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Le passé n'est pas obligé de faire mal (Ozy)
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Angelo Borghese
Angelo Borghese
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
La plume tapote nerveusement le parchemin rude, sur lequel je n’écris pas. Une vieille manie, de la tenir dans ma main, même si ce n’est pas moi qui la contrôle. Elle rédige seule, sous ma dictée ou celle des autres, lorsque je lui demande. Si je me suis habitué à l’utiliser, je me suis moins adapté à ne pas pouvoir me relire. Ça m’agace toujours autant, de devoir me fier aux yeux d’autrui et à la magie, pour quelque chose d’aussi précieux que des écrits. Mes notes de la journée sont terminées depuis une dizaine de minutes et Hope m’a bien confirmé que toutes les phrases sont exactes, mais quelque chose me dérange, sans que je ne sache bien pourquoi. Est-ce à cause de ce qui s’est passé aujourd’hui dans la rue… ? Peut-être, mais ce n’était pas si inhabituel. Alors quoi… ? Je ne parviens pas à mettre le doigt dessus et j’aurais besoin de voir tous les mots sous mes yeux, pour pouvoir faire des connexions, des liens, une analyse, et comprendre ce qui m’embête dans ce qu’on m’a raconté aujourd’hui. Une belle utopie : je ne peux me fier qu’à ma mémoire et à cette stupide relecture.

J’inspire pour endiguer mon irritation, tout en reposant la plume sur le bureau. Tant pis, j’y réfléchirai cette nuit. Je glisse mon index sur les points bombés qui forment un cercle autour du cadran de ma montre. Dix-neuf heures. Mon rendez-vous devrait arriver bientôt. Je me lève, renfilant un pull blanc par-dessus ma chemise, avant d’effleurer ma pile de parchemins vierges. J’en prends un que, je roule et place dans ma poche, avec l’une de mes plumes préférées. J’ignore encore si je vais prendre des notes ou non ; j’aime bien quand ce type de rencontres se fait hors du cadre officiel et le gratouillement de la pointe contre le papier est un son qui peut être anxiogène pour certaines personnes.

La porte s’ouvre, sans que personne n’ait cogné. Mon employé favori sait qu’il n’a pas besoin de le faire ; je suis toujours ponctuel. Il introduit celui que je ne peux pas voir et je m’avance vers lui d’une démarche assurée, un sourire amical aux lèvres. Ici, je n’ai pas besoin de l’aide de ma fylgia pour me déplacer. Je connais chaque recoin de cette pièce plus ou moins cachée à l’arrière des comptoirs du café. Je sais où est l’âtre, dans lequel brûle un doux feu qui réchauffe la pierre froide lors des soirs d’hiver. Je sais où se trouve l’escalier en colimaçon, qui conduit à mon endroit préféré pour les entretiens ; une petite alcôve avec des coussins, proche d’une fenêtre, où je sens les rayons du soleil sur ma peau pendant l’après-midi. Ma sœur m’a aidé à décorer cet endroit, en me décrivant minutieusement chaque objet. Je le voulais chaleureux, convivial, attachant, comme une safe zone où on peut enlever sa veste en entrant et enfin s’autoriser à vivre ses sentiments.

Je tends la main là où j’ai deviné sa position par le son de sa respiration, comme si l’on se rencontrait pour bavarder, et non pour quelque chose de plus sérieux. « Ozymandias ? » Un prénom qui ne m’est pas inconnu. Quelqu’un sur qui je peux mettre un visage, même s’il me semble qu’on ne s’est plus jamais croisé, depuis l’école. La fin de la scolarité met souvent un terme à ces moments où l’on apperçoit souvent la même personne au détour d’un couloir, sans trop lui parler, dans une familiarité réconfortante sans implication. « Angelo. On a partagé quelques cours en commun je crois, à une lointaine époque. » J’abaisse ma main, tendant le bras pour indiquer les différents emplacements disponibles dans la pièce : « Tu veux un café ou un thé ? Tu peux t’installer là où tu crois être le plus à l’aise. Évite seulement le canapé, Boo passe son temps dessus et tu sortirais d’ici couvert de poils. » Comme s’il avait compris que je parlais de lui, le dit chat miaule en guise de protestation, à proximité de nous. Pressé, visiblement, de découvrir celui que j’ai introduit dans son antre.La porte n’a pas claqué ; je sais que le serveur est toujours là, en attente de la commande, et qu’il ne partira que lorsqu’elle sera donnée.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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flashback - novembre 2022
@Angelo Borghese

