punch drunk, dumb struck
@Jasper Strandgaard

« Est-ce que tu es en train de t'excuser d'avoir décidé de consoler l'être pitoyable que je suis actuellement plutôt que de l'ignorer ou l'insulter ? Marmonne Jasper en se redressant contre lui. Tu es tout pardonné, je t'assure. »
Un sourire se peint sur les lèvres d’Ozymandias lorsqu'il remarque les joues cramoisies de son collègue. Ce dernier semble tout aussi surpris en découvrant ses boucles roses. Il y a quelque chose de rassurant – et d'étrangement satisfaisant – dans le fait de savoir qu’ils sont tous les deux aussi gênés et confus l’un que l’autre.
Il a envie de le faire rougir encore plus. D’intensifier cette lueur pastel au fond de ses iris. De capter son regard plein d'émotions qu’il ne lui connaissait pas. L’incendie s’intensifie dans ses veines et sa main tremble contre les côtes de Jasper.
« Juste…Est-ce que… Est-ce qu'on pourra ne pas… Enfin… Tu parleras pas de ça hein ? Après ? »
Sa voix tremblante, inquiète, le ramène à une réalité bien moins douce que les pensées qui commencent à lui échauffer l'esprit. L'idée de parler de ce moment à quelqu’un d’autre ne l’avait même pas traversé. Ça lui semble bien trop… intime ? Mais peut-être que Jasper ne le ressent pas ainsi, lui. Peut-être qu'il n’a simplement pas envie qu'on vienne ternir sa réputation.
« Je sais pas si ma parole vaut grand chose pour toi, mais… C’est promis. »
Est-ce qu’il va le croire ? Ozymandias ne lui a jamais donné aucune raison de lui faire confiance, c'est même plutôt l'inverse. L'idée même que Jasper puisse penser qu’il se servira de ce moment de vulnérabilité contre lui, ça lui serre le cœur. Mais il ne peut rien lui offrir d’autre que des mots pour preuve de sa bonne foi.
« Et t’es pas pitoyable, continue l’archéomage sur un ton plus sévère. Je suis pas sûr que je serais dans un meilleur état si… si je perdais quelqu'un à qui je tiens. »
Il baisse les yeux. Non, il serait exactement dans le même état, peut-être même qu'il ne serait même pas venu travailler. Jasper a bien du courage d'être là.
« Un lapin, vraiment…? »
Il se met à rire de nouveau en voyant les sourcils froncés de Jasper. Visiblement, lui non plus ne s’attendait pas à cette forme… ce qui veut dire que c’est bel et bien la première fois que Vidar la prend. Si seulement il pouvait décrypter ce que ça veut dire. Si seulement ça pouvait être à cause de lui.
« Ça lui va bien. Andy a l’air d'approuver aussi. » Dit-il, tout en ignorant ses cheveux qui continuent de rosir agressivement.

Sur le coup, quand il se redresse, il regrette un peu de l'avoir fait. C'était confortable, comme position. Intime, trop intime peut-être pour les souvenirs doux-avides que cela fait remonter, mais confortable, agréable. Plus qu'il n'aurait pu l'imaginer.
S'il n'avait jamais imaginé une telle scène entre lui et Ozymandias. Il n'était pas complètement aveugle. Il avait parfaitement noté que l'homme était très très loin d'être désagréable à regarder. On peut avoir envie de s'engueuler constamment avec quelqu'un, et admettre à côté que, ouais, il est quand même… Voilà. Mais on peut se surprendre à regarder un peu trop les fesses de ce même quelqu'un sans pour autant s'imaginer en train de faire un câlin bien trop doux avec lui pour autant. Et on peut parfaitement apprécier la plastique de cette même personne, sans sentir son don partir en vrille une fois qu'on est collé à elle.
Du moins, ça c'était la théorie. Parce que visiblement, même la théorie part en vrille, à cet instant.

