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Goodbye (Alf)
2 participants
Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
J’aime normalement entendre les gens rire. J’aime voir les commissures des lèvres qui s'étirent et les sons variés qui jaillissent des gorges amusées, les yeux moqueurs qui accompagnent les moments de joie et les tressaillements joyeux. Aujourd’hui, pourtant, pour la première fois, un rire me fait peur. Celui de ma soeur, qui débute légèrement, puis qui prend de l'ampleur, m'arrache un frisson et se superpose à celui du souvenir. Le mien, plus sinistre, entendu seulement dans mon esprit. Je trésaille, prisonnier de ces deux rires, contre lesquels je ne peux rien, sans savoir comment y réagir adéquatement et comme les arrêter tous deux. Pendant une infime seconde, effrayante, j'envisage de pointer ma baguette vers Alfhild pour bloquer sa gorge et arrêter le son  : une infime seconde qui m'écoeure prodigieusement et qui tord encore mes traits lorsque son rire s'estompe et que je constate que son souffle semble s'être accéléré. Peut-elle avoir deviné mes pensées ? Non, heureusement. « Excuse-moi je m'étais perdue. J'espère que je ne t'ai pas dis des choses désagréables. Je crois que je t'ai pris pour l'autre toi. » J’ébauche un rictus, sans répondre immédiatement. Mon cœur bat trop fort et la peur n’est pas disparue, ni cette sensation d’adrénaline. Je ne comprends que peu de choses de la scène à laquelle je viens d’assister et à son état ; le passé ne m’a éclairé que sur mon attitude de déjanté, sur rien d’autre de significatif ou de précis. Mais Alfhild a bien dit quelque chose, quelque chose sur les comptes que je tenais. Comme si j’étais l’ancien, comme si je n’avais pas changé, comme si j’étais entièrement de retour. Est-ce qu’il tenait réellement des comptes ? Peut-être. J’ai trop bien senti mon plaisir, cette étrange satisfaction que je ressentais à l’époque et qui semblait si prompte à revenir, ce soir. À cette pensée, je me sens blêmir davantage, dégoûté.   « C'est rien, ne t'inquiètes pas. C'est le genre de choses qui m'arrivent souvent. Tu m'a demandé je crois ? Seule ? Ça dépend. Avec Dreymir je ne suis plus seule. Pas trop souvent non plus, moins qu'à une certaine période, mais ça peut dépendre de mon état d'esprit et des endroits où je me trouve. » Moins qu’à une certaine période ? Je fronce les sourcils, peu rassuré par ses réponses et incapable de les classer correctement. Est-ce ma présence qui a provoqué cette crise ? Le fait qu’elle soit ici, avec moi…? Suis-je nuisible dans sa vie à ce point ? « Je suis désolée, je ne pensais pas que ça arriverait aujourd'hui. Je n'ai pas été assez attentive. Gunnar va encore me reprocher de pas avoir assez travaillé. » Elle n’a pas à être désolé, c’est moi qui le suis. Peut-être que cette rencontre était une mauvaise idée, peut-être que j’aurais dû chercher plutôt à poursuivre ou arrêter les lettres, plutôt que de vouloir la voir. Peut-être que j’aurais dû ne pas désirer sa présence tout court : j’ai besoin de ma sœur, mais ma sœur n’a assurément pas besoin de moi.

« Je ne voulais pas t'inquiéter. » Elle ne devrait même pas s’en soucier. Fredrikke ne méritait pas une telle sœur, assurément. Elle aurait dû avoir mieux, beaucoup mieux, un grand frère capable de la protéger ou à défaut d’y parvenir, capable d’être à côté d’elle pendant ce genre d’événement pour la soutenir et l’accompagner, pas pour s’en amuser cruellement. Elle tourne son regard vers moi et je me retiens pour ne pas me détourner, soutenant difficilement ses yeux d’un bleu aussi glacé que les miens :   « C'est vrai qu'il riait. Il pensait peut-être que ça me faisait encore plus de mal, mais en fait ça m'aidait à rester ancrée dans la réalité. Je m'accrochais à son rire pour ne pas sombrer comme aujourd'hui. C'est drôle non de se dire que c'est une de ses mauvaises habitudes qui me permettait de ne pas perdre la tête. » Mes lèvres se pincent et la pression dans ma poitrine s’accentue, comme si ma respiration hésitait à reprendre son cours normal. Il se disait peut-être que ça lui faisait encore plus mal, oui, et si j’éprouve une mince satisfaction à savoir qu’elle est parvenue à utiliser l’une de ses armes contre lui, j’ai aussi cette détresse d’apprendre que son rire, mon rire est associé à de tels moments. Je la vois sourire d’un air amusé, mais mes propres traits demeurent figés dans l’inquiétude : « Je ne veux pas abuser de toi, mais je veux bien une nouvelle tasse de thé et un roulé à la cannelle. Un peu de sucre me ferait du bien. » J’hoche la tête, me relevant aussitôt, pressé de pouvoir faire quelque chose d’utile.  « Souvent je m'endors après une crise, et quand je me réveille je vais nager. Ça m'aide à chasser les mauvais souvenirs. Mais je doute que tu caches un lac ou une piscine dans ton appartement. » J’aimerais sourire, mais je n’y parviens pas. Mes lèvres s’étirent à peine en un rictus glacé, alors que je me dirige vers mon placard pour en extirper une nouvelle tasse. Je n’ai pas de piscine dans cet appartement, non, je n’ai qu’une magnifique cour extérieure.

Je pose la tasse en porcelaine, avec des motifs de chat, sur le comptoir, tout en jetant un coup d’œil à la fylgia qu’Alfhild soulève :  « Tu es sublime en sombral aussi tu sais !» Sublime et tétanisant, sans que je ne sache bien pourquoi. La forme du sombral m’avait mis mal à l’aise, mais c’était peut-être dû à l’enchaînement des événements. Je m’empare de la bouilloire électrique, qui est encore chaude, pour verser l’eau dans la tasse :   « Ton rire…le sien…C’était effrayant. » Mes mains tremblent et l’eau, que j’étais encore en train de verser, se renverse partiellement sur le comptoir. Je dépose la bouilloire pour éponger le dégât avec un chiffon, tout en relevant mes yeux vers ma sœur, incertain des mots à employer : « Alfhild…Qu’est-ce qui vient de se passer ? Quand tu dis que ça dépend de ton état d’esprit…t’étais dans quel état, là ? » Est-ce que c’est de ma faute ? Je ne pose pas la question, mais elle est inscrite dans mes iris, alors que je dépose un nouveau de sachet de thé dans la tasse. Clairement, Alfhild n’aura pas pris son meilleur thé ici, je suis bien meilleur avec le café. Je baisse de nouveau les yeux, alors que je précise:  « Pour toi ça semble habituel, pour lui ce l’était aussi mais pour moi… » Pour moi c’est nouveau et déstabilisant. Est-ce à cause du journal ? Je songe à son avant-dernière lettre, celle qui m’a perturbé. Je pensais avoir réussi à être sortie de son ombre. A avoir fait ma vie loin de son influence. Force m'est de constater, que je me suis lourdement trompée. Cette influence nuisible continue-t-elle de se propager à cause de moi ? Est-ce que je provoque ce genre de choses ? Je déglutis difficilement, avant de m’emparer d’une assiette et d’un roulé à la cannelle, que je dépose dessus. J’y rajoute la tasse de thé, avant de contourner mon comptoir, pour me diriger de nouveau vers Alfhild. Mes yeux se posent sur elle, alors qu’une nouvelle grimace vient tordre mes lèvres : « Je suis plutôt confus. Et je regrette d’avoir voulu que tu viennes, je veux absolument pas te faire encore du mal. » C’est une préoccupation constante, dont je ne parviens pas à me débarrasser.  Je ne veux pas être une nuisance dans sa vie, je ne veux pas lui apporter de nouveau du négatif. Mais n’est-ce pas inévitable, si je persiste à vouloir y conserver une place? Je m’asseoir sur le sol, les jambes repliées sous moi, lui tendant l’assiette :   « Je n’ai pas de lac ici, non. Par contre, j’ai une chambre de plus, si jamais t’as besoin de te reposer. Ou je peux te raccompagner chez toi, je comprendrais que tu veuilles pas être en état de faiblesse en ma compagnie. » N’importe quelle option, tant qu’elle puisse se sentir bien.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen

Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



Fred s'est levé et Alfhild repose Dreymir, ferme les paupières et met sa tête en arrière contre le mur. Son sourire s'efface doucement, flotte de plus en plus lointain, puis disparait complètement. Elle entre-ouvre très légèrement les yeux quand il prend la parole. « Ton rire…le sien…C’était effrayant. » Sous la coupole de ses cils, elle observe son dos remplir une nouvelle tasse pour elle. Elle voit les gouttes qui roulent sur le comptoir sous le tremblement des mains de l'adelphe, et elle sent une pointe de remord ronger son estomac. Elle l'a mis mal à l'aise. Pire que cela, elle lui a fait peur. Elle. Elle avec ses morts et ses crises. Elle avec sa folie qui se transfuse parfois dans sa réalité. Cela lui fait bizarre à Alfhild, de voir de tels sentiments animer les traits de Fred. Elle songe à ce que lui avait dit Aysun au sujet de ce visage et des émotions qu'elle y avait vu. Elle saisit un peu mieux les paroles de son amie, observant à son tour le mouvement des émotions qui perturbent ces traits d'ordinaire si froids et contrôlés. Elle observe à la dérobée, regrettant de n'avoir pas été plus attentive et de s'être laissée déborder par cette capacité qui la pousse toujours un peu plus vers un décalage trop grand avec la réalité des autres. « Alfhild…Qu’est-ce qui vient de se passer ? Quand tu dis que ça dépend de ton état d’esprit…t’étais dans quel état, là ? » Fred a relevé l'éclat de ses yeux vers elle, qui l'observe toujours sous ses paupières mi-closes. Elle voudrait pouvoir soutenir ce regard inquiet, mais elle n'y parvient pas et ses paupières se ferment à nouveau. Elle redresse cependant la tête, quittant la dureté du mur tandis qu'un infime et doux sourire revient adoucir ses traits. Cela est étrange de l'entendre ce soucier, avec sa voix à lui, de son état d'esprit. Elle voudrait oublier tout ce à quoi cette voix qui la questionne la renvoie. Oublier ces mots, ces interrogations empruntes d'une curiosité morbide et sans doute cruelle à son égard. Elle voudrait n'entendre que l'inquiétude du frère qui ne connait pas ces crises et qui découvre incrédule une autre facette de cette sœur qu'il a oublié. « Pour toi ça semble habituel, pour lui ce l’était aussi mais pour moi… » Ses yeux s'ouvrent dans un éclat triste. D'ordinaire, elle aime quand les gens sont curieux par rapport à sa particularité. Elle aime quand on s'interroge sur ce qu'elle traverse. Mais elle n'aime pas la pitié, elle préfère le mépris des autres. Et puis là c'est différent. Cela la rend amère et triste de l'entendre dire qu'il ne sait plus. Parce que de tous, elle sait que sa famille est la plus à même de savoir et connaître cette bénédiction de Hel, leur héritage maudit. L'entendre lui demander, presque implicitement, de lui expliquer ce qu'ils viennent de vivre, deux spectateurs avec deux points de vues différents, ça la rend triste. Presque en colère. Parce que c'est injuste. Sans oublier la culpabilité que cela a fait surgir dans son âme. Elle aurait dû penser qu'il ne savait plus. Qu'il n'était plus qu'un étranger qui n'a jamais entendu parler des Hemskökt avant et qui découvre avec horreur ce que cela implique pour elle. La pointe de tristesse s'accentue dans l'océan glacé de ses yeux. A cet instant elle ne sait plus si elle a réellement envie de rencontrer ce nouveau Fred ou si elle ne préférait pas l'ancien, avec toute sa haine et sa toxicité, plutôt que d'avoir la charge de tout réécrire l'histoire qu'ils ont déjà joué ensemble. « Je suis plutôt confus. Et je regrette d’avoir voulu que tu viennes, je veux absolument pas te faire encore du mal. » Comme s'il avait entendu ses pensées, qu'elle regrette immédiatement, Fred s'excuse. Il s'excuse et elle se mord la lèvre d'avoir osé penser ça. Parce qu'elle sait pourtant que des deux, c'est lui qui souffre le plus de cette situation, de ce passé qui lui appartient, qui le hante, mais auquel il ne correspond plus aujourd'hui. Stupide Fredrikke et ses penchants morbides. Stupides Mørk qui n'ont rien fait pour l'arrêter plus tôt. La tête de la jeune sœur se penche légèrement sur le côté, signe extérieur de sa réflexion interne. Elle cherche dans ses vagues de sentiments ce dont elle a réellement envie. Elle trouve ses réponses, les mêmes que toujours, elle frisonne. Et Dreymir lui jette un regard sombre. Parce qu'elle sait, elle, la renarde, que sa sorcière préfère mille fois être aimé de ses pairs plutôt que de choisir la raison. N'apprécie-t-elle pas trop ces rares discussions avec le Järl des Hjermstad par exemple ? En dépit de tout ce qu'elle entend sur lui. Juste parce qu'il lui montre de l'intérêt ? Tout comme elle a toujours eu cette infime flamme de chaleur dans les rares apparitions de l'ancien Fredrikke dans sa vie parce que cela signifiait qu'il pensait à elle en tant que sœur ?
Il revient s'asseoir à ses cotés et Alfhild ne peut s'empêcher de l'accueillir avec un pâle sourire tandis qu'il lui tend une assiette avec la tasse de thé fumante et le roulé à la cannelle qu'elle lui a demandé. « Je n’ai pas de lac ici, non. Par contre, j’ai une chambre de plus, si jamais t’as besoin de te reposer. Ou je peux te raccompagner chez toi, je comprendrais que tu veuilles pas être en état de faiblesse en ma compagnie. » Elle ne comprend pas la dernière phrase, et ça se voit tout de suite. Ses paupières papillonnent légèrement et sa tête se penche un peu plus sur le côté alors qu'elle relève ses iris vers le visage de Fred. « En état de faiblesse ? C'est-à-dire ? Je ne comprends pas pourquoi je ne voudrais pas me retrouver fatiguée chez toi. Je n'ai pas de problème avec mon état, ni de le montrer aux autres. Ce serait ridicule. » Elle hausse les épaules, ne parvenant pas à saisir en quoi c'est un problème, parce qu'elle s'est trop souvent retrouvé dans cette situation dans des endroits inappropriés pour qu'elle se pose la question de savoir ce qui est inapproprié justement. Rares sont les personnes qui osent s'approcher d'elle quand elle fait une crise de toute façon. La peur éloigne les gens. Elle ne craint rien. Elle n'a honte de rien. Elle vit ces moments comme ils viennent. Parce qu'en réalité, elle n'a jamais songé que cette situation la laissait vulnérable et que certains pourraient envisager d'en profiter. Ses doigts attrapent l'anse de la tasse très chaude et elle souffle délicatement à la surface du thé, savourant la chaleur des vapeurs contre la peau de son visage. Ses paupières se ferment une fraction de seconde et son sourire naturel revient, chassant les ombres tristes de ses iris. Elle rouvre les yeux, les glissant un instant dans ceux de Fred, avant de les reposer face à elle. « Je suis désolée Fred, je ne songeais plus que pour toi tout est nouveau. » D'un geste lent elle attrape le roulé à la cannelle, l'observe attentivement, le fait tourner entre ses doigts avant de le reposer, intacte, dans l'assiette. Dreymir grogne, mais elle n'y prête pas attention. « J'ai l'habitude de raconter tout plein de choses sur moi et notre héritage de Hel. Des choses diverses et variées, parce que les gens souvent n'en connaissent rien. Mais toi. Tu savais déjà tellement de choses, parce que tu avais étudié, tu m'avais étudié. Ca me fait bizarre de me dire que je peux t'en parler à ma manière. » Parfois il prenait un malin plaisir à faire l'état des lieux de son don et de la perception qu'il en avait comme s'il savait mieux qu'elle. Ca avait le chic de l'énerver prodigieusement Alfhild. Qu'il cherche à la déposséder de son savoir. « Premièrement, ma crise n'a rien à voir avec toi. Elle s'est faite parce que je n'ai pas réussi à placer des barrières suffisamment solide entre l'énergie de ce mort qui voulait lire un truc morbide pour repaitre les résidus de qui il était. Probablement que ce devait être une personne friand de récits du genre, de son vivant. Et qu'il est mort pas très loin d'ici. Quoi qu'il en soit, son énergie était très forte, et j'étais peu protégée mentalement parce que trop occupée à tourner et retourner dans ma tête mes angoisses de notre rencontre. Certes, mais ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui n'arrive pas à tout faire. Gunnar m'a donné tout un tas d'exercice à pratiquer, issus de l'occlumentie, mais j'y arrive pas. Et je n'y travaille clairement pas assez. » Elle se mord la lèvre en tournant un regard inquiet vers Fred. « Tu lui diras pas ce que je viens de dire hein ?  » La tête blonde se secoue légèrement avant de reporter son regard ailleurs plutôt que sur le visage trop soucieux de son adelphe. « Donc, je disais quoi ? Ah oui, que j'étais déjà pas au top niveau barrière mentale, plus la fatigue de ces derniers temps, entre le Musée, les cours, mes angoisses personnelles, ma préparation du marché de Yule, tout ça, je ne dors pas beaucoup ni très bien. Tout ça donc, donne un état d'esprit plus lâche, moins discipliné, et plus ouverts aux énergies fortes qui veulent se faire entendre depuis le Helheim. Parce qu'ils veulent se faire entendre les morts. Ils ne veulent pas qu'on les oublie. Jamais. Alors crois bien qu'ils sont à l'affût de la moindre opportunité pour le faire. Et quand un Hemskökt mal entrainé passe par là, ils se jettent dessus pour lui secouer la tête et prendre la place en premier pour espérer atteindre les vivants à travers lui. Je ne sais pas si c'est clair, et d'autres Hemskökt te diront ressentir les choses différemment. Mais qu'importe, je le vis comme ça. Et donc, là, aujourd'hui, j'ai même pas fait attention aux signes, les maux de têtes, le bruit plus important de certains murmures dans ma tête. Parce qu'ils sont là tout le temps tu sais ? A murmurer leur litanie derrière le voile. C'est comme un roulis de l'océan qui serait là, toujours, à soupirer dans tes oreilles. » Elle hoche la tête doucement, parce qu'elle sait que beaucoup ont du mal à saisir l'ampleur de cette réalité. de ce murmure qui ne s'arrête jamais. Jamais. Jamais. « Et alors quand ils veulent se rappeler aux vivants, c'est douloureux. Parce que leur énergie lutte contre la mienne. C'est comme s'ils entraient par effraction chez toi en lançant des incendio dans tous les coins tout en hurlant des trucs incohérents parce qu'une fois la porte ouverte, ils peuvent s'engouffrer à plusieurs parce qu'ils veulent tous être les premiers. Ca fait une belle cacophonie de cris. Et que leurs énergies, ce ne sont que des résidus de leurs pensées. Ce ne sont pas réellement les morts, qui continuent de faire leur vie derrière le voile et qui viendraient prendre des nouvelles de temps en temps, donc souvent ils ne sont pas très cohérents dans ce qu'ils racontent. » Elle s'emporte dans son explication, comme trop souvent, elle n'arrive plus à s'arrêter alors que ses propres réflexions se mêlent aux explications qu'elle voulait simplement donner. Son visage s'anime, comme souvent lorsqu'elle parle d'un sujet qui lui tient à cœur. Ses iris se teinte d'un éclat brillant, passionné. « Parfois, cependant, certains ont des énergies plus fortes encore, qui peuvent entrer en résonance avec certains Hemskökt mais pas avec d'autres. Et on peut les voir ceux-là. Minces silhouettes fantomatiques qui hantent leurs lieux de mort. D'ailleurs, j'ai découvert que ceux qui viennent de mourir restent visibles, pour nous, sous cette forme, assez longtemps. Comme si leurs esprits trop fraîchement tués étaient encore trop ancrés dans le vivant. Ou alors c'était juste parce qu'ils étaient plein de rage de mourir sous la baguette de Niklas. » Elle a dérivé sur Walpurigs s'en même s'en rendre compte. Mais quand elle prononce son prénom elle se fige dans un frisson glacé. Elle secoue a nouveau la tête, reprenant une grande inspiration avant de glisse un œillade discrète à Fred. « Tu ne te rappelles pas, mais Oda et vous avez découvert ma capacité quand je vous ai parlé d'Erinn, qui était une sorcière viking morte sur les rivages de notre crique sur l'île aux Ours. J'allais la voir tous les jours, ça a duré presque deux ans avant qu'Oda comprenne. C'était une chouette période. Mais j'étais jeune, et elle m'a un peu trop embarquée dans des histoires de drakkars, de combats et de mythes. Parce que les fantômes n'ont pas que des pensées amicales envers les vivants. Quoi qu'il en soit, j'ai commencé à faire de la dissociation de réalités à ce moment-là, et ça s'est accru quand Oda m'a enfermée dans les sous-sols et m'a interdit d'aller la voir, et d'aller voir qui que ce soit d'ailleurs. C'était plus facile de supporter l'isolement en me prétendant guerrière viking qu'enfant enfermée. » Elle rigole doucement, en songeant à ces mondes dans lesquels elle vivait alors. Elle porte ensuite sa tasse à ses lèvres, une nouvelle fois, et bois une rapide lampée de thé chaud. « Et enfin on vient à ce qui s'est passé après ma crise. Ca m'arrive de moins en moins souvent, parce que j'ai compris que je faisais des dissociations du genre, et notre cousine Heid m'a un peu aidée là-dessus. Mais ce soir je crois que ta présence m'a un peu trop perturbée et que j'ai associé ton image à celle de ton toi d'avant et je me suis perdue dans mes réalités autres. Voilà. C'était long excuse-moi. Je parle toujours trop. » Son sourire se refait amusé alors qu'elle glisse son regard vers le roulé à la cannelle, avant de le ramener dans les yeux de Fred, qu'elle arrive à observer un peu plus longtemps que précédemment, avant de reporter la tasse de thé à ses lèvres et d'en boire une plus longue gorgée. « Tu es rassuré maintenant ? » La petite sœur lui adresse un doux sourire, le front légèrement plissé sous l'inquiétude que ce ne soit toujours pas le cas.



Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Les paupières de ma soeur papillonnent et je vois à son air qu'elle ne semble pas comprendre ma phrase. « En état de faiblesse ? C'est-à-dire ? Je ne comprends pas pourquoi je ne voudrais pas me retrouver fatiguée chez toi. Je n'ai pas de problème avec mon état, ni de le montrer aux autres. Ce serait ridicule. »   Sa réaction est rassurante. Je sais que tous n’auraient pas la même et que certaines personnes préfèreraient ramper plus loin que de se retrouver face à moi dans un état où ils ne sont pas au maximum de leur capacité ; j’ai assisté à trop de gestes de recul, déjà. Elle n’en est donc pas là. Parce qu’elle a confiance ou parce qu’elle ne voit pas ce qui pourrait arriver et en quoi son état pourrait être problématique pour une personne mal intentionnée ? Je ne pencherais pas pour la première option. Elle prend la tasse que je lui tends, et je l'observe souffler sur le liquide fumant. Ses paupières se ferment brièvement et lorsqu'elles se rouvrent, ses iris me semblent moins agités des ombres tristes que j'ai cru y lire. « Je suis désolée Fred, je ne songeais plus que pour toi tout est nouveau. » J’hausse les épaules, l’air de dire que ce n’est rien. Et ce n’est rien, réellement. L’important, c’est elle, pas ce dont je me souviens ou non. Je la vois attraper un roulé, qui se fait finalement reposer dans l’assiette et je fronce les sourcils en même temps que sa fylgia grogne. « J'ai l'habitude de raconter tout plein de choses sur moi et notre héritage de Hel. Des choses diverses et variées, parce que les gens souvent n'en connaissent rien. Mais toi. Tu savais déjà tellement de choses, parce que tu avais étudié, tu m'avais étudié. Ca me fait bizarre de me dire que je peux t'en parler à ma manière. » Je l’avais étudiée…Ma chair trésaille, sans que je ne détache mon regard d’elle. Fredrikke n’était pas un Hemskökt et je ne sais pas ce qu’il aurait fait, s’il avait eu ce don maudit. Plus de mal ? Il aurait difficilement pu devenir plus dingue. Était-il jaloux de ne pas avoir une capacité supplémentaire, même si cette capacité semble…difficile ? « Premièrement, ma crise n'a rien à voir avec toi. Elle s'est faite parce que je n'ai pas réussi à placer des barrières suffisamment solide entre l'énergie de ce mort qui voulait lire un truc morbide pour repaitre les résidus de qui il était. Probablement que ce devait être une personne friand de récits du genre, de son vivant. Et qu'il est mort pas très loin d'ici. Quoi qu'il en soit, son énergie était très forte, et j'étais peu protégée mentalement parce que trop occupée à tourner et retourner dans ma tête mes angoisses de notre rencontre. Certes, mais ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui n'arrive pas à tout faire. Gunnar m'a donné tout un tas d'exercice à pratiquer, issus de l'occlumentie, mais j'y arrive pas. Et je n'y travaille clairement pas assez. » J’assimile les informations qu’elle me donne d’un air neutre, mais mes sourcils se froncent. Je ne savais pas grand-chose de ce qu’elle est en train de me raconter, et je tente de tout retenir, mais je sens clairement que certains éléments seront laissés de côté. Ce qui me marque le plus, c’est cette mention de ses angoisses par rapport à notre rencontre, et le fait qu’un mort puisse être friand de récits du genre de son vivant. Rien de rassurant.