Le souffle court, Ozymandias pousse la porte d’entrée du petit café. Il n'est clairement pas à son aise. Si ça ne tenait qu'à lui, il ne serait sans doute jamais venu. Mais il a promis à Heid qu'il essayerait, et après tout le mal qu'elle s'est donné pour lui trouver quelqu'un qui répond à tous ses critères, il a finalement pris son courage à deux mains pour sauter le pas. Il a bien failli changer d’avis et faire demi tour plusieurs fois, mais sa fylgia ne l’a pas laissé défiler, à son grand désarroi. Et maintenant qu'il est entré dans le café, il est trop tard pour avoir des regrets.
Le tourbillon d’odeurs familières qui l’assaille le prend au dépourvu. Parmi les arômes de thé noir, d’agrumes et de café, il distingue à sa grande surprise des effluves d’herbe fraîche, de terre humide et de cire à bois. Et, plus déroutant encore… L’eau de Cologne d’Ásvaldr ? Et l’odeur de Magni ? Confus, il scrute la salle en s’attendant presque à les trouver assis à une table, mais il ne reconnaît aucun visage parmi les client.es.
Il arrive à peine à aligner deux mots lorsqu'on vient le chercher pour l’amener dans l'arrière-salle, il se contente de suivre la personne comme un zombie, une main s’accrochant nerveusement à l’encolure d’Andromaque. Sous sa forme de panthère des neiges, elle demeure collée à ses jambes comme une garde du corps.
« Ozymandias ? Angelo. On a partagé quelques cours en commun je crois, à une lointaine époque. »
Il acquiesce, presque timidement, et serre rapidement la main tendue. Il ne peut pas s’empêcher de scruter tous les recoins du cabinet officieux avec méfiance. L'endroit est étonnamment chaleureux, presque même plus que le reste du café. Il ne sait pas trop à quoi il s'attendait, c'est sa première fois chez un psychomage. Il n’a que de très vagues souvenirs de lui, mais Heid ne l'aurait pas envoyé ici si elle ne faisait pas confiance à Angelo.
« Tu veux un café ou un thé ? Tu peux t’installer là où tu crois être le plus à l’aise. Évite seulement le canapé, Boo passe son temps dessus et tu sortirais d’ici couvert de poils. »
Le miaulement qui accompagne les paroles du psychomage lui arrache son premier sourire de la journée. Il baisse les yeux vers le chat qui lui tourne autour avec curiosité, sans oser l’approcher, faisant le gros dos dès qu’Andromaque bouge. Adorable.
« Je veux bien un thé, souffle l’archéomage après un moment d’hésitation. Merci. » Il jette finalement son dévolu sur l’un des fauteuils situés non loin du canapé en question. Canapé sur lequel il aurait tout aussi bien pu s’installer, d’ailleurs, étant donné que Boo décide de sauter sur ses genoux à la seconde-même où il s’assoit.
« Et puis, merci d’avoir accepté de me recevoir. » Ajoute-t-il, la voix à peine plus haute qu’un murmure.


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Angelo Borghese
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« Je veux bien un thé. Merci. » J’hoche la tête dans un signe d’approbation, tout en la tournant machinalement vers la porte, où j’entends le serveur tapoter distraitement le sol. Une manie qu’il a et qui ne me déplaît pas ; je peux ainsi savoir précisément où il est et dans quel état. Il ne martèle mon plancher que lorsqu’il est nerveux et je me note mentalement de prendre de ses nouvelles tout à l’heure, quand j’aurai terminé avec ce rendez-vous. Il ne me donne pas de confirmation officielle qu’il a bien entendu la commande, mais je sais, en entendant la porte claquer doucement derrière lui, qu’il l’a bien prise en compte. Notre collaboration est plutôt bien rodée, et j’apprécie cette efficacité.

J’entends Ozymandias se déplacer jusqu’à l’un des fauteuils non loin du canapé et un léger miaulement m’indique que Boo a décidé que l’emplacement était parfait ; il s’est sûrement installé sur les genoux de l’homme que je n’ai pas vu – au sens littéral et figuré – depuis de très nombreuses années. « Et puis, merci d’avoir accepté de me recevoir. » J’hoche la tête, l’air de dire que ce n’est rien. Je ne refuse jamais ceux qui obtiennent mon prénom, qu’importe comment, et qui me demande un rendez-vous. Du moins, généralement. Certains anciens clients, qui m’ont connu à une époque plus lamentable, ont déjà tenté de me revoir. J’ai refusé, avec ce désir bien tenace de laisser la honte derrière moi. Je réponds avec un léger sourire : « J’aimerais dire que ça me fait plaisir de te recevoir, mais tu n’es pas là pour prendre le thé. Idéalement, j’aurais préféré que tu n’aies pas besoin de moi. » Et je sais d’expérience que ceux qui décident de venir me voir, moi, plutôt qu’un psychomage officiel, le font souvent en dernier recours. Ou parce qu’ils redoutent les cabinets trop strictes, ou trop ouvertement propices aux confidences.