Ce qui le rassure un peu, c'est de constater que ça ne part pas en vrille que chez lui, comme en témoignent les boucles d'un très joli rose qui ornent le crâne de l'archéomage. Il ne se souvient pas l'avoir déjà vu avec une couleur pareille. Et pourtant, il en a vu quelques unes, déjà. Au fond de lui, il se dit qu'il aime bien. Il n'est pas vraiment sûr et certain de la signification, il peut s'en douter peut-être un petit peu, mais il n'a pas le dico des couleurs d'Ozymandias, après tout. Mais il aime bien. C'est autre chose que le vert agressif de leurs engueulades. Ça n'amène pas le même genre de sentiment chez lui. En fait, ça lui donne envie de se laisser aller à nouveau, de suivre la pression tremblante de la main contre lui pour se recoller contre le corps du plus âgé.
Mais il réfléchit trop, Jasper. Trop vite, trop loin. Il réfléchit à son comportement, aux répercussions que cela pourrait avoir. Au fait qu'ils ne sont pas amis. Qu'une fois le moment passé, peut-être qu'il y réfléchira et se dira que c'est quand même une sacré occasion. D'autres le feraient sans hésiter. Pourrir la réputation d'un Strandgaard, c'est un peu un jeu pour beaucoup. Surtout un qui tente de s'extraire de la masse.
Lui le ferait. Avec Ozymandias ? Le doute s'inscrit dans son esprit. Est-ce qu'il le ferait, si c'était l'autre homme à sa place ? Est-ce qu'il en profiterait ? Il n'est plus très sûr, tout à coup. Plus très sûr du tout, alors que pourtant ça n'est clairement pas la moralité qui l'étouffe. Mais le… L'intimité du moment, ce côté… Spécial qui semble les réunir à cet instant… Oui, ça le fait douter sur ce qu'il pourrait faire dans une situation inversée. Il n'a bizarrement pas envie du tout de briser cette intimité, ce lien fragile qui se tisse étrangement entre les deux silhouettes blotties sous son bureau.

« Je sais pas si ma parole vaut grand chose pour toi, mais… C’est promis. » Son regard aux paillettes d'un violet pastel se porte dans celui du plus âgé, songeur, hésitant. En vérité, il ne sait pas vraiment ce que vaut la parole d'Ozymandias, pour lui. A nouveau, il réfléchit, essaie de se trouver des preuves mentales qu'il peut faire confiance à l'autre homme. Lui viennent en tête les expéditions faîtes ensembles - nombreuses, comme si le directeur s'était mis en tête qu'ils faisaient une bonne équipe - et il doit avouer que si certaines - un certain nombre, en fait - sont parties en vrille… D'une certaine manière, ils ont dû compter l'un sur l'autre pour s'en sortir, non ? C'est un peu une preuve de confiance. C'est peut-être bancale, mais ça lui va et il hoche lentement la tête, esquissant un sourire léger et hésitant. Ok. Il prend sa parole. Il fait confiance. Il espère juste ne pas le regretter. « Et t’es pas pitoyable, Je suis pas sûr que je serais dans un meilleur état si… si je perdais quelqu'un à qui je tiens. » Le ton sévère le fait grimacer, et la révélation lui fait à nouveau baisser le regard, lui rappelant trop facilement le pourquoi du comment ils en sont là à cet instant.