« Tu lui diras pas ce que je viens de dire hein ?  » Je secoue la tête dans un signe négatif. Ce n’est clairement pas moi qui vais commencer à avoir une discussion avec Gunnar sur ce que fait ou non Alfhild sur le plan de ses exercices – ce n’est pas moi qui vais vouloir avoir une conversation tout court avec lui, sauf si j’ai trop bu et que je m’invite par inadvertance à un brunch. « Donc, je disais quoi ? Ah oui, que j'étais déjà pas au top niveau barrière mentale, plus la fatigue de ces derniers temps, entre le Musée, les cours, mes angoisses personnelles, ma préparation du marché de Yule, tout ça, je ne dors pas beaucoup ni très bien. Tout ça donc, donne un état d'esprit plus lâche, moins discipliné, et plus ouverts aux énergies fortes qui veulent se faire entendre depuis le Helheim. Parce qu'ils veulent se faire entendre les morts. Ils ne veulent pas qu'on les oublie. Jamais. Alors crois bien qu'ils sont à l'affût de la moindre opportunité pour le faire. Et quand un Hemskökt mal entrainé passe par là, ils se jettent dessus pour lui secouer la tête et prendre la place en premier pour espérer atteindre les vivants à travers lui. Je ne sais pas si c'est clair, et d'autres Hemskökt te diront ressentir les choses différemment. Mais qu'importe, je le vis comme ça. Et donc, là, aujourd'hui, j'ai même pas fait attention aux signes, les maux de têtes, le bruit plus important de certains murmures dans ma tête. Parce qu'ils sont là tout le temps tu sais ? A murmurer leur litanie derrière le voile. C'est comme un roulis de l'océan qui serait là, toujours, à soupirer dans tes oreilles. » Je ne sais pas, non, et je ne peux qu’imaginer. Je ne pensais pas que c’était à ce point, que les morts pouvaient être aussi bruyants et dérangeants à leur façon. Je comprends toutefois mieux l’allusion qu’avait déjà faite Alfhild à ce qu’aurais pu faire, si j’étais mort. Fredrikke aurait peut-être été comme cet esprit friand d’histoires du genre. Et je me dis aussi que je ne connais décidément rien de sa sœur, de la mienne. C’est peut-être davantage la sienne  ; il était peut-être un enfoiré, mais il la connaissait mieux que moi, actuellement. Parce que cette fatigue des derniers temps, ses angoisses personnelles…Je n’en sais en final pas grand-chose et je dois aussi être un étranger pour elle, qui ne réveille pas des anecdotes agréables. « Et alors quand ils veulent se rappeler aux vivants, c'est douloureux. Parce que leur énergie lutte contre la mienne. C'est comme s'ils entraient par effraction chez toi en lançant des incendio dans tous les coins tout en hurlant des trucs incohérents parce qu'une fois la porte ouverte, ils peuvent s'engouffrer à plusieurs parce qu'ils veulent tous être les premiers. Ca fait une belle cacophonie de cris. Et que leurs énergies, ce ne sont que des résidus de leurs pensées. Ce ne sont pas réellement les morts, qui continuent de faire leur vie derrière le voile et qui viendraient prendre des nouvelles de temps en temps, donc souvent ils ne sont pas très cohérents dans ce qu'ils racontent. » J e frissonne, malgré moi, sans détacher mon regard d’elle. Je vois que ses iris ont pris un éclat plus brillant et que son visage s’est animé. Elle ne me semble pas effrayée. C’est son existence depuis tant d’année…S’y est-elle habituée ? À quel point ? Je réalise trop clairement que j’ai été tellement occupé à parler de moi et de Fred dans nos missives que je n’ai peut-être pas posé assez de questions sur sa vie. « Parfois, cependant, certains ont des énergies plus fortes encore, qui peuvent entrer en résonance avec certains Hemskökt mais pas avec d'autres. Et on peut les voir ceux-là. Minces silhouettes fantomatiques qui hantent leurs lieux de mort. D'ailleurs, j'ai découvert que ceux qui viennent de mourir restent visibles, pour nous, sous cette forme, assez longtemps. Comme si leurs esprits trop fraîchement tués étaient encore trop ancrés dans le vivant. Ou alors c'était juste parce qu'ils étaient plein de rage de mourir sous la baguette de Niklas. » Je mets quelques secondes à comprendre l’allusion. L’événement m’a été raconté et j’en éprouve un sentiment amer. Fred n’a pas apprécié le danger que sa sœur a subi, mais il semble s’être foutu totalement des éventuelles conséquences. Je remarque que ma sœur s’est brièvement figée en prononçant le nom du sorcier, qu’elle a secoué la tête avant de prendre une grande inspiration. Un événement marquant, mais qui ne m’a pas marqué, moi. Je me demande momentanément si Alfhild sait qu’il a rejoint les Enfants ; est-ce un secret qu’il gardait auprès d’elle ou quelque chose dont il se vantait ? Je n’ai ni envie de le découvrir ni envie d’en parler, alors que d’autres préoccupations me semblent plus importantes. Comme le fait que la sang-pur a vu des gens mourir sous ses yeux, puis les a vus sous une autre forme. Ça doit être…troublant. « Tu ne te rappelles pas, mais Oda et vous avez découvert ma capacité quand je vous ai parlé d'Erinn, qui était une sorcière viking morte sur les rivages de notre crique sur l'île aux Ours. J'allais la voir tous les jours, ça a duré presque deux ans avant qu'Oda comprenne. C'était une chouette période. Mais j'étais jeune, et elle m'a un peu trop embarquée dans des histoires de drakkars, de combats et de mythes. Parce que les fantômes n'ont pas que des pensées amicales envers les vivants. Quoi qu'il en soit, j'ai commencé à faire de la dissociation de réalités à ce moment-là, et ça s'est accru quand Oda m'a enfermée dans les sous-sols et m'a interdit d'aller la voir, et d'aller voir qui que ce soit d'ailleurs. C'était plus facile de supporter l'isolement en me prétendant guerrière viking qu'enfant enfermée. » Je fronce les sourcils, incapable d’absorber toutes ces informations en camouflant l’effet qu’elles me font. De l’incompréhension, très certainement, mais aussi du désarroi et de l’impuissance. Parce qu’il n’y a pas grand-chose que je peux faire, pour changer cette enfance, et je me demande quelles ont été les répercussions exactes sur Alfhild. Elle rigole doucement, mais je ne l’imite pas, les traits crispés.

« Et enfin on vient à ce qui s'est passé après ma crise. Ca m'arrive de moins en moins souvent, parce que j'ai compris que je faisais des dissociations du genre, et notre cousine Heid m'a un peu aidée là-dessus. Mais ce soir je crois que ta présence m'a un peu trop perturbée et que j'ai associé ton image à celle de ton toi d'avant et je me suis perdue dans mes réalités autres. Voilà. C'était long excuse-moi. Je parle toujours trop. » Ma présence n’a donc vraiment pas aidé. Je ne parviens pas à soutenir son sourire, mais je ne détourne pas le regard lorsque ses yeux croisent les miens, plus longtemps qu’auparavant. Les yeux d’un autre, les yeux de celui d’avant. Mes yeux. « Tu es rassuré maintenant ? » Son attitude est mignonne. Et effrayante. Parce qu’elle ne devrait pas avoir à me rassurer et que je suis un peu perdu, dans ces informations saisissantes. J’ébauche un maigre sourire, répondant : « Non, je suis même plus inquiet qu’avant. » Et ça me fait un drôle d’effet, d’apprendre des informations importantes que je suis supposé connaître. Fred le savait…Mais que faisait-il de ces connaissances ? Rien de bon, probablement. J’ai trop conscience en cet instant qu’il n’y a pas que l’image de l’ancien Fred qui nous sépare ma sœur et moi, mais qu’il y a aussi ce vide laissé par l’oubli des souvenirs partagés – positifs ou non. Parce que malgré les lettres, malgré nos échanges depuis le réveil, j’en sais très certainement moins sur elle et sa vie que ce qu’il pouvait savoir lui. Je reprends : « T’as eu à gérer beaucoup trop de choses, depuis ton enfance. » Ma phrase est plutôt maladroite, mais je ne sais comment résumer autrement l’impression que me fait tout ce qu’elle m’a raconté. Je plisse les yeux, avant de rajouter avec un sourire narquois :   « On est visiblement une famille très équilibrée. » Un léger rire m’échappe, plus sec et nerveux qu’amusé. Équilibrée, les Mørk ? Je ne connais pas encore tout, de la famille, mais je sais que cette définition ne peut pas s’appliquer. Je me demande si c’est le voisinage avec la mort qui a causé tant de dégât et de déséquilibres ou si c’est simplement les valeurs transmises de génération en génération. Un mélange des deux ? Je n’ai pas davantage d’explications sur ce qui a pu conduire Fredrikke à être aussi dérangé. Trop d’orgueil, trop d’amour de la souffrance, trop de penchants mauvais qui ont poussé librement comme des mauvaises herbes incontrôlables qui ne peuvent servir à faire aucune tisane. Mes lèvres se pincent brièvement, alors que j’hésite, cherchant les bons mots. Une question me vient et je ne devrais probablement pas la poser, mais elle m’échappe malgré tout : « Alfhild…Si j’avais tué quelqu’un, est-ce que tu pourrais voir cette personne si elle hantait le lieu de sa mort et aurait une énergie plutôt forte? » La plupart ne sont pas visibles, de ce que j’ai compris…Et il n’a probablement tué personne, en dehors de son travail. On en a parlé à l’arrivée d’Alfhild, j’ai dit que ça m’étonnerait, que je crois que non mais…Le doute subsistera probablement toujours. Surtout au sujet d’un élément, que j’énonce en détournant le regard : « Je crois que non, vraiment, il me semble que je saurais, qu’il aurait pas pu s’empêcher de s’en vanter mais…Il avait une cave. » Les derniers mots se perdent dans ma gorge nouée. J’ai peu parlé de ce que j’ai trouvé dans l’appartement de Fred, lorsque je l’ai vidé. Et ce lieu planqué sous sa chambre…Je n’ai que de brèves notes sur ce qu’il y faisait, mais les éléments trouvés, regroupés aux informations lues, laissent autant de réponses que de questions. Mes yeux se relèvent, alors que je secoue la tête, un mince sourire sur mes lèvres : « Oublie ma phrase. C’est une idée merdique, je réfléchis pas avant de parler. » Et je préfère ne pas savoir s’il a fait quoi que ce soit de trop mortel dans cette cave. Mes mains glissent l’une sur l’autre, nerveusement. J’ai le réflexe de vouloir prendre ma baguette, simplement pour la sentir entre mes doigts, mais je me retiens. Ma bouche se plisse en un rictus amer, alors que je rajoute : « C’est clairement pas le genre de propos qui aidera à ce que ma présence te perturbe moins. Y’a quelque chose à faire de ce côté d’ailleurs, tu crois ? T’as parlé des angoisses de notre rencontre…Faudrait peut-être que je t’écrive moins…? T’as pas à être la confidente d’un frère un peu timbré. Frère qui n’en porte que le titre, au fond. Parce que nous sommes probablement encore des étrangers l’un pour l’autre – étrangers à sens unique, car elle a tous ces souvenirs de lui.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
TRØBBEL För att nå toppen av trädet måste du sikta mot himlen

Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



 « Non, je suis même plus inquiet qu’avant. » Les regrets qui perlent de son cœur sont trop lisibles sur ses traits pour qu'elle puisse prétendre ne pas être déçue de cette réponse. Le « Ah » qui s'échappe en réponse de des lèvres pincées est plus un soupire maladroit qu'un véritable mot. Ses yeux se baissent sur le sol de la cuisine, contemplant avec une soudaine tristesse les jointures des éléments qui le composent. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction Alfhild. A dire vrai, elle ne s'attendait à aucune des réactions qu'il a eu envers elle aujourd'hui. Mais celle-ci, plus que les autres, la dérange. Elle est habituée à la moquerie Alfhild, à la pitié, à la peur, mais pas à ça. L'inquiétude. Ce soucis visiblement renforcé par ses propres descriptions alors que elle, elle ne cherchait qu'à être factuelle. Ses dents mordent les lèvres qui retiennent tant bien que mal le tremblement qui s'empare de celles-ci. Comme si elles voulaient fendre le visage d'une moue de chagrin. Elle est enfant, qui cherchait à trouver des explications rationnelles rassurantes, et qui n'a fait que creuser le puit du soucis dans le regard de l'autre. Les gens ne s'inquiètent pas réellement pour elle à ce sujet. Les gens ne s'inquiètent pas quand elle parle des esprits qui la hantent jours et nuits. Les gens se ferment, se bloquent, écoutent, haussent les épaules, fuient, ferment le dialogue. Mais ils ne s'inquiètent pas. Et ils ont bien raison de le faire pense-t-elle. Parce qu'il n'y a rien d'inquiétant dans cette particularité, rien que des réalités qui mènent à d'autres symptômes qui détournent l'attention des autres du fond du problème. « T’as eu à gérer beaucoup trop de choses, depuis ton enfance. » Ses yeux remontent vers l'adelphe avec ce regard mouvant et ses paupières qui papillonnent pour essayer de comprendre. Trop de choses ? Elle ne s'est jamais réellement posée la question Alfhild, de si ce qu'elle avait vécu était vraiment des choses à gérer. Elle hausse les épaules, ne trouvant pas vraiment qu'elle ait eu à gérer plus de choses que d'autres. Ou plutôt qu'elle considère que gérer des choses fait partie des bases de tout le monde. Non ? Elle au moins, on ne l'a pas faite prétendre morte à la lisière de l'adolescence puis renier complètement de la famille. Elle s'estime presque chanceuse, la jeune Mørk. Presque. « On est visiblement une famille très équilibrée. » Son rire, plus franc que celui de Fred, se superpose aux éclats nerveux de l'adelphe. Elle rigole et cela lui fait du bien Alfhild, parce que rire de leur famille dysfonctionnelle, elle ne fait que ça depuis trop longtemps. Alors la blague l'amuse et elle puisse dans cette nouvelle énergie pour chasser les ombres qui pèsent sur son cœur. Un nouveau sourire et ses yeux plonge dans la tasse de thé qu'elle porte à ses lèvres. Le rire s'y noie tandis que l'eau chaude roule dans sa gorge. Les paupières se ferment à nouveau et le ventre murmure un léger appel qu'elle repousse de côté. Dreymir pose une patte délicate sur la chaussure, la renarde appel un peu plus fort. Appuie le besoin et Alfhild finit par lui jeter un regard clair et entendu. Ses doigts glissent à nouveau vers l'assiette et attrapent fermement un roulé à la cannelle. Cette fois elle ose le porter à sa bouche, une première bouchée qui lui arrache une petite toux douce quand la cannelle en poudre se colle à sa gorge et cela la fait rire doucement. Elle aime bien cette sensation, comme à chaque fois. « Alfhild…Si j’avais tué quelqu’un, est-ce que tu pourrais voir cette personne si elle hantait le lieu de sa mort et aurait une énergie plutôt forte? » La phrase la surprend après les quelques secondes de silence qui s'était écoulée après leurs rires. La question la surprend et elle tourne un regard étonné vers Fred, bouche encore pleine de son roulé et mouvement arrêté, en suspend face à une interrogation qu'elle n'attendait pas. Dans l'incapacité physique de répondre dans l'immédiat, elle hoche légèrement la tête, les pensées se fixent sur ce visage qu'elle connait si bien et qui pourtant, marquent tant d'émotions qu'elle n'a pas l'habitude d'y lire. Elle repense à Niklas, forcément, à cette aura si sombre qu'elle l'avait reconnu dans la foule malgré ses subterfuges. Une scène qui hante encore ses nuits les plus tourmentés. Une sensation terrible qui lui fait palpiter son âme toute entière dans une sordide angoisse. Celle de ne pas être crue, de voir l'infamie s'enfuir sous le visage de l'innocence. Voir le coupable partir la tête haute, plus loin, pendant que tout le monde cherche ailleurs. Un frisson glacé fait vibrer sa colonne vertébrale. Elle revoit encore si bien ce que les yeux des autres ne voyaient pas. Cette déchirure presque perceptible du voile. Jamais elle n'avait vu un esprit accroché aussi solidement à un être vivant. Ça l'avait presque rendue folle, elle, l'entraînant dans un état second, un détachement dont elle garde encore aujourd'hui un souvenir vague. Elle se souvient à peine avoir mordu la chair même de l'inconnu. Avant de sombrer. Ses dents ce sont serrées sans qu'elle s'en rende compte Alfhild. Et son regard est retourné se perdre dans une observation factice des rainures du sol. Si bien qu'elle ne remarque pas que son frère aussi, a détourné le regard. « Je crois que non, vraiment, il me semble que je saurais, qu’il aurait pas pu s’empêcher de s’en vanter mais…Il avait une cave. » Elle tique Alfhild. Son cerveau n'aime pas le ton qu'il a employé. Comme un aveu de quelque chose de plus terrible encore. Plus terrible que ce carnet ? La possibilité vient frapper son âme d'un grand coup et elle a relevé un regard timide vers Fred. Ce doit être terrible, d'avoir ce doute entier, de savoir si oui ou non, on a pris volontairement la vie de quelqu'un. Et si cela était vrai ? Son propre cœur s'emballe. Pourrait-elle l'accepter, elle ? Que son frère soit un meurtrier ? La main a reposé le roulé sans même qu'elle s'en aperçoive. Elle doit se faire violence pour finir la bouchée toujours coincée dans ses mâchoires trop serrées. Elle avale avec difficulté la sorcière alors que Fred reprend rapidement la parole pour balayer tout ça de côté d'un signe de tête. « Oublie ma phrase. C’est une idée merdique, je réfléchis pas avant de parler. » Son sourire vient faire écho un sien. Mince sourire pincé. Elle ne dit rien, mais cela l'amuse de l'entendre dire cela. Lui il était toujours trop réfléchi dans ses paroles. Rien ne semblait être dit au hasard et tout avait un sens. Souvent connu de lui seul. Mais lourd de sous-couches plus ou moins joyeuses.« C’est clairement pas le genre de propos qui aidera à ce que ma présence te perturbe moins. Y’a quelque chose à faire de ce côté d’ailleurs, tu crois ? T’as parlé des angoisses de notre rencontre…Faudrait peut-être que je t’écrive moins…? T’as pas à être la confidente d’un frère un peu timbré. » Elle se redresse presque d'un coup la jeune Mørk lorsqu'elle entend son adelphe évoquer ses angoisses liées à leur rencontre et les mettre en parallèle sur son rythme de lettres. Elle n'est pas d'accord, pas du tout. Évidemment elle ne peut que constater que tout cela la perturbe beaucoup, mais elle n'est pas prête pour autant à accepter qu'il reparte, que le silence revienne embrumer leur relation d'une vague distance. Plus que tout, c'est bien ça, le nerf centrale de ses angoisses. L'abandon. Encore lui. Toujours le même. Celui qui se répète, inlassablement. « Je suis angoissée pour toutes les rencontres Fred. C'est pas toi en particulier, c'est juste mon cerveau qui fait trop de nœuds en projetant quinze mille choses inutiles. Tu veux savoir de quoi j'ai peur ? Que tu cesses de me contacter du jour au lendemain, que tu réalises que je suis franchement pas si intéressante et que moi et mes problèmes de fantômes on mérite mieux d'être oublié dans un coin. Je suis loin d'être exceptionnelle, et j'ai gère trop mal les relations sociales pour ne pas craindre que notre rencontre se passe mal parce que je fais tout foirer. Comme toujours. Je sais que mettre les gens mal à l'aise. » Elle soupire doucement, avale une rapide gorgée de thé afin de l'aider à avaler l'impression de trop plein qui perturbe encore sa langue, avant de reprendre la parole. « Je suis pas très douée pour te rassurer non plus, je voulais pas t'inquiéter avec ma particularité. Elle fait partie de moi, c'est aussi ce qui m'aide à trouver un but dans la vie, après tout. C'est cette malédiction qui me pousse a avoir envie de faire changer les choses. Faut pas t'inquiéter pour moi par rapport à ça. » Elle hausse les épaules une fois de plus, elle sait pas trop quoi en faire de cette inquiétude qu'elle ne maitrise pas. C'est un peu comme la pitié de certains, encombrant et dérangeant. « Ce serai bien plus angoissant que tu arrêtes de m'envoyer des lettres. C'est vrai que ça remue des choses, mais aussi des choses positives. J'ai l'impression d'avoir un frère, d'appartenir à votre clan, avoir une place. Ca c'est un truc hyper positif que tu m'apportes. » Elle le pense sincèrement Alfhild, et son sourire est devenu plus franc, avant de s'effacer légèrement pour laisser place à une expression plus sérieuse, mais néanmoins à moitié pensive. « Concernant ta question...Oui, je pourrais peut-être le voir. La mort serait encore récente, son énergie probablement très forte. Si tu étais le responsable de sa mort, et si celle-ci a été violente, ou très mal vécue, son fantôme serait peut-être à même de m’apparaître si tu venais avec moi. En tout cas il serait probablement très énervé. Mais je ne suis pas sûre d'avoir envie de tenter l'expérience. Même avec quelques amulettes de protection. Visiblement même toi cette cave te dérange pas mal alors bon. Savoir déjà toutes ces choses du carnet me suffit largement je crois. » La grimace vient ramener un peu d'amusement dans ses traits. Elle plaisante peut-être un peu trop tôt, mais elle sent déjà ses forces revenir et la crise s'éloigner pour de bon. Alors son naturel revient vite et elle se laisse glisser vers cette remonter enthousiaste pour laisser le reste derrière elle. « Tu ne m'as toujours pas montré ton chat et ton oiseau d'ailleurs. Je vais finir par croire qu'ils n'existent pas et que ce n'était qu'un piège pour m'attirer ici. » Un nouveau rire doux s'échappe de ses lèvres alors qu'elle penche la tête en arrière, glissant un regard d'un éclat brillant vers son frère.



Fredrikke Mørk
Fredrikke Mørk
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Je suis sincère en lui proposant qu’on s’écrive moins. Mes appréhensions du début de notre rencontre, loin de s’être atténuées, se sont surtout accentuées. J’ai conscience, énormément, de ne pouvoir lui apporter que très peu de positif. « Je suis angoissée pour toutes les rencontres Fred. C'est pas toi en particulier, c'est juste mon cerveau qui fait trop de nœuds en projetant quinze mille choses inutiles. Tu veux savoir de quoi j'ai peur ? Que tu cesses de me contacter du jour au lendemain, que tu réalises que je suis franchement pas si intéressante et que moi et mes problèmes de fantômes on mérite mieux d'être oublié dans un coin. Je suis loin d'être exceptionnelle, et j'ai gère trop mal les relations sociales pour ne pas craindre que notre rencontre se passe mal parce que je fais tout foirer. Comme toujours. Je sais que mettre les gens mal à l'aise. » Mes sourcils se froncent, alors que mes pupilles se figent sur elle. J’ai l’impression soudaine qu’elle est en train de parler une autre langue, tant je comprends peu ce qu’elle m’énonce. Se considère-t-elle vraiment comme peu intéressante et peu exceptionnelle ? Pourquoi affirme-t-elle qu’elle fait toujours tout foirer et qu’elle rend les gens mal à l’aise ? À cause des fantômes ? Tous ses propos renvoient à une perception si négative d’elle-même que je me crispe, la mâchoire serrée. Ai-je joué sur ton estime de toi, moi aussi ? J’aimerais croire que non, mais je suppose que oui. Si elle avait grandi dans un environnement sain, elle aurait peut-être un un frère qui aurait pu lui dire qu’elle ne mérite pas d’être oubliée dans un coin…ou enfermée quelque part.

Je la regarde prendre une gorgée, alors que je déplie légèrement mes jambes qui s’engourdissent, pour les placer l’une par-dessus l’autre, de côté. « Je suis pas très douée pour te rassurer non plus, je voulais pas t'inquiéter avec ma particularité. Elle fait partie de moi, c'est aussi ce qui m'aide à trouver un but dans la vie, après tout. C'est cette malédiction qui me pousse a avoir envie de faire changer les choses. Faut pas t'inquiéter pour moi par rapport à ça. » J’esquisse un sourire furtif, qui n’est pas voué à s’éterniser. Fredrikke ne devait pas être du genre à s’inquiéter pour qui que ce soit outre lui-même, mais ce n’est pas mon cas. Je préfère, idéalement, faire passer tout le monde avant moi. Et je réalise ce qu’au fond, je savais déjà : je connais très peu de choses d’Alfhild, de son quotidien, de ses peurs, de ses rêves. Comment veut-elle faire changer les choses ? Je retiens ma question, que je remets à plus tard, parce que d’autres se bousculent sous mon crâne soucieux. « Ce serai bien plus angoissant que tu arrêtes de m'envoyer des lettres. C'est vrai que ça remue des choses, mais aussi des choses positives. J'ai l'impression d'avoir un frère, d'appartenir à votre clan, avoir une place. Ca c'est un truc hyper positif que tu m'apportes. » Mes lèvres se fendent d’un léger rictus incertain, en réponse à son sourire plus franc. J’ai un fort doute sur le positif, mais je ne lui imposerai pas davantage mon absence que ma présence. Si elle ne préfère pas que j’arrête de lui envoyer des lettres, je ne cesserai pas de le faire. Je persiste toutefois à croire qu’il serait peut-être mieux, pour elle, que je les espace. Même si je n’en ai pas envie. « Concernant ta question...Oui, je pourrais peut-être le voir. La mort serait encore récente, son énergie probablement très forte. Si tu étais le responsable de sa mort, et si celle-ci a été violente, ou très mal vécue, son fantôme serait peut-être à même de m’apparaître si tu venais avec moi. En tout cas il serait probablement très énervé. Mais je ne suis pas sûre d'avoir envie de tenter l'expérience. Même avec quelques amulettes de protection. Visiblement même toi cette cave te dérange pas mal alors bon. Savoir déjà toutes ces choses du carnet me suffit largement je crois. » Et je ne lui imposerais pas une telle chose. Ma question était stupide, inappropriée et inadéquate, surtout après ce qu’elle a lu et la crise qui en a résulté. J’hoche doucement la tête, baissant un instant les yeux. L’interrogation n’aurait pas dû fuser de mes lèvres, mais je sais qu’elle demeurera toujours en suspens, tant que je n’aurai pas une réponse totalement assurée sur le sujet. C’est un problème voué à être irrésolu ; je n’ai qu’une hypothèse et je m’y accroche, parce que l’idée que Fredrikke ait pu tuer quelqu’un de sang-froid, que j’aie pu faire une telle chose, serait intolérable. « Tu ne m'as toujours pas montré ton chat et ton oiseau d'ailleurs. Je vais finir par croire qu'ils n'existent pas et que ce n'était qu'un piège pour m'attirer ici. » Elle rit doucement, la tête penchée vers l'arrière, et son regard brillant m'arrache un sourire sincère. Il est étonnant que le chat ne soit pas venu lorsqu’elle est entrée ; peut-être que j’ai oublié de rouvrir la porte de ma chambre ? « Attends. » Je me redresse totalement, me remettant debout. D’un bref coup d’œil, je parcoure la pièce, à la recherche du félin. Il ne s’y trouve pas, ce qui rend plus plausible mon hypothèse. Je m’éloigne dans le couloir, apercevant rapidement la porte de ma chambre, totalement ouverte. Je m’y engouffre, curieux, Ashes sur mes talons ; sûrement davantage par envie de ne pas être seule avec ma sœur que par réel désir d’être avec moi. Notre relation est plutôt ces orageuses, ces jours-ci.

