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I'm sorry for not being the sister that you deserve (Oz)
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Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Tw : Descriptions violentes.

26 avril – début de soirée

Ma bière vide claque sur mon comptoir immaculé.

Dans son placard, mon épouvantard s’agite. Je suis sûre qu’il se paie ma gueule. T’es faible, Arsinoe. Faible et incapable de protéger ceux à qui tu tiens. S’il pouvait parler, c’est ce qu’il dirait. Il se moquerait de mon incapacité à le faire sortir de là, moi qui a pourtant l’habitude de m’entraîner fréquemment.

Je sais ce que je verrais, et ce que je ne veux pas voir. Depuis des jours, les mots d’Ozymandias tournent sous mon crâne. Les aveux qui n’en étaient pas, concernant Fredrikke, et sa colère, quand j’ai évoqué l’idée de m’en prendre à lui. Je t'avais dit de laisser tomber. C'est pas un défi. C'est pas un jeu. Les disputes entre nous ont toujours été rares. J’ai toujours voulu veiller sur lui, tant à Durmstrang que plus tard. Dans l’armée, j’ai volontairement omis les pires histoires dans mes lettres, pour ne pas l’inquiéter. Ne jamais le troubler, ne jamais le perturber, ne jamais lui partager mes foutues craintes, mes faiblesses, mes détresses. Être à sa hauteur, en bonne petite sœur, ne pas le blesser et m’assurer de ne jamais être un poids dans sa vie, même si ça m’oblige à taire une partie de la mienne.

Quand j’ai su pour son attaque, j’ai eu l’impression d’avoir échoué. De l’avoir laissé tomber.
Et cette impression est revenue dans les derniers jours, avec plus d’intensité. J’ai cette peur issue de mon passé qui revient de façon insidieuse, et qui réchauffe des veines habituées à s’éveiller sous l’adrénaline. Je connais trop bien les conséquences de l’inaction, lorsqu’on croit faire mieux, en ne faisant rien. Je sais trop bien ce qui peut se passer, quand on refuse d’agir, comme si les salauds respectaient notre passivité.

La mort. La souffrance. L’impuissance.

J’aurais pris toutes les peines d’Ozymandias et ses souffrances sur mes épaules, si j’avais pu. Je les prendrais encore. Mais que suis-je supposée faire, quand j’en suis la responsable ? Quand je redoute bien plus ce qui peut arriver, si je ne fous rien, que ce qui arrivera, si je frappe ? Et t'as décidé que j'avais eu assez de respect, c'est ça ? Comment dire à un frère à qui on a raconté seulement les bonnes blagues de l’armées, les bons coups et les découvertes intéressantes, que ce n’est pas une question de respect ou de vengeance, mais de fantômes, de souvenirs dont on ne veut pas, et de la peur, tétanisante, écrasante, de répéter la même erreur que dans le passé et d’agir encore trop tard ?

La troisième bière que j’ai débouchée tiédit sous mes doigts. Je fixe le placard avec une détermination hasardeuse. Je n’ai jamais reculé, même quand j’en avais envie. Je ne commencerai pas aujourd’hui.

Sous sa forme de lionne, Røyk gronde de désapprobation en me voyant sortir ma baguette. Mes yeux sont trop brillants, mes lèvres sont trop serrées. D’un sort, je libère la créature qui vit avec moi dans mon appartement depuis plusieurs années.

Son hésitation sur la forme à prendre est de courte durée. Je sais, en la voyant se dupliquer, que j’avais deviné juste. À genoux, les mains liées derrière le dos, quatre sorciers. Trois sont des Spøkelses, véritablement présents dans la scène d’origine. Le dernier a les traits de mon frère, comme un rappel morbide de ce qui peut arriver, quand je retiens mes coups parce qu’on me l’a demandé.

Mes jambes tremblent. Le corps se rappelle trop bien, même si j’ai renvoyé ce souvenir loin dans ma mémoire, dans des profondeurs que je refuse en permanence d’explorer. Il me semble sentir mes propres genoux sur le sable, et les bras de celle qui me tenait en place, obligée de tout regarder. Ma gorge s’assèche et mes lèvres se serrent, quand le premier cou est sectionné. Mes yeux se fixent sur le visage d’Ozymandias et sur l’être derrière lui ; je ne veux pas assister à cette foutue scène. Røyk gronde plus fort, pour me ramener dans la réalité. Le sort fuse et frappe l’épouvantard, ridiculisé sans que je ne parvienne à rire en voyant les corps se transformer en sushis. Mon propre humour glauque me déplaît, ce soir.