J’avance de quelques pas, mes mains glissant sur l’appui-bras du fauteuil qui fait face à celui d’Ozymandias. Je m’y installe, tout en sentant à ma gauche la silhouette massive d’Hope. Elle se couche par terre, son nez frôlant ma cheville, alors qu’un ronronnement émane de l’escalier. Le deuxième chat est en route et je me fais la réflexion que le troisième ne doit pas non plus être loin. Je poursuis : « Avant que nous commencions…Je dois préciser les modalités. Ce sera rapide, je trouve les formulaires extrêmement chiants et j’aime pas trop les trucs officiels. D’ailleurs, tu n’as rien à signer. » Parce que je ne veux pas que ceux qui viennent me voir se sentent coincés ou engagés dans quoi que ce soit. L’acte est libre, la parole aussi, elle n’est ni forcée ni quémandée. S’ils cognent à cette porte, ils seront entendus, mais je ne leur demande pas de remplir un parchemin, même si je juge que la régularité est importante. Mon sourire s’étire davantage, alors que je continue : « Tu dois savoir que ce n’est pas un séance officielle ? Ça implique des chats, beaucoup de thé, des blagues nulles sur les aveugles, et des conversations que je préfère naturelle que sur le vrai ton d’une thérapie réglementée. La durée est d’une heure, idéalement à chaque semaine. Si tu ne peux pas venir à la date qu’on fixera tout à l’heure, je te demanderais de simplement m’envoyer un hibou pour me prévenir.» Quitte à annuler plusieurs semaines de suite, comme certains l’ont déjà fait. Sur ce plan, j’agis différemment que mes autres collègues. Plusieurs de ceux qui rentrent dans ce bureau ont d’abord été rencontrés dans la rue ; après plusieurs absences, il n’est pas rare que je me déplace pour aller à leur encontre, et m’assurer que tout va bien pour eux.

La porte s’ouvre de nouveau, laissant très probablement rentrer le serveur. Un bruit de saute m’indique que le quatrième félin, qui devait se trouver dans le café, vient de pénétrer dans la pièce pour se lover sur mon bureau. J’entends le bruit de deux tasses qu’on dépose sur une table à proximité des fauteuils, puis les pas qui s’éloignent. La porte se referme, cette fois définitivement, et je ne reprends la parole qu’à ce moment : « En ce qui concerne mes honoraires…Je ne demande rien, mais j’ai une petite boîte à l’arrière, réservée à amasser de l’argent pour ceux qui traversent des difficultés ou qui ont besoin d’un repas chaud, ou d’un café, ce genre de trucs. Si tu veux contribuer après une séance, il suffit d’aller voir le serveur et de commander un Gabrielo, en donnant le montant que tu veux. » Un ange gardien. Très peu nordique, comme croyances, mais cette reprise de mes racines italiennes faisait sourire ma sœur. Et j’aimais bien ce nom de code, comme façon d’amasser des dons auprès de ceux qui passent dans mon bureau et préfère ne pas le mentionner à quiconque.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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flashback - novembre 2022
@Angelo Borghese

Angelo s'installe dans le fauteuil qui lui fait face. Pendant ce temps, un second chat a fait son entrée et descend l'escalier en fixant le nouveau venu avec curiosité.
« J’aimerais dire que ça me fait plaisir de te recevoir, mais tu n’es pas là pour prendre le thé. Idéalement, j’aurais préféré que tu n’aies pas besoin de moi. »
Ozymandias esquisse un petit sourire gêné, c'est même plutôt une grimace qu'autre chose. Lui aussi aurait préféré ne pas se trouver ici, même si Angelo lui semble très sympathique, à première vue.
« Avant que nous commencions…Je dois préciser les modalités. Ce sera rapide, je trouve les formulaires extrêmement chiants et j’aime pas trop les trucs officiels. D’ailleurs, tu n’as rien à signer. »
Un léger soupir de soulagement lui échappe, sans qu'il le réalise. Rien à signer. Pas de preuves. Rien qui permette de l'identifier ou de remonter jusqu'à lui, si jamais… Il ne veut même pas penser à l'éventualité que Fredrikke puisse le chercher ou savoir ce qu'il fait. Ou pire encore : si quelqu'un de sa famille découvrait toute cette histoire.
« Tu dois savoir que ce n’est pas un séance officielle ? Ça implique des chats, beaucoup de thé, des blagues nulles sur les aveugles, et des conversations que je préfère naturelle que sur le vrai ton d’une thérapie réglementée. La durée est d’une heure, idéalement à chaque semaine. Si tu ne peux pas venir à la date qu’on fixera tout à l’heure, je te demanderais de simplement m’envoyer un hibou pour me prévenir. »
Des chats et du thé… Il ne peut qu'approuver ce mélange. En revanche, il préfère ne pas se prononcer concernant les blagues sur les aveugles. Pourquoi eux spécifiquement, d'ailleurs ? Angelo semble avoir des méthodes… peu conventionnelles. Mais si ça peut lui permettre de se sentir mieux et d'aller de l'avant, il est prêt à les accepter sans discuter, au point où il en est.
Il remercie à mi-voix le serveur qui revient lui apporter sa commande. La porcelaine chaude entre ses mains et le délicat parfum de thé noir à la bergamote qui s'en dégage lui offre une bouffée de réconfort immédiate.
« En ce qui concerne mes honoraires… Je ne demande rien, mais j’ai une petite boîte à l’arrière, réservée à amasser de l’argent pour ceux qui traversent des difficultés ou qui ont besoin d’un repas chaud, ou d’un café, ce genre de trucs. Si tu veux contribuer après une séance, il suffit d’aller voir le serveur et de commander un Gabrielo, en donnant le montant que tu veux. »
Ozymandias sursaute lorsqu'un nouveau chat saute sur le bureau. Combien est-ce qu'il en a, exactement ? Pas que ça lui déplaise, il trouve même la présence de Boo qui ronronne sur ses genoux plutôt apaisante. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'il s'était imaginé la séance. Il ne sait pas à quoi il s’attendait. Quelque chose de plus formel, peut-être. De moins chaleureux et détendu.
« Un Gabrielo… c'est noté. » Il sourit à nouveau. Un vrai sourire, cette fois-ci. Le nom l'amuse. C'est probablement le seul café de sa vie qu'il sera content de payer cher. Il ne se verrait pas repartir sans rien donner, alors qu’Angelo lui a aussi gentiment consacré de son temps.
« Je- Je sais même pas comment ça fonctionne… J'ai jamais été voir de psychomage avant. » Avoue-t-il finalement, embarrassé.


