« Myr, tu n'as pas vu la boite de pierres que j'avais mise de côté ? »

Il ne devrait pas passer autant de temps à chercher cette boite, honnêtement, son appartement n'est pas si grand. Et il est persuadé de l'avoir rangé récemment... mais vu le capharnaüm qui règne déjà dans le studio, ce n'était probablement pas si récemment. Un regard critique sur la pièce lui confirme : des ouvrages de crochets et tricots à moitié terminés traînent sur son bureau, au milieu de partitions et des notes prises à la volée, qu'il s'agisse de pensées, d'idées ou de brèves visions qu'il a eues... Quant à la petite table censée lui servir pour manger, elle est couverte par ses devoirs et notes de cours, puisque le bureau est encombré. Mmh, il faudrait que je range avant la fin du weekend, songe-t-il distraitement. Tranquille à ses côtés, sa fylgia s'approche de son sac à dos et le renifle : « Tu l'as mise dans ton sac hier, exprès ! » annonce-t-elle.

Einar se détourne de la caisse à laines dans laquelle il était en train de fouiller et les deux échangent un long regard silencieux avant que le jeune homme n'éclate de rire sous le regard amusé de la hase. Il secoue la tête en attrapant le sac pour en vérifier le contenu : fils, outils, quelques échantillons de bois et la fameuse boîte contenant toutes sortes de pierres qu'il a pu dénicher. Après un remerciement silencieux au lui d'hier-soir qui pensait lui éviter ce moment de stress, il se redresse et scanne la pièce une dernière fois du regard, essayant de se souvenir s'il a besoin de quelque chose de plus... avant de finir par hausser les épaules et d'enfiler bonnet et manteau. Une fois prêt, il se baisse en ouvrant son sac pour que sa fylgia puisse prendre place, avant de se mettre en route. Iels ont pris l'habitude de se déplacer comme ça, avec Myr dans son sac à dos. C'est notamment très pratique lorsqu'iels se rendent dans les quartiers moldus. Les passants poussent alors des petits cris de ravissements en prenant Myr pour un lapin et le sorcier passe -presque- inaperçu.

Lorsqu'il sort de l'immeuble, le froid mordant de cette fin d'automne lui pique les joues. Loin de le déranger, cela réveille en lui un certain enthousiasme presque enfantin à l'approche de l'hiver, et surtout de Yule. Il a toujours adoré cette période de l'année, les longues soirées au coin du feu avec un thé brûlant à créer en compagnie de sa mère et de ses proches, à écouter les contes ou simplement le silence en regardant la bûche flamber. Il secoue la tête, essayant de chasser la pointe de nostalgie qui commence à monter en lui.

Cette année, l'approche de Yule une petite touche de nouveauté toute particulière puisqu'Alfhild et lui vont tenir leur propre stand dans quelques semaines à peine lors du marché de Yule de la ville ! Une idée qui avait été lancée sur le ton de la blague, mais qui une fois suspendue dans les airs avait soudainement semblé parfaite aux deux amis.

Einar est sincèrement ravi de la tournure que prenait leur petit projet. Jamais il n'aurait pensé au moment où il avait commencé à travailler avec la jeune Mørk que quelques temps plus tard iels en seraient à préparer un stand ! Et en plus de l'occuper, ce projet lui permettait également de développer tout un pan de sa créativité magique qu'il n'aurait pas pu découvrir, et il y prenait énormément de plaisir. Et son amie était à la fois un soutien dans ce processus créatif et un moteur pour lui, lui apprenant tout un tas de choses et proposant un regard nouveau sur les objets qu'iels créaient ensemble.

Il arrive enfin devant la maison d'Alfhild et ses colocataires et toque joyeusement à la porte. Lorsque celle-ci s'ouvre, il brandit un sachet de la boulangerie où il s'est arrêté en chemin avec un grand sourire : « Bonjour me voilà ! Avec un brin de retard, mais de quoi nourrir tout un régiment de gâteaux à la cannelle et de brioches au sucre ! »

Le son de la musique résonne dans tout le salon. Elle danse Alfhild, en rageant tant bien que mal les affaires qui traînent. Jove est la, ses longs cheveux détachés tournoient. Elle est heureuse Alfhild. Elle fredonne doucement au rythme de la musique. Elle aime les weekends à la coloc. C'est une petite bulle de douceurs dans son quotidien qui devient un peu trop chargé. Et qui risque de le devenir encore plus. D'un coup de baguette, elle fait voler les coussins de l'immense canapé, ils tournent autour d'eux, elle rigole, avant de les faire s'empiler sur la table. Nouveau sortilège et le canapé est défait de ses trop nombreux poils d'animaux diverses et variés. Les coussins valsent à nouveau et retrouve leur place habituelle. Ça sent bon le frais du dehors à travers les fenêtres ouvertes.  Son regard glisse vers l'horloge, Einar ne devrait plus tarder. Les fenêtres claquent, un soupire soulève sa poitrine et elle se laisse tomber dans son fauteuil préféré tandis que la musique résonne toujours. Heureuse que le sortilège d'insonorisation fonctionne bien, sinon il est probable que Fen soit descendu, bourru, leur demander d'arrêter leurs conneries. Elle sourit rien que d'y penser. Il faudra qu'elle organise une petite soirée un jour, pour leur dire merci à tous, de lui avoir permis de faire partie de cette coloc, et de trouver un semblant de cocon rassurant. La safe place qui lui faisait tant défaut. Elle arrive même à travailler ses barrières mentales ici, c'est presque reposant. Elle est reconnaissante Alfhild, pour leurs présences. « Bah alors, ne dance plus ? » la voix de Jove la tire de ses rêveries et elle se redresse d'un coup vif attrapant les épaules de son ami dans un excès de confiance assez surprenant « Je dois te laisser finir seul, je vais préparer notre petite réunion. » Elle rayonne Alfhild, elle est impatiente de commencer à préparer Yule avec Einar. Elle est impatiente de trouver toutes sortes d'idées pour leur futur stand. Son cerveau fourmille déjà de mille idées, dont les trois quarts sont  complètement irréalisables dans le peu de temps qu'il leur reste et au vu de leur manque de matières premières. Dreymir volète de toute part en lançant ses trilles joyeuses. Elle court à l'étage, attrape toutes les boîtes qu'elle avait mise de côté. Des pierres, du bois, du cuir végétal, des fleurs séchées, des fils de toutes les couleurs, et toutes ses notes enfermées dans quatre carnets de cuir bleu nuit.

Les bras chargés, la Mørk redescend prudemment les escaliers, et lorsqu'elle traverse les limites du sortilèges, elle se rend compte du volume sonore de la musique. « Jove, je peux baisser un peu ? » elle gratifie le sorcier d'un regard amusé alors qu'il lève, faussement, les yeux au ciel. Alfhild, toujours baguette en main, s'exécute après avoir tout déposé sur la grande table du salon. Au même moment quelqu'un toque à la porte et Dreymir se précipite suivie de sa sorcière. Elle ouvre le battant de bois rouge sur Einar et le rossignol s'empresse de voler jusqu'à la base tranquillement installée dans le sac à dos. L'oiseau lance trois trille trop enjouée pour être autre chose qu'un bienvenue surexcité. « Bonjour me voilà ! Avec un brin de retard, mais de quoi nourrir tout un régiment de gâteaux à la cannelle et de brioches au sucre ! » En retard ? Elle n'avait même pas remarqué, mais elle glisse un regard gourmand vers le sac visiblement bien lourds de pâtisseries. « Einar ! Je n'avais même pas vu l'heure. Entre viens, je vais faire du thé pour accompagner tout ce que tu as apporté. J'adore les gâteaux à la cannelle ! » Alfhild s'écarte pour le laisser passer et referme la porte derrière lui. « Tu peux tout déposer sur la grande table, j'ai déjà mis mes boîtes on va s'installer là comme ça on aura plein de place ! » Puis elle court presque vers la cuisine ouverte lancer la bouilloire. Du coin de l'œil elle aperçoit Jove qui s'est installé à l'autre bout du salon, face au feu de cheminée qui ronronne à présent, dos à la table sans doute pour les laisser faire leurs petites affaires tranquillement. Elle prend plusieurs tasses, la théière fumante, et dispose le tout sur un plateau qu'elle rapporte avec précaution. « J'ai si hâte de commencer ! » Ses yeux brilles avec enthousiasme, elle a vraiment du mal à contenir son impatience Alfhild et manque plusieurs fois de renverser le plateau sur le sol. Une fois ce dernier mis en sécurité sur la table, elle regarde avec attention tout ce qu'Einar a apporté, et commence à étaler ses propres matières premières. « Par quoi on commence ? Nos idées ? La liste de tout ce qu'on a ? Est-ce qu'on se défini une thématique spécifique pour le marché pour pas s'éparpiller partout ? » Elle ne tient pas en place Alfhild, tout comme Dreymir qui n'arrive pas à quitter sa forme volatile, elle d'ordinaire si calme. Et elle se dit que ça doit être super énervant pour Einar d'avoir deux êtres qui sautillent partout autour de lui.