Je repère mon sacré de Birmanie confortablement niché sur ma couverture, entre deux coussins, avec l’air de quelqu’un qui n’a pas envie de quitter sa position. Mon sourire s’accentue et je m’approche pour prendre le chat dans mes bras, sans qu’il ne proteste. Il est du genre affectueux et ne se formalise pas pour mes caresses parfois envahissantes. Je passe simultanément devant la cage du serin, que j’ouvre de mon autre main, sans que le félin ne réagisse. Les deux sont habitués l’un à l’autre et jusqu’à maintenant, l’animal n’a pas encore tenté d’attraper son colocataire. Je reprends le chemin inverse, relâchant le chat à proximité d’Alfhild : « Le serin est dans ma chambre, il m’aide à m’endormir. J’ai ouvert la porte de sa cage, il viendra peut-être nous voir. » Il était dans le salon au départ, lorsque j’ai aménagé, mais mes voisins du haut m’ont rapidement souligné qu’il était directement sous leur lit, et que son piaillement les embêtait. Moi, j’apprécie au contraire qu’il soit aussi bavard : l’entendre le soir m’empêche de me concentrer trop longtemps sur mes pensées. J’appuie mon dos contre le comptoir de ma cuisine, poursuivant : « Tu te plantes, tu sais. Tu es exceptionnelle. Peu de personnes auraient accepté de renouer contact avec leur frère, après ce qui s’est passé. Mais malgré ce que tu dis, je ne sais pas si c’était la meilleure chose à faire…Moi, de t’écrire aussi souvent et toi, de me répondre. » Mes yeux se sont momentanément baissés vers le sol, pour ne pas se poser sur la lettre, qui traîne encore sur la table. Je rajoute presque aussitôt : « Mais je continuerai de le faire, si c’est ce que tu veux. Et si ça te mets pas trop à l’envers. » Un sourire contrit s’installe sur mes lèvres incertaines, alors que mes iris reviennent se poser sur elle. Je demeure persuadé que c’est égoïste de ma part, de profiter de cette permission de lui écrire. Et d’être revenu dans sa vie, aussi. Le positif que je peux lui apporter n’effaçera jamais le positif. Je reprends, doux : « T’as pas à me rassurer. Faudra t’habituer à mon inquiétude, par contre. J’en éprouve pour tout ce qui est doté de deux jambes, et c’est encore plus fort pour mes proches. » Je m’inquiète pour ma famille, pour mes sœurs, mais pour elle, en particulier. Parce qu’elle est la seule à vraiment m’avoir laissé une seconde chance, alors qu’elle aurait pu ne pas le faire. Je m’inquiète aussi pour mes anciennes victimes, pour ces personnes abandonnées avec leurs traumatismes, dont je suis responsable. Je lève un instant les yeux vers le plafond, en voyant un éclair jaune voleter jusqu’au salon. Mon sourire s’accentue, mon cœur bat plus doucement. J’adore les oiseaux. Je reporte mon attention sur Alfhild, demandant : « Pourquoi tu dis que tu fais toujours tout foirer ? » Je ne sais pas grand-chose, de sa scolarité à Durmstrang et de ses relations avec les autres. Et cette ignorance me rappelle, encore une fois, à quel point j’ai beaucoup de choses à apprendre et à rattraper.
Alfhild Mørk
Alfhild Mørk
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Goodbye

    @Fredrikke Mørk   - décembre 2022



« Attends. » Elle a vu son sourire percer enfin les lèvres de l'adelphe. Et cela a réchauffé son âme un court instant. Un sourire sincère, presque doux, qu'elle n'a pas connu sur le visage de Fredrikke Mørk, ou alors dans un passé trop lointain pour que sa mémoire ne s'en souvienne. Quand il se lève d'un geste vif, ses yeux le suivent avec curiosité sortir de la cuisine pour se rendre de le reste de l'appartement. Quand la silhouette disparaît de sa vue, son regard revient se poser sur Dreymir qui la regarde avec un calme serein. Une stabilité sur laquelle la sorcière se repose sans cesse. Cette attitude en apparence passive, mais en réalité profondément ancrée dans une réalité pesante de l'instant. Elle admire cette capacité de sa Fylgia à rester si calme en toute circonstance. Elle sait pourtant que l'animal n'est qu'une émanation de son propre esprit. Et cela l'étonne toujours de constater qu'elle avait, déjà, en elle cette capacité-là. Insoupçonnée. Distraitement les doigts ont commencé à jouer dans la fourrure blanche de la renarde. Quand, prise d'une soudaine pulsion, Alfhild se relève enfin. Sous l'action rapide, la tension déjà peu élevée, chute un peu plus bas et ses mains se serrent en réflexe instinctif au mur derrière elle. Une, deux, trois secondes. Et les points blancs s'estompent déjà. Ses gestes ont la vapeur de sa distraction, ses yeux flottent d'un objet à un autre sans se fixer tout à fait, effleurant seulement les formes et les couleurs, son sourire n'est qu'un trait mince. Pourtant elle parvient à ramasser sa tasse de thé et l'assiette contenant le roulé à peine croqué et à déposer le tout sur le plan de travail sans renverser la moindre miette. Elle voit le sac qu'elle avait pris soin de ramener pour les animaux manquant à l'appel. Elle voit le cactus offert par ce frère qui oscille dans son cœur. Entre peur et douceur. Elle voit le carnet toujours ouvert là où elle l'avait laissé. Et contre toute attente, l'envie de le toucher fourmille dans ses doigts. Elle ne devrait pas. Probablement qu'elle ne devrait plus jamais. Mais Alfhild ne fait pas les choses comme elle devrait. Elle fait toujours tout foirer, comme le dit. Parce qu'au moins ça lui donne l'occasion d'être différente des autres. Elle ne le dit à personne, Alfhild, mais quelque part, cette attitude lui permet de justifier logiquement, sa vie. Ce sont des successions de nœuds que son esprit à trouvé pour apposer une validité à ce qu'Oda lui a fait vivre. Un besoin de logique pour protéger le peu d'espace mental qui lui restait à disposition. Alors elle continue, bien malgré elle, sans en avoir la moindre conscience, à agir comme elle ne devrait pas. Et ses doigts glissent sur les mots inscrits. Les yeux cherchent une page en particulier, la main fait tourner quelques pages, l'ongle longe des lignes, s'arrêtent sur une description détaillée. Le doigt tapote, distraitement, et les dents mordillent les lèvres. Elle ne s'attarde pas, détourne le regard, s'éloigne du carnet pour retourner vers sa tasse de thé, comme si de rien n'était. Comme si le remord qui vient de plonger ses dents dans son cœur n'était rien. Comme si aucune blessure ne s'était ouverte à la lecture de ce passage. Sebastian. Elle voit son visage, ses regards pas toujours amicaux, sa silhouette toujours trop proche de Satine. Et elle a honte, Alfhild, d'en être jalouse. Une honte qui creuse des sillons brûlants dans son âme. Il faut qu'elle lui parle. Au même instant, Fred revient, les bras chargés d'un chat magnifique qui fait éclater une bulle de joie dans les pensées de la jeune Mørk. Elle a les yeux qui brillent Alfhild, et elle se retient de sauter sur l'animal déposé à quelques centimètres de ses jambes. « Le serin est dans ma chambre, il m’aide à m’endormir. J’ai ouvert la porte de sa cage, il viendra peut-être nous voir. » Ses yeux brillent encore un peu plus et elle hoche la tête, délicatement touchée par l'idée que Fred nécessite la présence de l'oiseau pour dormir. Ses yeux glissent à nouveau vers le chat, magnifique chat, qui aspire à grand coup de narine ses odeurs. Alors elle se penche vers lui, incapable de se retenir plus longtemps à l'envie de passer ses doigts dans la fourrure si touffue du chat. A peine est-elle accroupie que le félin s'approche dans un léger son qui termine de faire fondre le cœur de la Mørk. Ses mains plonges dans les poils et un large sourire enthousiaste bondit sur ses lèvres. Elle se dit qu'il a bien de la chance, Fred, d'avoir un chat aussi doux dans son quotidien. Et que si elle-même ne passait pas les trois-quart de ses semaines à Durmstrang, elle aimerait bien pouvoir profiter de la compagnie rassurante d'un animal dans sa chambre. Certes, la chèvre de Fen apporte son lot de douceurs et de joies, mais elle peut difficilement se lover contre celle-ci au creux de son lit. Peut-être même qu'elle songerait un peu plus souvent à aller dormir si elle avait un doux compagnon comme celui-ci qui l'attendait en boule sous une couverture. Avec Dreymir ils pourraient ainsi se lover, à trois, et ne faire plus qu'une grosse boule de poils. Et ne plus penser à rien. Et c'est déjà ce qu'elle est légèrement en train de faire Alfhild, ne plus penser à rien, le chat dans le bras, la tête enfouie dans ses poils à écouter son ronronnement sourd. « Tu te plantes, tu sais. Tu es exceptionnelle. Peu de personnes auraient accepté de renouer contact avec leur frère, après ce qui s’est passé. Mais malgré ce que tu dis, je ne sais pas si c’était la meilleure chose à faire…Moi, de t’écrire aussi souvent et toi, de me répondre. » La voix de Fred la tire de ses réflexions, les paupières s'ouvrent et elle regarde son adelphe avec cette expression de surprise habituelle. Les cils papillonnent rapidement, elle réfléchit aux sens des phrases, à leurs poids, avant de se redresser dans une nouvelle chute de tension qui fait danser les lucioles dans ses yeux. Mais cette fois, elle s'y attendait la Mørk, alors elle pose naturellement son dos contre le comptoir à quelques centimètres de son frère, le chat toujours dans les bras. Comme si elle n'avait pas une vision floue qui fait danser son visage dans des couleurs pastelles, son sourire s'étire en coin avant de hausser les épaules et de replonger son visage dans les poils duveteux du chat. « Mais je continuerai de le faire, si c’est ce que tu veux. Et si ça te mets pas trop à l’envers. » La précision ajoutée la rassure, et elle se contente de soupire doucement tout en frottant doucement sa joue contre la tête du félin, en espérant sincèrement qu'elle n'est pas trop envahissante avec ce dernier. Et que Fred n'est pas gêné de la voir plonger ainsi dans la familiarité avec son animal de compagnie. Mais, encore une fois, elle ne sait pas réellement si c'est un comportement acceptable ou non. Et encore moins entre adelphes. Réalisant ce dernier point, son cœur se serre, elle grimace et relève la tête. Son regard croise celui de Fred posé sur elle à ce même instant précis et l'habituel frisson parcourt sa nuque sans qu'elle ne parvienne à le retenir. Malgré  son envie profonde de le faire. De cesser cette stupide angoisse. Elle voudrait sincèrement, du fond de son âme complexe, trouver le moyen de cesser de frissonner sous ce regard bleu. « T’as pas à me rassurer. Faudra t’habituer à mon inquiétude, par contre. J’en éprouve pour tout ce qui est doté de deux jambes, et c’est encore plus fort pour mes proches. » Trois simples phrases qui lui serrent le fond de l'âme. Trois sommes phrases qu'il lance comme ça, sourire aux lèvres, avec une douceur qu'elle ne lui connait pas. Ou plus, encore une fois. Son cœur s'est mis à battre plus fort sous la poitrine et elle sent son sourire devenir trop éclatant, presque gêné. Elle rougit même. Sur sa peau trop blanche des couleurs dansent. Ses doigts se sent serrés dans le poil du chat. Son corps entier est devenu fébrile face à ces mots qui pénètrent avev une facilité déconcertante, toutes les barrières de son être. C'est bien plus que ce qu'elle n'aurait jamais espéré entendre. Ça lui rappelle Gunnar et sa clé de cet été. Le cœur se serre, plus douloureusement cette fois, à ce souvenir. Il faut toujours qu'elle fasse tout foirer oui. Même quand quelqu'un comme lui finit par lui ouvrir les bras de la famille. Elle en est convaincue Alfhild, depuis trop longue pour seulement avoir la capacité de le remettre en question, tous les problèmes viennent d'elle et non des autres. De son incapacité à comprendre leurs cheminement de pensées. De l'incapacité à rentrer dans n'importe quel moule sociétal. Perdue dans un regard vague fixé sur le plafond elle ne remarque pas immédiatement le serin qui a voleté un peu plus loin. Mais Dreymir l'a vu, elle. Et dans cette légère dépression magique, la renarde laisse place au rossignol bleu. Alors elle lève la tête Alfhild, quittant la chaleur du pelage doux du sacre de Birmanie pour porter un regard toujours aussi luisant vers l'éclat jaune qui vole entre les pièces. La Fylgia a lancé sa trille mélodieuse, enthousiaste de mettre en perspective cette joie folle qui fait battre le cœur de sa sorcière dans un rythme dansant. Trois simples phrases qui signifient tellement, alors que ce n'est pas grand chose. Juste un aveu qui fait pleurer son cœur d'une douce pluie de printemps. Parce qu'elle compte, à cet instant, pour lui. Elle. Pas juste parce qu'elle manque de s'évanouir sous ses yeux, pas parce qu'elle pleure ou montre une émotion qui appelle la pitié ou la compassion. Non, elle compte, juste parce qu'elle est Alfhild. Et c'est là toute la différence qui fait le tout. Et ça lui donne la force de lever un regard bleu vers lui, de le poser dans ses yeux quand il reprend la parole, et de réfréner le frisson qui voudrait encore lever les poils de sa nuque. « Pourquoi tu dis que tu fais toujours tout foirer ? » Elle rigole doucement de cette question. Parce qu'elle fait écho à ses pensées, et que cela l'amuse d'entrndre Fred le formuler à haute voix. « Parce que c'est vrai. Je suis loin d'être aussi exceptionnelle que tu le dis. Je suis plutôt la spécialiste des 'mettre les pieds dans le plat' et des moments de silences gênants. J'oublie toujours qu'il faudrait que je réfléchisse avant de parler, ou d'arrêter de dire mes pensées en plein milieu d'une conversation. Ce genre de choses. Par exemple, lors de mon premier jour de stage avec Ozymandias, à peine trois minutes après mon entrée, je voulais lui proposer un café et j'ai fini par dire que je connaissais pas des goûts en matière de boisson chaude parce que j'ai l'habitude de le voir avec des cocktails en main plutôt qu'autre chose. » Elle grimace à l'évocation de ce souvenir, encore marqué par le rouge de la honte dans sa mémoire. Elle ne sait toujours pas d'ailleurs, si elle l'avait vraiment blessé ou déçu ce jour-là et s'il n'avait pas fait comme si ce n'était rien pour ne pas la mettre encore plus mal à l'aise. « Tu imagines bien que c'est pas tellement le genre de choses qu'on est sensé dire à son maître de stage dans son bureau. Et c'est toujours comme ça. Je dis des choses, qui sont vraies la plupart du temps. Mais ça plaît pas. Et je m'en rend compte après, mais c'est trop tard. » Elle hausse les épaules Alfhild, pour souligner cet état de fait. « Comme en juin quand j'ai annoncé à Gunnar que je déménageait de chez lui juste quand lui me faisait l'immense honneur de m'offrir une pièce rien qu'à moi dans sa maison. Même quand je ne dis rien, j'arrive à faire tout foirer. Ou encore aujourd'hui, je voulais juste boire un thé avec toi et je me retrouve à faire une crise et dissocier et te faire peur. J'imagine que c'est un talent comme un autre. » Nouveau haussement d'épaules accompagné d'un sourire amusé avant de déposer le chat par terre et de boire une petite gorgée de thé et de reposer la tasse. « Même Satine, j'ai réussi à tout foirer avec elle. On se connait depuis si longtemps, c'est ma meilleure amie, et pourtant j'ai pas été capable de garder cette amitié intacte quand j'ai eu le besoin de partir en Egypte. D'ailleurs ce n'est pas la seule que j'ai déçue en faisant ça. J'imagine que c'est ce qu'on recolte quand on fuit. La solitude. » Une vague expression pensive s'étire sur son visage. Elle n'est plus triste à ce sujet Alfhild. C'était il y a longtemps, une année. Le passé. Elle a trouvé d'autres choses, les amitiés ce sont transformées, d'autres ce sont créées. Et les regrets ne sont que des perles glacées qu'elle conserve en secret pour ses nuits sans sommeil. « Mais je recommence à parler de trucs inintéressants et de choses que tu ne connais plus. Pardon. » Elle grimace à nouveau en se détournant, dos au comptoir, le regard vers la cuisine et le salon ou les deux oiseaux voletent l'un derrière l'autre. « Tu leur a toujours pas trouvé des noms ? Ton chat est beaucoup trop adorable. Ça donne envie de revenir tous les jours venir lui gratter le cou. Et Dreymir apprécie visiblement ton petit serin. » Et elle aussi. En vérité elle commence presque à se sentir bien dans cet appartement. Presque. Parce qu'il lui reste encore cet état d'alerte qui ne cesse de pulser dans ses fibres quand elle songe un peu trop au fait que c'est celui de son frère Fredrikke.


