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Goodbye (Alf)
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Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Les doigts de ma main gauche tapotent nerveusement un parchemin posé devant moi sur la table.  Ma main droite entoure l’anse d’une tasse de café, que je bois sans savourer.  

Je relis sa lettre pour la vingtième fois, mais elle fait toujours aussi mal que lors de sa première lecture. Qui voudrait se lier d'amitié avec un membre de la même famille que cet être qui s'en prend à tout ce qui bouge ? J’avais songé à l’impact de mes actes du passé sur mes rencontres dans le présent, j’avais songé au fait que c’était agaçant, pour moi, de ne pas savoir si j’avais fait souffrir ceux que je rencontrais. Mais je n'avais pas pensé aux conséquences sur Alfhild, je n’avais pas pensé à ce qu’elle devait subir elle aussi de ce côté et ce que ça pouvait faire, indirectement, d’être la sœur d’un tel enfoiré. Je ne me suis concentré que sur moi, alors que je voulais tant être un bon frère, alors que je voulais réellement mieux faire, alors que je voulais sincèrement me préoccuper d’elle et faire les choses convenablement. J’ai échoué, sans même m’en rendre compte. Tout ça pour dire que j'aimerais savoir, si par exemple, il avait envoyé un de mes colocs à l'hôpital. Un de ses colocs. J’ai cherché, après qu’elle m’ait donné les noms. J’ai parcouru toutes les pages du journal, de façon plutôt sommaire pour celles que je n’avais pas déjà lues, avec cette peur au ventre d’y découvrir l’un des sobriquets qu’elle m’avait indiqués. Leo. Jove. Fenrir. J’avais tourné les coins racornis de l’ouvrage horrifiant avec anxiété, en espérant à chaque seconde qu’il n’y aurait rien, aucune mention, aucune horreur, rien. Rien. C’est tout ce que je demandais, tout ce que je voulais, même si je savais que s’il n’y avait rien dans ce foutu machin, ça ne signifiait pas que rien n’avait rien eu lieu, même si je savais que l’absence de ces trois prénoms ne rendait pas plus justifiable la présence de tous les autres.

Je n’ai rien trouvé, mais je n’ai pas été soulagé. Comment aurais-je pu l’être? Je n’ai réalisé que ce jour-là que les blessures que j’ai infligées à Alfhild étaient plus profondes que je ne le croyais et que je continuais encore de la blesser et de lui être nuisible, sans le vouloir.

Un enfoiré, encore.

Je fixe l’heure sur la grosse horloge fixée au mur, celle qui m’indique qu’il est presque seize heures. Elle sera bientôt là et je ne sais toujours pas quoi faire. Les mots tournent, tournent et tournent et font du sens, peut-être trop :  je ne sais pas quelle attitude adopter, quelle décision prendre. Je pensais avoir réussi à être sortie de son ombre. A avoir fait ma vie loin de son influence. Force m'est de constater, que je me suis lourdement trompée. Qui suis-je pour être revenu dans sa vie, alors qu’elle était parvenue à m’en extirper? Comment ai-je pu lui balancer autant de lettres centrées sur ce qui m’arrivait, sur les horreurs que je découvrais, sans m’informer davantage de comment elle le prenait, comment elle le vivait? Comment ai-je pu être aussi égoïste que ce connard, avec une personne qui compte tant pour moi depuis que je me suis réveillé? Et n’est-ce pas inacceptable, que de continuer à vouloir rester proche de sa vie, en sachant que ma présence la jette dans ces eaux troubles?

J’ai trop senti à travers ses mots le mal que je lui fais, que je continue encore de lui en faire, en m’accrochant égoïstement à elle. Je n’avais pas réalisé, avant ses dernières missives, à quel point mes tentatives de prendre une place dans sa vie pouvaient être problématiques et ne représenter en final qu’une épreuve supplémentaire. Et puis, il y a aussi cette allusion… Pour le reste de ta lettre, je crois avoir compris que tu n'avais finalement, pas tant que ça de problème à chercher l'affection des autres. Que sait-elle? Quel est son lien exact avec Aysun, qu'elle a mentionné ensuite? Ai-je merdé là aussi, encore?

Ma fylgia s’approche de moi et appuie sa tête contre mes genoux. Je glisse mes doigts contre mes tempes moites, en relevant de nouveau les yeux vers l’horloge. On s’est donné rendez-vous pour samedi et j’ai eu plusieurs jours pour réfléchir. Des jours insuffisants pour me fixer sur quoi que ce soit, des jours insuffisants pour que je réussisse à accepter la seule conclusion qui s’impose.

J’ai besoin de ma sœur, même si elle n’a pas besoin de moi. J’ai besoin de cette fille dont j’ai quelques souvenirs épars dans mon enfance, j’ai besoin de cette personne qui ne m’a pas entièrement repoussé après mon amnésie, alors qu’elle aurait eu tous les droits de le faire. J’ai besoin de ses mots, de sa présence. J’ai besoin de. Je prends, je prends, je ne donne rien. J’assume ce qu’il me faut, pas ce que je ne procure pas. Elle n’a pas besoin de moi et si elle m’a dit de ne pas repartir de sa vie, dans son autre missive, c’est probablement parce qu’il y a entre nous un lien familial qui n’est pas facile à défaire, malgré tout le mal que j’ai pu occasionner. Si je l’aime, et c’est le cas, il n’y a peut-être qu’une solution d’acceptable. Si je veux agir en bon frère, au moins une fois, il faut très certainement que je m’oublie d’abord, que je cesse de ne penser qu’à moi, que je songe plutôt à ce qu’elle vivra, quand je serai réellement et totalement sorti de son existence.  

La tasse est reposée brusquement sur la table. Quelqu’un a cogné à la porte et je m’empare d’une feuille pliée en quatre, que j’avais posée à côté de moi. Je laisse la lettre sur la table, sans songer à l’écarter, alors que je me dirige vers l’entrée. Je tourne aussitôt la poignée, m’écartant pour laisser ma sœur rentrer : « Alf. » Ma voix trahit ma nervosité, ma peine, mon appréhension. C’est une salutation sommaire, mais je ne suis pas capable de mieux. Je suis figé, perdu, et j’ai cette envie de vouloir la prendre dans mes bras, sans pouvoir le faire. « Tu veux un truc à boire? » Question distraite, question facile, à côté des vrais sujets. Je me mords la lèvre inférieure, la machoîre serrée, les traits tendus, avant de lui tendre la feuille que je tiens entre mes doigts :   « Ce sont les noms que j’ai trouvés. Je te les ai listés. Tes colocs n’y sont pas. » Heureusement ou malheureusement. Heureusement parce que j’aurais été horrifié de lire quelque chose à leur sujet. Malheureusement, parce qu’on ne peut pas savoir, parce que l’absence de réponses n’en est pas une. Mes pupilles d’un bleu de tempête crient ce que je ne parviens pas à mettre en mots. Je suis désolé d’être un tel connard.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen

Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Elle déteste être en retard Alfhild, et pourtant elle n'a rien fait dans sa journée pour finir ses tâches à l'heure. Cela ne lui ressemble pas. Mais si ces collègues ont remarqué quelque chose, ils ont eu la délicatesse de ne faire aucun commentaire. Il faudra qu'elle pense à les remercier pour cela. Car il est plus que visible qu'elle a la tête ailleurs Alfhild. Ses doigts ont tellement maltraité ses cheveux qu'elle est aussi ébouriffée qu'un matin au réveil. Plusieurs fois ils l'ont retrouvée debout dans un couloir à marmonner toute seule. Même s'ils ont l'habitude de cette singularité, d'ordinaire elle fait dans la réserve, pas devant la porte des toilettes. Ils avaient posés quelque questions discrètes. Elle avait répondu en substance qu'elle devait revoir une personne qu'elle n'avait pas vue depuis longtemps. Elle n'avait pas dit grand chose de plus. Elle en était bien incapable. Parler de Fred à d'autres n'avait jamais été dans ses habitudes. Et même maintenant qu'il était devenu une autre personne, elle avait encore bien du mal à l'associer à la relation fraternelle qui les unissaient. Il y en a bien une qui avait essayé de savoir si c'était un rendez-vous galant mais la réponse négative glacée qu'elle avait reçu d'Alfhild avait suffit à stopper nette son investigation.
Tant et si bien que la jeune Mørk regarde avec angoisse l'horloge indiquer le temps qui passe, incapable de se concentrer sur l'artefact dont elle doit estimer la datation. Sauf qu'elle doit le faire absolument avant de partir car celui leur a été prêté par un autre musée et que le prêt n'est pas extensible. Ozymandias a été clair dessus. La panique de décevoir son cousin s'ajoute à celle de sa rencontre avec Fred. Sa vision de brouille et son souffle manque soudain dans la poitrine. Dreymir s'est empressé de grimper sur ses genoux, léchant frénétiquement les joues de la sorcière qui n'entend plus les appels de son collègue. "Alfhild, est-ce que ça va ? Va te reposer tu es toute pâle. Je vais finir pour toi t'en fais pas." Elle entend vaguement la voix qui flotte autour d'elle. Ça la gratte dans le nez. Ça tumulte dans sa tête. Évidemment. "Tu saignes du nez" "Je sais" Elle parvient à murmurer quelques mots, paupières fermées elle se concentre sur sa respiration, les pensées fixées sur l'image mentale d'une eau calme et paisible. Faire partir la crise avant qu'elle ne submerge. Calmer le roulis des flots qui menaçaient de tout faire basculer. Elle trouve qu'elle y arrive de mieux en mieux Alfhild. Il faudra qu'elle pense à remercier Gunnar pour ça. Ce sont ses conseils, ses ouvrages qui ont fini par l'aider.
Ça fait beaucoup de monde à remercier. "J'y penserais pour nous". Un mince sourire étire les lèvres de la Mørk. Heureusement qu'elle est là.
Alfhild n'a pas bougé de son siège. Elle a même repris sa baguette sous le regard désapprobateur de son collègue dont elle a cependant accepté l'aide. A deux, ils parviennent à quelques résultats juste à temps avant seize heures. Elle n'aura pas le temps en revanche de rentrer se changer comme elle l'aurait voulu. Mais c'est peut-être mieux ainsi, elle n'est pas certaine Alfhild, qu'elle aurait eu le courage de repartir de sa chambre.

Dans un craquement elle se retrouve devant l'immeuble inconnu. Pas si loin de sa propre maison finalement. Un frisson parcourt son échine à cette idée. Ils habitent dans le même quartier. Son poul s'accélère tandis qu'elle franchit le pas de la boulangerie dans laquelle elle a l'habitude d'acheter ses rouleaux à la cannelle. Puis, une fois son emplette réalisée, la jeune femme retourne sur ses pas, se poster devant la porte d'entrée. "Je suis pas sûre d'y arriver Dreymir". La renarde en écharpe autour du cou vient frotter son museau contre sa joue. "On y arrivera ensemble". Elle hoche la tête Alfhild, bien que peu convaincue. Ça lui rappelle ses retrouvailles avec Satine après l'Egypte. Il faudrait qu'elle arrête de perdre des gens de vue. C'est vraiment détestable cette sensation.

