. Il ne connaît pas la profondeur de sa relation avec son frère, mais il la connaît assez pour savoir comment elle fonctionne. Une vie reste une vie, même lorsque peu de monde en regretterait la disparition.

Non. J'ai pas envie d'être comme lui.

Encore tremblant, il se penche au-dessus du trou, terrifié par ses propres pensées, par ce que Fredrikke pourrait lire au fond de ses yeux qui ont tourné au gris orageux et, le cœur battant, il tend la main vers lui.


all your faith, all your rage, all your pain, it ain't over now /// it's the cruel beast that you feed, it's your burning, yearning, need to bleed through the spillways of your soul.
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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Ses doigts resserrent fermement leur prise, ses pieds s’ancrent là où ils le peuvent. Ses muscles se bandent davantage, alors que l’homme se hisse au-dessus de ses épaules. Ses membres, malgré leur force, tremblent. La tension de la corde est de plus en plus lâche, annonciatrice de la suite. Foutu endroit, vraiment. Des éclats de douleur percent là où le poids de l’homme sur ses épaules se fait sentir, brièvement. Il serre la machoîre, ses veines saillant sur ses avant-bras. Ashes attend, sans impatience, sans un mot, sans lui faire ressentir la moindre émotion. Elle est parvenue à les faire taire, pour lui laisser sa concentration. Une seconde file, puis une deuxième, avant que l’homme ne se hisse définitivement à la surface et qu’il soit libéré de sa charge.  

La charge physique, seulement.

Parce qu’il sent à cet instant que le poids de son corps sur le sien n’était pas celui qui pesait le plus lourd ; les regrets, ceux auxquels il ne veut pas s’attarder, le sont bien davantage. Il était hors de question qu’Ozymandias crève dans ce trou. Quant à lui…Il n’a pas non plus particulièrement envie d’y rester. Et l’instinct prend toute la place à cet instant où la corde fait désormais sentir toute son inutilité, comme si elle avait été décrochée des pierres. Sa magie, normalement satisfaisante, le soutient mal dans ce lieu. C’est exécrable, mais il n’a pas le temps de s’y attarder. Ses ongles s’enfoncent presque dans les aspérités, seules prises, tandis que son corps se plaque plus étroitement contre la paroi rocheuse. Il est près du but, excessivement près, mais le haut du trou ne lui laisse aussi possibilité de s’accrocher. Il ne reste donc qu’une option : l’archéomage.

Les secondes s’allongent, les bras s’agitent de plus en plus sous les saubresaults, les dents s’enfoncent dans la chair de la joue, dans la lutte pour maintenir sa position. Il n’appelle pas Ozymandias, n’implore pas l’aide dont il a besoin. Orgueil, certainement, mais pas principalement. Il ne veut pas lui imposer un choix : celui de décider ou non de l’aider. Sans appel, l’archéomage peut continuer de se leurrer et croire qu’il peut se démerder seul. Sans appel, si quelque chose arrive, il pourrait vivre sans culpabilité.

Il envisage de prendre sa baguette, mais le geste lui semble risqué. Avec une seule main…À moins d’agir vite, la chute est probable. C’est pourtant la seule option qui lui reste, et il est sur le point de relâcher l’une de ses prises, lorsque le visage de son cousin par alliance apparaît au-dessus du trou. Il voit le sang toujours sur son cou, et ses yeux, qui lui semblent si parlants. Un gris orageux, de ce gris de l'âme hésitante, qui ne sait de quel côté pencher. Il ne tergiverse pas à l’analyser, attrapant la main tendue, et qui pourrait à tout instant disparaître. La force de celui qui le hisse l’aide à parcourir la courte distance restante, sa main libre se posant sur le rebord du trou, tandis que l’autre lâche celle de l’archéomage. Le reste du corps suit le mouvement, et il se laisse tomber, assis, proche du bord. Les bras brûlent, les jambes fourmillent, la chemise est déchirée à de nombreux endroits, là où le tissu a trop frotté contre la paroi. Il ne perd pas de temps à analyser son état, il lève plutôt les yeux vers l’archéomage : «  Tu aurais eu le droit de me laisser là. » Une simple constatation. La voix est neutre et laconique, la gorge est sèche. Les iris détaillent avec trop de douceur la tête de l'homme et sa pommette gauche, teinté de rouge. Blessé. Et effrayé, probablement. De la situation, de lui. Sa langue passe sur ses lèvres pour les humidifier, avant qu’il ne se redresse, plus laborieusement qu’à l’accoutumée. Ashes, qui a repris sa forme de serpent, s’enroule autour de sa jambe. Il extirpe sa baguette de son étui, la pointant vers le sol, avant de pointer les blessures de l’archéomage du menton : « Me laisseras-tu te soigner ? » Il n’est pas un expert en soins, mais il connaît tout de même les techniques de base. Et tout le reste lui semble bien moins prioritaire.
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