Máni, si beau qu'il fut puni aux côtés de sa soeur, contraint à porter sur ses épaules l'astre nocturne : tel est l'ancêtre revendiqué des Ellingboe. Heimdall, père des étoiles, aurait alors pris sous son aile, adopté comme siens, ces deux enfants de basse naissance dotés d'une beauté qui leur vaudra malédiction. Gardien des cieux, gardien du chemin vers l'au-delà, gardien de l'arc-en-ciel et des étoiles, ce sorcier bénévolent s'est occupé de la lune et du soleil alors qu'ils n'appartenaient pas aux rangs des douze familles en création. Pour un peu, on lirait ce mythe comme une filiation directe à des né-moldus... Mais si vous osez prononcer ces mots, ce sera à vos risques et périls.

Mariage arrangé, mariagé passioné. Telle est la chance d'Uriel Ellingboe et de Mojisola Furo, dont les familles souhaitaient l'union et qui trouvèrent le bonheur le plus absolu dans la réalisation de ce voeux. Issus de familles aux statuts similaires, demi-vampires de part et d'autre de l'Equateur en quête de reconnaissance sociale, de stabilité économique et de continuité de la lignée, fiers de cette malédiction héritée de la nuit, ils se sont retrouvés sur de nombreux points idéologiques et personnels. Mojisola souffre d'autant plus du statut décrié des hybrides en Scandinavie que, dans son pays natal, la question est d'importance moindre face à la puissance magique des sorciers. Aigrie par les discriminations multiples qu'elle subit, de part ce statut, de part la couleur de sa peau, de part son accent qui, malgré les années, reste présent, de part son genre, de part le nom Solheim auquel elle a prêté allégeance en épousant un Ellingboe, son discours enflammé a fait sombrer le couple dans une rancoeur qui les a fait franchir le pas infranchissable. D'une cause juste ils firent un prétexte pour rejoindre les rangs d'un Mage noir mensonger qui fit danser devant leurs yeux le leurre d'une acceptation totale et s'engagèrent corps et âme dans le conflit qui avait lieu de l'autre côté de la Mer du Nord, plus encore que les Solheim qui rejoinrent également la rive britannique.

Fusion passionnelle, telle est la chance d'Uriel et Mojisola, tel est le fléau de Boris. Dès que le couple posa les yeux sur le bambin, ils s'attendirent à ce que le rejeton rejoigne naturellement leur dynamique, qu'il partage leurs élans, qu'il s'associe à leurs repas, qu'il comprenne leurs positions, qu'il adhère à leur rancoeur. Les projections furent nombreuses sur cet enfant innocent, aussi innocent que l'amour que ses parents se portent, aussi innocent que la chasse à la justice qui anime leurs coeurs. Aussi innocent que les roses rouge sang que Mojisola cultive dans une serre. Mais ces fleurs seront malheureusement le seul point commun entre la mère et son enfant. Aussi innocent que le souhait d'Uriel de prodiguer le meilleur à sa famille. Mais cette loyauté sera malheureusement le seul héritage que Bo accepta.

Le sang ingrédient vital de toute vie. Mais Bo aurait préféré que, pour lui aussi, il ne soit question que de garder le sien à l'intérieur de son système artériel. Cependant les probabilités étaient faibles, Uriel et Mojisola ayant mis toutes les chances de leur côté : deux demi-vampires qui procréent ensemble, ça peut difficilement donner un bébé amateur d’ail. Alors, même s'il a refusé les verres de Plasma jusqu'à ses dix ans, ses parents n'ont jamais douté, n'ont jamais redouté que le don d'immortalité lui ait échappé. Éveil tardif à la magie, éveil tardif à sa nature hybride. Mais déjà tout petit, alors qu'il observait, fasciné, les bourgeons briller sous la caresse des rayons du soleil, Bo vissait un grand chapeau sur ses oreilles. Et malgré tout, sa peau tirait. Le soir, maman lui mettait une pommade magique, un sourire extatique aux lèvres. Elle lui disait qu'il comprendrait un jour, que le cadeau des Solheim, le cadeau de la nuit, vaut bien les quelques désagréments qui l'accompagne. Peu importe s'il n'a jamais apprécié le goût ferreux du Plasma ou l'odeur visqueuse des gourdes de sang véritable que ses parents lui ont proposé à quelques reprises. Peu importe s'il abhorre chaque accent persuasif qui s'échappe d'entre ses lèvres contre son gré, s'il pleure de honte quand les caprices enfantins lui en font faire usage sur d'innocents passants. Peu importe s'il voudrait passer des journées baigné dans la lumière de l'astre diurne pour observer la nature et analyser la forme des petits nuages blancs dans le ciel bleu. Un jour, il comprendra ce cadeau de la lune.

Vigga qu'il regarde de ses grands yeux bruns, les lèvres entrouvertes. Vigga qu'il suit partout, de réceptions en réceptions, derrière laquelle il se cache quand les adultes viennent les chercher pour qu'ils retournent à table. Vigga qui s'occupe de lui quand il s'écorche le genou en essayant de la suivre dans sa course folle. Vigga qu'il comprend dans leur différence, qu'il aime même quand il ne la comprend. Vigga qu'il admire, elle et son oeil fier, elle et ses épaules, elle et sa résistance. Vigga qu'il envie parfois, pour son caractère, Vigga qu'il plaint souvent, pour sa famille. Vigga dont il écoutera toujours les mots et lira toujours le coeur au-delà de ce qu'elle admet. Vigga dont il n'imagine pas se passer, Vigga qu'il appelle dès qu'il a mal au coeur, Vigga qui l'aide à suivre sa passion même si elle ne comprend pas, Vigga qui l'encourage à la rejoindre aux quatre coins du monde, Vigga dont le sourire crée cette joie si particulière chez lui.

fleurs qu'il poursuit depuis cinq ans maintenant, fleurs qu'il a mis longtemps à trouver. Ce sont elles qui apaisent son coeur, auprès d'elles qu'il se sent le plus libre, libre de laisser resplendir son sourire. D'abord il a essayé de suivre Vigga vers la mer la terre la guerre : à l'issue de son service militaire, Bo s'est convaincu que ce n'était pas si terrible. Et puis, ça voulait dire rester avec elle dans ces dortoirs si différents de ceux dont il avait l'habitude, dans cette ambiance martiale si particulière, qui avait un quelque chose de réconfortant, étrangement. Mais à l'issue de son MORSES il a réussi à affronter l'idée que ce n'était pas là sa voie. Il a alors intégré l'institut de la nature sans but réel, parce que ça lui semblait sensé et joli, parce que, aussi, ça ne voulait pas dire quitter Durmstrang pour une autre université. A l'issue de trois années scolaires couronnées d'une réussite paisible, il a pris une année sabbatique - en même temps que Vigga. C'est là qu'il a compris que la botanique était une véritable vocation. Quand il la rejoignait à l'autre bout du monde, selon ce que les missions de la Strandgaard permettait, et qu'il passait des journées à découvrir la flore locale. Quand il a multiplié les lectures sur les plantes magiques, sur les propriétés des fleurs y compris non-magiques. Quand il a vu l'étincelle briller dans le regard de sa mère lorsqu'il lui a apporté un bouquin de poinsettia.
Alors il a reprit ses études, et cette fois, il sait où il va.