Fredrikke Mørk
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Elle est mignonne à observer, avec mon chat. Tout en parlant, je me suis amusé à la voir enfouir son visage dans le poil duveteux de celui qu’elle a pris dans ses bras, et qui ne semble pas se plaindre de cette affection. Je note aussi son rougissement, lorsque j'affirme qu'elle aura à s'habituer à mon inquiétude. De jolies couleurs sur ses joues trop blanches et un sourire plus éclatant, qui accentue le mien, alors que je poursuis avec une question.  Cette dernière la fait rigoler et je jette un coup d'oeil au rossignol bleu qui s'est joint au serin après l'avoir vu passer. J’ignorais que c’était l’une des formes de la fylgia de ma sœur, mais cette vision est apaisante. « Parce que c'est vrai. Je suis loin d'être aussi exceptionnelle que tu le dis. Je suis plutôt la spécialiste des 'mettre les pieds dans le plat' et des moments de silences gênants. J'oublie toujours qu'il faudrait que je réfléchisse avant de parler, ou d'arrêter de dire mes pensées en plein milieu d'une conversation. Ce genre de choses. Par exemple, lors de mon premier jour de stage avec Ozymandias, à peine trois minutes après mon entrée, je voulais lui proposer un café et j'ai fini par dire que je connaissais pas des goûts en matière de boisson chaude parce que j'ai l'habitude de le voir avec des cocktails en main plutôt qu'autre chose. » Je fronce les sourcils en voyant sa grimace, cherchant ce qui pouvait être mal perçu dans ce qu’elle a dit. S’il est vrai qu’elle voit plus souvent Ozymandias avec un cocktail qu’avec une boisson chaude, où est le problème de l’affirmer ? Elle n’a que relaté un fait, même si leur relation change probablement avec ce stage. Et je ne vois pas davantage quoi le fait de provoquer des silences gênants diminue son côté exceptionnel. Chaque personne a sa propre façon de s’exprimer, qui constitue sa spécificité. J’aime le franc-parler d’Alfhild et ses pensées qui se déroulent dans nos lettres, prenant parfois des directions que je n’avais pas prévu. « Tu imagines bien que c'est pas tellement le genre de choses qu'on est sensé dire à son maître de stage dans son bureau. Et c'est toujours comme ça. Je dis des choses, qui sont vraies la plupart du temps. Mais ça plaît pas. Et je m'en rend compte après, mais c'est trop tard. » Son maître de stage a dû entendre des propos plus choquants dans le passé : surtout en étant dans notre famille. Je peux comprendre que les choses vraies ne plaisent pas à tout le monde, mais ce n’est pas Alfhild le problème, dans une telle situation. Elle n’est pas responsable de la réaction de ceux qui ne veulent pas entendre des vérités. « Comme en juin quand j'ai annoncé à Gunnar que je déménageait de chez lui juste quand lui me faisait l'immense honneur de m'offrir une pièce rien qu'à moi dans sa maison. Même quand je ne dis rien, j'arrive à faire tout foirer. Ou encore aujourd'hui, je voulais juste boire un thé avec toi et je me retrouve à faire une crise et dissocier et te faire peur. J'imagine que c'est un talent comme un autre. » Mes sourcils se froncent davantage, alors qu’elle dépose mon chat par terre. La boule de poils en profite pour bondir gaiement sur le canapé et s’y installer en boule. Considère-t-elle vraiment avoir fait foirer quoi que ce soit, parce qu’elle a eu involontairement une crise ? Ce n’est pas de sa faute. Le thé n’est peut-être pas aussi tranquille que ce qu’il aurait pu être, mais je ne m’attendais pas à quelque chose de très calme, en l’accueillant ici pour la première fois. Je pensais même qu’il y aurait des adieux : les choses ne sont pas en train de foirer, non, elles se déroulent même mieux que ce que j’avais prévu.

« Même Satine, j'ai réussi à tout foirer avec elle. On se connait depuis si longtemps, c'est ma meilleure amie, et pourtant j'ai pas été capable de garder cette amitié intacte quand j'ai eu le besoin de partir en Egypte. D'ailleurs ce n'est pas la seule que j'ai déçue en faisant ça. J'imagine que c'est ce qu'on recolte quand on fuit. La solitude. » Mon cœur se serre devant ses mots, douleur sourde au creux de la poitrine. J’aimerais impulsivement la prendre dans mes bras, mais je me retiens. Le réflexe est ligoté et contrôlé ; je croise les bras contre mon torse, pour m’empêcher de tenter un contact qui pourrait être indésirable. J’aimerais pouvoir m’emparer de cette solitude, la mettre dans une boîte et la jeter dans un lac. J’aimerais qu’Alfhild ne se sente plus jamais seule. Mais ce que je veux se réalise rarement et vu le passé, je n’ai pas un grand pouvoir sur son avenir. Ce n’est pas moi qui l’empêchera de ressentir une telle chose. « Mais je recommence à parler de trucs inintéressants et de choses que tu ne connais plus. Pardon. » Inintéressants ? Je ne connais peut-être plus toutes ces choses, mais elles ne sont pas sans intérêt. Tout ce qui concerne sa vie, cette vie qui m’est cachée par l’amnésie – et que je ne devais pas connaître énormément, même sans ça -, m’intéresse. Je note sa grimace alors qu’elle se retourne, observant les deux oiseaux. Mon serin semble heureux d’avoir trouvé un compagnon. « Tu leur a toujours pas trouvé des noms ? Ton chat est beaucoup trop adorable. Ça donne envie de revenir tous les jours venir lui gratter le cou. Et Dreymir apprécie visiblement ton petit serin. » Je souris, observant le manège des deux oiseaux. « Tu peux leur trouver un nom, si tu veux. Je ne suis pas doué pour le faire. » J’y suis plutôt récalcitrant, sans bien savoir pourquoi.  Leur donner un nom, ce serait fixer quelque chose, je ne sais pas bien quoi. C’est plutôt idiot, que je n’y suis pas parvenu, j’en suis conscient. J’aurais pu prendre une liste et chercher, ou inscrire plusieurs choix avant de me décider…Mais une part de moi craint peut-être de leur donner un sobriquet qui se retrouvera ensuite sur le papier de mon double, s’il revient. Si je reviens. C’est une peur insensée ; donner un nom d’engage à rien, mais je préfèrerais tout de même que leur identité ne vienne pas de moi. Je reporte mon attention sur Alfhild, mon sourire s’élargissant : « Je crois que ça peut être une qualité, de mettre ‘les pieds dans les plats’. Ceux qui les mettent dans des chaussures marchent parfois trop droit, et c’est moins amusant. » J’ai peut-être poussé un peu trop loin, sur celle-là. Mes lèvres s’étirent d’un air contrit alor que je rajoute : « Le jeu de mot était nul, désolé. Mais les personnes qui font ce qui convient, aux moments adéquats, ça me semble emmerdant. Ça manque de spontanéité, de cette petite touche de lumière authentique où la personnalité de l’autre ressort réellement. » Les gaffes, ce sont des petits éclats d’arc-en-ciel, où les traits sur les visages deviennent sincères et où la personnalité s’affiche doucement. J’aime bien quand ceux dont je m’occupe pendant mon bénévolat se laissent aller ainsi et qu’à travers un rire gêné, j’ai cette impression de toucher une partie de leur âme. « Y’a peut-être des trucs qui foirent parfois mais…C’est pas toi qui est responsable de ça Alfhild Tu es toi-même, tu dis ce que tu penses. Les autres sont les propres maîtres de ce qu’ils décident de faire de tes gestes ou de tes mots. » Je jette un coup d’œil au roulé à peine croqué posé sur mon travail de travail, retenant un froncement d’inquiétude, alors qu’un miaulement résonne à mes pieds. Le chat a quitté le divan et je me penche pour le prendre, me redressant en le serrant contre moi. Ma main rude glisse délicatement dans ses poils, tandis que je poursuis : «  Je connais pas ce qui s’est passé précisément avec Satine, mais…Avoir besoin de fuir ailleurs ne devrait pas impliquer forcément la solitude. Et j’aimerais tellement que tu n’aies plus à ressentir une telle chose…T’es pas obligée de vouloir ma présence, mais aussi longtemps que je ne redeviens pas un enfoiré et que t’auras besoin de moi, même un peu, je serai là. Et si me supporter est trop difficile, comme je le craignais en début de soirée, je me contenterai de veiller sur elle à distance, du mieux que je le peux.
Alfhild Mørk
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Goodbye

