1974 « Il faut laisser ton père travailler, il est très occupé. » Un murmure dans leur grande demeure londonienne, qui a toujours été beaucoup trop calme. Maxwell a sept ans, à peine, mais il sait déjà beaucoup de choses. Il sait qu’il n’a pas le droit d’entrer dans le bureau. Il sait que quand son père rentre de Sainte-Mangouste le soir, ce n’est pas pour autant que sa journée de travail est finie. Il jette un coup d’oeil par la porte qui mène au bureau, auquel son père vient de s’installer. Il ne voit que son dos, encore une fois.

Septembre 1978 Le choixpeau est posé sur sa tête et tout devient noir autour de lui. Puis, il l’entend, à l’intérieur de son crâne. Maxwell sursaute. Il a beau avoir été prévenu, savoir comment la Répartition se passait, il n’est pas sûr d’apprécier cette sensation, cet objet magique qui semble fouiller dans chaque recoin de sa tête, qui analyse sa personnalité pour savoir dans quelle maison le répartir. Et il hésite, le choixpeau, il hésite longtemps. Serpentard, pense-t-il, avec autant de conviction que possible. Le choixpeau hésite avec Serdaigle, mais Maxwell n’arrive à voir que la maison de son père. Il sait que celui-ci ne porte pas beaucoup d’importance aux maisons, même s’il l’a déjà entendu faire des plaisanteries sur Poufsouffle et Gryffondor. Mais il veut désespérément l’imiter, il veut marcher dans ses traces, il a désespérément besoin de savoir qu’il le rend fier. Et il se dit que s’il essaye de tout faire comme lui, ça marchera peut-être un peu.

Novembre 1981 « Tu as entendu ? Il paraît que Tu-Sais-Qui est mort ! » « Arrête de dire des bêtises, tu crois vraiment que quelqu’un comme lui peut mourir ? Ça ne peut pas être vrai, si ? » « Si, ma mère travaille au ministère de la magie, elle me l’a confirmé. La guerre est finie ! » « Il paraît même que c’est un bébé qui l’a tué… Enfin, c’est ce qu’on m’a dit... » « Oui, les Potter... » « Mais c’est n’importe quoi ! »
Jamais une rentrée scolaire n’avait semblé aussi confuse. L’évènement était sur toutes les lèvres, mais il avait déjà été déformé par le fait d’avoir été racontée des dizaines, centaines, milliers de fois. Maxwell, âgé de 14 ans, se souvient parfaitement de ce moment. Lorsque la guerre a commencé, il était jeune, trop jeune pour se rappeler d’un moment où Voldemort n’était pas une menace présente dans l’esprit de tous les sorciers anglais.

Septembre 1985 Début de ses études de médicomagie.

1986 Il ne se souvient pas vraiment de comment il a fait la rencontre de Kai. Ça s’est fait progressivement, à force de toujours se croiser, de discuter, d’apprécier la présence de l’autre. Mais il y a des fois où il regrette d’avoir poussé le choixpeau à l’envoyer à Serpentard.

1988 Kai, Kai, Kai. Il n’arrive à penser à absolument rien ou personne d’autre.

1990 Il ne recommande à personne d’avoir des sentiments pour son meilleur ami.

1991 Maxwell fait ses débuts à Sainte Mangouste, dans la section de pathologie des sortilèges.

1997 Le mariage de Kai et Clarice le rend heureux. Ils sont toujours bien allés l’un avec l’autre, et les voir sourire comme ça le transporte de joie, lui aussi. Il y a longtemps qu’il s’est fait à l’idée, mais il reste content de pouvoir rester dans la vie de Kai, qui lui a demandé d’être le parrain de leur enfant à naître. Évidemment qu’il a accepté. Il aimerait cependant que son coeur arrête de s’emballer quand il le regarde comme ça, avec son sourire rayonnant. Ça commence à faire un paquet d’années. Il se demande pourquoi ça lui est si compliqué de tourner la page, alors que tout le monde semble réussir à passer outre leurs sentiments, avec plus ou moins de facilités. Il a trente ans, désormais. Parfois, il a un peu honte.  