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Angelo Borghese
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« Un Gabrielo… c'est noté. » J’entends son sourire, que j’imagine doux. J’ai relevé le son des sourires quelques mois après mon accident. Les premiers que j’ai perçus, ce sont ceux que je déteste le plus. Les sourires de pitié, les sourires plein de compassion, les sourires impuissants, les sourires de fuite. Ceux qu’émettent les interlocuteurs qui ne savent quoi te dire pour te rassurer et qui cherchent un échappatoire, quel qu’il soit, pour échapper à la situation inconfortable. Ces sourires résonnent dans les silences trop longs, dans le bruissement malhabile d’une manche qu’on chiffonne ou le cliquetis d’un ongle. J’ai appris à les accepter, mais même aujourd’hui, ils m’emplissent toujours d’amertume.  Il y a aussi les sourires hargneux, les sourires moqueurs, les sourires de mépris, les sourires de dédain, les sourires trop vides et trop pleins. Ils bourdonnent comme un insecte agaçant, à travers des raclements de gorge, des ricanements et des mots prononcés avec lenteur, sélectionnés avec trop de soin. Ceux-là, je les supporte bien. Une âme fielleuse, c’est une âme qui souffre et j’éprouve davantage de tendresse à leur égard que de colère. Les derniers sont les plus beaux, mais aussi les plus rares ; les sourires de joie, les sourires qui s’épanouissent sans raison, les sourires de surprise, les sourires amicaux, les sourires gênés, les sourires aussi volubiles que des mots. Et comme des fleurs aux couleurs multiples, ils ont des tonalités tout aussi variées. Je m’image le sourire présumé d’Ozymandias comme un Mimosa pudica, une plante dont les feuilles se replient rapidement face à un choc. Quel est le sien ? Heid ne me l’aurait pas confié pour un problème anodin. « Je- Je sais même pas comment ça fonctionne… J'ai jamais été voir de psychomage avant. » Mes lèvres s’étirent chaleureusement, alors que je tends la main vers la petite table ; mes doigts effleurent son contour, avant de m’arrêter sur ma tasse. J’enserre l’anse, tout en répondant : « Ça fonctionne comme une conversation entre amis. » Le chat sur le bureau miaule au même instant, avant de sauter sur le sol. Un second cri lui répond, proche de la fenêtre, me signalant la présence d’Asmodée ; il n’y a que lui, dont le miaulement ressemble presque à un grognement. Un léger rire m’échappe, alors que je précise : «…Un ami qui adopte un peu trop de chats errants. » Si j’ai bien compté, ils sont actuellement quatre dans la pièce. Ce qui veut dire que les trois autres sont…Soit dans le bureau, planqués, soit en train de crapahuter dans le café ou dans mon appartement. J’avais ouvert le Nordstjernen au départ avec seulement trois félins, mais ma clientèle particulière en est venue à confondre le refuge pour humains avec un refuge pour animaux ; je ne suis jamais parvenu à refuser d’en recueillir un nouveau sous mon toit. Ils sont bien traités, ils ont de l’espace, beaucoup de coins calmes, des caresses, mais surtout, un endroit chaud où ils peuvent traîner, plutôt que dans la rue.