Lorsqu'Alfhild lui ouvre la porte, Einar ne peut s'empêcher de sourire. Il adore venir dans cette maison, il s'en dégage toujours une énergie incroyable et aujourd'hui ne fait pas exception : face à lui, la jeune sorcière et sa fylgia ont l'air surexcitées !

« Einar ! Je n'avais même pas vu l'heure. Entre viens, je vais faire du thé pour accompagner tout ce que tu as apporté. J'adore les gâteaux à la cannelle ! »

Dreymir volette autour de Myr en lançant des trilles qui font s'agiter à son tour la hase, contaminée par cet enthousiasme. Le jeune homme entre et se penche immédiatement pour déposer son sac au sol, duquel sa fylgia bondit pour saluer sa comparse.
Einar se réjouit d'avance à l'idée de déguster une bonne tasse de thé, d'autant plus que son amie a un goût sûr en la matière. Il n'ose pas préciser qu'il a choisit des gâteaux à la cannelle exprès pour elle -mais aussi parce qu'il les apprécie lui-même, bonus non négligeable dans le choix!- et échange un regard complice avec sa fylgia.

« Tu peux tout déposer sur la grande table, j'ai déjà mis mes boîtes on va s'installer là comme ça on aura plein de place !  » continue Alfhild avant de disparaître dans la cuisine.

Il hoche la tête avec un sourire et se dirige vers la table, analysant déjà toutes les choses qui s'y trouvent et y ajoutant son propre matériel en chantonnant distraitement. Il avise soudain Jove devant la cheminée et lui adresse un petit salut de la tête assorti d'un sourire avant de désigner le sachet qu'il a apporté :

« Salut Jove ! Si tu veux te servir, hésite pas, j'en ai apporté pour tout le monde »

Alfhild réapparaît sur ces entrefaites, armée d'un plateau sur laquelle repose une théière qui sent délicieusement bon.

« J'ai si hâte de commencer ! Par quoi on commence ? Nos idées ? La liste de tout ce qu'on a ? Est-ce qu'on se défini une thématique spécifique pour le marché pour pas s'éparpiller partout ? »

Sa fylgia n'a pas l'air de vouloir quitter sa forme de rossignol et volette autour du petit groupe,  si bien que Myr finit à son tour par changer de forme et se joindre au ballet volant sous son apparence de harfang. Les deux fylgjur offre un spectacle aérien assez impressionnant et le sorcier est surpris que Myr se soit lancée si facilement, juste dans le but de manifester sa joie. Il éclate de rire devant cet enthousiasme général et sort le petit carnet et le stylo qu'il garde toujours sur lui :

« Oui, nous connaissant, je pense qu'il vaut mieux faire une liste si ça te va ? Sinon je sens que je vais oublier des choses !  »

Il réfléchit un instant, tapotant son stylo contre sa joue. Iels ont déjà pu offrir quelques unes de leurs créations à des proches, souvent sous la forme d'amulettes. Une valeur sûre en un sens, iels savent déjà en faire et ont commencé à être connus pour ça...

« Les petites amulettes qu'on a déjà faites ont eu pas mal de succès, on pourrait en proposer à nouveau un petit stock histoire de… Mais j'adore l'idée de faire quelque chose de thématique spécialement pour Yule !  »

Il commence à farfouiller dans les petites boites qui s'étalent devant eux tout en réfléchissant à voix haute comme il le fait souvent… Ce qui peut être très agaçant pour certaines personnes qui ne supportent pas les marmonneurs compulsifs comme lui, mais qui peut aussi permettre de suivre le fil de ses pensées ! Yule, c'est souvent associé à certaines couleurs : le blanc, le rouge, le vert… Il faudrait peut-être faire des choses autour de la protection, ça fonctionne bien généralement, les gens aiment bien. Évidemment des choses autour de l'abondance et de la prospérité, c'est de saison. Peut-être aussi autour de la chance..?

Il redevient silencieux un instant, cherchant dans sa mémoire quelles divinités sont invoquées durant cette période. Ayant grandit un peu à part, entouré de femmes et de croyances très spécifiques au Nornes, il se sent parfois un peu en décalage avec certaines pratiques, même s'il le cache du mieux qu'il peut. Lorsqu'on lui avait demandé de prêter allégeance un clan à son arrivée à Durmstrang, il était resté un peu interdit. Il avait fini par choisir ce qui lui semblait correspondre le mieux à son éducation jusqu'alors : être tourné vers les autres, observer sans juger, attendre avant d'agir et apprendre, savoir, toujours plus… Un choix qu'il ne regrettait pas ! Mais parler de ses pratiques, de son éducation, de sa famille, ça il ne le faisait que très peu… Déjà parce qu'on lui avait demander d'être prudent à ce sujet, surtout après que ses visions se soient manifestées, mais aussi parce qu'il ne savait lui-même pas comment se positionner par rapport à tout cela. Lui qui n'était pas censé hériter du don familial… Une petite pointe d'angoisse commence à lui enserrer la gorge alors que son esprit part dans cette direction…

Myr doit sentir que son esprit s'est égaré un peu trop loin car elle se pose soudain sur son épaule pour venir déranger de son bec quelques mèches de cheveux, le ramenant délicatement au moment présent comme elle sait si bien le faire. Il redresse la tête avec un petit rire, essayant de l'écarter de ses cheveux gentiment, et tâche de cacher son trouble, un peu gêné de s'être laissé emporter par ses pensées si facilement.

« C'est bien Heimdall qui a un rôle important pendant cette fête, non ?  » finit-il par demander à Alfhild, espérant que celle-ci n'ait pas remarqué son léger moment de flottement.