C'est là qu'il aperçoit Vidar et sa toute nouvelle forme. Vraiment toute, toute nouvelle. Genre, vieille de quelques minutes à peine, il en est persuadé. Son commentaire désabusé est accompagné d'un rire qu'il sent parfaitement contre son corps encore à moitié collé à l'autre et il le fixe, une vague moue boudeuse ourlant ses lèvres. « Ça lui va bien. Andy a l’air d'approuver aussi. » Le rappel de la présence de l'autre fylgja lui fait porter à nouveau son attention sur le duo de peluche et un sourire plus doux lui vient. La hase est un plus grande que le lapin au pelage noir duveteux, mais ça ne rend le duo que plus mignon encore. « J'ai l'impression qu'elle a trouvé une nouvelle peluche, oui… Je ne l'avais jamais vu comme ça, la tienne.» Il lâche, un peu songeur. Un peu amusé aussi, de voir l'accord des deux formes. « C'est la première fois qu'il… Enfin, tu le sais. Il veut jamais prendre d'autre forme. Même toute à l'heure il avait encore celle du singe…» Il pince doucement les lèvres, jette un coup d'œil en biais à l'autre sorcier. Ne rate pas les cheveux qui ont encore augmenté d'une teinte. Les siens sont toujours courts, douloureux rappel des derniers jours à s'enfoncer de plus en plus dans un tourbillon de rancœur, de tristesse et de colère, mais leur couleur est moins terne, commence même à virer dans des tons moins… Naturel.   «C'est gentil d'essayer de me rassurer, mais je sais de quoi j'ai l'air quand je pleures, tu sais. Surtout planqué sous un bureau. » Il lâche finalement, reposant enfin la tasse vide qu'il faisait jouer entre ses mains depuis tout à l'heure, réceptacle de sa gêne et de sa nervosité. Et encore il songe, Ce week end, c'était dans un placard, qu'il était. Ses doigts effleurent le paquet avec les pâtisseries et, l'air de rien, il le rapproche un peu. Sans y penser, il inspire profondément pour essayer de dénouer sa trachée, sa gorge, bref, toute cette zone qui l'empêche de respirer correctement. Il gigote à nouveau, un peu, sans pouvoir s'en empêcher. Honnêtement, il n'a pas envie de se décrocher du Mørk. Alors il essaie juste de trouver une position confortable. Il hésite, la question lui brûle les lèvres mais il doute recevoir une réponse claire si même il accepte de lui dire quoique ce soit à ce sujet, alors, un peu inquiet de briser le moment, il préfère glisser sur une autre demande, d'une voix hésitante, ses yeux porteurs de trop nombreuses émotions se reposant à nouveau dans les siens, « Tu fais quoi, toi, quand t'as l'impression que tout s'écroule et que plus rien ne fonctionne correctement dans ta vie ?» Comme maintenant. Comme des mois auparavant. Comme un peu trop souvent dans sa vie, en fait. Peut-être qu'il aurait dû lui demander la signification du rose, comme il en avait envie à la base.

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@Jasper Strandgaard

« J'ai l'impression qu'elle a trouvé une nouvelle peluche, oui… Je ne l'avais jamais vu comme ça, la tienne, souffle Jasper, le regard rivé sur les deux lapins. C'est la première fois qu'il… Enfin, tu le sais. Il veut jamais prendre d'autre forme. Même toute à l'heure il avait encore celle du singe… »
Ozymandias sourit toujours. Il se sent étonnamment en confiance, malgré la situation parfaitement inhabituelle. Et il devine que c’est aussi le cas pour sa fylgia. Elle abandonne rarement sa forme de panthère des neiges en présence d’autres personnes, surtout des gens dont son sorcier n’est pas spécialement proche. Rares sont ceux à l’avoir déjà vue sous sa forme originelle de souris, elle sait qu’Ozymandias le vivrait mal. Quant à la hase, ce n’est pas sa forme la plus… intime, mais c’est quand même quelque chose, qu’elle se risque à la montrer à Jasper.
« C'est gentil d'essayer de me rassurer, mais je sais de quoi j'ai l'air quand je pleure, tu sais. Surtout planqué sous un bureau. »
Marmonne ce dernier en reposant sa tasse vide. Il commence à se tortiller contre lui à la recherche d’une meilleure position et Ozymandias n’ose pas bouger, de peur qu’il finisse par se détacher complètement de lui. Par décider qu’il en a assez, que leur instant de vulnérabilité est terminé.
« Tu fais quoi, toi, quand t'as l'impression que tout s'écroule et que plus rien ne fonctionne correctement dans ta vie ? »
Leurs regards se croisent, l’inquiétude probablement trop lisible dans le sien. Est-ce que c’est ce qu’il ressent ? L’impression que son existence toute entière se délite sous ses yeux, sans qu’il puisse rien y faire ? Il a envie de le serrer contre lui, de glisser son visage dans son cou et de lui dire que ça va aller, que tout va s’arranger. Mais il ne veut pas lui mentir. Il n’a rien à offrir. Rien d’autre que sa présence. Sans doute une maigre consolation par rapport à ce qu’il a perdu avec Noe.