Je porte ma tasse à mes lèvres, soufflant sur le liquide chaud, avant d’en avaler une gorgée. Café, pour moi, même si le café norvégien n’équivaudra jamais au café italien. Je ne raffole pas du thé. Mes yeux d’un bleu spectral se posent devant moi, là où je devine le visage de mon interlocuteur et je reprends doucement : « C’est toi qui décide des sujets que tu veux aborder avec moi. » Et je ne le presserai pas. Je peux le questionner pour lui suggérer des chemins à emprunter, mais je ne le précipiterai dans aucun d’entre eux, s’il n’a pas envie de s’y promener avec moi. Ce qui importe, c’est de respecter son rythme. Je poursuis :   « Et j’imagine que si tu es là, c’est qu’il y en a un en particulier qui a plus d’importance…? » Qu’est-ce qui t’amène ici ? La question, sous-jacente, flotte dans mon léger sourire sans être prononcée immédiatement. Elle est celle que je posais en premier, jadis, lorsque j’officiais en tant que psychomage dans un vrai bureau. Depuis, j’essaie de m’extirper des protocoles -efficaces, certes- qui ne collent pas à tous les types de patients.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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@Angelo Borghese

« Ça fonctionne comme une conversation entre amis, lui explique le psychomage, alors que des miaulements se mettent à retentir dans la pièce. …Un ami qui adopte un peu trop de chats errants. »
Ozymandias sourit. Combien peut-il en avoir ? Il en compte trois, mais quelque chose lui laisse penser qu’il risque d’en découvrir de nouveaux au cours de la séance. De son point de vue, c'est loin d'être un problème. Quoi de mieux que de pouvoir câliner des boules de poils adorables, tout en déballant ses traumatismes les plus profonds à un parfait inconnu ?
« C’est toi qui décide des sujets que tu veux aborder avec moi, continue Angelo avec un léger sourire, ses yeux pâles semblant scruter sans le voir le visage de son patient. Et j’imagine que si tu es là, c’est qu’il y en a un en particulier qui a plus d’importance…? »
Il acquiesce timidement, les yeux résolument baissés sur ses genoux. Pourquoi est-ce que c'est si dur de dire les choses ? Si Magni n'était pas venu directement le chercher chez lui, et si Heid n’avait pas littéralement été là pour l’amener à l'hôpital, est-ce qu'il en aurait seulement essayé d’en parler à quelqu'un ? Probablement pas.
« Je‒ Oui… Il‒ Il m’est arrivé quelque chose, ça fait presque un an maintenant. »
Quasiment un an, et pourtant la blessure lui semble toujours aussi béante. Même s’il reprend peu à peu du poids, qu'il a réussi à réduire sa consommation de potions de sommeil, qu'il s'autorise à nouveau à sortir (prudemment) et à être vu en compagnie d’Ásvaldr et Magni ; la peur s’accroche encore à lui. Comme une seconde peau, trop étroite, qui l'étouffe peu à peu.
« J’ai été agressé par le cousin de ma femme. » Souffle-t-il, après quelques instants d’un silence hésitant. Un simple constat. Un euphémisme qui ne fait qu’effleurer la réalité de ce qu’il a vécu ce jour-là, mais qui lui donne la sensation que le poids sur sa poitrine s’est quelque peu allégé. Être enfin capable d’en parler à quelqu’un, quelqu’un d’extérieur à son cercle intime. Sans pleurer, sans paniquer immédiatement, c’est plus qu’il ne s’en serait cru capable.
« Ça a été très dur, juste après. J'arrivais pas à en parler à qui que ce soit, j'arrivais plus à dormir ni à manger… Ça va mieux maintenant, parce que j'ai la chance d'être bien entouré. Mais… j'arrive pas à arrêter d'y penser. À arrêter de culpabiliser. »
Sa voix se brise sur la fin. Sa vue se brouille et, instinctivement, il serre le chat contre son torse, comme s'il s’agissait d’une peluche. Assise près de lui, Andromaque lutte pour conserver sa forme de panthère des neiges qui menace de changer à tout instant sous l’afflux des émotions violentes qui secouent son sorcier. Impuissante face à sa peine, elle vient poser sa tête sur ses genoux en ronronnant tout bas.


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Angelo Borghese
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« Je‒ Oui… Il‒ Il m’est arrivé quelque chose, ça fait presque un an maintenant. » Un an sans consulter, j’imagine. La plupart des patients qui viennent ici n’ont jamais osé approcher un psychomage, pour des raisons diverses, autant financières que psychologiques. Je peux les comprendre. À l’époque de mon alcoolisme, mes sœurs avaient tenté de me pousser à consulter quelqu’un. Outre le fait qu’une consultation forcée ne donne jamais rien de bon – la demande doit idéalement venir du patient, même s’il y a des exceptions - , j’étais aussi résolument hostile à l’idée de côtoyer potentiellement un ancien collègue. Hors de question, à l’époque, que l’un d’eux puisse voir à quel point j’étais tombé bas. J’ai finalement consulté un psy moldu, en Italie, où personne ne pouvait me replacer. La séance s’est très mal passée. Je voyais - façon de parler - toutes ses manœuvres et les résultats qu’il essayait d’obtenir. En final, j’avais été simplement agacé, pas du tout aidé.