Elle s'est enfin décidée, elle a frappé contre le battant de la porte d'entrée de l'appartement. Dans sa poitrine les coups frappent douloureusement sur ses côtés. Elle n'arrive pas à déglutir normalement, elle est tétanisée avant même d'avoir croisé son regard. La porte s'ouvre et le cœur d'Alfhild tombe, pierre froide dans son estomac. C'est lui. C'est bien lui. Le même visage, les mêmes yeux, mais pas tout à fait le même regard. C'est toujours aussi difficile de contempler ce visage qu'elle a tant détesté. Et tant cherché à la fois. Il dit son prénom, non, un diminutif que l'anxiété de la voix semble aboyer. Elle grimace légèrement. Fred s'écarte pour la laisser passer mais son corps raide mais du temps à réagir. Enfin elle parvient à se glisser dans l'appartement et la porte se referme. Instinctivement ses sens ce sont mis en alerte. Ses yeux scrutent le moindre changement d'expressions du visage de son adelphe. Visage étrangement extrêmement expressif. C'est la première fois qu'elle le revoit depuis le réveil de son coma, et elle est surprise de constater qu'il a gardé cette mouvance expressive. Là où l'ancien Fred avait un contrôle total sur ses expressions corporelles. "Tu veux un truc à boire" il est aussi crispé qu'elle, plus encore peut-être. Ils sont deux pics de glace qui essayent de trouver la force de fondre au contact de l'autre. Elle n'a pas le temps de répondre Alfhild, qu'il enchaîne sur ses colocs. Ses dents se serrent et Dreymir resserre la pression contre son cou. Elle est restée lovée contre sa sorcière, incapable d'aller saluer la Fylgia en face. Est-ce une bonne chose qu'ils n'y soient pas ? Non. Alfhild sait que tous les noms n'y sont pas exposés clairement. Ni tous les actes. Sinon il saurait ce qui met Ozy si distant. Elle le sait Alfhild, que ce n'est pas un gage de non agression. Mais en l'absence d'autres choses. C'est déjà mieux que rien. Muette, elle ne peut détacher son regard du visage de Fred. L'enfant qu'elle était est toujours terrifié, mal à l'aise, en colère contre ses traits. Alors elle se force la jeune Mørk, à penser très fort aux mots des lettres. A l'imaginer les écrire. Pour faire illusion. Prend une décision. Elle ferme les paupières une fraction de seconde, inspire, et délicatement vient attraper la feuille qu'il lui tend. "Merci. D'avoir cherché pour moi. Désolée d'avoir dû te replonger dans la lecture de ce carnet". Elle tente un vague sourire, pale et trop faible pour ne pas traduire son incroyable effort. "Si tu as du thé ce serait parfait. Sinon j'en ai toujours sur moi. J'ai pris des roulés à la cannelle. Je ne sais pas si tu aimes. Mais Sela avait l'habitude d'en apporter quand elle venait me voir. Je crois que c'est un goûter qu'Oda faisait souvent. Comme une marque familiale ? Je ne sais pas. Moi j'aime bien ça en tout cas alors comme c'est l'heure du goûter je me suis dis que ça te ferais plaisir. Et puis j'avais faim. J'ai l'impression de ne pas avoir mangé depuis deux jours." "Tu n'as pas mangé depuis deux jours" grogne la renarde qui profite de la longue tirade pour quitter le cou de sa sorcière et s'asseoir face à la Fylgia de Fed, comme pour renifler des intentions. Alfhild quant à elle a plongé dans ses vieilles habitudes de parler pour ne rien dire et diluer son anxiété sociale dans une longue tirade. Pourquoi elle a parlé de Sela d'ailleurs ? Elle n'a pas eu de contact avec elle depuis longtemps. Quelque hiboux. La grande sœur vit sa liberté par delà les mers et elle en est ravie pour elle. Mais Fred ne la connait plus ? Elle ne sait même plus s'ils ont déjà parlé d'elle ? Elle oublie parfois que sa mémoire s'est enfuie avec l'ancien Fred. "J'ai apporté des petites graines de tournesol pour ton oiseau et des croquettes de poisson pour ton chat. J'espère qu'ils aiment prendre le goûter aussi ?" Elle se laisse aller à cette version d'elle-même, celle qui papillonne, celle qui évite de s'ancrer dans une réalité qui risquerait de faire éclater ses barrières mentales. Ce n'est même plus un mécanisme de défense conscient, c'est devenu sa personnalité à part entière. D'un coup elle retrouve sa capacité de mouvement et elle s'empresse d'aller déposer ses sacs sur la table. Ses yeux tombent sur la lettre qui s'y trouve. Sa lettre. Son visage s'éclaire pour de bon et elle se retourne vers Fred avec un véritable sourire aux lèvres "Oh c'est ma lettre ! Tu sais que je l'ai écrite sur un bout de mon devoir d'histoire ? D'ailleurs je crois que j'ai oublié de le finir finalement." Elle hausse les épaules. Tant pis.


Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
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Les silences sont souvent plus évocateurs que les grands discours. Elle m’observe, je l’observe. Ma sœur. L’une des trois, la seule qui a repris contact avec moi. La seule qui est venue me voir là-bas, et qui n’aurait peut-être pas dû le faire. Je pince les lèvres alors que je la vois fermer les paupières, une fraction de seconde, avant de prendre la feuille que je lui tends. Cette rencontre n’agite pas que moi et je me sens mal, mal de provoquer un tel effet, mal qu’on ne puisse pas se revoir comme des membres normaux d’une même famille, mal que mon prénom ne soit associé qu’à des choses sinistres. « Merci. D'avoir cherché pour moi. Désolée d'avoir dû te replonger dans la lecture de ce carnet. » Son faible sourire, qui trahit trop bien l’effort qu’il lui coûte, me fait grimacer. Je ne parviens pas à détacher mon regard d’elle, à qui j’écris depuis des mois, mais que je n’ai vue qu’une fois. Je ne parviens pas à associer son visage aux missives échangées, je ne parviens pas à conserver ma stupide naïveté, celle qui m’animait probablement lorsqu’on s’échangeait des hiboux. J’ai cru…J’ai cru quoi? Que le plus difficile était peut-être derrière. Que Fredrikke lui avait fait du mal à sa façon, mais que j’étais parvenu à rattraper le coup. Que le lien se reconstruisait, et que je pouvais lui apporter quelque chose. J’ai cru une chimère : en face d’Alfhild, j’ai cette impression trop nette que le plus difficile n’est pas derrière, comme je le croyais, mais devant. « Si tu as du thé ce serait parfait. Sinon j'en ai toujours sur moi. J'ai pris des roulés à la cannelle. Je ne sais pas si tu aimes. Mais Sela avait l'habitude d'en apporter quand elle venait me voir. Je crois que c'est un goûter qu'Oda faisait souvent. Comme une marque familiale ? Je ne sais pas. Moi j'aime bien ça en tout cas alors comme c'est l'heure du goûter je me suis dis que ça te ferais plaisir. Et puis j'avais faim. J'ai l'impression de ne pas avoir mangé depuis deux jours. » Je fronce les sourcils aux mots de sa fylgia, qui quitte son cou, pour aller s’asseoir face à la mienne. Ashes semble se retenir pour ne pas manifester son hostilité, et je lui jette un regard noir, sentant trop clairement qu’elle est tentée de prendre la forme du taïwan.

Je reporte mon attention sur Alfhild. Alfhild et ses roulés à la cannelle, Alfhild qui semble nerveuse, Alfhild qui parle, parle, comme lorsque je suis mal à l’aise. Alfhild qui n’a pas mangé depuis deux jours. Pourquoi? Par ma faute? Je ne songe pas à Sela. Je ne sais rien d’elle, qui n’a jamais répondu à ma tentative de nouer le contact. Je ne lui en tiens pas rancune : je comprends trop bien qu’on puisse ne pas vouloir me répondre. « J'ai apporté des petites graines de tournesol pour ton oiseau et des croquettes de poisson pour ton chat. J'espère qu'ils aiment prendre le goûter aussi ? » C’est incroyablement mignon. Un sourire gêné m’échappe, alors que je la regarde déposer les sacs sur la table. La table avec ma tasse de café. La table avec sa lettre. La table devant laquelle je suis resté trop longtemps, incertain, pris de doutes. Est-ce que la décision à prendre est plus claire, maintenant qu’elle est là? Non. « Oh c'est ma lettre ! Tu sais que je l'ai écrite sur un bout de mon devoir d'histoire ? D'ailleurs je crois que j'ai oublié de le finir finalement. » Son sourire semble bien plus réel, mais je ne parviens pas à y faire écho. Je ne parviens pas à détendre suffisamment mes mâchoires, je ne parviens pas à ordonner à mes lèvres de s’étirer, à mon cœur de se calmer. Elle ne semble pas revoir cette lettre avec l’air accusateur à lequel je l’avais associée ; elle ne semble pas la voir comme un élément déclencheur, comme quelque chose de trop révélateur. J’en suis presque confus.

Je m’approche des sacs, sans y fouiller. Je suis mal à l’aise, horriblement gauche. Ma voix trahit trop clairement ma nervosité, cette peur de gaffer : « J’avais songé acheter aussi des roulés, mais tu avais dit que le sucre et toi, ce n’était plus trop un grand amour, alors…Mais je t’ai pris un petit cactus. Je voulais te remercier, pour l’amulette. » Du menton, je désigne le petit pendentif, qui ressort clairement sur ma chemise. Mes doigts se tendent vers une petite plante posée sur une tablette, dans un pot en forme de niffleur. Je le dépose sur la table, à proximité des sacs, en me disant que c’est un peu con, que ça ne règlera rien, que c’est insuffisant et totalement stupide. Je reprends pourtant : « Il n’est pas enchanté, mais…Il m’a fait penser à toi. Les épines ne l’empêchent pas de fleurir. » Je réalise la débilité de ma réplique au moment où je la prononce. Une phrase digne d’un mauvais roman, qui ne veut rien dire. Et je n’ai pas trouvé mieux. Peut-être parce que tout ce qui peut être dit est dangereux, peut-être parce que j’aimerais remettre éternellement à plus tard une conversation essentielle, peut-être parce que j’aimerais qu’il n’y ait que moi et ma sœur dans cette pièce, et pas le fantôme d’un enfoiré. Je glisse une main dans mes cheveux, gêné : « C’est cliché, désolé. Je savais pas quoi prendre, pour te faire plaisir, alors… » Alors j’ai pris le premier truc vert qui me passait sous les doigts. Brillant, vraiment. Des épines, c’est peut-être un peu trop associé à la relation du passé, à ce Fred que je ne peux pas renier. À moi.