Ce n’est qu’en entendant la porte du placard claquer que je réalise que je suis agenouillée sur le sol. La lionne s’est étendue à côté de moi, sans parler.

Tant mieux. Je n’ai pas envie de dialoguer. Je n’ai pas envie de mettre des mots sur quoi que ce soit. Je n’ai jamais voulu le faire, je n’ai jamais voulu mettre de foutues phrases sur cet épisode. Le faire, c’était le faire exister. Le raconter, c’était mentionner ma responsabilité dans cette histoire. Coupable de n’avoir rien fait. Coupable d’avoir attendu, jusqu’au moment où il ne restait plus qu’à voir le résultat.

Je sais, alors que je me relève, que ma décision est enfin prise. Je ne me le pardonnerais jamais, s’il arrivait quelque chose à mon frère, parce que j’ai égoïstement redouté qu’il me déteste. Je le préfère en colère contre moi, mais vivant, que crevant dans mes bras.  

27 avril - Fin d'après-midi

Je n’ai pas retiré mon uniforme militaire. Il couvre les marques et tout ce qui pourrait envenimer une conversation que je redoute. J’ai écrit à Heid, plus tôt dans la journée. Des explications sommaires, pour lui demander de nous laisser du temps seuls, ce soir. Et pour ne pas reculer, aussi.

Je dois lui dire, même si je n’en ai aucune envie. J’ai envisagé de ne pas le faire, de garder les événements de la veille planqués avec le reste des mensonges qui s’empilent. Je l’ai envisagé, oui, mais sans pouvoir m’y résoudre. C’est une chose de raconter des conneries sur ma vie, s’en est une autre quand ça concerne aussi la sienne.

Je cogne à sa porte, mon sac sur l’épaule et ma baguette dans ma poche. J’aimerais repousser ce moment. J’aimerais qu’on puisse passer immédiatement au futur, un futur idéal où je ne risquerais pas de le perdre. Pourrait-il m’en vouloir à ce point… ? J’ai peur de ce que je peux lire dans ses yeux, mais j’avais encore plus peur qu’ils ne s’ouvrent plus. Je ne regrette rien. Sa sécurité est maintenant assurée, et c’est la seule chose qui compte.

J’ouvre, sans attendre qu’il réponde. Ma voix perce aussitôt le silence, pour signaler ma présence, et qu’il ne pense pas qu’il s’agit d’un intrus : « Ozy…? » Mon ton normalement assuré ne l’est pas. Il tremble, comme mes mains lacérées, que je planque dans les poches de ma vareuse.

Je ne regrette pas.

C’était agir ou prendre un risque et je ne pouvais pas risquer de le perdre.

Je ne regrette pas.

Mais je préfèrerais, en cet instant, être délocalisée dans un pays inconnu plutôt que de sentir sa déception, lorsque je lui apprendrai la vérité.

Je ne regrette pas. Pourtant, mes iris d’un vert normalement clair se font plus sombres, comme noyés par une tempête, lorsque je l’aperçois : « Je t’en prie, m’en veut pas. » J’aimerais m’enfouir dans ses bras, mais on ne peut pas demander pardon, quand on referait tout de la même façon.
Ozymandias Mørk
Ozymandias Mørk
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I'm sorry for not being the sister that you deserve
@Arsinoe Adelsköld