1998 morts, sang
Aftermath. La bataille est finie. Ils ont gagné. Ils ont gagné, et personne ne sourit. Voldemort est mort, et cette fois-ci pour de bon. Son corps inanimé est resté trop longtemps dans la cour, pendant que tout le monde se laissait aller à des explosions de joie. Mais désormais, Maxwell a l’impression qu’il n’y a pas de vainqueur. Juste des survivants. Le hall de Poudlard s’est transformé en hôpital, le temps de quelques jours. Il ne reste plus que les médicomages, les blessés et les morts. Sa baguette à la main, il murmure les sortilèges, il referme les blessures comme il peut, il essaye de les rassurer. Et puis, il s’occupe de Cecil. Les blessures qui lui ont été faites formeront des cicatrices qui ne se refermeront jamais, peu importe le talent du médicomage qui s’est occupé de lui. Cecil, qu’il a formé lorsqu’il est arrivé à Sainte Mangouste. Au moins, il est encore en vie, lui. Maxwell est fatigué, épuisé. Il n’a pas l’impression d’avoir gagné. Il a envie d’aller voir Kai, mais il se doute que celui-ci ne veut pas le voir, ne veut voir personne. Clarice a disparu. Elle ne fait pas partie des victimes de la bataille pourtant, ou alors son corps n’a pas été retrouvé. C’est sûrement ça le pire, en pas savoir. Il veut être là pour Kai, tout en sachant pertinemment qu’il faut qu’il le laisse tranquille. Lui, il soigne les blessures physiques, mais il ne sait pas réparer les esprits. Il prend une pause, il va s’isoler, dans un couloir de l’école. Il vérifie qu’il n’y a personne. Il sent quelques larmes couler sur ses joues, et ça l’étonne, parce qu’il se sent complètement vide. Ses larmes tombent, s’écrasent sur ses mains, et il les regarde se mêler au sang des victimes de cette catastrophe. ‘‘Victoire,’’ diront les journaux demain matin. Victoire.

2003 tw : mention de torture
Il sort de la pièce, le souffle court, referme la porte derrière lui. Il ne l’avait pas vu pendant des mois. Il en avait perdu le sommeil, l’appétit. D’abord Clarice, puis Kai. Il avait disparu lui aussi, et personne ne semblait pouvoir le retrouver. Puis, hier, des Aurors sont arrivés en catastrophe dans le service, alors que Maxwell allait bientôt rentré chez lui. Il avait rarement vu quelqu’un en un si mauvais état. Séquestré, apparemment. Torturé. Maxwell vient juste de lui rendre visite, mais ça ne l’a absolument pas rassuré. Les yeux de Kai lui ont fait peur. Il n’y avait plus rien à l’intérieur, plus aucune étincelle. Il se rappelle de leurs soirées passées ensembles, à Poudlard et après. Il se souvient des rires qu’ils ont échangés. L’homme dans la pièce qu’il venait de quitter lui faisait penser à un fantôme.

2006-2007 Victoria Beamish. Elle et Maxwell était à Poudlard ensemble, dans la même maison, mais ils n’ont jamais été très proches. Ils se sont souvent croisés, mais jamais arrêté pour apprendre à se connaître plus que ça. Ces derniers temps, il se retrouve à penser à elle, ils passent du temps ensembles, discutent, s’invitent. Se rapprochent. Se marient.

2012 Presque sur un coup de tête, ils décident d’aller s’installer à Göteborg. Depuis des années, Victoria et Maxwell se disaient que l’ambiance londonienne leur pesait, qu’ils avaient envie d’aller voir ailleurs. Lorsque Victoria est tombée enceinte, ils se sont dit que c’était le bon moment pour partir. Naturellement, Maxwell s’est tourné vers la Scandinavie, à cause de ses origines suédoises, même s’il n’a jamais été très proches de cette partie de sa famille. Lorsqu’il était petit, il parlait suédois avec sa mère, et s’il n’est plus bilingue comme il a pu l’être, il comprend encore parfaitement et peut se faire comprendre. Mais dès le début, le couple s’est mis d’accord : leur enfant ne fera pas sa scolarité à Durmstrang.