« J’ai été agressé par le cousin de ma femme. » Mes sourcils se froncent et ma machoîre se contracte. Je suis toujours professionnel, mais cette fois, je dois me retenir pour le demeurer. Un cousin de sa femme. Je ne connais pas tous les Mørk et tous les cousins d’Heid, mais j’en connais un en particulier, dont le nom est revenu à quelques reprises dans les dernières années… Fredrikke. Le frère d’Alfhild, cette jeune fille qui vient parfois bosser dans mon bureau et discuter, avec un thé. Je n’ai jamais compris qu’une personne aussi adorable puisse être associée à un prénom aussi exécrable. Il est donc impliqué encore, dans une autre histoire ? Auprès du mari d’Heid ? Mes doigts se resserrent contre ma tasse, alors que je retiens la question qui me brûle les lèvres. Dans ce bureau, je ne suis pas juste Angelo, et je ne peux pas agir comme une personne ordinaire, inquiète, qui s’interroge. Questionner Ozymandias pour m’assurer de l’identité de celui dont il parle outrepasserait le cadre de cette séance ; une telle réponse comblerait ma curiosité – et cette colère latente qui bouillonne dans mes veines– mais ne l’aiderait en rien. Je conserve donc le silence, attendant. « Ça a été très dur, juste après. J'arrivais pas à en parler à qui que ce soit, j'arrivais plus à dormir ni à manger… Ça va mieux maintenant, parce que j'ai la chance d'être bien entouré. Mais… j'arrive pas à arrêter d'y penser. À arrêter de culpabiliser. » J’entends sa voix qui se brise et je devine la suite, sans la voir. Mon cœur se serre et ma peau s’échauffe un peu plus, alors que je songe à celui qui l’a mis dans cet état. Je ne suis pas le meilleur des psychomages, dès qu’il s’agit de victimes d’actes criminels. Je hais trop les injustices, la violence inutile, la cruauté. Et je suis trop sanguin, trop impulsif, pour ne pas avoir envie de démonter la tronche de tous les salauds dont on mentionne l’existence dans mon bureau.

Je délaisse mon fauteuil pour me redresser, me dirigeant vers une petite bibliothèque, non loin de la porte, que j’utilise pour ranger mon matériel de base. Mes pas sont assurés, je n’ai même pas besoin de compter. Ma main glisse sur la panier du bas, mes doigts se refermant sur une épaisse couverture roulée en boule. Je l’amène avec moi, hésitant au moment de la déposer ; quelle est la position exacte d’Ozymandias ? Je ne veux pas le toucher accidentellement, et je me contente de déposer doucement la couverture sur ses genoux – du moins, il me semble que ce sont ses genoux. Je me recule aussitôt pour reprendre ma place initiale : « Ton choix de mot est intéressant. » Parce qu’ils ne reflètent pas, en premier lieu, de la colère envers l’agresseur, mais plutôt un autre sentiment : « Culpabiliser. » Je répète le mot qu’il a employé, doucement, en déposant mon regard sur lui, sans le voir. Je détaille très légèrement ma pensée, dans le but de le pousser, lui, à réfléchir : « Comme si c’était ta faute. » Alors que je ne doute pas que ce n'est pas le cas. La culpabilité, en plus de tout le reste, peut le gruger. Et elle est la première chose qu’il a mentionnée. Je reprends : « C’est ce sentiment qui domine, lorsque tu repenses à cet événement ? » Ma question est orientée vers lui, vers ce qu’il ressent, pas vers l’événement en lui-même. S’il veut donner des détails, il le fera. S’il ne le veut pas, il peut aussi ne pas en donner. L’important, aujourd’hui, c’est de cheminer avec lui, pas de lui indiquer quelle route il doit suivre.
Ozymandias Mørk
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@Angelo Borghese