  @Fredrikke Mørk   décembre 2022


« Tu peux leur trouver un nom, si tu veux. Je ne suis pas doué pour le faire. » La proposition la prend au dépourvu et c’est un regard immense qu’elle tourne vers Fred. Yeux ronds et sourcils au ciel, interrogations muettes et surprise amusée. Elle ? Leur trouver un nom ? Pourquoi pas. L’exercice pourrait être intéressant à faire, après tout ça ne doit pas être bien plus compliqué que de nommer des plantes. A moins que oui ça le soit quand même. Comment savoir ? Elle n’a jamais eu d’animaux Alfhild. Dreymir c’était autre chose, une partie d’elle, un nom trouvé tout seul, comme une évidence. Les plantes, elles, ne répondent pas à leurs noms. Les interactions ne passent par là. Un animal oui. On l’appelle, souvent, on lui trouve des surnoms, on le présente aux personnes qui viennent nous rendre visite. C’est indéniablement tout à fait différent en réalité. A bien y réfléchir, la tâche n’est pas du tout aussi simple qu’elle n’y paraît. Elle est même plus ardue. Complexe. Et elle n’est plus réellement sûre de pouvoir relever le défi. Ni même d’être la meilleure personne pour le faire. Mais l’idée est lancée et son cerveau ne parvient plus à faire abstraction de cette mission, et son regard suit distraitement le vol erratique des deux oiseaux en imaginant tout un champ lexical des possibles. La Fylgia lance même trois séries de trilles mélodieuses comme pour soutenir le projet et Alfhild pouffe légèrement du nez en sentant l’approbation enthousiaste de la rossignole. En voilà une qui aimerait bien nommer son nouvel ami. Juste pour avoir le plaisir de chanter son prénom et insister auprès de sa sorcière pour aller lui rendre visite. La voix de l’adelphe la sort momentanément de sa rêverie passagère et elle reporte un visage doux vers lui, parvenant une fois de plus à croiser son regard plusieurs secondes durant avant de ressentir le besoin de le fixer ailleurs que dans son immensité bleue.  « Je crois que ça peut être une qualité, de mettre ‘les pieds dans les plats’. Ceux qui les mettent dans des chaussures marchent parfois trop droit, et c’est moins amusant. » Elle rit, de bon cœur, parce que le jeu de mot l’amuse fortement, même si elle n’est pas certaine d’être en phase avec ce qu’il dit en substance. Mais elle est sincèrement heureuse Alfhild de découvrir cette facette humoristique de son frère. Une partie insoupçonnée, ou alors qui était mal placée. Peut-être bien que c’était ça en fait, un humour trop décalé, que seul Fredrikke semblait saisir. Et qui n’était que destiné à lui et lui seul. Un frisson glacé roule dans sa nuque malgré elle et elle retient son sourire de se transformer en grimace au dernier moment.  « Le jeu de mot était nul, désolé. Mais les personnes qui font ce qui convient, aux moments adéquats, ça me semble emmerdant. Ça manque de spontanéité, de cette petite touche de lumière authentique où la personnalité de l’autre ressort réellement. » Elle approuve cette idée Alfhild, mais la réalité leur donne souvent tort. Du moins elle lui a souvent donné tort, à elle. Dans de très nombreuses situations où on lui a reproché son manque de tact et ses indélicatesses. Dans l’ensemble de ses relations d’ailleurs, partout à Durmstrang, on lui fait comprendre que cette spontanéité dérange et qu’elle est malvenue. Alors il lui est difficile d’entendre entièrement le discours de Fred sur le sujet. Surtout quand elle a en mémoire de nombreuses remarques de sa part sur la question. Des moqueries des plus insidieuses qui n’ont jamais aidé à lui faire accepter cette singularité qui l’a caractérise, et derrière laquelle elle se cache aussi. Sans doute un peu. « Y’a peut-être des trucs qui foirent parfois mais…C’est pas toi qui est responsable de ça Alfhild Tu es toi-même, tu dis ce que tu penses. Les autres sont les propres maîtres de ce qu’ils décident de faire de tes gestes ou de tes mots. »  Son sourire se fait plus vaporeux tandis qu’elle écoute les mots avec une réelle pensée réflexive. Il a raison quand il parle des autres, elle ne peut pas les maîtriser ni décider pour eux. Et c’est bien là une réalité qui l’oppresse au quotidien. Si elle pouvait avoir des certitudes sur les façons dont les gens réagissent, elle pourrait plus facilement adapter ses paroles et son comportement, de cela elle en est convaincue la jeune Mørk. Malheureusement ce n’est pas le cas. Ou alors elle devine après coup, et comprend à retardement et il est trop tard. Et d’une certaine façon, elle est responsable. Quoi qu’en dise Fred. Après tout ? Il ne sait pas tout. Il ne la connait pas. La dessus elle peut l’affirmer en songeant à l’adelphe qu’il était et celui qu’il est désormais. Aucun ne l’a jamais réellement connu. De façade, de loin, dans l’adversité. Mais jamais dans son quotidien. Jamais dans ses interactions, ses peurs et ses comportements instinctifs. Il saurait, alors, que sa responsabilité est largement engagée dans beaucoup de ses erreurs et qu’elle a mérité une bonne partie des jugements des autres. Et de leurs éloignements. Ses yeux suivent le mouvement du Mørk vers le bas quand le chat vient réclamer son attention d’un doux miaulement et Alfhild observe un peu plus attentivement les contours de son adelphe à la dérobée. Une silhouette plus mouvante, plus sensible, plus douce. Ca lui fait du bien de le voir, réellement. De constater de ses propres yeux des changements concrets qui ne peuvent être entièrement maquillés par un contrôle de soi exemplaire et un jeu exceptionnel. A le voir ainsi, elle se dit qu’il a vraiment changé et que ce ne peut être une manigance à grande échelle de sa part. Ou si c’est le cas, tant pis pour elle. Elle choisit la confiance. « Je connais pas ce qui s’est passé précisément avec Satine, mais…Avoir besoin de fuir ailleurs ne devrait pas impliquer forcément la solitude. Et j’aimerais tellement que tu n’aies plus à ressentir une telle chose…T’es pas obligée de vouloir ma présence, mais aussi longtemps que je ne redeviens pas un enfoiré et que t’auras besoin de moi, même un peu, je serai là. »  Cette fois elle se tourne entièrement vers lui et fixe l’océan bleu de ses yeux, réprimant avec force le frisson de peur qui coule par réflexe dans son échine. Elle le regarde Alfhild, de ses propres yeux d’eau glacée. Un regard franc et nettoyé de tout autre sentiment. Elle ne fait rien d’autre que le regarder, profondément, avec un sérieux qui jure de ses habituels sourires de façade. Elle reçoit cette nouvelle proposition, cette nouvelle réalité avec une franchise profonde qui marque l’écorce de l’arbre dans lequel son âme prend sa source. « Fred. Tu sembles étrangement avoir une estime de moi bien différente des autres, et de la réalité. Je ne mérite pas tant de ménagement, c’est une réalité, je sais pas faire avec les gens. Tu appelles ça spontanéité aujourd’hui, la société parle plutôt de manque d’éducation. Et quelque part, ont-ils vraiment tort ? A force de parler à des fantômes aigris, je suis devenue aussi peu éduquée qu’eux. Tant pis. Je fais des efforts, mais ça finit toujours en ma défaveur. Un jour ou l’autre tu t’en rendras compte aussi. Tu réaliseras que j’étais pas aussi bien que tu le penses maintenant. » Elle hausse les épaules, convaincue de cette réalité, avant de reprendre la parole de sa voix neutre, de celle qui énonce des faits sans chercher à faire de longue plaidoirie. « Ce serait sans doute excusable si j’avais de l’esprit dans cette spontanéité. Mais j’en ai pas. Je me contente de blesser les gens, de faire les choses de travers et d’embarrasser tout le monde. Mais avant que j’en vienne à faire un truc qui te déçoive toi aussi, ou que tu retrouves ton identité précédente, je veux bien qu’on soit là l’un pour l’autre. » Elle n’a toujours pas flanché, le regard rivé dans le sien, malgré l’angoisse qui lui tord l’estomac et l’envie d’attraper le chat et de fuir avec pour plonger son visage dans ses poils à défaut d’avoir Dreymir sous la main. « J’ai pas oublié ce que tu m’as demandé dans ton courrier. C’est toujours oui. Surtout après ce que j’ai lu dans ce cahier. » Alfhild hoche la tête, toujours aussi sérieuse, sans détourner son regard, elle fixe son frère encore quelques secondes, pesant le poids de sa phrase dans sa propre tête, avant de rompre le contact visuel dans un frisson qui dresse des poils sur ses bras dénudés. « Tu sais t'es pas obligé de leur donner de prénom si ça te convient comme ça. Je risque de trouver que des idées nulles, par exemple Shou et Tefnout. Ce serait mignon, mais pas très pertinent pour toi. » Un large sourire fend son visage tandis qu’elle reporte son regard vers les deux oiseaux qui volètent toujours gaiement près du plafond.




Fredrikke Mørk
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Elle se tourne totalement vers moi et mes yeux rencontrent son regard, qui ne se détourne pas. Je me demande ce qui adviendra après ce soir ; je m'attendais à des adieux, pas à tout ce qui s’est passé. Et si la suite est déroutante, elle est préférable à ce que j’avais appréhendé. « Fred. Tu sembles étrangement avoir une estime de moi bien différente des autres, et de la réalité. Je ne mérite pas tant de ménagement, c’est une réalité, je sais pas faire avec les gens. Tu appelles ça spontanéité aujourd’hui, la société parle plutôt de manque d’éducation. Et quelque part, ont-ils vraiment tort ? A force de parler à des fantômes aigris, je suis devenue aussi peu éduquée qu’eux. Tant pis. Je fais des efforts, mais ça finit toujours en ma défaveur. Un jour ou l’autre tu t’en rendras compte aussi. Tu réaliseras que j’étais pas aussi bien que tu le penses maintenant. » Le chat dans mes bras ronronne bruyamment, totalement indifférent à la discussion en cours. Je le caresse distraitement, les sourcils froncés. Avoir une estime d’elle différente des autres, est-ce forcément avoir une estime différente de la réalité ? Les personnes directement concernées sont rarement les meilleurs pour avoir une opinion juste d’elles-mêmes. Elles se voient souvent à travers un spectre déformant, qui leur voile leurs qualités les plus magnifiques. J’ai pu principalement m’en rendre compte auprès des individus que j’ai côtoyés pendant mon bénévolat ; à l’heure du bilan, certains ne semblent conserver que les j’aurais dû, en omettant la beauté de ce qu’ils ont été. « Ce serait sans doute excusable si j’avais de l’esprit dans cette spontanéité. Mais j’en ai pas. Je me contente de blesser les gens, de faire les choses de travers et d’embarrasser tout le monde. Mais avant que j’en vienne à faire un truc qui te déçoive toi aussi, ou que tu retrouves ton identité précédente, je veux bien qu’on soit là l’un pour l’autre. » Mes lèvres se pincent, mon front se plisse. Je suis en désaccord, mais peut-être qu’elle n’a pas entièrement tort…? Elle est ma sœur, mais elle a surtout été la sienne. Je ne connais d’elle que ce que j’apprends via les lettres, au fil d’échanges où je ne peux que réaliser tout ce que j’ignore. Sauf que ce que j’ai perçu, dans nos discussions écrites, ce n’est pas quelqu’un de décevant. C’est une personne à la personnalité étonnante, et qui a bien de l’esprit, à sa façon, dans une spontanéité qui me semble attachante. Je note qu’elle ne détourne toujours pas le regard, et je me demande à quel point elle est en train de faire un effort, ou si mon visage lui est brièvement plus supportable. J’espère que ce soit la deuxième option. « J’ai pas oublié ce que tu m’as demandé dans ton courrier. C’est toujours oui. Surtout après ce que j’ai lu dans ce cahier. » J’hoche la tête, dans un signe de remerciement silencieux. C’est peut-être égoïste de ma part, de lui avoir demandé ce que je lui ai demandé par lettre. Si j’avais un ami, je pourrais lui en parler, chercher à avoir son avis sur le sujet. Sauf que je n’en ai pas, j’ai surtout des ennemis, et la seule personne à qui j’envisage de requérir des conseils, c’est Alfhild. C’est une erreur, probablement, mais dans ce monde étranger dans lequel je me suis réveillé, je peine à trouver d’autres repères. Je dois modifier ce réflexe dans les semaines à venir, si je ne veux pas davantage influer sur sa vie. Son regard se détourne finalement, dans un frisson qui me fait resserrer mes mâchoires.