Ses yeux regardent avec excitation tout ce qu'Einar a ajouté à sa propre collection. Elle essaye de tout enregistrer mentalement pour mieux concevoir l'éventail des possibles qui s'offre à eux. Alfhild voudrait faire tellement de choses, elle adore Yule et ses célébrations diverses et variées. Parce que c'est une fête avec tellement de symboliques différentes, que cela l'enivre toujours un peu. Même si les célébrations contemporaines ont beaucoup évoluée avec celles de leurs origines - et pour le mieux parce que le sacrifices d'animaux et les gerbes de sang versées sur les murs, ça l'enivre moins - elle aime l'effervescence de cette période. Parce que plus que jamais elle se sent proche des Dieux, de leurs sensibilités, de leur énergie. Elle a l'impression de sentir toutes leurs énergies frémir autour d'elle. D'ailleurs la Mørk a toujours trouvé sa particularité plus sensible à cette période de l'année. Peut-être que ce n'est qu'un effet psychologique, parce qu'elle est noyée dans ces croyances depuis toute petite. Peut-être est-ce un peu vrai, favorisé par la venue des Dieux dans leurs palais le plus proche de la terre. Une part d'elle sait, que ces histoires de palais dans les cieux, c'est de l'ordre du conte. Elle a passé trop de temps à regarder à travers les étoiles dans les télescopes d'Oda pour prétendre le contraire. Mais elle aime se laisser bercer par les histoires. Surtout à l'approche de Yule. Les limites de ses modes sont plus fins. C'est dans ces moments-là qu'elle est la plus à même de perdre pied avec la réalité. Tant pis. « Oui, nous connaissant, je pense qu'il vaut mieux faire une liste si ça te va ? Sinon je sens que je vais oublier des choses !  » Alfhild hoche la tête en signe d'acquiescement et s'empresse de s'emparer de son carnet de notes. Elle contemple ses dernières idées écrites le matin même et hoche à nouveau la tête pour elle-même, avant d'attraper son stylo plume. « Les petites amulettes qu'on a déjà faites ont eu pas mal de succès, on pourrait en proposer à nouveau un petit stock histoire de… Mais j'adore l'idée de faire quelque chose de thématique spécialement pour Yule !  » Elle sourit plus largement, heureuse de savoir que son idée convient aussi à Einar. Son excitation monte encore d'un cran alors qu'elle a déjà du mal à contrôler ses mains de s'agiter dans tous les sens. Immédiatement, contrôlant le frémissement de ses doigts, elle commence une petite liste des dernières amulettes à refaire, puis note au propre les thématiques dont elle avait eu l'idée, ainsi que les déclinaisons possibles. Concentrée dans sa tâche, elle oublie momentanément de répondre à Einar et se concentre sur son carnet. Dans un coin, elle note les différentes essences de pierres qu'ils ont à disposition et celles qui pourraient leur manquer et dans lesquelles il pourrait être intéressant d'investir. Par exemple, l'améthyste pourrait être intéressante, et dans tous les cas il faudrait refaire le stock de citrine. Définitivement. La jeune sorcière se laisse complètement prendre par ses listes et ne relève la tête que lorsque son ami reprend la parole, après un temps de silence qu'elle même ne saurait quantifier. « C'est bien Heimdall qui a un rôle important pendant cette fête, non ?  » Ses iris se posent, soudain pensives, sur le visage souriant d'Einar. Elle oublie parfois qu'il n'a pas une connaissance aussi détaillée qu'elle sur certaines croyances traditionnelles. Mais comment lui en vouloir ? Lui il n'a pas appris auprès d'une viking du onzième siècle. Elle oui. Ca lui donne un net avantage. Mais comme Alfhild est loin de considérer ses connaissances comme un avantage sur les autres, mais plus comme des informations à partager à tout prix, son visage s'éclaire immédiatement et elle s'empare d'un autre carnet, dédié plus spécifiquement à des gribouillages de prototypes et autres dessins farfelus. « En effet, Heimdall a un rôle important, selon les croyances plutôt actuelles. Mais il n'en n'a pas toujours été ainsi en réalité. Tu sais les statues de Julbock qui sont fabriquées pour l'occasion, c'est pour représenter Tanngrisnir et Tanngnjóstr les deux boucs qui tirent le char de Thor. Si bien qu'avant, le rôle de Heimdall dans Yule était centrale, mais pas unique. Au onzième siècle, on se déguisait même en bouc à Yule, pour honorer Thor, et ainsi on allait de village en village, et on était logé et nourrit grassement. Fallait juste aimer sentir un peu fort, mais sinon le plan était pas mal. » Elle rigole doucement, tandis que tout en expliquant, elle s'active à dessiner deux petits boucs, puis une branche de sapin, et enfin une roue solaire. « Disons, qu'aux origines, Jól, c'est une célébration du renouveau. De la roue solaire qui revient à son point d'origine. Du retour de Baldr du royaume de Hel, faisant renaître l'herbe et les feuilles après la longue mort de l'hiver. On envoie nos offrandes à Freyr pour qu'il sème la fertilité et l'abondance dans les champs. Odin aussi a sa place de choix dans les célébrations de Yule. Après tout, il est le père de Thor et d'Heimdall. Tout ça pour dire, que des thématiques on peut en trouver plein. » Ses yeux brillent, comme à chaque fois qu'elle parle de la mythologie, parce qu'elle est passionnée par tout cela. Qu'elle baigne dedans depuis si petite, et que son travail au Musée n'a fait qu'émoustiller encore plus sa passion de tout cela. « Tu sais, c'est Baldr qui possède les runes. Qui les dirige. Je pense que ce serait bien de prendre cela en compte pour l'associer à nos runes d'abondance. Je suis sûre que cela pourrait les rendre plus fortes. » C'est une idée qui lui est venue il y a quelques semaines déjà. Même si cela l'angoisse beaucoup en réalité, car elle a toujours peur de créer des charmes trop puissants ou mal calibrés, qui pourraient mettre en péril tout l'équilibre de cette magie si délicate. « Tout ça pour dire, que je voulais te proposer une sélection de trois bases de d'amulettes possibles : la branche de sapin sur laquelle on grave traditionnellement, des runes pour nos demandes aux Dieux, la roue solaire pour le renouveau, et le julbock pour le folklore. Parce que même si tout le monde n'a pas la connaissance détaillée de toutes les subtilités des célébrations, tout le monde connait les boucs, non ? » Elle relève la tête avec un sourire amusé. « Si tu as des idées autre n'hésite pas. J'avais pensé au Chat de Yule, mais j'ai peur qu'il le prenne mal et qu'il nous chasse. » Malgré ses atouts félins adorables, il faut bien avouer que ce dernier n'a rien d'un chaton sans défense, et elle préfère à tout prix éviter de l'énerver, ce Chat.

Le visage d’Alfhild s’illumine lorsqu’il pose sa question et Einar reconnaît cette expression. Avec un sourire, il ouvre une nouvelle page de son cahier et se prépare à écrire. C’est quelque chose qu’il adore chez son amie : elle n’est jamais avare d’informations et adore les partager. Ensemble, ils peuvent se lancer dans de grands exposés de choses qui les passionnent sans aucun jugement. Au contraire, le jeune homme adore découvrir de nouvelles choses grâce à la jeune femme et il a l’impression qu’elle fait partie des rares personnes capables de l’écouter parler de sa dernière découverte musicale ou du dernier patron qu’il a déniché et qu’il compte essayer cette semaine ! Alors lorsqu’elle commence à parler, il écoute attentivement, un sourire aux lèvres, en prenant quelques notes et mots-clefs au fur et à mesure :

« En effet, Heimdall a un rôle important, selon les croyances plutôt actuelles. Mais il n'en n'a pas toujours été ainsi en réalité. Tu sais les statues de Julbock qui sont fabriquées pour l'occasion, c'est pour représenter Tanngrisnir et Tanngnjóstr les deux boucs qui tirent le char de Thor… »

Einar fronce légèrement les sourcils. Il n’avait jamais fait le rapprochement, mais il aime bien ces petites figurines folkloriques qu’on voit fleurir en fin d’année, qui sont en plus assez faciles à reproduire. Il esquisse un petit dessin de Julbock et hochant la tête tandis qu’elle continue :

« Si bien qu'avant, le rôle de Heimdall dans Yule était central, mais pas unique. Au onzième siècle, on se déguisait même en bouc à Yule, pour honorer Thor, et ainsi on allait de village en village, et on était logé et nourrit grassement. Fallait juste aimer sentir un peu fort, mais sinon le plan était pas mal.
- Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour un repas gratuit ! » renchérit-il, se joignant à son rire avant d’attraper du matériel sur la table tandis qu’elle commence à dessiner dans son carnet. Il tresse distraitement les cornes du bouc traditionnel, les montrant à son amie qui termine ses croquis avant de reprendre :