2013 Naissance d’une petite fille, Nia. Maxwell ferait tout pour elle, absolument tout.

2017 Maxwell accède au poste de direction du service des blessures par sortilèges, au Sindri Sjukhus.

Décembre 2019 tw : sang, blessures.
Une urgence. Encore une. C’est à lui de devoir s’en charger, ce soir, et ça le fatigue. Maxwell arrive rapidement sur les lieux, quelques minutes avant le reste de son équipe. Une blessure  grave, lui a-t-on dit. En quelques minutes, il est auprès de la victime, dans sa maison. Mais tout de suite, il voit que quelque chose ne voit pas. La chair est déchiquetée, sa jambe est pratiquement en lambeaux. La femme devant lui n’a plus que quelques minutes à vivre s’il ne fait rien, selon ses estimations. Mais il ne comprend pas. Il ne connaît aucun sortilège qui aurait pu faire ça. Non, c’est une morsure. Alors pourquoi avoir appelé son service, et non pas celui des blessures causées par des créatures magiques ? « Ne lui faites pas de mal, » lui dit-elle dans un souffle, une lueur désespéré au fond des yeux. Et il l’entend. Un grognement, qui vient du fond de la pièce. Le bruit de quelqu’un, quelque chose, qui se jette désespérément contre la porte. Qui la détruit. En quelques secondes, le loup-garou est sur lui. Une douleur fulgurante lui transperce l’épaule, et c’est plus par réflexe qu’autre chose qu’il réussit à hurler un sortilège qui envoie la bête à l’autre bout de la pièce. Il a de la chance qu’elle ait décidé d’attaquer son bras gauche. Mais la douleur ne se calme pas, loin de là. Chaque pulsation de son cœur lui fait de plus en plus mal, et il voit le loup-garou prêt à revenir sur lui. Il essaye de garder connaissance, mais soudainement, tout devient noir autour de lui. Il se réveille dans un lit d’hôpital, de son hôpital. À l’écart.

Janvier 2020 Il ne sait pas vraiment encore comment la rumeur ne s’est pas répandue dans tout son service. Peut-être que c’est le cas, en fait, il n’en a aucune idée. Peut-être qu’on n’ose juste pas lui en parler. En tout cas, cette morsure n’a certainement pas arrangé les choses. Lorsqu’il l’a annoncé à Victoria, c’en a été trop. Depuis quelques années déjà, leur lien s’était effilé, petit à petit. Ils restaient surtout ensemble pour Nia, et ils leur semblaient à tous les deux que les liens du mariage semblaient plus les enchaîner l’un à l’autre qu’autre chose. Non, le divorce, il aurait pu le supporter sans trop de soucis, peut-être même en étant soulagé. Mais c’est la peur qu’il a vu dans ses yeux qui l’a détruit. La méfiance. L’impression d’être un étranger, d’être devenu dangereux du jour au lendemain. Elle est partie le soir-même, disant qu’elle avait besoin d’espace, et elle a pris Nia avec elle. Elle ne peut plus la laisser avec lui, lui a-t-elle dit. Pour son propre bien. La pleine lune avait beau être passé, ça n’y changeait rien. Les stéréotypes à propos des loups-garous étaient tenaces. Depuis, ils ont enclenchés une procédure de divorce, et Victoria demande la garde exclusive de Nia. Maxwell peut la voir pendant les week-ends, mais elle n’a pas le droit de passer la nuit chez son père. Il aimerait pouvoir se défendre, prouver qu’il ne mérite pas ce traitement, mais la dernière chose qu’il souhaite, c’est que cette affaire soit menée devant un tribunal. Il ne veut pas que Nia voit ses parents se battre, se détester. Et il sait pertinemment que, malgré les avancées au sujet des droits des loups-garous, il suffirait à Victoria de prononcer le nom de sa condition pour gagner. Alors il courbe l’échine, pour l’instant.