Je me mords violemment la lèvre inférieure, incapable d’aller plus loin, d’ordonner suffisamment mes pensées. Je lui tourne le dos, pour activer la bouilloire électrique posée sur le comptoir de marbre. J’aime bien utiliser la magie, mais je me suis aussi familiarisé avec la technologie moldue, en déménageant ici. Technologie qui ne me sera d’aucune aide, actuellement. Mes doigts tapotent nerveusement le comptoir, avant que je ne me retourne pour faire face à ma sœur : « Alfhild, je… » J’ai pensé à elle tous les jours, depuis sa lettre. J’ai pensé à ses mots, à ce que je n’avais peut-être pas compris, à l’impact de mon retour dans sa vie. Je ne peux pas accepter de lui faire du mal involontairement. Je ne peux pas tolérer l’idée d’être encore le même égoïste, qui ne se soucie pas de ce qu’elle ressent. Elle d’abord, moi après. Je reprends : « Ta lettre…Devoir d’histoire ou pas…Je veux pas que tu replonges en eaux troubles à cause de moi. » Et je ne sais pas comment le formuler adéquatement. J’inspire, j’expire, avec cette impression de plonger je-ne-sais-où. Mon pouls est trop rapide, alors que mes yeux cherchent ceux de ma sœur : « Je ne supporte pas l’idée d’avoir encore une influence négative sur ta vie. » Même si je ne supporte pas davantage l’idée qu’elle quitte la mienne.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
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Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Il tangue. Il semble hésiter lui aussi. Sur tout. Elle voit qu'il est mal à l'aise. Quand elle l'a vu marquer un temps d'arrêt à l'évocation de la lettre, elle a eu envie de le serrer dans ses bras. De rassurer ce Fred-là. Celui qui avait reçu ce hibou si chargé de sa soudaine déception. Elle se souvient bien Alfhild, cette sensation de vide immense qui avait accompagné les révélations d'Aysun. Cet enchaînement de prises de conscience qui l'avait laissé sonnée devant une réalité qui lui avait complètement échappée. Elle avait détesté ça la Mørk. Détesté l'idée que sa meilleure amie, celle avec qui elle avait passé toutes ses dernières années, était désormais plus proche de lui. Quand elle devait rester seule. Encore une fois. Elle avait voulu s'élancer vers lui. Lui serrer doucement le bras peut-être. Et puis ses yeux avaient croisé son regard. Ce visage. Et ses entrailles c'étaient refermées comme une huître. Tordue de l'intérieure par un réflexe physique non maitrisé. Non, elle n'était vraiment pas sûre d'y arriver Alfhild. Alors elle avait reporté son attention sur son petit paquet pendant que l'adelphe s'approchait à son tour de la table et commentait ses fameux roulés à la cannelle. "J’avais songé acheter aussi des roulés, mais tu avais dit que le sucre et toi, ce n’était plus trop un grand amour, alors…Mais je t’ai pris un petit cactus. Je voulais te remercier, pour l’amulette." La sorcière a relevé la tête à l'évocation de son amulette. Un nouveau sourire revient éclairer son visage, elle est profondément touchée qu'il la porte. Ca lui fait chaud au coeur. Un temps, elle avait eu peur qu'il n'ait dit cela que pour lui faire plaisir. Peut-être qu'il ne la porte que parce qu'elle est là ceci-dit. C'est une possibilité à laquelle elle songe. Mais même, alors, ça lui fait plaisir. Il faudra qu'elle pense à lui demander si son petit charme runique fonctionne. Pour qu'elle puisse prendre des notes pour son petit commerce avec Einar.  « Il n’est pas enchanté, mais…Il m’a fait penser à toi. Les épines ne l’empêchent pas de fleurir. » Alfhild regarde le petit cactus dans un pot en forme de niffleur et elle ne peut s'empêcher de pouffer de rire en le découvrant et en entendant la phrase de Fred. Le pot lui fait penser à Miro. Cette petite boule de poil qui vit au Musée. Ce qu'elle aime le petit bougre. Fred ne pouvait pas mieux tomber. Elle l'adore. Evidemment. « C’est cliché, désolé. Je savais pas quoi prendre, pour te faire plaisir, alors… » Ses doigts attrapent le petit pot, en faisant bien attention à ne pas frôler les épines. Elle contemple distraitement ses courbes, ses couleurs, son allure. Il est beau. Elle songe déjà à son petit nom et à son emplacement dans sa chambre. Elle ne prête pas attention aux mouvements de l'homme qui se détourne d'elle pour aller préparer les boissons. Elle ne prête pas attention au trouble qui reprend possession de Fred. Elle ne voit pas son anxiété revenir au galop si bien qu'elle lève un regard surpris lorsqu'il reprend la parole d'un ton hésitant. "Alfhild, je…" A nouveau elle croise son regard et ses entrailles se resserrent. Il faudra qu'elle travaille dessus. C'est en train de lui couper tout appétit. Et pourtant il faut qu'elle mange. Dreymir qui s'est à nouveau approché d'elle, délaissant une fylgia peu amicale, ne la laissera pas faire autrement, et elle le sait. "Ta lettre…Devoir d’histoire ou pas…Je veux pas que tu replonges en eaux troubles à cause de moi." A son tour elle grimace Alfhild. Il est vrai qu'elle a tendance à brouiller les pistes entre ses changements d'humeur dont Fred est loin d'être habitué. Encore une chose à laquelle elle doit faire attention. Dans son crâne, elle commence à entendre des voix plus fortes que les autres. Elle déteste ça. "Je ne supporte pas l’idée d’avoir encore une influence négative sur ta vie." Comme si la proximité avec Fred éveillait des consciences. Elle cligne plusieurs fois des paupières et semble réfléchir. Elle repense à Aysun, à cette lettre, à ce qu'il lui a demandé de faire, à tous ces noms qui tombent sous le couperet de Fredrikke. Un soupire s'échappe de son corps tout entier alors qu'elle s'adosse à la table, face à lui. C'est difficile de trouver le courage de le regarder normalement. Tant pis pour les roulés à la cannelle. "Tu n'as pas une influence négative dans ma vie. Sauf si ton cactus est en fait un filet du diable habilement déguisé. Mais je doute que ce soit le cas. D'ordinaire tu n'utilisais pas de subterfuge pour me faire parvenir tes poisons. Mais sois réaliste Fred. Bien sûr que ta présence est un chamboulement pour moi. Je découvre l'ampleur de qui était Fredrikke. Et je me pose mille questions auxquelles je n'aurais peut-être, plus jamais de réponse." Elle marque un nouveau temps d'arrêt tandis que Dreymir qui s'est installée en boule sur une chaise se raidit malgré son attitude endormie. Alfhild la sentie. La renarde n'est pas totalement en accord avec la volonté de sa sorcière de parler de tout cela avec lui. "Tu sais, en réalité, j'ai plein d'autres noms que je voudrais vérifier. Je me suis demandée une nuit, si je ne m'étais pas trompée sur toute la ligne." Son regard s'est envolé loin de la silhouette de l'adelphe. "Je pensais qu'il n'en n'avait rien à faire de ma personne. Je pensais qu'il me haïssait si fort qu'il faisait tout pour m'éviter un maximum. Mais peut-être que je me suis trompée. Quand tu as commencé à me parler de certains noms, je me suis demandée, si peut-être, il n'avait pas été plus proche que je ne l'avais su. Est-ce qu'il ne s'amusait pas au contraire, à s'en prendre volontairement à des gens dont j'étais proche ? Est-ce que derrière ses attaques hasardeuses, il n'y avait pas en réalité, un malin plaisir à faire souffrir ceux qui m'étais proche. Peut-être pas. C'est possible que ce ne soit que du hasard. La Scandinavie n'est pas si grande. Et pourtant, une partie de moi serait heureuse de savoir que c'est vrai. Parce que ça voudrait dire, qu'il pensait à moi, malgré tout. Et de l'autre, ça me terrifie, de me dire que tous ces gens ont vécu des choses terribles par ma faute." Elle finit presque dans un murmure Alfhild. La voix soudain étranglée dans une vague de culpabilité qui lui fait fermer les yeux. Elle se reprend d'un coup, comme revenue à la réalité. "Mais tout ça ne sont que des chimères. Alors que ce petit cactus est bien réel et c'est bien toi qui me l'a offert." Elle attrape la plante avec un éclat d'émerveillement dans le regard, encore brillant de sel. "J'ai déjà choisi son ptit nom. Ce sera Piment." La jeune Mørk redépose la plante sur la table puis s'empresse de sortir les roulés à la cannelle du sac. "C'est vrai que j'avais dis ça, que je n'aimais pas trop les sucreries. C'était vrai l'année dernière. Je mangeais pas trop à ce moment-là. Ca allait mieux mais c'était pas encore ça. Des fois ça revient encore." Elle hausse les épaules, elle sait que ce n'est pas une bonne habitude. Et ce goût de cendre lui revient parfois trop en bouche. Ca gâche tout. "Mais c'était l'occasion de prendre quelque chose pour tout le monde et de partager un peu de douceurs entre nous." Cette fois elle gratifie Fred d'un clin d'oeil amusé, tout en évitant de garder trop longtemps son visage en ligne de mire.


Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Elle s’adosse à la table face à moi et je l’observe, incapable de détacher mes yeux de ses traits. Est-ce qu’on se ressemble ? Je ne suis pas le meilleur pour juger de ce genre de choses. Tout ce que je sais, c’est que psychologiquement, l’un de nous deux a gravement dérivé. «Tu n'as pas une influence négative dans ma vie. Sauf si ton cactus est en fait un filet du diable habilement déguisé. Mais je doute que ce soit le cas. D'ordinaire tu n'utilisais pas de subterfuge pour me faire parvenir tes poisons. Mais sois réaliste Fred. Bien sûr que ta présence est un chamboulement pour moi. Je découvre l'ampleur de qui était Fredrikke. Et je me pose mille questions auxquelles je n'aurais peut-être, plus jamais de réponse. » Le soit réaliste m’arrache une grimace. J’essaie de l’être, pourtant. J’essaie de l’être depuis mon réveil, mais même si j’essaie de fouiller tous les angles de ma vie et des implications de mon changement, j’oublie toujours des coins. Et j’étais probablement dans l’aveuglement volontaire, en ce qui concerne ma relation avec Alfhild. J’imaginais les choses…moins problématiques? Je me leurrais, je ne voyais très certainement que ce que je voulais voir, comme si l’ancien Fred n’avait pas été entièrement un connard avec elle. Lui a-t-il vraiment déjà fait parvenir des poisons…? Je retiens la question, tout en regrettant de ne pouvoir lui donner les mille réponses que je n’ai pas. Puis-je vraiment lui éviter de découvrir l’ampleur de qui était Fredrikke? Même ma disparition complète ne règlerait pas ce problème. « Tu sais, en réalité, j'ai plein d'autres noms que je voudrais vérifier. Je me suis demandée une nuit, si je ne m'étais pas trompée sur toute la ligne. » Je fronce les sourcils, sans comprendre où elle aurait pu se tromper et sans être convaincu que je veux qu’elle vérifie tous les autres noms. Je préfèrerais l’ignorer, si je m’en suis pris à plusieurs de ses proches, même si c’est lâche. Je vois son regard qui s’envole loin de moi, ne notant qu’à cet instant qu’elle croise très peu mon regard. Je me raidis, attendant la suite : « Je pensais qu'il n'en n'avait rien à faire de ma personne. Je pensais qu'il me haïssait si fort qu'il faisait tout pour m'éviter un maximum. Mais peut-être que je me suis trompée. Quand tu as commencé à me parler de certains noms, je me suis demandée, si peut-être, il n'avait pas été plus proche que je ne l'avais su. Est-ce qu'il ne s'amusait pas au contraire, à s'en prendre volontairement à des gens dont j'étais proche ? Est-ce que derrière ses attaques hasardeuses, il n'y avait pas en réalité, un malin plaisir à faire souffrir ceux qui m'étais proche. Peut-être pas. C'est possible que ce ne soit que du hasard. La Scandinavie n'est pas si grande. Et pourtant, une partie de moi serait heureuse de savoir que c'est vrai. Parce que ça voudrait dire, qu'il pensait à moi, malgré tout. Et de l'autre, ça me terrifie, de me dire que tous ces gens ont vécu des choses terribles par ma faute. » Sa voix se termine presque dans un murmure et je la vois fermer les yeux, le cœur serré. Ma peau peut difficilement pâlir davantage. J’aimerais fuir loin de cet appartement et de cette discussion dont j’ignore la conclusion désirée, j’aimerais pouvoir fuir ce corps qui est le mien, et qui ne l’est pas entièrement. J’aimerais que ces mots s’adressent à un autre que moi, parce que je ne sais pas quoi en faire, parce que je ne peux pas la rassurer, parce que je ne peux pas même tenter un je t’aimais ou un personne n'a souffert à cause de ton lien avec moi. La vérité est plus complexe et est trop fragmentée, de sorte que je ne la connais moi-même pas entièrement. Mais ça me fait mal, de voir qu’Alfhild était peut-être d’une certaine façon attachée à son frère, ce frère tordu qui ne savait pas gérer les relations humaines. Ça me fait mal de la voir peut-être souhaiter et redouter qu’il s’en soit pris volontairement à ses proches. Je ne peux ni confirmer ni infirmer ce point, je ne peux que laisser le doute.