« Disons, qu'aux origines, Jól, c'est une célébration du renouveau. De la roue solaire qui revient à son point d'origine. Du retour de Baldr du royaume de Hel, faisant renaître l'herbe et les feuilles après la longue mort de l'hiver. On envoie nos offrandes à Freyr pour qu'il sème la fertilité et l'abondance dans les champs. Odin aussi a sa place de choix dans les célébrations de Yule. Après tout, il est le père de Thor et d'Heimdall. Tout ça pour dire, que des thématiques on peut en trouver plein.
- J’ai l’impression qu’à ce stade, quasiment tout le panthéon s’est invité à la fête ! » remarque-t-il avec un nouveau petit rire, attrapant de nouvelles brindilles pour commencer à former le corps du petit bouc. Il a tellement appris sur la mythologie grâce à elle, c’est l’une de ses grandes passions et Einar pourrait l’écouter des heures en parler. Elle ferait sans doute une bonne prof, songe-t-il avec amusement. Elle est passionnante, elle arriverait sans doute à motiver n’importe quel élève récalcitrant ! Ou peut-être qu’il faudrait qu’elle écrive des livres… Mais ce serait moins fascinant que de la voir s’animer en parlant de toutes ces choses. Il se reconcentre sur son amie :

« Tu sais, c'est Baldr qui possède les runes. Qui les dirige. Je pense que ce serait bien de prendre cela en compte pour l'associer à nos runes d'abondance. Je suis sûre que cela pourrait les rendre plus fortes. » Einar a une petite grimace à ces mots mais n’ose pas l’interrompre. « Tout ça pour dire, que je voulais te proposer une sélection de trois bases de d'amulettes possibles : la branche de sapin sur laquelle on grave traditionnellement, des runes pour nos demandes aux Dieux, la roue solaire pour le renouveau, et le julbock pour le folklore. Parce que même si tout le monde n'a pas la connaissance détaillée de toutes les subtilités des célébrations, tout le monde connait les boucs, non ? »

Il hoche la tête avec un sourire et note diligemment la liste des choses à faire avant de la placer au centre de la table pour qu’ils puissent la consulter et la modifier à n’importe quel moment.

« Si tu as des idées autre n'hésite pas. J'avais pensé au Chat de Yule, mais j'ai peur qu'il le prenne mal et qu'il nous chasse.
- Haha, non, je ne pense pas qu’il ait un grand succès en plus ! » répond Einar avec un rire. La jeune femme lui avait déjà raconté l’histoire du Chat de Yule l’année précédente ; il n’en avait jamais entendu parlé mais cette légende l’avait fait plutôt rire par son originalité. « Mais ne t’en fait pas, le Chat ne te fera rien du tout, j’ai presque fini tes mitaines ! »

Il lui fait un petit clin d’œil. Chaque année, il essaie de fabriquer quelque chose pour chacun·e de ses ami·e·s, de préférence qui se porte : gants, mitaines, bonnets, petits sacs, cache-oreilles… C’est devenu une petite tradition entre elleux, à laquelle tout le monde s’attend. Il a même des petites commandes de certaines personnes durant l’année, ce qui n’est pas pour lui déplaire : depuis qu’il a découvert les plumes à prises de notes intégrées, il adore crocheter en cours pour occuper ses mains tout en suivant ce qui est dit. Ça l’aide à se concentrer ! Et si certaines personnes étaient sceptiques voire un peu choquées de le voir faire au début, tout le monde avait fini par s’habituer et il était rare que quelqu’un commente sur cette habitude. Au contraire, c’est lorsque l’on n’entend plus le léger tintement de ses bracelets lorsqu’il crochète qu’on se tourne vers lui avec surprise.

« Je pense que ça nous fait une bonne base déjà ! Une dizaine d’amulettes classiques, des petits Julbocks de saison, des branches de sapin… Pour la roue solaire, on pourrait peut-être en faire en utilisant les chutes de tissus que j’avais récupérées… »

Il commence à esquisser quelques essais aux côtés de son amie en marmonant. Après quelques instants à créer des bases pour leurs amulettes, il jette un coup d’œil discret vers Jove, qui n’a pas l’air de suivre leur conversation, avant de se tourner à nouveau vers Alfhild :

« Tu sais, par rapport à ce que tu as dit tout à l’heure sur Baldr… Je crois que personne ne possède les runes, en fait. À mon sens elles sont… de la magie à l’état pur. On peut les comprendre, on peut les utiliser, mais leur pouvoir nous dépasse. Ok, Baldr en avait écrit sur la langue et Odin avait appris leur sens… Mais ce serait probablement une erreur de penser les contrôler totalement… »

Il rougit, un peu gêné de revenir sur le sujet avec un avis si tranché, mais la question tournait dans sa tête depuis qu’elle l’avait évoquée et il tenait à en parler avec elle… Quitte à se lancer dans un de leurs débats intenses ! Mais pendant qu’ils préparent les structures de leurs amulettes, ils peuvent bien discuter après tout, ils auront moins de problèmes qu'en cours !