« Je me bourre la gueule. Un sourire sans joie étire le coin de ses lèvres. Mais il paraît que c’est pas une solution viable. »
À ses pieds, la hase a tourné la tête vers lui et le fixe de ses grands yeux jaunes. Il n’a même pas besoin qu’elle parle pour l’entendre, le regard sévère qu’elle lui lance en dit long. De toute façon, tu te bourres la gueule quoi qu’il arrive. C’est vrai. Parfois même plus par habitude, par réflexe, que par réelle envie de boire. Parce que c’est plus simple de tout noyer dans l’alcool pour éviter d’y penser, pour éviter de trop réfléchir. De trop ressentir.
Et puis il y a les autres, aussi. Tous les hommes qui ont défilé dans son lit, année après année. À qui il n’a, pour la plupart, jamais révélé son vrai visage, ni même son nom. Par sécurité, oui, parce que personne ne devait savoir ce qui se cachait derrière son mariage parfaitement monogame et parfaitement hétérosexuel. Mais aussi par facilité, parce que c’était plus simple de consommer les corps comme on consomme un verre, sans attaches, sans conséquences. Parce que c’était plus simple de se convaincre que c’était ce qu’il voulait. Et puis Magni et Àsvaldr étaient venus chambouler cet ordre établi, lui avaient fait regarder ses véritables désirs en face. Et maintenant… maintenant, Jasper.
« Je suis pas sûr d’avoir de bonne idée à te proposer, soupire-t-il, lorgnant à son tour vers le paquet de muffins. Il finit par l’ouvrir et, sans même réfléchir, en sort un pour le tendre à Jasper. Mais si t’as besoin de parler… »

Il arrête de remuer quand la question finit par sortir d'entre ses lèvres. Pas celle qu'il voulait à la base, mais celle-ci… Il a peur de ce que la réponse pourrait engendrer, inconsciemment. Et il préfère se cacher derrière l'argument comme quoi Ozymandias ne lui répondrait tout simplement pas. Ça peut vraiment être très intime, les couleurs arborées par les métamorphomages quand iels ne se contrôlent pas forcément. Les codes ne sont pas les mêmes pour chacun.e.s. Certaines reviennent très souvent - le noir, le gris, le marron fade pour la tristesse ou la maladie - mais c'est loin d'être le cas pour toutes les couleurs. Le bleu clair, chez lui, c'est quand il se perd dans sa curiosité, quand il est plongé dans son travail et que ça le passionne tellement qu'il en oublie de contrôler son don. Chez d'autres, ça pourrait être la peur. L'indifférence, parfois. Le dédain. Tellement de définitions différentes.
Sans compter les couleurs liées à l'intime…
Alors il fuit la question. Perd son regard dans celui, inquiet, d'Ozymandias. Pourquoi inquiet ? Pour lui ? Il se retient de détourner les yeux, mais ses joues rougissent encore, juste un peu. Il déteste cet état psychologique où il a l'impression de ne plus rien mériter. Mais il est loin de détester les sentiments… Les émotions que cela semble provoquer chez le plus vieux. « Je me bourre la gueule. Il cille légèrement à cette phrase, un vague rictus venant ourler ses lèvres, accompagnant le sourire sans joie du Mørk. Ouais, il avait testé ça. Mais il paraît que c’est pas une solution viable. » Un rire un peu désabusé lui échappe alors qu'il hoche lentement la tête. Ouais, il paraît, ouais. Ça avait été une solution très intéressante sur le moment mais… Mais en final, elle ne lui avait attirée que plus d'ennui, vu le courrier écrit complètement saoule que Noe avait reçu de lui. Son regard se perd un peu dans le vide alors qu'il pense aux derniers jours écoulés. Aux quelques souvenirs qu'il en a. Entre deux verres d'il ne sait même plus quel alcool. Il y en avait plusieurs, il lui semblait. Il y avait eu des moments où il s'était endormi. Et où il se servait un, deux, trois verres sitôt réveillé. Parce que c'était plus facile de gérer un esprit complètement saoule, que de gérer un esprit trop lucide, trop réfléchi. Qui pouvait accéder trop facilement à sa mémoire, aux souvenirs trop frais, jamais enterrés, pas comme le corps de Daegan. Pas comme son amitié avec Arsinoe. L'alcool engourdit les sentiments. C'était bien. A leurs pieds, Vidar frémit doucement sous les pensées trop assombries de son sorcier et se resserre un peu plus contre la hase, silencieux.