« Mais tout ça ne sont que des chimères. Alors que ce petit cactus est bien réel et c'est bien toi qui me l'a offert. » Tout ça, ce ne sont pas des chimères. Ce sont des questionnements légitimes et ce cactus n’est qu’une tentative maladroite, ridicule, insuffisante, de lui faire plaisir. Je ne sais pas comment faire pour me rapprocher adéquatement de ma sœur, je ne sais pas comment faire pour ne pas nuire à sa vie et enfin agir comme un frère ; aujourd’hui encore plus que tous les autres derniers mois, alors que j’envisage de sortir de son existence. « J'ai déjà choisi son ptit nom. Ce sera Piment. » Glace de piment dans la gorge…Les mots font échos dans mon esprit, sans que je ne m’y attarde. Elle dépose la plante et sort les roulés du sac, mais je ne parviens pas à m’y intéresser. « C'est vrai que j'avais dis ça, que je n'aimais pas trop les sucreries. C'était vrai l'année dernière. Je mangeais pas trop à ce moment-là. Ca allait mieux mais c'était pas encore ça. Des fois ça revient encore. » Je fronce les sourcils, inquiet de ses paroles. Elle ne mangeait pas trop…? Ça revient encore…? Une lueur interrogatrice valse dans mes prunelles claires, sans que je ne l’interroge. Je ne peux pas le faire, même si ses propos me dérangent, même s’ils font sonner une alarme. Je ne me sens pas dans une position légitime pour poser la moindre question sur le sujet. «Mais c'était l'occasion de prendre quelque chose pour tout le monde et de partager un peu de douceurs entre nous. » Elle me gratifie d’un clin d’œil, mais je constate pour la seconde fois qu’elle ne semble pas garder longtemps mon visage dans son champ de vision. Fuit-elle mon regard? Cette idée me fait tressaillir, parce qu’elle est associée trop clairement à mon corps, à mes traits, à un point irréfutable, malgré toute ma bonne volonté et ma dissociation avec le passé : je suis bien Fredrikke Mørk. Je suis celui qui a fait toutes ces horribles choses, celui qui n’a pas su aimer sa sœur convenablement. Je peux changer, je peux invoquer l’amnésie, je peux appeler mon ancien moi par son prénom, mais je ne peux changer mon identité.

Je fixe le cactus, répondant simplement d’une voix légère :   « C’est mignon comme nom, piment. » Je n’en attendais pas moins, de la part d’Alfhild. La bouilloire émet un son et et je dépose deux tasses sur le comptoir, en face de la blonde, y versant de l’eau. Mes pupilles sont concentrées sur la vapeur qui s’élève de la tasse, tandis que j’affirme : « Il ne te haïssait pas. Je ne te haïssais pas. Il fait peu mention de toi dans le journal, mais il y a des passages étranges… Où l’attachement est visible, mais d’une façon tordue et malsaine. » Je suis mal à l’aise. Extrêmement mal à l’aise, et c’est visible dans ma voix. Parce que j’ai une page trop précise en tête, parce que je me rappelle d’un passage perturbant, dans la première partie du journal. Quelques lignes, rien de bien développé, mais quelques lignes que j’aurais préféré ne pas lire : Je me demande jusqu’où on peut torturer les membres de sa propre famille avant que l’un d’eux n’engage quelqu’un pour nous tuer. Je me demande qui craquera la première, dans mes trois sœurs. J’aurais une préférence pour Alfhild : il y a quelque chose de jouissif à me dire que j’aurais bien bossé au point où elle, surtout elle, serait prête à payer quelqu’un pour m’éliminer. Je compte m’appliquer à la tâche. Je ne veux pas qu’elle souffre de d’autres mains que les miennes. Je songe à ces mots alors que je dépose la bouilloire sur son sôcle, sans penser à les dire à Alfhild. Je ne crois pas que c’est nécessaire, à ce stade, ni que ça l’éclairera. Je poursuis : « C’est possible, qu’il s’en soit pris à certains de tes proches volontairement pour t’atteindre toi. Mais si c’est le cas, ce ne serait pas de ta faute. Il utilisait constamment des motifs bidons, pour s’en prendre aux gens. Qu’ils aient été ciblés à cause de toi ou non…Ils auraient été attaqués. » Et je n’aime pas devoir l’affirmer. Je rajoute un sachet de thé dans chaque tasse, en songeant à la suite, en songeant à ce qui va franchir mes lèvres, et que je n'ai pas envie de proposer. Mais je le dois, pas vrai…? Alfhild recherche la vérité et a mille questions ; je ne peux lui répondre que de façon limitée, mais ce que je peux lui donner, je dois lui donner. Je relève mes yeux vers elle, embêté, mais décidé : « Si tu veux…Je pourrais te prêter le journal. Tu verras par toi-même ce qu’il en est. Toutes mes réponses, les seules que j’aies, je les ai trouvées là-dedans. » Je n’ai pas encore tout lu moi-même. Quand j’ai cherché les noms qu’elle m’a donnée, je n’ai parcouru qu’en diagonal les pages restantes, pas encore prêt à tout lire. Je ne serai peut-être jamais prêt. Je pousse la tasse sur le comptoir doucement, dans sa direction, avant de me reculer sans prendre la mienne. Je n’ai pas soif, je n’ai pas faim et je n’ai pas envie de respecter le sens de mes réflexions. J’hésite, quelques secondes, avant de reprendre : « Je sais que ma présence est un chamboulement, mais je n’avais pas réalisé que…Je veux que tu sois bien. Avec ou sans moi, sans moi si c’est nécessaire. » J’insiste sur le sans, parce que c’est ce que je tente de lui dire depuis qu’elle est arrivée, parce que c’est ce que j’aimerais avoir le courage de faire, parce que c’est peut-être la seule bonne solution. Je n’en sais rien, je ne parviens pas à me convaincr,e parce que je sens trop bien à quel point j’ai besoin de ma sœur. Plus peiné que je ne voudrais le montrer, je rajoute : « Est-ce que tu évites mon regard Alfhild? Est-ce que je t’ai fait souffrir à ce point dans le passé? » Je sais que oui, mais j’ai eu peu de précisions sur le sujet. Je lui ai fait du mal, c’est indéniable, mais est-ce que je me suis davantage limité avec elle qu’avec les autres, ou ai-je été plus loin, parce que nous avions le même sang?
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen

Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Est-ce qu'il est plus blanc que d'habitude ? Elle a aperçu son visage soucieux, elle s'en veut Alfhild de parler si franchement. Toujours les mêmes soucis avec elle. Impossible d'apprendre. Alors elle commence à enrouler une de ses longues mèches de cheveux autour de son doigt. Signe parfaitement lisible de son anxiété. Elle s'en veut de le faire souffrir. C'est presque drôle. Elle n'aurait jamais songé à s'en vouloir pour ça il y a plus d'un an. Peut-être même qu'elle aurait voulu ça, le faire souffrir. Mais aujourd'hui tout est différent. Inversé. Elle a même peur de paraître étrange et déplacée. Elle a même peur qu'il trouve ça monstrueux qu'elle avoue si facilement qu'elle aurait aimé savoir que Fredrikke pensait suffisamment à elle pour s'en prendre aux gens qu'elle fréquentait. Elle a peur qu'il ne comprenne pas. Parce que le nouveau Fred à l'air si candide sur certains sujets. Ca y est. Elle s'en veut. Surtout quand il salut si légèrement son choix de prénom pour le cactus. « C’est mignon comme nom, piment. » Son visage s'est tordu dans un léger sourire gêné. Une grimace peut-être même plus qu'un sourire. Est-ce qu'elle oserait lui dire que c'est la sensation qu'elle a constamment, quand elle pense à leur relation. Et  lorsqu'elle s'imagine Aysun à ses côtés. Est-ce qu'elle est venue ici d'ailleurs ? Peut-être que c'est là, dans cette même cuisine, qu'ils ont sympathisé. Un frisson glacé de panique resserre ses entrailles. Rien que d'y penser elle a un mouvement de recul. Elle se déteste d'être aussi égoïste. Elle ne sait plus rien Alfhild. Ses émotions sont un brouillon chiffonné de toute part. Alors elle dissimule son mouvement de panique comme elle peut. La Mørk se baisse pour attraper Dreymir qui lui lance un regard perçant. Elle s'étonne d'ailleurs Alfhild, de trouver la renarde sur la chaise et non auprès de la fylgia de Fred. Dreymir aime tant être proche des autres. Elle se demande ce qui a bien pu lui donner envie de rester près d'elle. « Il ne te haïssait pas. Je ne te haïssais pas. Il fait peu mention de toi dans le journal, mais il y a des passages étranges… Où l’attachement est visible, mais d’une façon tordue et malsaine. » Sa gorge se noue quand il emploie le premier pronom pour se désigner. Elle ne sait pas s'il a remarqué, mais elle fait toujours la distinction entre les deux. Le surnom pour lui, le prénom entier pour l'autre. C'est plus fort qu'elle. Comme s'il s'agissait de deux personnes. Et non d'une seule. Elle assimile les paroles de Fred. Elle essaie de décanter ses phrases, de comprendre derrière les insinuations. Mais a-t-elle vraiment envie de savoir de quelle façon il l'aimait ? Rien n'est moins sûr. Ses doigts se sont enfoncés dans la fourrure de Dreymir. Malgré tout, elle a senti poindre la petite flamme de l'émotion quand il a affirmé les sentiments que l'adelphe avait envers elle. Encore une fois cette dualité, reconnaissance et dégoût d'elle-même de ressentir ça. Pourquoi faut-il qu'elle y soit si attachée. La panique remonte en flèche, elle sent ses yeux qui s'humidifie un peu trop, détourne la tête vers les roulés à la cannelle qu'elle s'empresse d'empiler comme par soucis de présentation.  « Si tu veux…Je pourrais te prêter le journal. Tu verras par toi-même ce qu’il en est. Toutes mes réponses, les seules que j’aies, je les ai trouvées là-dedans. » Son cœur s'est arrêté de battre. Elle s'est complètement figée Alfhild à cette proposition. Lui donner le carnet. Ses yeux s'écarquillent légèrement alors que Dreymir émet un léger aboiement qu'elle ne parvient pas à retenir sous le coup de la surprise. A nouveau suspicieuse, la fylgia tourne la tête vers le koala comme pour guetter la réaction de celui-ci. Elle est méfiante, derrière ses allures de renarde ensommeillée. Des deux, elle est celle qui fait le moins confiance au sorcier. La petite sœur glisse son regard sur la tasse qu'il a fait glisser vers elle et ses doigts s'en emparent machinalement. C'est un peu chaud, mais elle n'y prête pas vraiment attention. Alors qu'elle essaye d'assimiler, une fois de plus, les paroles de Fred, elle sent le tumulte toujours grandissant dans sa tête. Comme si l'évocation de ce carnet avait éveillé des souvenirs dans l'au-delà. Et ca lui déplait beaucoup à Alfhild, de faire ce constat. Elle déglutit avec difficulté, se rendant soudain compte qu'elle a la gorge très sèche. Et dire qu'elle ne lui a même pas encore parlé d'Aysun...: « Je sais que ma présence est un chamboulement, mais je n’avais pas réalisé que…Je veux que tu sois bien. Avec ou sans moi, sans moi si c’est nécessaire. » Ses doigts resserrent la tasse, tandis que dans le bras gauche Dreymir commence à gigoter un peu trop pour la position. Elle redescend donc, pour revenir se poster face au koala. Fred a insisté sur le sans et cela a réveillé les mêmes angoisses que sa dernière lettre. Celle à laquelle elle avait répondu trop rapidement, elle avait supplié, qu'il ne parte pas. Ses dents mordent la lèvre, alors qu'elle évite une fois de plus le regard de Fred qui s'était posé sur elle. « Est-ce que tu évites mon regard Alfhild? Est-ce que je t’ai fait souffrir à ce point dans le passé? » Cette fois elle trésaille visiblement. C'est presque un sursaut et ses iris d'un bleu glacé se posent sur le regard triste du sorcier qui semble être vraiment peiné de faire ce constat. Que répondre à cela. Sa mâchoire se contracte malgré elle, alors que des souvenirs diverses et variées frappent sa mémoire. Des souffrances, il y en a eu plein. Pas d'agression physiques, mais c'était le tout, tout le temps. Des remarques, des attitudes, des actions, aux conséquences toujours plus désagréables pour Alfhild. Certains pourraient dire torture psychologique peut-être. Elle ne sait pas trop Alfhild. A dire vrai, elle vit déjà avec sa propre torture au quotidien. Alors les acharnements de Fred, souvent, elle n'y faisait pas tant attention.
« Je suis désolée Fred. J'ai tellement détesté ton visage. » Elle penche la tête sur le côté Alfhild, cherchant ses mots, ses sensations les plus justes. Toujours trop directe. Toujours sans pincette. Elle a pourtant appris un peu, mais elle ne peut pas gérer sur tous les fronts aujourd'hui. « Avant l'année dernière, quand on se voyait, ce n'était jamais bon signe. C'était qu'une chose terrible était sur le point de se passer ou de m'être révélée. Je crois, mais tu le sais déjà, qu'il s'amusait beaucoup de cette crainte mêlée de rage qu'il m'inspirait. Il avait au moins gagné ça j'imagine. Le reste je ne sais pas trop. Je n'ai jamais su avec lui. » Est-ce qu'elle avait fini par l'exaspérer ou bien est-ce qu'il lui préparait quelque chose de plus grand ces dernières années ? Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle avait peu entendu parler de lui après Walpurgis. Peut-être qu'il avait eu de quoi se satisfaire pendant longtemps avec cette attaque. Peut-être que la voir frôler la mort lui avait suffit pour pour une année entière ? Elle réprima une nausée. Il faut vraiment qu'elle arrête d'aller chercher trop loin. « Et puis quand il y a eu l'accident. Que je t'ai vu immobile, comme endormi sur ce lit d'hôpital. Il y avait quelque chose de différent dans ce visage si...paisible. Je crois que c'était plus simple de te regarder dormir. Mais là, toutes ces expressions de visage, oui je crois que ça me terrifie encore un peu. » Elle voudrait le rassurer, lui dire que ça passera vite. Mais elle n'en sait rien Alfhild. Après tout, c'est la première fois qu'elle le revoit depuis la dernière fois. « Mais si on se voyait plus souvent, je pourrais arriver à construire d'autres souvenirs autour de ce visage. Peut-être ?» Parce qu'elle a vraiment envie de le revoir, malgré tout. Même si elle ça lui donne mal au ventre. « Merci pour le thé. » Ajoute-elle alors qu'elle se décide à boire une gorgée du breuvage. Il n'est pas exceptionnel, mais il convient très bien pour des roulés à la cannelle, se dit-elle. Ses yeux glissent d'ailleurs sur ceux-ci, et sur le reste du paquet. Elle n'a toujours pas vu le chat ni l'oiseau. Elle commence à se demander s'il ne lui a pas menti juste pour l'amadouer. Elle a se demande quand elle arrêtera de toujours supposer en premier lieu, que Fred lui a menti, plutôt que d'envisager d'autres réponses. Le silence s'installe quelques instants, pendant lesquels la Mørk boit trois gorgée de thé tout en réfléchissant encore aux paroles précédents de Fred. Elle est partagée sur le carnet. Une partie d'elle ne voudrait même pas connaître son existence. Une autre partie voudrait se ruer sur ses pages et y chercher avidement la moindre informations. A l'évocation de l'objet, le volume des voix remonte encre d'un cran. Si bien qu'elle ferme une paupière avant de secouer la tête. Ca devient terriblement désagréable et elle met sa paume gauche contre sa tempe. « Est-ce que tu sais si Fredrikke a déjà tué quelqu'un ? Hormis dans le cadre de son travail. Légalement. » Elle ne réalise pas vraiment que sa question peut paraître sorite de nulle part. D'ailleurs, la question n'en n'est pas vraiment une qui attend de réponse. C'est juste une question lancée à la volée, presque sur le ton de l'humour, et elle reprend vite la parole pour enchaîner sur un autre sujet. « J'ai pas envie que tu ressortes de ma vie Fred. J'en ai marre tu sais, que les gens ne fassent que partir, et de me retrouver seule. J'ai pas mal testée, la solitude, je t'assure que c'est pas le pied. Après je perds pied, justement, avec la réalité. Et je me retrouve à fricoter avec des fantômes. Tout ça pour dire qu'on aurait du mal à sortir complètement de la vie l'un de l'autre. Déjà, faudrait que tu arrêtes de fréquenter Aysun, et j'ai la vague impression que ce serait compliqué » Elle n'a pas pu s'empêcher de l'amener sur le tapis. Son regard a sauté sur le cactus en disant cela. Un vague sourire éclaire son visage. Piment. Vraiment son propre humour l'exaspère. Distraitement, elle recommence à enrouler sa mèche de cheveux autour de son doigt. Elle n'arrive toujours pas à prendre une décision précise concernant le carnet. Les battements de son cœur s'accélèrent alors qu'elle songe sérieusement à approuver la proposition. Une partie de sa raison lui hurle de refuser, mais la tentation prend le dessus sur tout le reste. Un besoin de plus en plus pressant de trouver des réponses. Peut-être sur qui il était. Peut-être sur l'identité de ses victimes. « Je crois que oui, j'aimerais bien, consulter moi-même le carnet. » Elle a murmuré la phrase dans un souffle, comme lâchée sans le vouloir. Le regard au sol, elle n'ose pas affronter le regard de Fred à cet instant précis. « Tu as le droit de me juger détraquée. Entre ça et ce que je te disais toute à l'heure concernant cet infime espoir, de la petite sœur, qui espère en secret que son frère toxique et violent pense un peu à elle. De toute façon, il faut bien que je confirme les rumeurs à mon sujet de temps en temps. » Est-ce qu'elle parle réellement à Fred ou bien se parle-t-elle à elle-même. Il n'est pas toujours facile de savoir avec Alfhild. Dans sa tête elle entend les ricanements et les appels. Ca murmure fort, un venin dont elle parvient à saisir quelques mots, sans même faire l'effort de les écouter. Ils profitent de ses angoisses pour assaillir ses défenses mentales affaiblies. Elle devrait prendre quelques secondes pour se calmer et reformer les digues. Si Gunnar la voyait, il serait furieux. Quoi qu'il en soit, elle a levé ses yeux vers Fred en disant cela. Une lueur incertaine dans le regard. Une recherche de validation dans le regard.


Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
« Je suis désolée Fred. J'ai tellement détesté ton visage. » Les mots ne sont pas surprenants et ne devraient pas me blesser. Pourtant, ils m’atteignent, bien malgré moi. J’incline la tête, alors qu’une lueur peinée vient valser dans mes prunelles claires. Ce visage, c’est encore le mien. Ce visage qu’elle regarde difficilement, qui lui rappelle probablement des choses que j’ai oublié, c’est celui de Fredrikke. C’est celui de l’homme que je hais, mais c’est aussi celui qui m’appartient. Mon visage, que je le veuille ou non. Je mérite entièrement toute la hargne, le dégoût et le mépris qui y est généralement associé. « Avant l'année dernière, quand on se voyait, ce n'était jamais bon signe. C'était qu'une chose terrible était sur le point de se passer ou de m'être révélée. Je crois, mais tu le sais déjà, qu'il s'amusait beaucoup de cette crainte mêlée de rage qu'il m'inspirait. Il avait au moins gagné ça j'imagine. Le reste je ne sais pas trop. Je n'ai jamais su avec lui. » J’hoche la tête, troublé, sans être complètement étonné. Je sais qu’elle a raison, pour l’amusement qu’il éprouvait par rapport à la crainte mêlée de rage qu’il lui inspirait. Je sais qu’elle a raison, mais j’aurais préféré qu’elle ait tort, parce que ça me tue de savoir qu’un frère a pu faire une telle chose à sa sœur, parce que je trouve horrible que la présence de cet homme ait pu être à ce point le signe que quelque chose de malheureux allait arriver. Je comprends mieux, pour mon regard, même si c’est difficile à accepter. « Et puis quand il y a eu l'accident. Que je t'ai vu immobile, comme endormi sur ce lit d'hôpital. Il y avait quelque chose de différent dans ce visage si...paisible. Je crois que c'était plus simple de te regarder dormir. Mais là, toutes ces expressions de visage, oui je crois que ça me terrifie encore un peu. » Expressions qui m’échappent bien souvent, parce que je les contrôle très peu. J’en ai les compétences, pourtant ; je parviens parfois à les contenir lorsque c’est nécessaire, notamment lors des réunions des Enfants. Mais dans mon environnement, dans mon appartement ou après de personnes que j’apprécie réellement, je deviens aussi lisible qu’un livre. Authentique. Je préfère que tout puisse ainsi se voir sur mes traits que de tout camoufler, comme l’autre.

« Mais si on se voyait plus souvent, je pourrais arriver à construire d'autres souvenirs autour de ce visage. Peut-être ?» Ou peut-être que non. Je suis dans sa vie de façon nuisible depuis trop longtemps. Peut-on vraiment construire de nouveaux souvenirs autour de mon visage, quand il a été associé à tant de mauvais moments? Je relève la tête, toujours aussi nerveux, fixant mes pupilles sur ses traits. « Merci pour le thé. » J’hoche la tête sans répondre, sans moi-même poser mes mains sur ma tasse. J’ai le gorge trop nouée et je ne me crois pas capable d’avaler quoi que ce soit, dans l’immédiat. Le silence s'installe sans que je ne le brise, parce que je ne sais pas quoi dire, parce que j'attends de voir ce qu'elle dira à ma proposition implicite de sortir de sa vie. C'est lâche, de lui laisser la décision, mais j'ai trop de mal à la prendre moi-même. Je sais toutefois que je respecte toujours les choix des autres et que je sortirais de son existence, sans tergiverser, aussitôt qu'elle me le demanderait.

Je la vois fermer une paupière et secouer la tête, sans bien comprendre pourquoi, juste avant qu'elle ne mette sa paume contre sa tempe: « Est-ce que tu sais si Fredrikke a déjà tué quelqu'un ? Hormis dans le cadre de son travail. Légalement. »  La question me prend au dépourvu et je me raidis instantanément. Mon regard s'assombrit, ma mâchoires se serre. Si Fred a déjà tué quelqu'un hormis dans le cadre de son travail...? Je me suis déjà interrogé sur le sujet, longtemps. Je n’ai aucune certitude, qu’une théorie, que je crois valide. S’il avait tué quelqu’un en dehors de ses fonctions, il l’aurait probablement mentionné dans son carnet. Il y notait ses plus grandes « réalisations » : je l’image trop imbu de lui-même pour avoir pu résister à la tentation de se vanter à lui-même d’un tel acte, s’il était survenu. « J'ai pas envie que tu ressortes de ma vie Fred. J'en ai marre tu sais, que les gens ne fassent que partir, et de me retrouver seule. J'ai pas mal testée, la solitude, je t'assure que c'est pas le pied. Après je perds pied, justement, avec la réalité. Et je me retrouve à fricoter avec des fantômes. Tout ça pour dire qu'on aurait du mal à sortir complètement de la vie l'un de l'autre. Déjà, faudrait que tu arrêtes de fréquenter Aysun, et j'ai la vague impression que ce serait compliqué » Je ne soupir pas de soulagement, mais presque, sans réaliser l’implication de sa dernière phrase – et sans même m’y arrêter dans l’immédiat. Je ne retiens pas le nom d’Aysun, surgi dans la conversation, je ne retiens que le fait qu’elle ne veut pas que je ressorte de sa vie. Je sais que je n’insisterai pas davantage sur le sujet, que je ne me dirigerai pas vers des adieux dont je ne veux pas, si elle ne les désire pas non plus. Même si c’est lâche, parce qu’en m’accrochant ainsi, je peux la faire souffrir encore.