Absorbée par ses explications et ses dessins, elle ne voit pas immédiatement qu'Einar a commencé à activer ses propres mains. Si bien que quand il lui montre le premier bouc presque terminé, ses yeux s'illuminent une fois de plus. Elle est toujours aussi fascinée par son talent créatif et la rapidité avec laquelle son esprit parvient à donner les bons ordres à ses doigts pour créer d'un premier jet des objets aussi finement travaillés. Tout en continuant à raconter son Yule selon ses connaissances et ses propres biais de croyance, Alfhild pose son crayon pour toucher du bout des doigts le petit animal tressé avec un doux sourire sur le visage. Elle aime le contact rugueux des liens serrés entre eux et les aspérités qui les composent. C'est une sensation qu'elle affectionne car elle y trouve toujours quelque chose de vrai, de concret, de vivant. Paradoxalement. Elle entend les réactions de son ami face à ce qu'elle lui raconte, mais prise dans ses histoires elle se laisse porter par ses explications sans prendre le temps de rebondir dessus. Sans doute qu'elle y reviendra plus tard. Si elle n'oublie pas. Mais quand elle évoque le Chat de Yule et qu'Einar reprend la parole d'une vive exclamation, elle parvient enfin à se taire et à calmer l'afflux d'informations qui a envie de sortir pour inonder les oreilles de son comparse. [color:0cfd=0a8787]« Haha, non, je ne pense pas qu’il ait un grand succès en plus ! » Elle grimace avec amusement, parce que même si l'animal est d'ordinaire plutôt associé à une créature adorable et attendrissante, celui évoqué est particulièrement peu sympathique. Elle se souvient trop bien son expérience singulière de l'année dernière où elle l'avait aperçu au détour d'une allée du marché traditionnel. Et elle en frisonne encore. Encore émerveillement de rencontrer une légende du folklore, et angoisse tétanique de l'entendre lui demander des offrandes et lui parler d'avenir. Terrifiant. « Mais ne t’en fait pas, le Chat ne te fera rien du tout, j’ai presque fini tes mitaines ! » Les yeux de la sorcière se lèvent à nouveau vers Einar, plein d'une nouvelle vague d'excitation. Des mitaines ! Il avait beau lui en offrir tous les ans, tous les ans elle accueillait cette nouvelle avec la même émotion reconnaissante. Parce qu'elle ne les lui avait jamais demandé. Parce que le geste était simplement amical, simple et doux. Un instant son esprit dériva vers celles de l'année dernière, qui avait finies bien abîmées après de trop longs mois d'utilisation, et que Hooligan, la Fylgia de Seb avait fini par terrasser un jour où ils profitaient d'une soirée chez Satine. Elle réprima un rire léger face à ce souvenir. Autant ses relations avec Pince n'étaient pas toujours idéales. Autant elle appréciait le caractère joueur et expansif du caracal. Et sa passion pour la laine n'était un secret pour personne, pratiquement. « Je pense que ça nous fait une bonne base déjà ! Une dizaine d’amulettes classiques, des petits Julbocks de saison, des branches de sapin… Pour la roue solaire, on pourrait peut-être en faire en utilisant les chutes de tissus que j’avais récupérées… » Les iris bleues d'Alfhild reviennent se poser sur lui après s'être perdues sur l'extérieur par la fenêtre. Comme trop souvent lorsque ses pensées l'embarquent loin de l'instant présent. Elle hoche la tête avant de se lever d'un coup, elle a failli oublier le thé ! Tout en écoutant Einar elle se penche en avant à travers la table et lève la coupole de la théière, hume une large bouffée de vapeur chaude et se mord la lèvre inférieure. Il est presque déjà trop fort. Aussitôt elle se précipite pour faire le tour de la table et sert trois larges tasses fumantes, avant de revenir se poser aux côtés d'Einar qui a commencé à esquisser des propositions sur son propre papier. Elle observe attentivement, corrigeant mentalement quelques détails qui correspondraient mieux à son esthétique, mais garde le silence pour l'instant. « Tu sais, par rapport à ce que tu as dit tout à l’heure sur Baldr… Je crois que personne ne possède les runes, en fait. À mon sens elles sont… de la magie à l’état pur. On peut les comprendre, on peut les utiliser, mais leur pouvoir nous dépasse. Ok, Baldr en avait écrit sur la langue et Odin avait appris leur sens… Mais ce serait probablement une erreur de penser les contrôler totalement… » Le sourire d'Alfhild s'efface momentanément alors que ses réflexions s'emballent à nouveau. Elle porte sa main contre sa bouche, cherchant rapidement sous quel angle répondre à cette interrogation d'Einar. Car sa remarque est pertinente mais elle nécessite une plus vaste prise en compte de tout un tas de croyance dont il n'est pas le plus familier. Elle finit par hocher la tête à ses propres réflexions et à se redresser à nouveau, refaire le tour de la table, attraper une tasse et se diriger vers Jove. D'un geste fluide elle la dépose sur la petite table devant lui avec un clin d'œil agrémenté d'un infime « Voilà pour toi si jamais tu en veux sinon je la boirai plus tard.  » Puis d'un pas léger elle revient vers son ami non sans avoir saisi les deux autres tasses fumantes. « En effet, il ne les contrôle pas dans le sens où elles le dépassent, le transcendent. En revanche il est admir que c'est lui qui leur prête sa voix quand on le chantent, les parlent, les récitent. Parce qu'il les a sur sa langue, sa poésie les traverse de part en part et quand les rappelant à cette origine, il est probable qu'on puisse faire brûler plus intensément leur pouvoir. La magie, aussi attachée aux Dieux qu'elle puisse être, existe en dehors d'eux. On est largement d'accord là-dessus. En revanche je pense qu'elle se sert d'eux, de leurs caractéristiques et de leurs particularités, pour se développer, de propager, s'enrichir, s'élancer. Comme des catalyseurs ? Un peu comme moi - et je ne me compare pas aux Dieux évidemment - » Elle s'arrête et son visage grimace ouvertement à cette idée « comme moi je suis un catalyseur pour les énergies spectrales. Elles existent en dehors de moi, mais utilisent les portes ouvertes de mon esprit pour prendre forme autrement. » Elle réfléchit en même temps qu'elle parle Alfhild, tapotant doucement sur le rebord de sa tasse de thé encore trop chaud, et sans doute un peu trop infusé. « Mais je peux me tromper, bien sûr ! Ce n'est que mon point de vu et mon appréciation de mes croyances. » Elle sourit doucement à Einar avant de se repencher sur la liste des idées et des différents matériaux en leur possession. « J'aime beaucoup l'idée de la roue solaire en tissus. Est-ce qu'on pourrait y ajouter des petites perles de pierre de soleil dedans ? A chaque embranchement par exemple ? Ce serait joli je crois. » Tout en disant cela elle se penche à nouveau sur la table, ses doigts cherchant dans un sac de velours vert sapin, les perles de la pierre en question.

Sa question laisse Alfhild songeuse et Einar n'ajoute rien, la laissant réfléchir en silence tandis qu'il modifie deux-trois détails à ses croquis. Elle se lève pour servir une des trois tasses qu'elle a préparées à Jove. Lorsqu'elle revient vers lui, il pose son crayon pour se saisir de la tasse qu'elle lui tend avec un sourire reconnaissant. La tasse est chaude, et il y trouve un certain réconfort familier. Il prend le temps de savourer l'odeur qui en émane avant de tremper ses lèvres, impatient comme toujours. Évidemment, il se brûle la bouche avec une petite exclamation de surprise. Myr, qui a repris sa forme de hase entre temps, bondit sur ses genoux avec un petit rire : « Idiot, souffle-t-elle, attends que ça ait refroidi ! ».
Il grimace légèrement en direction de sa fylgia avant de se tourner vers son amie, qui reprend la parole :« En effet, il ne les contrôle pas dans le sens où elles le dépassent, le transcendent. En revanche il est admis que c'est lui qui leur prête sa voix quand on le chantent, les parlent, les récitent. Parce qu'il les a sur sa langue, sa poésie les traverse de part en part et quand les rappelant à cette origine, il est probable qu'on puisse faire brûler plus intensément leur pouvoir. La magie, aussi attachée aux Dieux qu'elle puisse être, existe en dehors d'eux. On est largement d'accord là-dessus. »

Einar fronce des sourcils à ces mots, totalement concentré sur ce que la jeune femme lui explique. Iels ont souvent des positions différentes mais il ne s'est jamais senti jugé ou pris de haut par elle. Une fois encore, ses propos le plonge dans une profonde réflexion, tandis que ses mains se resserrent sur la tasse et qu'elle continue : « En revanche je pense qu'elle se sert d'eux, de leurs caractéristiques et de leurs particularités, pour se développer, de propager, s'enrichir, s'élancer. Comme des catalyseurs ? Un peu comme moi - et je ne me compare pas aux Dieux évidemment -» Des catalyseurs ? Le sorcier se fige soudain, le cerveau en ébullition. Il n'avait jamais considéré la question sous cet angle. Certes les sorciers -et peut-être les dieux- utilisent les runes et leur magie, mais l'inverse ? Il ouvre une nouvelle page de son carnet pour noter deux mots-clefs et un vague schéma et manque de rater la suite : « -comme moi je suis un catalyseur pour les énergies spectrales. Elles existent en dehors de moi, mais utilisent les portes ouvertes de mon esprit pour prendre forme autrement. »

Le sorcier se fige et tourne la tête vers elle pour la regarder tandis qu'elle tapote distraitement le rebord de sa tasse. Son pouvoir n'est pas un sujet tabou entre elleux, elle l'aborde souvent et bien qu'au début Einar ait été un peu déstabilisé, ce n'était pas par rapport à l'aspect plutôt  morbide de son don, mais par rapport à son honnêteté à ce sujet. A vrai dire, en arrivant à Durmstrang, il avait découvert que pour la plupart des personnes, ces dons -ou malédictions- n'étaient pas quelque chose de honteux, mais une simple partie d'elleux-même. Lui qui avait toujours grandi dans la crainte de ses visions, à qui on lui avait demandé de ne pas en parler, de le cacher, d'en avoir honte en un sens, même si cela n'avait jamais été formulé de la sorte... Il avait découvert une toute autre manière d'appréhender le sujet et ce notamment grâce à Alfhild, à qui il avait fini un jour par confier son secret. Et une fois encore la sorcière avait accueilli cette révélation avec un sourire bienveillant et une remarque légère qui l'avait fait rire, dédramatisant tout de suite la situation.

« Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, murmure-t-il en reposant sa tasse.
- Mais je peux me tromper, bien sûr ! Ce n'est que mon point de vu et mon appréciation de mes croyances.
- Non, non, mais... Je ne sais pas. C'est une hypothèse que je n'avais jamais considérée et ça ouvre des perspectives assez immenses. Je crois que tu m'as donné beaucoup à réfléchir ! » ajoute-t-il avec un petit rire.