Pour une fois, Ozymandias n’a rien à faire de son samedi. Il comptait le passer roulé dans un plaid, Heid dans les bras, un café chaud à portée de main. Mais ses espoirs de soirée tranquille sur un coin du canapé avaient tourné court lorsque son épouse avait reçu un hibou d’Arsinoe en début d'après-midi. Jusque là, rien d’anormal, sa sœur et elle ont toujours été proches. Mais quand il a vu son air malicieux se décomposer, il a immédiatement compris que quelque chose n’allait pas.
Noe veut du temps seul à seul. Pour lui parler. Une demande qui, la connaissant, n’augure définitivement rien de bon. Noe n’est pas quelqu’un qui parle. Pas des choses graves ou négatives. Elle a toujours été comme ça, même quand ils étaient enfants, mais plus encore depuis qu'elle a rejoint l'armée. Une mauvaise habitude qui l’a toujours un peu agacé, mais qu’il supporte tant bien que mal, parce qu’il aime sa sœur. Et parce que Noe ne change pour rien ni personne.
Pourtant, ce n’est pas de la joie ni du soulagement qu'il éprouve à l'idée qu'elle veuille se confier à lui. Qu'est-ce qui pourrait être grave au point qu'elle en vienne à transgresser ses propres règles ?
Depuis son hibou, impossible pour Ozymandias de se concentrer sur quoi que ce soit. Il tourne en rond comme un fauve en cage en attendant la venue de sa sœur. Heid, elle, est déjà partie, après avoir longuement essayé de le rassurer. En vain.
Est ce qu'il lui est arrivé quelque chose ? Est-ce qu'elle va bien ? Les questions sans réponse tournent en boucle dans sa tête. Son message avait été très sommaire, dénué du moindre détail sur le pourquoi de sa venue. Mais le ton urgent laissait pressentir qu’elle n'allait pas venir lui annoncer une bonne nouvelle.
Il est tellement tendu que les coups frappés à sa porte le font sursauter. Comme d’habitude, elle entre avant même qu'il ait le temps d’aller lui ouvrir.
« Ozy…? » Sa voix tremble. Les mains dans les poches, toute recroquevillée dans son uniforme, elle lui paraît minuscule. Tellement loin de son attitude assurée habituelle.
« Je t’en prie, m’en veut pas. » Il est incapable d’attendre plus longtemps. D’attendre qu'elle s’installe. D’attendre une explication. Il se précipite aussitôt sur elle pour la prendre dans ses bras. Imitant son sorcier, Andromaque se faufile aussitôt à ses côtés pour aller frotter sa tête contre celle de Røyk.
« Qu'est ce qui s’est passé ? » La voix à peine plus haute qu’un murmure, il vient caler son menton contre son épaule et la serre contre lui avec toute l’affection dont il est capable.


all your faith, all your rage, all your pain, it ain't over now /// it's the cruel beast that you feed, it's your burning, yearning, need to bleed through the spillways of your soul.
Arsinoe Adelsköld
Arsinoe Adelsköld
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Certains arbres ne savent plus bourgeonner. Ils tiennent encore debout, leurs branches formant une défense convenable. Solide, en apparence. Sauf qu’ils ne donneront plus jamais de fleurs. Derrière la vie qu’ils portent, ils sont morts. Leur écorce est desséchée et leur espoir de se regénérer est risible. Des arbres fantômes, qui ignorent que leurs racines ne s’abreuvent plus que dans le déni.

J’ai cru trouvé un apaisement dans un acte qui ne m’a procuré qu’une mince satisfaction. L’angoisse est plus forte que le contentement, en cet instant où la porte se referme derrière mon dos. Pas de regrets. J’ai fait ce que je devais faire, j’agirais de la même façon. Mais la peur est tenace, surtout pour quelqu’un qui n’aime pas en éprouver. Et elle me rattrape avec une rapidité saisissante, que je n'avais pas planifiée. Peur de le blesser. Peur de lui avouer. Peur de le décevoir. Peur de lui faire du mal, en voulant le préserver. Peur de sa colère. Ou de sa non-colère. Peur de le replonger dans ses traumatismes. Ma gorge est un nœud, mon cœur est un noyé, qui étouffe en sourdine. Quand j’aime, je protège, je veille, je fais gaffe. Et j’aime mon frère. Ce qui m’a poussée à ne pas suivre sa demande d’inaction est la même impulsion qui m’a poussée à ne pas refuser l’offre de Fredrikke Mørk : je ne pouvais pas ne rien faire. Ça ne rend pas la vérité plus aisée à admettre et ça ne facilite pas cette rencontre.