Je vois son regard qui se dirige vers le cactus, Piment, je vois son sourire sans faire le moindre lien. Aveugle, probablement, ou trop candide sur ce qui peut se passer. Je l'observe enrouler une mèche autour de son doigt, alors que je dépose finalement ma main contre l'anse de la tasse chaude. « Je crois que oui, j'aimerais bien, consulter moi-même le carnet. » Un murmure, et son regard qui est encore posé sur autre chose que sur moi. Je me crispe, parce que sa réponse n’est pas celle que j’aurais espérée, parce que je ne peux pas m’empêcher de redouter les conséquences de cette décision. « Tu as le droit de me juger détraquée. Entre ça et ce que je te disais toute à l'heure concernant cet infime espoir, de la petite sœur, qui espère en secret que son frère toxique et violent pense un peu à elle. De toute façon, il faut bien que je confirme les rumeurs à mon sujet de temps en temps. »  Une détraquée, parce qu’elle veut lire le carnet? L’idée me paraît terriblement absurde. Ses yeux se lèvent finalement vers moi, et j’ai cette envie immense de la rassurer, de lui dire qu’elle a le droit d’avoir espéré une sorte d’attention étrange de son frère, qu’elle a le droit de vouloir savoir ce qu’il a fait. Mes pupilles brillent faiblement, avec douceur, alors que je rétorque : « Je le consulte aussi, et je ne crois pas que ça fait de moi un détraqué. C’est plutôt de l’avoir écrit…Comment peut-on savoir l’ampleur de ce qu’il a fait et qui protéger, si nous n’avons pas accès à ces informations…?» Des informations terriblement lacunaires. Il n’y a pas tout mis, et je sais qu’Alfhild le sait aussi, je lui en ai déjà parlé. Nous ne saurons jamais tout…à moins que je ne retrouve la mémoire. Et cette possibilité me paraît encore plus terrifiante qu’autrefois, après cette soirée passée dans la montagne. Une soirée où quelqu’un d’autre a lu le carnet. À cette pensée, et bien malgré moi, mon regard s’assombrit. Je poursuis : « Je comprends qu’on puisse vouloir chercher des réponses. Même si tu changeras peut-être d’idée sur le fait de me vouloir encore dans ta vie, lorsque tu l’auras lu. » Et elle en aurait le droit, totalement le droit. Je lui offrais ce choix ce soir, et il existera toujours, à n’importe quel moment. Même si ça me ferait mal, de la voir s’éloigner de moi. Même si j’ai peur qu’elle craint encore davantage mon visage et ne veuille plus m’approcher.

Je triture l’anse de ma tasse sans la porter à mes lèvres, agité. Mal à l’aise, je réponds à l’une de ces questions précédentes : « Je crois qu’il a déjà tué, mais seulement dans le cadre de son travail. Et je n’en ai aucune confirmation…Mais en dehors de ça, non, je ne pense pas. Son truc, c’était plutôt de faire souffrir longtemps, même si certaines de ses victimes sont passées proche de la mort. » Un rictus écoeuré étire mes lèvres, alors que je détourne à mon tour le regard. J’ai des images trop précises sur le sujet, des images à lesquelles je ne veux plus m’attarder. Plus jamais, idéalement. Et cet enchaînement d’idées me conduit à un autre sujet, que j’aborde candidement, sans songer qu’Alfhild n’a pas accès à cet enchaînement d’idées et que je dois paraître bien décousu : « En parlant d’Aysun…J’ai eu un souvenir, dernièrement. Un vrai. J’aurais préféré ne pas en avoir. » Aysun…Elle a mentionné son prénom, tout à l’heure. Pourquoi, déjà? Je ne sais pas ce qu’il en est désormais, de leur relation. Je n’ai pas questionné la née-moldue sur le sujet et j’oserais encore moins interroger ma sœur. Je lui tourne le dos, l’espace de quelques secondes, pour me diriger vers le salon. J’attrape un objet rectangulaire, que je déteste profondément, avant de retourner me mettre exactement à la même position. Mon sourire est figé, sans joie, et mes mains tremblent légèrement que je pousse le carnet vers elle, sur le comptoir : « Tiens. Si possible…J’aimerais que tu me le rendes en mains propres. C’est lourd, ce qu’il y a là-dedans, et ça me fait peur, que tu aies à gérer toutes ces histoires seule. Si tu as besoin de discuter ou de m’engueuler…J’ai le visage de l’autre, après tout. Ça peut peut-être faire du bien? » J’ai tenté de prendre un air moqueur, pour prononcer ces dernières phrases, mais tout mon visage trahi trop clairement mon angoisse.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen

Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Il la regarde, avec une expression presque douce. Ca lui fait monter la boule dans la gorge. Une boule de tristesse profonde. Elle réalisé à quel point elle a besoin de ce frère qu'il veut être. Et à quel point elle ne pourra jamais laisser de côté celui qu'il a été. Les paupières papillonnent pour éviter les larmes de couler. Pas encore. « Je le consulte aussi, et je ne crois pas que ça fait de moi un détraqué. C’est plutôt de l’avoir écrit…Comment peut-on savoir l’ampleur de ce qu’il a fait et qui protéger, si nous n’avons pas accès à ces informations…?» Elle hoche la tête Alfhild. Elle est d'accord avec ce qu'il dit. Ce carnet est, en quelque sorte, les seules pistes qu'ils ont pour remonter le fil de ses crimes. Et essayer, tant bien que mal, peut-être, de colmater les tords. Car elle ne se fait pas d'illusion Alfhild. Elle sait que rien de ce qu'ils pourraient faire, ou dire, ne pourra jamais réparer les dommages. Tout comme tout ce que Fred pourra lui dire, ne pourra réparer cette part d'elle-même, perdue à jamais. Il avait cette façon si cruelle de marquer les gens. Transformer leurs vies, leurs personnalités. Est-ce ce genre de marques qu'elle trouvera dans ces pages ? Ou bien n'avait-il pas entièrement conscience des dégâts psychologiques sur le long terme ? « Je comprends qu’on puisse vouloir chercher des réponses. Même si tu changeras peut-être d’idée sur le fait de me vouloir encore dans ta vie, lorsque tu l’auras lu. » Son corps se met à tanguer doucement, elle doute de cela, même si elle sait que la lecture pourrait, en effet, avoir des conséquences terribles. Non pas sur l'état de sa relation avec Fred, mais bien sur sa propre santé mentale, déjà plus que bancale. Nerveusement, elle tapote la porcelaine de la tasse. « Je crois qu’il a déjà tué, mais seulement dans le cadre de son travail. Et je n’en ai aucune confirmation…Mais en dehors de ça, non, je ne pense pas. Son truc, c’était plutôt de faire souffrir longtemps, même si certaines de ses victimes sont passées proche de la mort. » Elle écoute Alfhild, le regard à nouveau baissé, rivé sur les ondulations que son tapotement impose à son thé. Si ce n'est pas ça, alors pourquoi est-ce qu'ils parlent si fort aujourd'hui, et surtout lorsqu'il parle du carnet. Au moins elle n'aura pas à lire le récit détaillé de la mise à mort d'une personne. Cela la rassure. Elle avait eu un peu peur de cela quand même. Parce qu'elle ne peut pas s'enlever de la tête les images des propres fantômes qu'elle a vu naître, en direct. Ces corps vidés de leurs souffles de vie. Et ces hurlements de douleurs et de rage des morts, partis sans un au-revoir. Elle se souvient leurs regards emplis de rage et de haine. Elle ferme les yeux. Essaye de calmer son cœur qui s'emballe. Il tambourine fort dans sa poitrine. Est-ce que Gunnar à déjà assisté à cela lui ? Il faudrait qu'elle lui pose la question. Ca siffle dans sa tête, comme la bouilloire de toute à l'heure. Ses doigts se serrent contre la tasse. Elle voudrait boire, mais elle ne parvient plus à lever son bras qui lui paraît soudain être fait de coton. Dreymir s'agite elle aussi. Elle a commencé à faire les cents pas derrière sa sorcière. Alfhild le remarque. Elle lui lance un regard suppliant. Ce regard qui veut dire s'il te plait pas maintenant. Et la renarde couine légèrement. « En parlant d’Aysun…J’ai eu un souvenir, dernièrement. Un vrai. J’aurais préféré ne pas en avoir. » Les battements de son cœur s'arrête une nouvelle fois. Elle n'en revient pas qu'il parle d'elle comme si de rien n'était. La jalousie lui sert le ventre. Les mots d'Aysun ne la quitte pas. Oui, ils sont proches. Elle l'a vu plusieurs fois. Son visage blêmit cette fois, involontairement. De quel souvenir parle-t-il ? Un souvenir de quand il l'a agressé ? Le frisson qui accompagne son teint fantomatique est trop froid. Les barrières mentales tremblent. Elle voudrait demander lequel, mais sa gorge est soudain trop sèche. Alors elle se contente de fixer son thé. D'ailleurs Fred s'en va dans le salon, lui laissant un peu d'air pour respirer. Elle ferme ses paupières très fort, essaye de contenir les sifflements qui perturbent ses sens. Ravale cette jalousie qu'elle déteste et trouve enfin la force de porter la tasse à ses lèvres. Elle boit trois longues gorgées, dans l'espoir de retrouver l'usage de la parole. Lorsque le sorcier revient, il tient un petit carnet dans ses mains. Un si petit objet, tellement innocent en apparence. Fred le dépose sur le comptoir et le fait glisser vers la jeune Mørk qui ne peut en détacher son regard. Comme si elle craignait qu'il s'embrase si jamais elle venait à le toucher. Après tout c'est le genre de protection qu'il aurait pu mettre en place. Quelque chose qui détruirait toute trace de ses crimes s'il venait à tomber entre de mauvaises mains, tout en laissant une marque profonde dans la chair de celles-ci. « Tiens. Si possible…J’aimerais que tu me le rendes en mains propres. C’est lourd, ce qu’il y a là-dedans, et ça me fait peur, que tu aies à gérer toutes ces histoires seule. Si tu as besoin de discuter ou de m’engueuler…J’ai le visage de l’autre, après tout. Ça peut peut-être faire du bien? » Elle lève les yeux vers lui face à sa tentative de blague. Elle pouffe légèrement du nez, laissant son sourire étirer ses lèvres. L'humour décalé, c'est son quotidien non ?