Il jette un regard vers la fenêtre, tandis que dans son cerveau les possibilités fusent. Est-ce qu'il était lui aussi une sorte de catalyseur pour les visions ? Un passage plus facile d'accès pour la magie, un esprit qui permet de s'engouffrer facilement et de délivrer ses messages à travers le temps ? Est-ce que cette possibilité pourrait lui permettre de mieux contrôler ce pouvoir ? Il en a presque le vertige. Myr se blottit contre lui, rassurante.

A ses côtés, Alfhild se penche vers la liste d'idées : « J'aime beaucoup l'idée de la roue solaire en tissus. Est-ce qu'on pourrait y ajouter des petites perles de pierre de soleil dedans ? A chaque embranchement par exemple ? Ce serait joli je crois. » Le voile qui s'était posé sur son esprit semble se soulever doucement. Il cligne des yeux et se tourne vers elle ; en à peine quelques secondes, elle a réussi à lui éviter un vertige mental avec brio… Une fois de plus ! Dieux merci pour elle, songe-t-il avec un sourire. Il faudrait qu'il lui dise à l'occasion, à quel point cette amitié lui était précieuse... A elle et aux autres !

Il contemple les perles qu'elle lui tend avant d'en saisir une pour la faire rouler entre ses doigts, calculant la meilleure façon de l'accrocher à l'objet pour éviter qu'elle ne se décroche trop rapidement avant de hocher la tête avec un sourire : « Tu as clairement plus de goût que moi en la matière ! Ça rendra super bien, surtout suspendu, j'adore ! Il fait glisser la feuille vers elle en continuant : Tu vois des choses à ajouter ou modifier ? Oh, et est-ce qu'on fait des petites cartes de visite ou une banderole pour le stand ? Ça peut être sympa, non ? »

Elle aime beaucoup ces conversations avec Einar, parce qu'il a toujours cette faculté à faire ressortir le meilleur d'elle-même. Ses questions sont toujours si intéressantes qu'elles l'entrainent à chaque fois dans des réflexions qu'elle n'aurait peut-être pas réussi à avoir toute seule et à mettre en mot des pensées trop floues de son esprit. Parce qu'elle a une conception différente de beaucoup de sorciers sur trop de sujets Alfhild, elle en a bien conscience, pour que ces réflexions soient accueillies positivement ailleurs. Alors souvent elle garde tout pour elle, ou noircit quelques cahiers personnels de son écriture trop fine. Mais lui il écoute sans juger, sans l'arrêter, apportant ses propres réflexions et ensemble ils sont capables de porter plus loin encore le fil des sujets qui les passionnent. « Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle» Ce murmure de son ami lui avait permis de reprendre pied dans la réalité et de quitter momentanément l'extension de ses réflexions et ce n'était pas plus mal car elle sait, Alfhild, que quand elle est lancée, il peut être difficile de l'arrêter. Elle parle trop la sorcière, c'est une réalité, quand elle se sent en confiance et dans un environnement qui lui permet de lâcher un peu plus son naturel. Pourtant ce n'avait pas toujours été le cas. Fut un temps, adolescente, où il était rare d'entendre le son de sa voix. Trop habituée au silence des sous-sols d'Oda, elle avait mis longtemps à retrouver le goût et l'audace de partager ses réflexions avec des êtres vivants. Car alors elle ne parvenait à se confronter à leurs remarques et, bien souvent même, ne les comprenaient pas. C'est difficile de grandir à l'écart des autres. Mais ses pensées ne s'arrêtent pas sur son passé, pas cette fois, parce qu'il est inutile de remuer une réalité qui ne peut plus être changée. « Non, non, mais... Je ne sais pas. C'est une hypothèse que je n'avais jamais considérée et ça ouvre des perspectives assez immenses. Je crois que tu m'as donné beaucoup à réfléchir ! »Il avait enchaîné mais elle n'avait écouté que d'une oreille distraite, elle-même emportée par ses propres réflexions sur le sujet. Elle s'oblige néanmoins à quitter ces dernières pour reporter son attention sur le sujet de leur réunion et sur les objets étalés sur la table devant elle. Une fois les petites perles données à Einar, la sorcière reporte ses mains sur la tasse de thé qu'elle porte à ses lèvres, souffle doucement dessus, avant d'en avaler une toute petite gorgée pour tester la température du breuvage. Chaud, mais acceptable pour sa langue trop habituée à boire le liquide à cette température. Alors la Mørk en boit une plus longue, savourant les arômes ronds et amers à la fois des feuilles et des bais qui le composent. Il est très sensiblement, un tout petit peu, trop infusé, mais rien de trop probant. Elle est satisfaite. Elle avait vraiment eu peur de l'avoir entièrement gâché. Cela l'aurait beaucoup trop fâchée. « Tu as clairement plus de goût que moi en la matière ! Ça rendra super bien, surtout suspendu, j'adore ! Tu vois des choses à ajouter ou modifier ? Oh, et est-ce qu'on fait des petites cartes de visite ou une banderole pour le stand ? Ça peut être sympa, non ? » Les iris d'un bleu glacé sautent vers la feuille qu'Einar à poussé dans sa direction et immédiatement elle se redresse, passant une jambe sous ses fesses pour se donner un peu de hauteur et se penche presque allongée sur la table. La position lui permet de jeter en même temps des coups d’œil rapide aux différentes listes déjà établies et de faire des liens. Un large sourire satisfait éclaire son visage et Dreymir vient se poser face à elle en sautillant joyeusement entre les feuilles. La rossignol picore quelques miettes des roulés à la cannelle encore intouchés avant de lancer une légère trille, comme un appel et la Mørk glisse ses yeux vers l'assiette avec une soudaine gourmandise. Elle hoche la tête dans un signe de réponse silencieux et étire le bras pour attraper une des pâtisseries et en avale une bouchée avant de répondre à Einar. « On a déjà pas mal de choses, ça va nous demander pas mal de travail, je pense que ce serait plus sage de s'arrêter là même si j'ai encore plein d'idées. Mais entre les cours, les examens qui arrivent avant les vacances et mon travail au Musée, si je veux avoir la chance de dormir un peu on va devoir se limiter pour cette année. » Elle rigole doucement, pourtant c'est une réalité qui commence à la rattraper. Elle a accumulé tellement de retard ces derniers mois, qu'elle a du mal à voir comment elle va réussi à faire tenir tout cela dans les derniers jours de décembre. Cela lui fait penser qu'elle est bientôt à court de potion de sommeil et qu'il faudrait qu'elle songe à en demander à Vence rapidement. Parce que lui a toujours quelques fioles de côté, et qu'il aura peut-être plus de temps pour en refaire qu'elle. « Si tu es d'accord, on peut se partager les projets et se faire un point la semaine prochaine ? Peut-être jeudi, pour estimer notre charge de travail jusqu'au marché ? » Dreymir vient picorer sa main et Alfhild baisse son regard vers l'oiseau bleu avec un sourcil levé, sans comprendre l'intervention de sa fylgia jusqu'à ce que celle-ci lui adresse d'un piaillement exaspéré :  « Jeudi soir tu as un concours de ton groupe d'échecs magiques. » Elle grimace Alfhild, elle avait en effet oublié. Heureusement que Dreymir est garante de son planning, car sa commence à devenir trop compliqué de penser à tout pour Alfhild. Sa charge mentale n'a cessé de grossir depuis la rentrée et ce n'est pas parti pour changer. « C'est vrai. Jeudi à la pause repas alors ? » Son regard questionne d'abord l'oiseau qui approuve d'un signe de tête, puis elle tourne son visage vers Einar pour lui poser la même question, avant de reprendre la parole non sans avoir au préalable manger une bouchée de roulés et bu une gorgée de thé. « Tes roulés sont  trop bons merci beaucoup ! Et sinon je veux des cartes de visites ! On pourrait essayer de les ensorceler pour qu'elles fassent apparaître des runes qu'on utilisera pour nos amulettes. Des runes qui pourraient changer selon qui les touche ? Ce serait drôle. Mais en même temps je ne suis pas certaine qu'on est le temps pour trouver la bonne combinaison de sortilèges. » Son front se plisse alors qu'elle se rappelle que trois secondes avant elle faisant le constat mental qu'elle n'a le temps pour rien, et voilà qu'elle songe déjà à se complexifier encore la tâche. « Mais des cartes toutes simples ce sera déjà très bien. On pourrait aussi se faire un petit site internet non ? On a toujours pas statué sur notre nom de boutique il me semble ? ou alors j'ai oublié ? Et il nous fait des jolies couleurs pour la banderole ! » Son enthousiasme repart à la hausse sous un nouvel envol de la petite rossignol qui a recommencé à lancer ses trilles mélodieuses.