Angelo se lève pour aller vers la bibliothèque, dos à lui. Ozymandias l'observe du coin de l'œil, sans réussir à distinguer ce qu'il fait. Une poignée de secondes plus tard, le psychomage est de retour avec une couverture dans les mains, qu'il dépose sur ses genoux. Sur la tête d’Andromaque, qui laisse échapper un miaulement rauque plein de surprise. Son sorcier esquisse un sourire amusé. La couverture est douce, presque autant que le chat qui se frotte contre ses bras depuis qu'il a pris place sur le canapé.
« Ton choix de mot est intéressant. Culpabiliser, reprend Angelo en se rasseyant. Comme si c’était ta faute. »
Comment est-ce que ça pourrait ne pas l'être ? Il a beau y réfléchir encore et encore depuis des mois, il est incapable d’envisager qu'il puisse n’y être pour rien. Il l’a cherché. Il s’est jeté de son plein gré dans l’antre du monstre, en connaissant sa sinistre réputation. Il n’en connaissait pas les détails, certes, mais ça aurait dû être assez pour l'empêcher de se laisser emporter par la curiosité et la convoitise.
« C’est ce sentiment qui domine, lorsque tu repenses à cet événement ? »
Il hoche la tête avec un murmure d'assentiment. De toutes la palette d'émotions qui le traversent depuis son agression, la culpabilité a toujours été la plus forte. Bien loin devant la colère, la peur, et même la honte. Parce qu'il s’est mis tout seul dans cette situation impossible à résoudre, parce qu'à cause de lui les gens qu’il aime risquent d’en souffrir aussi.
« Ça l’est. Ma faute. » Souffle Ozymandias, les yeux résolument baissés sur ses mains, qu'il frotte nerveusement l’une contre l’autre. Sa fylgia ne l’interrompt pas, mais le grognement désappointé qu'elle fait entendre ne laisse aucun doute sur son désaccord.
« J'aurais dû me méfier… J'aurais dû trouver ça louche, qu'il m’invite chez lui pour boire un verre alors qu'il avait jamais vraiment fait attention à moi avant. J'aurais dû flairer le piège, quand il a dit que je lui plaisais… »
Il s'était laissé avoir bien trop facilement, appâté par la perspective qu'il se passe quelque chose d’un peu plus physique qu'un verre, entre lui et son cousin par alliance.
« Et maintenant, à cause de moi mes proches risquent de– il– » Il ne parvient pas à finir sa phrase, les lèvres tordues dans une grimace de dégoût profond. S’il arrive quelque chose à Ásvaldr, Magni ou Heid, il ne se le pardonnera jamais.
« Heid et moi, on a toujours été dans une relation libre, hein, je précise, ajoute-t-il aussitôt. Elle est au courant que je vois d'autres gens, je la trompe pas. »
Il ne sait pas trop pourquoi il se sent obligé de se justifier auprès du psychomage, qui est probablement l’une des rares personnes censées être dénuées du moindre jugement envers lui. Il a trop souvent essuyé les regards choqués et les remarques acides des autres, lorsqu'il parle de ses relations, et il n’a simplement pas l'énergie d’y faire face aujourd'hui.


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Angelo Borghese
Angelo Borghese
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
« Ça l’est. Ma faute. » La réponse, prononcée dans un souffle, ébrèche mon cœur trop grand. J’ai étudié, avec ceux de ma cohorte, l’impact des actes criminels et cette culpabilité, latente ou immédiate, qui se taille rapidement une place dans les réflexions de la victime. Ce n’est pas nouveau, ce n’est pas surprenant et objectivement, ça ne devrait pas m’atteindre ; sauf que je ne parviens jamais à être totalement objectif dans ce type de situation, qui touche trop à mes valeurs. Moi, Angelo, j’aimerais me lever et aller prendre Ozymandias dans mes bras. Lui dire qu’il n’est coupable de rien, que c’est ce cousin l’enfoiré. J’aimerais le faire, oui, mais ce serait un réflexe humain, pas un réflexe de psychomage. Et c’est le second, qu’il est venu voir. Je me contente donc de me pencher vers l’avant pour reprendre ma tasse et occuper mes mains. « J'aurais dû me méfier… J'aurais dû trouver ça louche, qu'il m’invite chez lui pour boire un verre alors qu'il avait jamais vraiment fait attention à moi avant. J'aurais dû flairer le piège, quand il a dit que je lui plaisais… » Ce n’était donc pas quelque chose d’impulsif et de soudain ; c’était une attaque préméditée. Cette perspective la rend encore plus écoeurante, encore plus exécrable. Mes doigts se serrent trop férocement contre l’anse de ma tasse, alors que je m’efforce de conserver des traits neutres. Sentant mon agitation, Hope me donne affectueusement quelques coups de tête. Quel psychomage pitoyable je fais en cet instant, tout de même. Trop sensible. « Et maintenant, à cause de moi mes proches risquent de– il– » La phrase n’est pas achevée, laissant de nombreuses possibilités. Je dois me concentrer pour en tirer les questions pertinentes, celles qui ne visent qu’à aider le patient, pas à m’éclairer sur une situation qui ne fait qu’instinctivement me mettre en colère. « Heid et moi, on a toujours été dans une relation libre, hein, je précise. Elle est au courant que je vois d'autres gens, je la trompe pas. » La précision m’arrache un haussement de sourcils, qui a le mérite de me ramener davantage dans le concret. J’y vois l’habitude probable du jugement, qui pousse à un réflexe défensif préventif. « Même si ce n’était pas le cas, je ne suis pas ici pour porter le moindre jugement sur tes actes. » Ma voix est douce. J’apprécie Heid, mais même si elle n’avait pas été au courant, ça ne m’aurait pas concerné. Ceux qui rentrent dans ce bureau, en tant que patients, ont le droit à l’anonymat et a une intervention sans jugement, du moins, dans la mesure du possible. Parce qu’il y a bien une personne que je juge sévèrement en cet instant, sauf que ce n’est pas celui qui se trouve devant moi.