Elle hésite Alfhild, ses doigts tardent à toucher la couverture. Elle a réellement peur qu'il prenne feu et que tous ses espoirs de réponses s'évaporent. « C'était quoi ton souvenir d'Aysun ? » Elle pose la question, parce qu'elle n'arrive pas à s'empêcher de poser les questions. Même quand ça doit lui faire mal. Même quand ça doit lui piquer le cœur et faire couler ses yeux. Elle n'a jamais eu de tact avec les autres, elle n'en n'a pas plus avec elle-même. « Désolée pour la question sur les meurtres. Mais j'essayais de comprendre pourquoi ils sont aussi bruyants là-haut. » Elle pointe son front. Espérant qu'il comprenne l'allusion, bien qu'ayant de sérieux doute vu son manque de compréhension concernant la jeune Lund. « J'aime pas quand ils crient comme ça, sans raison. Ca me perturbe. J'ai envie de les écouter, mais ce serait pas bien. Dans ces moments-là, il n'en sort rien de bon. » Alfhild ne réalise pas qu'elle n'a jamais parlé de cette particularité avec Fred. Non pas qu'elle l'ait déjà fait avec l'autre par le passé. Mais lui il devait savoir. En tout cas ses moqueries étaient toujours finement choisies. Et trop justes. « Peut-être que je devrais prendre cela comme un avertissement ? » Ses doigts se tendent enfin vers le carnet qui accapare désormais toute son attention. La pulpe de ses doigts effleurent la couverture. Rien ne se passe. Elle est presque déçue. Pas si prévoyant que ça finalement. A moins que Fred ait déjà retiré les protections qui pouvaient l'entourer ? « Il n'est pas maudit au moins ce carnet ? Pas de rituel de magie noire autour qui va me manger la main jusqu'au coude, puis le cœur dans une lente agonie ? » C'est une malédiction qu'elle avait croisé en Egypte. Ca lui avait fait forte impression. Elle hausse les épaules. Tant pis. Ses doigts attrapent le carnet, passent délicatement sur les textures. C'est étrange cette sensation de détenir entre ses mains un contenu précieux et si ignobles à la fois.

D'un geste, soudain, elle l'ouvre, répondant à une pulsion presque habitée. Elle en frisonne presque en sentant ce cri percer dans son crâne et ses mains s'exécuter presque automatiquement. La digue prend l'eau de tous les côtés. Dreymir a couiné à nouveau et ses trottinements s'accélèrent. D'un coup, elle devient immatérielle. La forme semble grossir avant de reprendre forme sous celle de la renarde qui jappe d'un coup plaintif. « Dreymir arrête. » Un murmure à peine audible qui s'échappe de ses lèvres pincées. Ses yeux ce sont fixés sur les lignes écrites. Des tas de mots, des lignes serrées. Le carnet est rempli. Rempli. Rempli. Les pages volètent sous la pression de son doigts qui les fait défiler. Soudain elle s'arrête, le carnet s'ouvre. Le crâmé. Elle lit quelques lignes. Pourquoi à cet endroit. Pourquoi lui. Il ne lui faut pas longtemps pour mettre en écho les mots qu'elle lit. C'est la chape de plomb et les hurlements dans son crâne reprennent de plus belle. Elle a levé les yeux vers Fred Alfhild. La tête penchée sur le côté, elle sourit presque. De ce sourire trop vaporeux pour être réel. Ca lui chatouille la narine gauche. Elle devine la goutte de sang qui s'en écoule. Comme toujours. Dreymir a disparu dans un volute de brume. Et cette fois, cette fois elle se matérialise pour de bon. Le cri rauque du sombral fait sursauter Alfhild qui regarde l'animal qu'elle n'a qu'entre aperçu jusqu'à présent. Et qui se tient là, devant elle, ses ailes au cuir si luisant, repliées contre son corps décharné de squelette. « Je crois qu'il vaut mieux que je le lise ici que de l'emporter chez moi » Sa voix est un murmure tout aussi vaporeux que son sourire. Elle secoue la tête trop lentement, pour essayer de chasser les voix et remettre ses idées en place. la goutte de sang tombe sur le comptoir. La fatigue de la transformation réussie de Dreymir lui coupe les jambes. Mais elle se retient. Sa main libre agrippe le comptoir. La deuxième lâche la tasse pour tourner une nouvelle page du carnet. Elle regarde le surnom. Lit les lignes. Son esprit devient flou. Elle marmonne quelque chose d'incompréhensible. Sa lecture s'accélère, elle est comme possédée Alfhild, par ce besoin de lire. Elle lit tout, serrant avec fermeté le carnet, tenant à distance Fred d'un regard glacé qui ne lui appartient pas tout à fait. Elle lit les trop nombreuses lignes. Ferme le carnet. Dreymir essaye de lutter elle aussi. Elle lance des appels de ce cri rauque caractéristique des sombrals. Mais Alfhild ne l'entend pas. Et les cris deviennent douleur.

Elle s'écroule emportant la tasse avec elle. Assommée par l'effort de Dreymir, par la crise qui libère des forces qu'elle ne maîtrise pas et dont elle n'est pas sûre de comprendre l'origine cette fois. Elle s'est mise en boule Alfhild, dans un coin, ça respiration est glacée. A moitié consciente. La tête entre les mains. Dreymir est redevenue renarde, pressée contre les côtes de sa sorcière. « J'ai l'impression qu'ils avaient envie de lire. » Ca lui tord les entrailles. Elle a envie de vomir. Ce goût de fer et de cendre lui renvoie des souvenirs qu'elle aimerait oublier. Elle a murmuré ça, d'une voix si fatiguée. Sa tête roule en arrière, paupières closes, filet de sang sous la narine. « Je te dois une tasse. »


Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Je n'ai rien remarqué de ces réactions physiques précédentes.  Je n'ai pas remarqué l'agitation de sa fylgia, je n'ai pas remarqué ses doigts qui ont tapoté la tasse. J'aurais peut-être dû. Mais toute mon attention est focalisée sur ce carnet, désormais trop proche d'elle. « C'était quoi ton souvenir d'Aysun ? » Je fronce les sourcils, le regard interrogateur, sans comprendre sa question. Mon souvenir d’Aysun…? Je n’ai pas eu de souvenirs d’elle, je n’ai que ceux que nous avons construits ensemble, elle et moi, et qui sont certainement bien plus joyeux que les anciens. Je me remémore mes propos précédents, ma mention d’Aysun et du souvenir et je grimace, comprenant que j’ai très mal formulé ma phrase, sans expliciter les liens que je n’ai fait que dans mon esprit. J’ai eu le souvenir alors que j’étais à la montagne avec elle, mais il ne la concerne pas, elle. Heureusement. « Désolée pour la question sur les meurtres. Mais j'essayais de comprendre pourquoi ils sont aussi bruyants là-haut. » Elle pointe son front et je ne saisis pas immédiatement, plutôt lent à faire certaines déductions. Je ne capte que quelques secondes plus tard l’implication de ses paroles, mes traits se crispant légèrement. « J'aime pas quand ils crient comme ça, sans raison. Ca me perturbe. J'ai envie de les écouter, mais ce serait pas bien. Dans ces moments-là, il n'en sort rien de bon. » Qu’en sort-il, dans ces moments-là? Ma mâchoire se serre davantage. La question sur les meurtres était pertinente, je me la suis déjà posée souvent. Mais s’ils sont si bruyants là-haut…Est-ce que je pourrais m’être trompé de mon côté? Est-ce que je pourrais supposer à tort que Fredrikke en aurait parlé dans son carnet? Mes doigts se resserrent contre le contenant de porcelaine, dans lequel je n’ai toujours pas bu. La simple idée qu’il ait pu tuer quelqu’un de sang-froid, pour le plaisir, m’emplis de terreur. Que j’aie ce meurtre sur les mains.   « Peut-être que je devrais prendre cela comme un avertissement ? » Un avertissement de ne pas aller plus loin? Mes pupilles se posent sur le journal, puis sur elle. Lire les mots du journal, est-ce écouter ces voix qui crient trop fort? Que peut-il en résulter? Soudainement inquiet, je me retiens pour ne pas poser ma main sur ce fichu carnet, alors que ses doigts effleurent la couverture. Je connais si peu de choses d’Alfhild. Je ne sais pas comment elle a vécu dans les dernières années, je sais à peine comment elle va actuellement. Et je suis terrifié à l’idée d’échouer à être un frère convenable, à l’idée de faire pire que l’autre.

« Il n'est pas maudit au moins ce carnet ? Pas de rituel de magie noire autour qui va me manger la main jusqu'au coude, puis le cœur dans une lente agonie ? » Je souris malgré moi, amusé par ces propos plutôt glauques. Il n’y a rien de maudit dans ce carnet, non, mais ce serait assurément le genre de Fredrikke. J’hoche la tête dans un signe de négation, mais mon sourire disparaît lorsqu’elle ouvre cet objet que je déteste et dont je ne me sépare que peu. Une source d’informations haïssables. Je vois sa fylgia qui couine, puis qui devient vaporeuse, avant de revenir sous la forme de renarde. Je frissonne, sans comprendre exactement ce qui se passe, mais sans parvenir à enrayer une mauvaise intuition. La question que je n'ai pas posée continue de tournoyer : que se passe-t-il lorsqu'elle les écoute, ceux qui sont trop bruyants? « Dreymir arrête. » Pourquoi cette agitation de sa fylgia? Je ne remarque pas que mes mains tremblent contre ma tasse, trop concentré à fixer celle qui fait défiler les pages, puis s'arrête sur un passage que je ne cherche pas à lire à l'envers. Les yeux de ma soeur se lèvent vers moi et m’arrachent un nouveau tressaillement ; elle sourit presque, d'une façon qui ne me semble pas naturelle. Une goutte de sang s'écoule de sa narine et un long frisson me parcourt l'échine. Je n'interviens pas, figé, sans comprendre ce qui est en train d'arriver. La fylgia disparaît dans une volute de brume, avant de prendre une nouvelle forme: c'est tout mon corps qui se met à trembler, lorsque j'entends le cri du sombral, lorsque je le vois, trop réel, trop squelettique. C’est logique, que ce soit l’une des formes de sa fylgia. C’est logique, mais pourquoi maintenant? Pourquoi ai-je cette nette impression que quelque chose est en train de se passer, quelque chose qui m’échappe? « Je crois qu'il vaut mieux que je le lise ici que de l'emporter chez moi ». Sa voix me semble tellement ailleurs. Le sang tombe et je fixe la tache rouge sur le comptoir blanc, comptoir sur lequel la main de ma soeur s'agrippe. Je devrais intervenir. Je devrais lui arracher ce foutu journal, mais je suis figé. Mes yeux demeurent focalisés sur le rubis écarlate, qui me donne une désagréable impression de déjà-vu. J'entends Alfhild marmonner et mon regard croise le sien, glacé. Je frissonne davantage, sans oser rien faire, mais avec une envie de chaleur humaine qui ne fait que grandir. J’ai des images qui poussent, poussent contre mon crâne, et contre lesquels je lutte. Le temps s'écoule et j'attends, mon coeur battant trop vite. Si j’étais un bon frère, j’arrêterais tout, je prendrai ce foutu journal et je le lancerais loin. Sauf que je ne suis pas un bon frère, pas encore, et je me sens horriblement gauche. Je ne sais pas ce qui est normal pour elle et ce qui ne l’est pas, je ne sais pas comment intervenir. Tout ce que je sais, c’est que l’impression de déjà-vu s'accentue, sans que je ne parvienne à la contrer. Le carnet est fermé et le sombral lance des cris rauques qui nouent ma gorge. Je sens ma poitrine se comprimer, alors que mes pupilles se posent de nouveau sur la tache rougeâtre.

Je n'ai aucune réaction, lorsqu'elle s'écroule en emportant la tasse avec elle. Je n'ai pas même le réflexe de tendre les bras pour l'empêcher de tomber, je ne fous absolument rien.  Le déjà-vu s’est transformé trop clairement en des images plus lointaines, mais trop réelles ; je la revois chuter, bien plus jeune, bien plus gamine, sur le sol des Mørk. Je la vois se tordre de douleur, avec ce regard sadique qui a toujours été le mien ; et je sens, brièvement, ma satisfaction, mon plaisir, ma jouissance. J’entends mon rire, qui se superpose aux cris, et je vois ce sang, sous la narine…Je chancelle. Mes doigts s’agrippent au comptoir, alors que la nausée m’envahie de nouveau, comme à la montagne. Mes pupilles se posent sur le corps d’Alfhild, qui s’est mise en boule, la tête entre les mains, la renarde à ses côtés. Un corps plus vieux que celui du souvenir, mais le même phénomène. Combien de fois son frère a-t-il été à ses côtés, à profiter du spectacle, sans bienveillance, avec cette alégresse morbide? « J'ai l'impression qu'ils avaient envie de lire. » Et j’ai cette impression nette qu’elle ne devrait pas être ici, qu’elle n’aurait pas dû accepter de renouer avec moi et que je ne peux que lui faire du mal, encore. Je m’approche lentement, les jambes peu assurées, effrayé de faire pire, effrayé de provoquer quelque chose de plus chez elle, chez moi. Ses paupières closes, sa tête qui roule en arrière et sa voix fatiguée m’arrachent un énième frisson. « Je te dois une tasse. » Elle ne me devra jamais rien.