Je retiens mon impulsion première, mon envie de me jeter dans ses bras. Mes membres tremblent, alors que je suis une militaire si solide sur le terrain. Et quand je le vois se précipiter vers moi, quand il me prend dans ses bras en répondant à mon désir muet, j'oublie momentanément que je suis une adulte de 35 ans, et non une petite fille dans les bras de son grand frère. « Qu'est ce qui s’est passé ? » J’ignore la question, temporairement. Je ne la fuis pas. Je me laisse quelques secondes de répit, pendant lesquelles je peux me sentir bien. Juste bien, nichée contre mon frère, comme lorsque j’étais bien plus jeune, naïve et douce, et que j’allais squatter son lit. J’étais alors certaine qu’il me protégerait des monstres, que rien ne pourrait m’arriver, tant qu’il serait là. Sauf que les années ont passé, et c’est lui qui a croisé un monstre. Un vrai. C’était à mon tour de le protéger et j’ai échoué. Je n’ai pu le faire qu’à retardement. « Je sais que tu voulais pas que j’agisse. » Ma voix est faible. J’aimerais presque qu’il ne l’entende pas. Mes bras se sont refermés sur son dos, toujours tremblants. Ma tête s’est callée contre la sienne. Encore quelques secondes. Pour prendre ce réconfort dont j’ai besoin, pour réchauffer mon cœur et me donner la force d’aller de l’avant, dans le reste de cette conversation. Mes recrues se paieraient ma gueule, s’ils me voyaient. La Kaptajn, incapable de relever la tête, incapable d’assumer jusqu’au bout et de fuir une affection qui lui fait tant de bien.

J’inspire une fois, deux fois. Mes bras retombent contre moi. Ma tête s’éloigne. Mon souffle ne se calme pas, ma respiration non plus. Je recule à peine d’un pas, sans pouvoir m’éloigner davantage. Tout mon être tend vers ce câlin qu’il fuit.   « J’pouvais pas…C’est pas une question de respect Ozy, c’était trop difficile de… » Je cherche des mots qui n’existent pas. Il n’y a pas de bonne façon pour lui annoncer que je ne l’ai pas écouté, que je suis allé contre sa volonté. Il y a des mots pour tout, pourtant. Sauf qu’ils sont insuffisants, quand on voudrait tout exprimer en une phrase, sans y parvenir. Exprimer la peine, l’inquiétude, la rage, l’angoisse, l’amour. Exprimer l’absence de regrets, mais la crainte d’une perte. J’en oublie mes mains, que je n’ai pas bandées pour qu’elles puissent guérir plus rapidement à l’air libre, et qui continuent de trembler. Une autre inspiration soulève mes épaules, qui se crispent. Mes lèvres se pincent, et mon regard se durcit, alors que j’essaie de prendre sur moi, et de gérer des émotions dont je ne veux pas : « On a combattu. J’suis tombée sur lui par hasard, hier soir.» La phrase est lâchée comme un aveu, comme quelque chose dont on se débarrasse rapidement. J’annonce toujours vite ce qui doit être annoncé. J’affronte après les conséquences. Il n’y a pas de mensonges, dans ma phrase. J’hésitais peut-être à aller casser la gueule – ou en plein de petits morceaux – Fredrikke Mørk, mais je n’ai pas cherché à le rencontrer. La chance a simplement bien fait les choses. J’ai résisté, au début. Je l’ai suivi dans la ruelle, sans savoir ce que je comptais faire. Incertaine ou espérant qu’il attaquerait le premier, pour me donner une excuse d’agir. Sauf qu’il n’a pas levé sa baguette, il m’a demandé ma permission. Absurde. J’ai cru qu’il se moquait : ce n’était pas le cas. Et si j’avais envie de lui couper les jambes, peut-être bien au sens littéral, je ne voulais pas amorcer le combat. Je me retenais, pour Ozy. Lui aussi, je sais pas pour qui. Quand j’ai eu l’idée du marché, qu’il a accepté, il a semblé étonné. « Ça ne changera rien à ce qui s’est passé. Tu en es consciente ? » J’en étais trop consciente. Mais c’était le mieux que je pouvais offrir à mon frère, à défaut de pouvoir effacer ses souffrances du passé. L’assurance qu’il n’aurait plus à craindre ce connard.
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