En voyant son amie boire un peu de thé, Einar se souvient qu'il n'a pas encore pu y goûter. Il reprend prudemment sa tasse, testant la chaleur cette fois-ci, avant d'enfin tremper ses lèvres. Il aimerait pouvoir dire qu'il s'y connaît en thé, mais ce serait un mensonge. Attention, ce n'est pas qu'il n'aime pas ça, loin de là ! C'est juste qu'il n'a jamais appris tout le vocabulaire autour... Non pas qu'Alfhild n'ait pas tenté d'en parler avec lui. Mais il ne retient pas les termes, il se contente d'apprécier la boisson, la laissant lui faire tester différentes saveurs, ce qui lui convient parfaitement car il est rarement déçu par les choix de son amie. Cette dernière est d'ailleurs en train de s'étaler sur la table pour regarder les feuilles qu'il lui a désignées. Après quelques instants, un sourire se dessine sur son visage et le jeune homme se ré-adosse sur sa chaise, rassuré. C'est lorsqu'elle attrape une pâtisserie qu'Einar se souvient qu'il en a apporté, et il pousse un petit grognement d'envie en faisant glisser l'assiette vers lui alors qu'elle reprend : « On a déjà pas mal de choses, ça va nous demander pas mal de travail, je pense que ce serait plus sage de s'arrêter là même si j'ai encore plein d'idées. Mais entre les cours, les examens qui arrivent avant les vacances et mon travail au Musée, si je veux avoir la chance de dormir un peu on va devoir se limiter pour cette année. » Il grimace légèrement car elle n'a pas tort. Iels se laissent souvent porter par leur enthousiasme débordant, et si d'habitude ça n'a pas trop de conséquence, cette fois-ci iels doivent assurer la gestion d'un stand ! Ça, ajouté au fait qu'il est vrai que leur charge de travail n'est pas des moindres en ce moment... La plupart des enseignants a décidé d'organiser  des examens juste avant les vacances, en plus de leur demander pas mal de rendus... Ces derniers temps, Einar passe quasiment toutes ses soirées à étudier et il profite du trajet en bateau de Durmstrang à Göteborg pour travailler le plus possible, car ses week-ends sont principalement réservés aux répétitions avec les Lucky People et aux petits contrats qu'il arrive à dégoter par-ci par-là pour se faire un peu d'argent... et quand il n'a rien, il joue dans la rue, ce qui a l'avantage d'à la fois le garder entraîné -et occupé-, mais aussi de lui permettre d'avoir un peu de monnaie. Ce qui le ramène au stand... « La voix de la raison, blague-t-il en croquant dans un roulé à la cannelle. Mais garde tes idées pour la prochaine fois, je suis sûr qu'on aura plein de demandes après le marché ! » ajoute-t-il avec optimisme, la voix étouffée par la pâtisserie. « Si tu es d'accord, on peut se partager les projets et se faire un point la semaine prochaine ? Peut-être jeudi, pour estimer notre charge de travail jusqu'au marché ? » Il hoche la tête distraitement et s'interrompt lorsque Dreymir intervient pour rappeler à la sorcière le concours d'échecs magiques. Il lève un sourcil amusé en pensant à ce loisir pour le moins étrange, pour lequel il n'a aucune patience. Son amie se tourne à nouveau vers lui après avoir vérifié son emploi du temps avec sa fylgia. « Jeudi à la pause repas, parfait, confirme-t-il en attrapant son carnet pour noter le rendez-vous. Mais pas trop longtemps pour que tu puisses aussi profiter d'une pause, d'accord ? ». Il plaisante à moitié, légèrement inquiet pour son amie. A ses côtés, Myr se trémousse légèrement et il lui jette un regard en coin. Un sourire se dessine légèrement sur ses lèvres tandis qu'il l'entend bougonner « …bien mal placé pour parler, celui-là... ». Il retient un petit rire, même s'il sait qu'elle n'a pas tord... Il est le premier à courir partout, à se lancer dans milles projets et à ne jamais se poser. Probablement pour les mêmes raisons que la jeune Mørk, réalise-t-il avec une petite grimace. Celle-ci reprend : « Tes roulés sont trop bons merci beaucoup ! Et sinon je veux des cartes de visites ! On pourrait essayer de les ensorceler pour qu'elles fassent apparaître des runes qu'on utilisera pour nos amulettes. Des runes qui pourraient changer selon qui les touche ? Ce serait drôle. Mais en même temps je ne suis pas certaine qu'on est le temps pour trouver la bonne combinaison de sortilèges. » Einar se retient de rire devant l'enthousiasme renouvelé de la sorcière. Rapidement, il calcule quels types de sorts pourraient remplir ce cahier des charges. Deux-trois pistes lui viennent en tête, mais il faudrait peut-être demander à Caly ou Hana ce qu'elles en pense et si elles ont des idées pour renforcer et stabiliser les siennes. Souvent elles lui donnent une perspective nouvelle, à laquelle il n'aurait jamais pensé, et qui se combine bien avec ses idées à lui. Oui, ça paraît un bon défi pour elleux, il essaiera de les croiser en début de semaine à Durmstrang pour leur en parler. Il ajoute une petite note dans son carnet tout en répondant, marmonnant en réfléchissant comme trop souvent : « Je pense qu'on peut trouver un moyen de faire, mais il faudrait que je vois avec Hana et Calysta, si elles ont le temps d'y réfléchir avec moi on devrait pouvoir bidouiller ça... (Il relève la tête et reprend en essayant de ne pas marmonner cette fois :) Je ne sais pas si on peut personnaliser les runes selon qui les touche ceci dit... ça paraît compliqué et j'ai peur que ça puisse déranger si la rune qui apparaît ne plaît pas, non ? Mais ensorceler les cartes pour qu'elles révèlent un logo, un message ou quoi, ça peut totalement se faire ! - Mais des cartes toutes simples ce sera déjà très bien, reprend-t-elle. On pourrait aussi se faire un petit site internet non ? On a toujours pas statué sur notre nom de boutique il me semble ? ou alors j'ai oublié ? Et il nous fait des jolies couleurs pour la banderole ! » Einar se fige soudain et repose sa tasse « On a pas de nom. Oh merde, Alfhild, on a pas de nom pour la boutique ! » Il éclate de rire sous le regard consterné de sa fylgia. Sincèrement, il ne pense pas qu'iels aient évoqué le sujet une seule fois depuis qu'iels ont commencé leur collaboration. C'est tellement... typique de leur part que ça en est hilarant. Ou alors c'est juste le stress de tout ça qui est en train de le faire craquer. Il essuie une petite larme qui s'est échappée de ses yeux et la rassure en riant : « Pardon, mais je réalise qu'on a réservé un emplacement au marché, prévu tout un tas d'objets, qu'on en a déjà testé, offert... et on a toujours pas parlé de nom, c'est trop drôle ! ».