« Tu sais t'es pas obligé de leur donner de prénom si ça te convient comme ça. Je risque de trouver que des idées nulles, par exemple Shou et Tefnout. Ce serait mignon, mais pas très pertinent pour toi. » Elle sourit et je fais la même chose, prompt à me laisser porter par des sujets plus joyeux. N’importe quel thème, en fait, qui peut me faire oublier pendant quelques secondes à quel point je suis un connard. Je rétorque, m’adressant à fois à elle et au chat que je tiens toujours dans mes bras : « C’est très pertinent, et absolument mignon. T’en dit quoi ? Shou, ça te va ? » Celui qui vient d’acquérir un nouveau nom ne répond par aucun miaulement. Il ronronne simplement plus fort, alors que mes doigts glissent distraitement dans son poil. Visiblement, il se fout totalement d’avoir un sobriquet. « Merci…Pour ton oui. J’aimerais exiger tellement moins de toi…C’est injuste, que tu aies à subir toutes mes remises en question, tous mes questionnements, tout en te tapant derrière l’impact d’être ma sœur. » Des conséquences qui doivent être problématiques. Mon sourire s’est perdu quelque part entre mes premiers mots et les derniers, et je tarde à le récupérer. Mes yeux s’abaissent aussi, se perdant quelques secondes dans le poil de Shou, avant de se fixer de nouveau sur Alfhild : « Je trouve pas que tu manques d'esprit dans ta spontanéité. Et puis, est-ce que c'est vraiment toi qui manque d'éducation, ou n'est-ce pas plutôt les gens qui en ont trop ? » Je marque une pause, pendant laquelle je dépose le chat sur le sol. Le félin, visiblement en manque de caresses, se dirige aussitôt vers Alfhild alors que je reprends :   « Les quelques rares soirées mondaines à lesquelles j'ai assisté m'insupporte. Ça m'emmerde, la langue châtiée, le bon usage, les tentatives de tout le monde pour contrôler tout ce qu'ils disent. Je préfère nettement quelqu'un comme toi et si y'a une personne qui risque de décevoir l'autre, c'est assurément moi, pas l'inverse. » Et je n’ai aucun doute là-dessus.
Alfhild Mørk
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Goodbye

  @Fredrikke Mørk  Décembre 2022



Le chat ronronne, fort, entre les bras de Fred et Alfhild se sent apaisée par ce spectacle. Est-ce qu'un chat aussi adorable ferait confiance à quelqu'un qui ne le mérite pas ? Bien sûr que non. Elle est certaine que les animaux ont des sens cachés pour ces choses-là. Quoi que. Certains sont aussi fourbes que leurs maîtres. Sa pensée se déroule, se recourbe sur elle-même, avant de changer d'angle. Non. Les ronronnements du chat ne sont absolument pas un gage de bonne fois de son porteur. Mais cela arrange Alfhild de le croire, alors elle s'amuse à y voir un signe positif. Elle fait le bon choix, elle en est sûre désormais. « C’est très pertinent, et absolument mignon. T’en dit quoi ? Shou, ça te va ? » La joie mêlée de fierté brille dans les yeux de la petite sœur qui ne songeait pas que l'adelphe puisse réellement trouver ses idées intéressantes, et encore moins les appliquées sans même chercher plus loin et proposer d'autres choses. Ses joues blanches se teintent même d'une légère teinte rose et elle détourne le regard, le portant sur ses chaussures avec un intérêt soudain. Des bottines de cuir végétal, légèrement usées sur la pointe, gravées d'entrelacs fleuris de minuscules pétales en pointillés. Elle se souvient de l'aube pendant laquelle elle avait tracé ces décorations sur ses bottines à l'aide de son couteau de poche. Une aube grise de novembre, lovée dans le creux d'une des fenêtre du dortoir de Dursmtrang. Une aube qui s'était levée avec une douceur d'hiver sur un paysage entièrement gelé et un vol de corbeaux noirs croassant dans la canopée. Une aube qui avait précédé une nuit de cauchemars, et elle avait trouvé plus utile de graver des représentations de la nature qu'elle aime tant sur ses pieds, que de s'appesantir de réflexions sombres. Et l'aube, en réponse, s'était levée d'un gris lumineux. Argent et neige blanche. Éclatante.
Le chat nommé ne répond rien, mais son ronronnement s'intensifie encore. Alfhild l'entend nettement e elle se retient de rire face à un tel niveau sonore d'aise. Ce n'est que lorsque Fred reprend la parole qu'elle glisse un coup d'œil en biais vers lui. « Merci…Pour ton oui. J’aimerais exiger tellement moins de toi…C’est injuste, que tu aies à subir toutes mes remises en question, tous mes questionnements, tout en te tapant derrière l’impact d’être ma sœur. » Elle hausse les épaules, sans trop savoir si elle trouve cela si injuste que ça. Après tout, elle ne saurait dire si ce qui lui est arrivé est juste ou non, et si les conséquences sur les autres l'est également. Ça fait longtemps qu'Alfhild a cessé de croire que ce qui arrive aux humains a à voir avec une quelconque justice. Ca fait longtemps, même, qu'elle a cessé de croire que les Dieux, quels qu'ils soient, ont le moindre pouvoir sur leurs destinées. Peut-être bien que Fred n'aurait pas dû lui demander une telle chose. Qu'un frère ne devrait pas demander à sa sœur une telle finalité. Mais est-ce que l'inverse serait plus juste ? Est-ce que leur relation ne mérite-t-elle pas, au contraire, cette forme de justice-là ? Cette confiance de pouvoir lui demander un tel service ? Existe-t-il une plus forte démonstration de confiance que celle-ci ? C'est sans aucun doute à cette vision de la chose qu'Alfhild s'accroche. Sous les couches de brumes de son âme, elle a conscience que Fred éveillé des limbes n'a plus tellement d'autres alliés à qui demander une telle faveur. Fredrikke aurait-il lui-même eu des personnes de confiance à qui poser cette question ? Est-ce qu'il avait seulement confiance en quelqu'un à part lui-même ? Peut-être pas. Alfhild ne peut s'empêcher, malgré tout, d'espérer que ce soit quand même le cas. Que malgré toute la haine des autres qu'il avait, il existait au moins une personne en qui il avait pleinement confiance. Un ou une amie. Une personne proche avec qui échanger sincèrement. Elle songe à cela, et y pensant, elle se maudit intérieurement d'avoir encore trop d'attachement pour cet adelphe qui a écrit toutes ces choses horribles dans le carnet. Ecrit, et fait. Ses yeux reviennent se poser sur ses chaussures, sur les courbes et les nœuds figuratifs des branches entremêlées, comme le court torve de ses pensées. Elle ne devrait pas souhaiter que Fredrikke ait eu quelqu'un sur qui compter. Et pourtant elle ne peut s'empêcher de l'espérer. Elle trouve finalement ça presque risible, que, dans le cas où il était réellement incapable de faire confiance à quelqu'un, ce soit finalement lui-même qui le trahisse aujourd'hui. Elle pouffe doucement, Alfhild, une rapide expiration amusée de son nez penché vers le sol sans prendre conscience de la différence entre son attitude, ses pensées, et le cours de la conversation avec Fred. Ce dernier qui ne semble, heureusement, pas avoir remarqué cet égarement de pensées de sa petite sœur, reprend la parole : « Je trouve pas que tu manques d'esprit dans ta spontanéité. Et puis, est-ce que c'est vraiment toi qui manque d'éducation, ou n'est-ce pas plutôt les gens qui en ont trop ? » Elle relève la tête, portant son regard sur les deux oiseaux qui se sont posés sur un rebord de meuble en hauteur et qui s'ébroue les plumes comme s'ils venaient de passer sous une averse de neige. Dans ses nerfs, l'amusement de Dreymir la pousse a sourire, elle aussi et à retrouver la légèreté qu'elle aime tant ressentir. Insouciance et liberté de mouvement. Peut-être bien que les gens ont trop d'éducation et que, finalement, c'est bien là le problème. Tourné dans ce sens, tout semble plus lumineux et moins contraignant pour elle. Ca lui plait. Son corps, statique depuis trop longtemps, commence à s'activer sans qu'elle n'y songe. Ses pieds la balance doucement au rythme d'une musique muette et lorsqu'elle sent le chat se frotter contre sa jambe elle n'hésite pas une seconde à se baisser pour lui gratter le cou qui se tend sous la caresse de ses doigts. « Les quelques rares soirées mondaines à lesquelles j'ai assisté m'insupporte. Ça m'emmerde, la langue châtiée, le bon usage, les tentatives de tout le monde pour contrôler tout ce qu'ils disent. Je préfère nettement quelqu'un comme toi et si y'a une personne qui risque de décevoir l'autre, c'est assurément moi, pas l'inverse. » Un léger rire, plus fort que le précédent, s'échappe de ses lèvres tandis qu'elle se relève et ne se déplace, d'un bond, vers la table de la cuisine où repose le sac qu'elle avait abandonné là en entrant dans l'appartement. Avant la lecture, avant la crise. Un ressenti d'éternité. « On m'invite rarement aux soirées mondaines pour toutes ces raisons. Je contrôle rien, ait plutôt tendance à dire des vérités qui font grincer des dents, et à rire trop fort. Et à danser pied nu sur des tapis très chers. Les seules soirées où on m'invite sont celle des Mørk, et chez Sixten de temps en temps. Même si dernièrement, je suis moins bien vue chez Gunnar et Toni. Elle aussi, finalement, j'ai fini par la décevoir. » Elle cache son trouble dans un mouvement d'épaule avant de sortir les croquettes en forme de poisson et au même goût que leur représentation. Elle évite de trop penser à leur tante et à leur relation quelque peu glacée des derniers mois. Elle évite de penser au vide, au trou, au manque, à l'horrible sensation de perte d'une figure presque maternelle. Elle ne songeait jamais ressentir ce manque-là un jour Alfhild, mais elle doit reconnaître qu'elle la chaleur des bras de Toni Mørk qui se referment sur elle, lui manque. Cruellement. Alors au lieu d'y penser un peu trop, elle se contente de tirer ses offrandes de son sac, et de secouer le sac de graine de tournesols avec un sourire taquin sur les lèvres. « Maintenant qu'ils ont des noms, je peux leur donner leur goûter aussi, tu ne crois pas ? Je tiens à ce qu'ils associent à Alfhild comme la tata qui les couvre de cadeaux de façon déraisonnée. » Parce qu'il ne sait peut-être pas Fred, mais la jeune femme a une tendance à se montrer bien trop généreuse avec les animaux en toute sorte. Miro, le niffleur du Musée en sait quelque chose lui, depuis qu'elle lui ramène toutes sortes de gâteaux en toute discrétion. Mais Shou et Tefnout n'en savent rien encore, et il est temps qu'elle le leur fasse comprendre rapidement. D'un pas glissant, presque dansant, Alfhild s'approche des placards, les ouvre les uns après les autres à la recherche de deux petits contenants, fini par trouver des bols qu'elle juge suffisant et sans même songer à demander l'autorisation à son adelphe, elle déverse les croquettes de poisson dans l'un et des graines dans l'autre. Un sourire fier sur les lèvres, elle dépose le premier par terre juste à côté des pattes du chat et le deuxième en hauteur sur l'un des rebords du comptoir de la cuisine. Le rossignol bleu, sans attendre la moindre invitation, se rue sur ce dernier, pour venir en picorer un bout dans une trille chantante. « Prends pas tout Dreymir, c'était pas pour toi petite gourmande. » Un rire perce dans sa voix alors que son doigt coule dans le plumage doux du petit oiseau qui lui picore le dos de la main en réponse. « Et toi tu ferais mieux de manger les roulés qu'on a pris pour toi au lieu de venir me faire la morale. » Alfhild grimace avant de se détourner de sa fylgia et de reporter son attention sur Fred. « Tu seras là au repas de Yule chez Gunnar ? Est-ce que tu joueras à être lui auprès des autres ? » Jusqu'à présent, il s'est tenu éloigné des réunions familiales, et elle ne peut que comprendre pourquoi. Du moins, des réunions où elle-même était présente, mais encore une fois, elle a été mise de côté ces derniers temps. Elle-même n'a pas par ailleurs pas eu beaucoup de temps à accorder aux autres Mørk. Elle n'a eu du temps pour peu de choses de toute façon. A part creuser la fatigue et grossir ses sources d'angoisses. Son sourire se tire un peu plus alors qu'elle pose à nouveau son regard sur lui. « Ca peut être drôle de te voir jouer un rôle avec eux. Ou alors ça peut être franchement terrifiant. Je sais pas encore. Mais dans tous les cas ça promet un Yule étonnant. Tu vois, l'avantage d'être ta petite sœur, c'est qu'Oda m'a toujours laissée plutôt tranquille lors de ces réunions parce qu'elle était concentré sur toi. Ca c'est un impact que je trouve plutôt chouette. Et puis j'aime bien tes questionnements, ils me font réfléchir sur mes propres problèmes. » Elle marque une courte pause Alfhild, plongeant une nouvelle fois dans son regard si bleu, réprimant le frisson qui voudrait faire vibrer sa colonne vertébrale. « Tu sais, ça ne me dérange pas. J'aime bien avoir cette place dans ta vie. Je dis pas juste pour te rassurer. J'ai toujours espérer qu'un jour, malgré tout, on puisse retrouver cette relation de confiance de quand on était petits. J'ai quelques souvenirs d'avant que mes pouvoirs ne se manifestent et que je dérape du mauvais côté. Je me souviens notamment, que je te suivais tout le temps quand tu partais dehors parce que tu avais toujours mille choses intéressantes à me montrer. Peut-être que de ton point de vue, c'était exaspérant, et peut-être même que tu essayais de me faire peur en me montrant les traces des ours polaires dans la toundra. Mais moi j'adorais ça. J'en garde un souvenir si cher, de ce sentiment-là de confiance aveugle et fasciné que je te faisais. » Le souvenir brille encore avec une force terrible dans ses veines, au regard des vingt années qui ont suivies et de toutes leurs souffrances. Elle s'attache trop à l'enfance Alfhild. Elle le sait. Parfois, elle a l'impression, de n'avoir jamais entièrement grandit. La réalité c'est qu'elle a peur de s'en détacher et d'en perdre sa chaleur rassurante. « Oh, ça fait dix ans cette année que папа est parti. » Ca la frappe soudain, comme un coup de poing. Une ombre passe dans ses yeux, mais elle hausse les épaules avec un sourire avant de chercher du regard sa tasse de thé et de se diriger vers celle-ci afin de noyer la pensée dans une gorgée de thé chaud.



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