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Ici on boit mais on ne sombre pas (Angelo)
2 participants
Toni Mørk
Toni Mørk
LÆRERTEAM Den som talar mycket säger sällan vad som är bra
Ici on boit mais on ne sombre pas
*** mercredi 1er février 2024, début de soirée, bar quelconque du vieux Göteborg
« Hey misssster, un autre ! » Elle lance son verre vide sur la surface plane et bien lustrée pour qu’il glisse jusqu’à l’homme derrière le bar. Elle lance les mots comme le refrain d’une mélodie connue de tous. Lui ne semble pas convaincu, sourcils froncés et air agacé en réponse à cette phrase mal articulée. Mais Toni insiste. « Eh, allez fais pas ton rabat-joie, juste un dernier. Un tout petit dernier ». Elle tente de lui attraper le poignet pour appuyer son argumentation, mais les effluves qui coulent dans son sang lui font manquer sa prise de trente bons centimètres. Un souffle long jailli du nez fin et aquilin de l’ennemi. Non comptant d’être mécontent il semble aussi affligé. Alors avant que la consommatrice, un peu trop à l’aise, se mette à hausser le ton et proférer des insultes – comme ils le font tous au-delà du quatrième verre, il se penche à son oreille, se couchant presque sur le zinc. C’est son lot quotidien, les aléas du métier, alors sa voix se tempère et son timbre s’adoucit sans se délester de sa petite pointe moralisatrice. « Il faudrait peut-être ralentir un peu madame… »

Instantanément le visage de Toni se fige dans une expression outrée, comme une tragédie grecque mal jouée. Une actrice de théâtre qui aurait forcé sur le maquillage et appuyé ses intonations pour que le spectateur du dernier rang ne puisse pas se méprendre sur la gravité du moment. Prêt, feu, go partez, la machine est lancée. Toni chouine, Toni supplie. Toni grandiloquente. Le barman lui demande de se reprendre, de se tempérer. Il lui dit qu’elle n’a qu’à aller dans un autre établissement, mais que lui ne servira plus rien. Il joue la compassion, la fausse sympathie. Lui dit que c’est pour son bien, pour qu’il n’ait pas à en arriver au moment redouté de tous, le plus honteux, le plus obscène. La confiscation de la baguette.
Toni s’offusque un peu plus. « Non mais enfin voyons, je pourrais être votre mère – en réalité sa grand-mère, et vous osez me parler ainsi ». « Non mais quand même franchement, vous me traitez ainsi, comme si j’étais une criminelle, une pestiférée ». « Vous ne savez pas qui je suis ! »

« Ah non en effet Madame, je ne sais pas qui vous êtes, et si vous continuez à gueuler dans mon bar je ne le saurais jamais. » La tirade alcoolique se stoppe aussitôt. L’expression change, plus de patience, plus de bienveillance. Il faut être ferme et convaincu, comme avec un enfant. Toni boude. Elle croise les bras sur le bar et vient caler son menton contre ses avants bras. Niveau maternelle. Pas plus.

Le garçon la regarde en secouant la tête de droite à gauche. Toni, elle, sait. Elle aurait dû aller au Triskele. Là-bas au moins Titus ne lui aurait rien refusé.
Et puis Toni songe à Andor qui n’arrive pas. Elle a toujours un peu peur qu’un jour, il disparaisse à nouveau. Et que cette fois-ci il ne revienne pas. Jamais. Qu’il la laisse pour de bon. Définitivement lassé. Toni pense à Andor qui n’est toujours pas là. Et elle a peur.

Et puis l’impensable.

« Bon d’accord, vous me faîtes de la peine, je vais vous en faire un dernier. » Toni se redresse brusquement sur sa chaise, elle tangue un peu, menace de vaciller totalement. Un peu comme Toni finalement. Un sourire exalté s’étire d’une oreille à l’autre, et le souffle retenu comme avant de s’élancer, elle sent qu’elle a tout à coup envie de parler. Trop fort, trop mal. D’agiter les mains et que tout le bar sache qu’elle l’a vaincu. Mais il le sait. Avant qu’elle n’ait eu le temps de faire ou dire quoi que ce soit, il lui intime de se taire, braquant son indexe contre ses lèvres. Comme une menace implicite, connu de tous depuis toujours.

Toni ferme les yeux un instant. Elle entend un tintement, puis une cuillère qui cogne les bords. Un liquide qui coule. Toni a hâte. Découvrir quel alcool il lui a servi. A-t-il été audacieux ou mesuré. La boisson sera-t-elle douce et sucrée, amère et pétillante, fraîche et vivifiante. Toni s’en mord la lèvre d’impatience. Finalement elle entend le verre poussé vers elle, et les pas du barman qui s’éloignent.

Les yeux se rouvrent.
Un bref instant l’incompréhension vole le premier rôle.
Elle tourne la tête à droite. Puis à gauche. Et enfin derrière.
Son doigt dans la coupelle, elle tire le contenant jusqu’à elle. Histoire d’être bien sûre.
Le nez se fronce.
Le regard se voile.