Elle aime ces discussions avec Einar. Cette simplicité et cet espace sécurisé entre eux qui permet tout sans avoir besoin de s'excuser. Parce qu'elle sait qu'elle a tendance à prendre trop de place quand elle est lancée sur un sujet qui la passionne. Hors toute cette conversation est passionnante pour Alfhild. Les amulettes, les runes, la mythologie sorcière, les significations, les sortilèges, le stand. Alors elle a du mal à se contenir la sorcière, déversant le flot de ses idées comme elles lui viennent. Torrent brut qui mène ses réflexions en même temps qu'elle avance. Mais elle sait qu'elle peut être aussi à l'aise parce qu'Einar comprend, n'en prend pas ombrage. Car elle ne pense pas à prendre le devant Alfhild. Non. Si on devait lui poser la question elle dirait sans aucun doute que c'est lui la tête pensante de leur aventure artisanale. Et qu'elle n'est que le tremplin qui fait bondir ses bonnes idées. Pourtant des idées elle a plein, trop même souvent. Et ça la fait rire doucement quand son ami la désigne comme la voix de la raison pour cette fois. Parce que ce n'est clairement ce qu'elle est Alfhild. Dreymir aurait plutôt tendance à dire la voix de l'irrationalité sporadique. D'ailleurs elle ne tarde pas à le prouver en cherchant une place dans son emploi du temps pour caler leur prochaine discussion sur leurs avancées créatives. « Jeudi à la pause repas, parfait. Mais pas trop longtemps pour que tu puisses aussi profiter d'une pause, d'accord ? » Elle avait grimacé Alfhild à cette remarque, parce qu'elle se connaît trop pour savoir pertinemment qu'il est peu probable qu'elle prenne ce fameux temps de pause. Dreymir a d'ailleurs partagé cette pensée et l'oiseau a piqué vers sa sorcière pour lui adresser un regard quelque peut fâché accompagné d'un léger coup de bec contre la joue. Mais Alfhild ne prête pas attention à sa Fylgia. Le sujet des pauses, notamment celles des repas, est encore un sujet sensible entre elles. Parce qu'Alfhild a recommencé à sauter des repas. Un peu trop souvent. A cause de l'enchaînement de ses différentes activités. Du moins c'est ce qu'elle veut faire croire la Mørk. Mais en réalité les derniers événements de sa vie autour de son adelphe la perturbent bien plus qu'elle ne laisse entrevoir. Pas même à Einar. Jove sait qu'il se passe quelque chose, parce qu'il a déjà essuyé les larmes des crises de la sorcière. Mais elle essaie de garder le plus possible cette nouvelle fragilité pour elle. Parce que moins elle l'expose aux autres, plus elle peut l'ensevelir sous ses habituelles couches de déni. Et ça, elle maîtrise plutôt bien, le déni. Comme celui dans lequel elle nage actuellement avec une aisance rêveuse, faisant comme si elle n'avait pas remarqué l'agitation agacée de l'oiseau qui manifeste à manifester son énervement en s'envolant d'un coup d'ailes sec qui a presque griffé la peau de la jeune Mørk. Heureusement elle ne s'attarde pas sur le sujet et se contente d'un signe de tête entendu à Einar avant d'enchainer rapidement, trop peut-être, sur les roulés à la cannelle et ses idées concernant les cartes de visite pour le marché de Yule. Et la conversation reprend, sur ce même rythme effréné que précédemment. Comme si ce court instant ne s'était jamais produit. Ou comme s'il n'était rien d'autre qu'une brindille venu, un infime moment, dévier le cours du torrent. « Je pense qu'on peut trouver un moyen de faire, mais il faudrait que je vois avec Hana et Calysta, si elles ont le temps d'y réfléchir avec moi on devrait pouvoir bidouiller ça... Je ne sais pas si on peut personnaliser les runes selon qui les touche ceci dit... ça paraît compliqué et j'ai peur que ça puisse déranger si la rune qui apparaît ne plaît pas, non ? Mais ensorceler les cartes pour qu'elles révèlent un logo, un message ou quoi, ça peut totalement se faire !  » Bien sûr elle est d'accord avec tout ce qu'il dit. Elle devrait lui dire que c'est définitivement lui la voix de la raison, plutôt que elle. Mais Alfhild est prise dans son élan si bien qu'elle reprend vite la parole après avoir avalé une petite bouchée de roulé à la cannelle. Et c'est alors que la révélation a eu lieu. Cette révélation qui fait éclater le rire d'Einar et qu'Alfhild vient enrichir du sien. Est-ce qu'ils sont sérieusement pris dans leur propre engouement qu'ils ont chacun oublié de réfléchir au nom de leur boutique ? Bien sûr que oui. Cela leur ressemble bien trop qu'il puisse en être autrement. Elle laisse son rire courir Alfhild, se reculant de la table et retournant s'asseoir sur sa chaise dans une posture plus conventionnelle avant d'essuyer dans un même geste que son ami, la larme qui perlait au coin de ses cils. [color:872c=0a8787]« Pardon, mais je réalise qu'on a réservé un emplacement au marché, prévu tout un tas d'objets, qu'on en a déjà testé, offert... et on a toujours pas parlé de nom, c'est trop drôle ! ». La Mørk hoche la tête, avant de la secouer sur les côtés, retenant son rire d'éclater une nouvelle fois, les lèvres pincées par l'effort. Sa manche vient essuyer une deuxième larme et elle tente de faire refroidir son hilarité dans une gorgée de thé et manque de la recracher sur Einar alors qu'un nouvel éclat secoue ses côtes. Elle parvient finalement à faire redescendre le fou rire et toussotte légèrement avant d'arriver à reprendre la parole. « Ça nous ressemble trop en même temps non ? Oublier ce genre de détail trop énorme qu'il nous passe sous le nez. » En parlant de nez, elle pouffe encore un peu de celui-ci avant de tirer à elle son carnet et d'en faire tourner la page pour retrouver une feuille vierge. « Peut-être qu'on peut d'activer à en trouver un dès maintenant alors ? Ça me paraît être une idée raisonnable. » Son sourire se tord en une légère grimace amusée avant qu'elle ne vienne faire tapoter son crayon contre ses lèvres dans un signe d'intense réflexion. « j'avoue que je n'ai pas d'idées précises. On pourrait mixer nos prénoms pour trouver un truc drôle. Mais autant nos deux cerveaux font des choses chouette ensemble j'ai l'impression. Autant nos prénoms sont moins harmonieux mixés. Einild ou Alfhdar. Bof bof. » Son rire repart légèrement, parce que ça la fait soudain beaucoup rire d'entendre ces deux sonorités qui résonnent avec étrangeté dans ses oreilles. « Ou alors partir de la thématique de nos bijoux et amulettes et trouver un mot en vieux norrois correspondant. Ça peut être sympa. Par exemple, j'avais une amie, celle qui m'a appris cette langue d'ailleurs, elle était sorcière skjaldmö au neuvième siècle. Ça peut être un nom sympa dans son genre, pour le rapport à la protection tout ça. Ou alors j'aime bien l'idée du Gjöll, le fleuve résonnant et de cette idée de fleuve qui traverse les mondes. Comme la magie traverse tout. » Elle note les mots différents sur son carnet, juste pour en garder une trace et les relier avec leurs prénoms et s'amuser à créer des combinaisons improbables. « Tu en penses quoi toi ? Tu as des mots ou des concepts qui pourraient être parlant dans tes croyances ? Ou alors on part sur nos Fylgjur : la hase et l'oiseau. » « C'est pas le nom d'une fable ça ?» Marmonne Dreymir qui est venue se poser sur la page du carnet. Alfhild acquiesce, ça l'amuse de le constater, mais elle n'est pas sûre que ce soit approprié. « Je crois que je sais pourquoi on avait pas eu l'idée de trouver un nom svant. C'est horriblement stressant. Imagine on prend un nom qui existe déjà ? Ou nul ? Ou ridicule dont tout le monde se moque ? » Elle grimace une nouvelle fois Alfhild, mais cette fois l'amusement à quitté ses traits et il ne reste qu'une véritable appréhension qui la fait mâchouiller sa lèvre inférieure.