Jasper se souvenait très bien avoir réagi pareil après… Après Ina. Il travaillait la journée, et passait ses soirées, ses nuits, dans divers bars, se forçant à décuver pour retourner bosser sans forcément avoir dormi ne serait ce qu'une demi heure. Il passait rarement chez lui. Le vide de ce nouvel appartement ne faisait que fragmenter un peu plus son esprit qu'il tirait déjà dans un peu trop de sens différents pour tenter de comprendre, de justifier ce qu'il venait de faire.

« Je suis pas sûr d’avoir de bonne idée à te proposer, La voix douce le ramène au moment présent et il cille légèrement pour chasser les images fantômes qui cherchent à envahir un peu trop son esprit. Le bruit du sachet lui fait baisser les yeux et un sourire lui vient tout de suite quand il voit Ozymandias se saisir d'un des muffins pour lui tendre immédiatement, Mais si t’as besoin de parler… » Il hoche la tête, accepte avec plaisir la pâtisserie, un merci murmuré lui échappant alors qu'il commence directement à la grignoter. Un éclat dans le regard lorsqu'il sent parfaitement la vanille, un léger sourire. Les muffins à la vanille sont définitivement les meilleurs. Et ça lui dit quelque chose, lui rappelle un truc mais… Mais non, ça ne veut pas se faire plus clair. « J'ai essayé. » Il lâche finalement. «La solution se bourrer la gueule. J'ai tenté, ce week-end. Ça n'a pas été une grande réussite, je dois l'admettre. Je suis presque sûr que j'ai même juste… Empiré les choses.» Il hausse maladroitement une épaule, coupe un morceau de muffin pour le grignoter doucement, un peu honteux. « Mais je… J'ai juste l'impression que… A chaque fois que les choses semblent s'arranger, ne serait-ce qu'un tout petit peu, alors dans la foulée il y a … Quelque chose qui se passe. Un catastrophe, un drame, une putain d'amitié qui part en vrille alors que ça aurait pu tourner complètement autrement. Un peu comme une... une malédiction. » Il souffle fortement, comme pour évacuer l'énervement peiné qui monte et la boule dans la gorge qui revient. Ça n'est pas nouveau, que l'on pense que les Strandgaard sont maudits. Pourquoi pas lui aussi, finalement ? Sans y penser il se penche un peu plus vers Ozymandias, comme pour profiter à nouveau d'un peu plus de contact, mais il s'arrête à temps, rougit, attrape le sachet et lui tend précipitamment, « Tu devrais en prendre. J'vais tout manger sinon.» Il murmure maladroitement.

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« J'ai essayé. La solution se bourrer la gueule. J'ai tenté, ce week-end. Ça n'a pas été une grande réussite, je dois l'admettre. Je suis presque sûr que j'ai même juste… Empiré les choses. »
Jasper hausse les épaules, sans quitter son muffin des yeux. Et, une nouvelle fois, Ozymandias sent son coeur se serrer. C’est triste. De boire pour noyer ses pensées, pour engourdir son esprit. Mais plus encore de boire seul. Il trouve dans les mots de son collègue un écho bien trop fort à son propre vécu, douloureusement familier.