Avec cette sensation nette que ce que je fais est insuffisant et que je n’interviens pas assez vite, je m’éloigne d’elle. L’image de l’adulte se superpose à celle de l’enfant ; ma détresse se mélange au plaisir. Je me mords violemment la lèvre inférieure, alors que je me dirige en vitesse vers le divan. J’y attrape un coussin et une couverture, revenant vers Alfhild. « Et moi je te dois bien plus qu’une tasse. » Ma voix est faible. Je m’accroupis à ses côtés et délicatement, en osant à peine la frôler, je soulève sa tête. J’y glisse le coussin. « T’as vécu ça combien de fois, seule? » L’inquiétude palpite dans mes mots, mais il y a aussi autre chose…Il y a cette assurance que ce n’est pas un épisode isolé, il y a cette assurance macabre que c’est quelque chose à lequel j’adorais assister. J’avale difficilement, la gorgée nouée, alors que je dépose la couverture sur elle. Sans savoir quoi faire de plus, sans oser la bouger, avec cette simple pensée que si moi j’ai froid, peut-être qu’elle aussi. Avec ce besoin de faire quelque chose, même si c’est absurde et inutile. « Je comprends pas ce qui vient de se passer, Alf. Je sais seulement que…C’est pas la première fois. » Ma voix se bloque. Doit-elle vraiment savoir la suite? Est-ce que je lui dois ou est-ce que je devrais plutôt la garder pour moi? Si elle a préféré lire le carnet…J’inspire, avant de rajouter : « Et que ça lui faisait plaisir. Énormément. » D’un sort, je nettoie le sol, pour le débarrasser des débris de la tasse désormais cassée. Comme elle, comme moi, comme nous. Je poursuis, la voix tremblante: « Je te toucherai plus. Je veux pas que…Je sais que je suis… De quoi as-tu besoin? Qu’est-ce que je peux faire? » Non, je n’aurais probablement pas dû revenir dans sa vie. Je n’en avais pas le droit.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
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Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Dreymir lui lèche les doigts. Dreymir essaye de se glisser entre ses jambes et son ventre, mais Alfhild ne bouge pas. Dreymir essaye de passer sa tête sous les bras, y parvient légèrement. Elle voudrait lécher les joues de sa sorcière. Parce que Dreymir sent qu'Alfhild n'est pas encore tout à fait là. Et que Fred lui, il ne sait pas. Elle a vu Dreymir que l'adelphe n'a rien fait, prisonnier de ses propres démons. Quand il part dans le salon, la renarde redouble d'effort pour faire réagir la Mørk, pour qu'elle revienne dans son présent. Elle a peur la Fylgia, quand Alfhild se perd après les crise. Elle a peur parce que malgré sa transformation réussie en sombral, la sorcière ne s'est pas endormie cette fois. Ce qui veut dire que leur moyen de couper court aux crises leur échappe à nouveau. C'était à prévoir, mais Dreymir aurait aimé pouvoir garder cet espoir de répit encore un peu.

Alfhild écoute les voix qui sont encore trop présentes. Elle écoute les murmures qui ce sont fait litanie agitée. Son esprit dérive, elle voit les mots du carnet, elle sent la satisfaction d'un esprit qui s'est repu de cette lecture à travers elle. Pourquoi faut-il qu'ils soient toujours attirés par les choses les plus morbides de la vie. C'était un esprit fort. Elle a senti la pression de sa volonté briser ses défenses trop peu exercées. Elle essaye de l'entendre encore, de trouver des indices sur qui il était, ses motivations, mais elle ne saisit rien de concret. Juste un rire mauvais, satisfait. A moins que ce soit un autre rire qu'elle entende ? Un rire mauvais et satisfait issu de sa mémoire ? Oui, ce doit être ça car elle entend ça va vois résonner dans ses oreilles. C'est bien lui.  « Et moi je te dois bien plus qu’une tasse. » Qu'est-ce qu'il attend encore d'elle ? N'a-t-il pas assez profité du spectacle ? Elle lui doit quelque chose ? Non, il a dit je te dois. Son front se plisse et ses yeux trop grands ouverts roulent sur le côté vers le visage de Fredrikke. Elle voit l'adelphe, mais ne voit pas l'inquiétude. Elle voit ce rictus amusé. Il doit être venu lui faire le décompte du nombre de ses crises du mois. Est-ce qu'il tient vraiment un registre ou est-ce qu'il s'amuse juste à lui donner des chiffres au hasard ? Il avait dit c'est au-delà de six par mois que l'oncle est devenu fou la dernière fois. Ou celle d'avant ? Ses iris roulent dans leurs orbites et replongent dans la contemplation d'un plafond trop simple. Trop lisses pour être celui d'Oda. Alors où sont-ils ? Elle ne sait plus Alfhild. « T’as vécu ça combien de fois, seule? » Un sourire glacé vient tirer ses lèvres alors qu'elle tourne la tête toute entière cette fois, vers le visage de l'adelphe. Elle remarque alors un coussin sous sa nuque. Qui l'a mis là ? Est-elle déjà à l'hôpital ? A-t-il réussi à l'y faire amener finalement ? Elle regarde sans comprendre et des vagues d'interrogations flottent dans ses yeux trop bleus. Ses paupières clignent trop lentement. Des images de superposent. Il a l'air soucieux. A-t-il oublié son décompte des crises ? « Je ne sais pas c'est toi qui tiens les comptes non, Fredrikke. » Sa voix est métallique, froide et Dreymir couine une nouvelle fois. Cette fois la renarde essaye de passer par le haut, entre le cou et les genoux, mais Alfhild ne bouge toujours pas. Elle ne semble pas la remarquer. Dans sa réalité, Dreymir n'existe pas encore. « Je comprends pas ce qui vient de se passer, Alf. Je sais seulement que…C’est pas la première fois. » Elle ne réagit pas, elle écoute, elle entend vraiment mais les mots ne font pas sens dans son esprit. Elle n'arrive pas à saisir de quoi il parle, ça l'a dérange beaucoup. L'esprit sent que quelque chose cloche mais n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Il faudrait qu'elle se concentre, mais elle est si fatiguée. Ses paupières se ferment, elle essaye de les serrer fort cette fois, pour chasser les images souvenirs et trouver un point d'ancrage qui pourrait lui permettre de trouver du sens et le chemin de la réalité. Elle commence à sentir, Alfhild, qu'elle s'est égarée. Cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé, mais elle n'a pas oublié ses process. « Et que ça lui faisait plaisir. Énormément. » Son front se plisse de plus belle, les mots résonnent, elle tente de les remettre en ordre. Il parfait qu'il lui devait quelque chose, et il a demandé si elle faisait ça souvent seule. Et qu'il n'a pas compris ce qui s'est passé et que cela faisait rire quelqu'un. Elle se concentre sur les mots, leurs sens pour essayer de trouver dans sa tête une réalité qui leur correspondent. Elle a forcément dû faire une crise, près de quelqu'un. Près de Fred. Oui. Elle sent le fil de la corde se tendre. Elle s'accroche. Et la jeune Mørk remonte jusqu'à la surface. « Je te toucherai plus. Je veux pas que…Je sais que je suis… De quoi as-tu besoin? Qu’est-ce que je peux faire? » Son cerveau entend les questions et elle sent qu'elle reprend pied dans la réalité. Mais elle veut être sûre de ne pas relâcher trop tôt sa concentration Alfhild. Elle respire, profondément, laisse quelques instants s'écouler. Les forces lui manquent. Elle aurait dû manger avant de venir.  L'image du thé lui revient, la tasse brisée, les cris, le goût du thé, le carnet, Piment le cactus, et les roulés à la cannelle. Un léger rire secoue ses épaules. Un rire qui prend de l'ampleur. Un rire qui la tire pour de bon des griffes de la torpeur. Et les dernières lambeaux de brume se dissipent enfin. Elle voit clairement le sol de la cuisine, les pieds de la table. C'est chez Fred. Et son corps, à lui, soucieux. Visiblement trop soucieux. Elle réalise qu'elle rigole encore et le rit s'estompe. Son souffle s'est accéléré et elle halète presque comme il peut lui arriver de le faire après une crise d'angoisse. « Excuse-moi je m'étais perdue. J'espère que je ne t'ai pas dis des choses désagréables. Je crois que je t'ai pris pour l'autre toi. » Ses bras se détendent, ses jambes de reculent et Dreymir saute se blottir dans l'espace enfin ouvert pour elle. « C'est rien, ne t'inquiètes pas. C'est le genre de choses qui m'arrivent souvent. Tu m'a demandé je crois ? Seule ? Ça dépend. Avec Dreymir je ne suis plus seule. Pas trop souvent non plus, moins qu'à une certaine période, mais ça peut dépendre de mon état d'esprit et des endroits où je me trouve. » Elle parle d'une voix fatiguée, mais douce. Dans un contraste trop net avec la violence des assauts de sa particularité sur elle. « Je suis désolée, je ne pensais pas que ça arriverait aujourd'hui. Je n'ai pas été assez attentive. Gunnar va encore me reprocher de pas avoir assez travaillé. » Elle hoche doucement la tête à cette idée. De toute façon elle n'a pas prévu de le revoir bientôt. Il est fâché, sensiblement, depuis qu'elle est repartie de chez lui. « Je ne voulais pas t'inquiéter. » Un pâle sourire effleure ses lèvres alors qu'elle tourne son regard vers lui, à nouveau. Elle essaye de retrouver les phrases qu'elle a entendu. Elle s'en veut de ne pas avoir réussi à retenir la réalité dans son âme. « C'est vrai qu'il riait. Il pensait peut-être que ça me faisait encore plus de mal, mais en fait ça m'aidait à rester ancrée dans la réalité. Je m'accrochais à son rire pour ne pas sombrer comme aujourd'hui. C'est drôle non de se dire que c'est une de ses mauvaises habitudes qui me permettait de ne pas perdre la tête. » Elle parvient à esquisser sa grimace habituelle et une lueur s'embrase dans le bleu glacé de ses iris. C'était une de ses petites victoires sur lui. La petite soeur avait même réussi à le supplier d'arrêter de rire une fois. Et il n'avait plus jamais manqué de rire après cela. Un sourire amusé revient éclairer ses traits tirés à ce souvenir. « Je ne veux pas abuser de toi, mais je veux bien une nouvelle tasse de thé et un roulé à la cannelle. Un peu de sucre me ferait du bien. » Elle hoche la tête convaincue par le besoin de nourrir son corps. Surtout après tous ces repas manqués. « Souvent je m'endors après une crise, et quand je me réveille je vais nager. Ça m'aide à chasser les mauvais souvenirs. Mais je doute que tu caches un lac ou une piscine dans ton appartement. » Soudain une pensée travers son esprit et elle attrape Dreymir dans ses mains et soulève la renarde polaire. « Tu es sublime en sombral aussi tu sais !» et Dreymir grogne doucement, peu convaincue par l'enthousiasme de la sorcière.




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