J’avale une longue gorgée de mon café, alors que j’ordonne mes pensées, pour repérer les éléments pertinents à prendre en compte et éloigner les interrogations trop personnelles. D’habitude, j’y parviens bien, mais dans ce genre de situation, c’est plus difficile. Je reprends : « Je ne connais pas tous les détails, Ozymandias, mais ce n’est pas ta faute. Tu as été agressé. Ce n’est pas toi, le coupable dans cette histoire. » Je compte bien revenir sur cette question importante de culpabilité, mais cette précision, même s’il ne me croira probablement pas, est nécessaire. Elle doit être dite, clairement. Il n’est pas coupable, et quelqu’un dans ce monde mériterait de se faire casser la tronche. Je rajoute : « Mais c’est bien toi, qui en subi les contrecoups psychologiques. » Un an. Un an à se dire qu’il est responsable. Croise-t-il encore ce cousin…? Je retiens, encore une fois, la question. Trop personnelle, peu pertinente dans l’immédiat. À la place, je demande : « Tu as parlé de tes proches…Risquent-ils vraiment quelque chose ? Pourquoi serait-ce, comme tu le dis, à cause de toi ?» Risques réels ou imaginaires ? La question, même si elle peut répondre à celles que je me pose, vise surtout à le faire réfléchir sur ce qui est concret, avéré, ou ce qui est issu de la peur. Je me fais la réflexion que la réponse peut aussi potentiellement me faire casser ma tasse, si je n’y prends pas garde, et je la pose nonchalamment sur la table en face de moi, trop proche du bord – sans le savoir.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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flashback - novembre 2022
@Angelo Borghese

« Même si ce n’était pas le cas, je ne suis pas ici pour porter le moindre jugement sur tes actes. »
Ozymandias hausse les épaules. Il est bien trop habitué à ce que ce soit le cas. Que ce soit ses parents – qui fort heureusement ne sont pas au courant de cette particularité dans son mariage – ou de simples connaissances, c'est un détail qu’il évite généralement de mentionner. Mais l'idée qu’on puisse penser qu’il trompe sa femme l'irrite tout particulièrement. Il lui fait confiance et l'aime bien trop pour lui manquer de respect de la sorte.
« Je ne connais pas tous les détails, Ozymandias, mais ce n’est pas ta faute. Tu as été agressé. Ce n’est pas toi, le coupable dans cette histoire., continue Angelo. Mais c’est bien toi qui en subit les contrecoups psychologiques. »
Il en est parfaitement conscient. Si quelqu'un souffre de tout ça, ce n'est certainement pas Fredrikke. Mais cette culpabilité profondément enracinée dans son esprit refuse de faner, malgré tout ce que son entourage fait pour le rassurer.
Pour ça aussi, il culpabilise. Il devrait aller mieux, après tout ce temps. Il devrait réussir à passer à autre chose. Mais c'est toujours le même visage qui revient dans ses cauchemars.
« Tu as parlé de tes proches… Risquent-ils vraiment quelque chose ? Pourquoi serait-ce, comme tu le dis, à cause de toi ? »
Ozymandias soupire. Est-ce qu'ils risquent vraiment quelque chose ? La question lui paraît absurde. Mais Angelo ne connaît pas Fredrikke Mørk. Évidemment, comment pourrait-il se douter ?
« L’année dernière, il m’a… vu avec un de mes partenaires. C'est ce qu'il a dit, explique-t-il, la voix tremblante. C'est pour ça qu’il m’a attiré chez lui, pour vérifier si… Il a menacé de s’en prendre à lui si je disais quoi que ce soit. J'ai eu peur qu’il s’en prenne aussi aux autres. C'est pour ça que j'ai mis des mois avant d'oser en parler à quelqu’un. »
La honte brûlante lui tord les entrailles. Honte d’être aussi faible, impuissant, d’être incapable de se protéger lui-même et ceux qu’il aime. Il essuie avec agacement les larmes qui commencent à dévaler le long de ses joues. Il s’était promis de ne pas pleurer, de ne pas laisser ses émotions prendre le dessus.
Sans un mot, Andromaque vient appuyer sa grosse tête contre son bras, luttant pour conserver sa forme actuelle. Il donnerait cher pour être roulé en boule dans son lit, le visage enfoui dans sa fourrure. Était-ce une bonne idée de venir ici, finalement ? Est-ce vraiment nécessaire de remuer tous ces souvenirs, alors que le simple fait d’en parler lui fait aussi mal ?
« Il a rien fait depuis… Je sais pas s’il a.. oublié, ou… mais j'ai toujours peur qu’il finisse par changer d'avis. Par revenir. »
Un violent frisson vient secouer son corps déjà crispé d’angoisse et il se recroqueville un peu plus sur lui-même.


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