« Mais je… J'ai juste l'impression que… A chaque fois que les choses semblent s'arranger, ne serait-ce qu'un tout petit peu, alors dans la foulée il y a … Quelque chose qui se passe. Un catastrophe, un drame, une putain d'amitié qui part en vrille alors que ça aurait pu tourner complètement autrement. Un peu comme une... une malédiction. »
À nouveau, l’envie de le serrer contre lui et de le rassurer se fait bien trop forte. Machinalement, son corps cherche la chaleur du sien, comme s’il avait fait ça toute sa vie. Mais il n’ose pas lui demander clairement, de peur de sembler trop insistant, de donner l’impression de vouloir profiter de lui dans un moment de faiblesse.
« Tu devrais en prendre. J'vais tout manger sinon. »  Jasper lui tend brusquement le sachet, coupant court à ses pensées qui s’entrechoquent sans trouver d’exutoire. Il pioche un muffin dedans, sans grande conviction. Il n’a pas faim. Il a les émotions à vif et l’esprit bien trop préoccupé pour ça.
« Quitte à boire… tu devrais le faire avec moi, la prochaine fois. Je sais pas si ça arrangera les choses, mais ça sera plus amusant. »
L’ombre d’un sourire malicieux vient étirer le coin de ses lèvres. Il ne sait même pas d’où lui vient soudainement le courage de proposer une chose pareille à Jasper. Il est peu probable qu’il accepte, mais s’il y a une chance, même minuscule, il est prêt à la saisir.
L’alcool n'arrangerait rien aux soucis qui tourmentent son collègue, mais s’il boit quoi qu’il arrive, autant le faire en bonne compagnie. Du moins, il s’estime être une bonne compagnie. Et puis, lui-même ayant plus de facilités à dire les choses en étant alcoolisé, peut-être que c’est pareil pour Jasper. Ils s’étaient bien entendus, la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés bourrés ensemble, au nouvel an 2023. Une parenthèse inattendue dans le chaos de leur relation, une trêve de quelques heures qu’il a l’impression d’avoir rêvée, tant ça lui a semblé irréel. Peut-être que… ça pourrait débloquer quelque chose entre eux, cette fois-ci.

Il était vraiment à deux doigts de replonger contre lui, de se caler à nouveau confortablement contre son corps, la tête dans son épaule avec comme seule préoccupation de savoir si oui ou non, c'était viable de rester sous ce bureau indéfiniment. S'ils rationnent les muffins, peut-être…
Ça avait été tentant, surtout qu'il avait cru… Il avait eu l'impression que, peut-être, Ozymandias cherchait lui aussi à se rapprocher. A lui offrir le réconfort de ses bras. Mais il avait coupé court avant de pouvoir vérifier si c'était juste sa tête qui espérait un peu trop fort, ou si c'était la réalité. Et il regrettait. Un peu. Beaucoup. Parce qu'ils étaient quand même réconfortants, ses bras.
Mais ça réveille trop d'interrogation dans son esprit. Sur lui-même. Sur l'autre archéomage. Ça lui rappelle la réserve sans qu'il ose pour autant en parler clairement. Et le plus vieux n'en parle pas non plus. Alors est-ce que c'est parce que c'est pas exactement le moment - il imagine sans mal que trouver son collègue en larmes sous son bureau ne doit pas vraiment ouvrir à ce genre de dialogue - ou est-ce que c'est juste que ça n'avait aucune importance, que c'était juste une réaction… Étrange, dans un moment de tension intense. Et voilà. Fin de l'histoire. Est-ce qu'il veut que ça soit la fin de l'histoire ? La question laisse une marque brûlante au creux de son ventre, mais il l'enterre très très loin de la surface.