Une tisane.


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- - tu étais coucou, et tu vas devenir aigle mon frère. tu étais bousier, tu vas devenir pince oreille. tu n'étais qu'une petite entrée, tu deviendras plat principal.
Angelo Borghese
Angelo Borghese
GÖTEBORG Livet är en kamp, ​​du måste förbereda dig för striden
Soirée de congé, soirée de détente, soirée de réflexions et de conseils à la con.

J’écoute distraitement ceux que mon voisin de gauche me murmure presque à l’oreille, d’une haleine vodkalisée. J’ignore comment je me démerde, mais même lorsque je ne bosse pas, j’attire à moi les amateurs de confidences. Ils s’épanchent fréquemment sur mon épaule ou mon oreiller, peut-être mis à l’aise par mes silences et mes incitations légères, polies et instinctives. C’est de ma faute, certainement : je ne devrais plus fréquenter de bars. C’est le pire endroit pour quelqu’un comme moi, tant sur le plan de ma profession que de mon passé. Mais j’aime trop les lieux animés et bruyants, ces lieux où les corps s’entassent, se frôlent et apprennent à se connaître, ces lieux bourrés de sons qui m’empêchent parfois de suivre des conversations, mais qui m’ouvrent tout un monde de possibilités. Je me suis toujours senti chez moi, dans mon élément, dans ce genre d’endroit. Ça ne fait pas disparaître les risques concernant l’alcool, mais je n’ai jamais été trop tenté jusqu’à maintenant. Ma vie est stable, mon humeur aussi, et je me suis toujours juré de ne jamais remettre les pieds dans ce genre d’établissement, si un jour le désir de boire de nouveau se manifestait intensément.

Au comptoir, la conversation s'anime entre le barman et une autre cliente. L'altercation est plus distrayante que le monologue de l'autre type et je m'amuse des réponses données de part et d'autre. La femme semble marrante. Bien éméchée, mais marrante. Plus que mon inconnu de gauche qui, d’ailleurs, vient de découvrir quelque chose de fascinant. « Hé, mais t’es aveugle, en fait. » Je le félicite en souriant pour son excellent sens de l’observation, tandis qu’un « Vous ne savez pas qui je suis ! » résonne. Cette phrase dérange moins mon interlocuteur que l’information qu’il vient d’apprendre et qui, visiblement, le rend mal à l’aise. Comme si l’état de mes yeux changeait toute mon identité, et qu’il devait soudainement me traiter différemment. Il bredouille, cherche des excuses, tourne probablement la tête dans tous les sens à la recherche d’un échappatoire. Je ne l’aide pas à se tirer de cette situation ordinaire, mais je ne lui en veux pas. On réagit tous différemment, face aux autres. Certaines personnes tolèrent mal la souffrance, ou les signes d’une souffrance passée, chez autrui. « Bon d’accord, vous me faîtes de la peine, je vais vous en faire un dernier. » Mon voisin trouve enfin la justification qu’il cherchait : ce n’est pas que je l’ennuie, pas du tout, vraiment, mais il vient de se rappeler d’un rendez-vous important, dans quelques minutes. Je l’excuse, lui souhaite une bonne soirée. Je l’entends se faufiler derrière moi, pour aller clairement au fond de la salle, plutôt que vers la porte d’entrée. Il doit se dire que je ne remarquerai rien, vu que je suis aveugle. Une pierre deux coups. Je ne m’en offusque pas. Je me serais accommodé de sa présence avec curiosité, mais je m’accommode encore mieux de son absence. D’autant plus que j’ai repéré, au fil des échanges, une personne qui me semble bien plus intéressante.

Hope, couché au pied de ma chaise, ne lève même pas la tête. Elle doit deviner ce que je compte faire. Je me lève d’un pas assuré, faisant à peine quelques pas, avant de m’arrêter juste à côté de celle qui vient de recevoir son verre. J’ai entendu le son caractéristique du contenant qui glisse sur le comptoir, avant de s’arrêter devant sa cible. Ma main frôle une chaise vide, juste à côté, et j’étire un large sourire sur mes lèvres tout en affirmant : « Cette place est libre ? »  Je n’attends pas la réponse. L’étrangère pourra toujours me chasser, si elle le veut, je ne suis pas du genre insistant. Je tire le banc vers moi et je prends place, tournant mon visage dans l’autre direction, là où doit se trouver le barman. Je me contente d’un simple signe de tête entendu, auquel l’homme me répond par un compris, réponse dont la seule utilité est de me signaler que je ne viens pas de faire un signe au mur d’en face. Je reporte mon attention sur la femme – si je me fie à sa voix -, rajoutant : « Je vous ai entendue discuter, je serais plutôt intéressé à savoir qui vous êtes, moi. » Parce que je suis curieux de nature et que j’aime découvrir de nouvelles personnalités colorées. Je gratte distraitement ma barbe, tout en attendant sa réponse et le verre de jus d’orange que je viens de commander, pour la troisième fois de la soirée.