Le froissement du sachet le sort de ses pensées trop confuses et il baisse le bras après qu'il ait récupéré un gâteau à l'intérieur. « Quitte à boire… tu devrais le faire avec moi, la prochaine fois. Je sais pas si ça arrangera les choses, mais ça sera plus amusant. » Il hausse un sourcil, surpris par la proposition, ses yeux scrutant brièvement le visage de son vis à vis, effleurant le sourire malicieux avant de se détourner. Un léger sourire vient ourler ses propres lèvres, après quelques instants. « Tu sais quoi… Pourquoi pas ?» Il lâche soudain sans pour autant oser le regarder. « Dans mes souvenirs, on a un bon potentiel de chaos à libérer, quand on est bourré ensemble.» Il relève les yeux vers lui, sourire amusé aux lèvres, le corps se penchant légèrement pour venir taper en douceur l'épaule de son collègue. Les souvenirs du nouvel an 2023 ne sont pas très clairs, mais il se souvient parfaitement s'être vraiment amusé. Et il se souvient parfaitement qu'Ozymandias était là, et qu'en réalité ils avaient passé pas mal de temps ensemble ce soir-là. « Et ça sera toujours moins triste que vider les bouteilles de mon frigo, tout seul, les unes après les autres, mh ?» Il ne sait pas quand sera la prochaine fois. Il aime à croire que quand il rentrera chez lui ce soir, ça ira mieux. Peut-être que ça sera le cas. Il n'ira pas formidablement bien, mais… Cette parenthèse-là, avec lui, ça lui a fait du bien. Ça lui fait du bien. « Par contre j'espère juste que l'on est pas condamné à bien s'entendre uniquement quand on est saoule, ou que l'un de nous est triste.» Il lâche ça sur le ton de l'amusement, mais son regard fuit à nouveau, un peu confus de l'aveu caché derrière comme quoi ça ne le dérangerait pas tant que ça, qu'ils s'entendent bien en dehors de ces moments-là.

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Jasper le fixe quelques instants sans rien dire, visiblement surpris, avant de détourner le regard.
« Tu sais quoi… Pourquoi pas ? »
C’est au tour d’Ozymandias d’être surpris. Il ne s’attendait pas à ça, n’avait même pas osé l’espérer. Non, il s’était plutôt attendu à ce que Jasper décline l’invitation, à ce qu’il lui rétorque que ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas en train de s’engueuler, là, tout de suite, qu’ils sont amis. Ce qui est vrai. Ils ne sont pas amis. Ils ne l’ont jamais été. Et pourquoi est-ce que ça lui serre autant la gorge, maintenant, de réaliser le fossé qui les sépare ?
« Dans mes souvenirs, on a un bon potentiel de chaos à libérer, quand on est bourré ensemble. »
Il frissonne au contact de l’épaule de Jasper contre la sienne, et son sourire refait aussitôt surface. Ils repensent sans aucun doute à la même soirée. Il n’y en a pas beaucoup d’autres qu’ils ont partagées, encore moins où ils se sont bien entendus. Qu’est-ce qui a fait que cette fois-là, ça marchait ? L’alcool leur avait-il simplement fait oublier momentanément leur inimitié, ou bien, au contraire, n’avait-il fait que révéler une vérité qu’ils s'appliquent à cacher : la rancœur qu’ils nourrissent l’un pour l’autre est vide de sens, elle l’a toujours été. Ils n’ont aucune réelle raison de se détester avec autant de véhémence.
« Et ça sera toujours moins triste que vider les bouteilles de mon frigo, tout seul, les unes après les autres, mh ? »
Il hoche doucement la tête. Boire seul, c’est ce qu’il y a de plus triste, selon lui. Pourtant, il le fait souvent lui-même. Quand il n’a personne à voir, à satisfaire, personne d’autre sur qui se concentrer pour éteindre ses pensées.
« Par contre j'espère juste que l'on est pas condamné à bien s'entendre uniquement quand on est saoule, ou que l'un de nous est triste. » Ajoute Jasper, le regard fuyant.
Une petite lueur d’espoir s’allume dans le cœur d’Ozymandias. Est-ce qu’il est vraiment en train de dire qu’il aimerait bien qu’ils s’entendent… dans un contexte normal ? Au musée, par exemple ?
« J’espère aussi. Pas sûr que le directeur approuve qu’on soit tous les deux bourrés au boulot. »
Lui aussi, il essaye de répondre sur le ton de la plaisanterie. Il ignore son cœur qui bat beaucoup trop fort.
« Tu sais, je suis sûr qu’il te laisserait prendre quelques jours pour toi, si t’en as besoin. Tu devrais lui demander. » Ajoute-t-il, tout en croquant dans son muffin.